Cession de créance confirmée et saisie validée

Notez ce point juridique

Sur la qualité à agir de la société Eos France

La société Éos France a la qualité de créancier légitime de M. [U] en vertu de la cession de créance établie par la société CA Consumer Finance. Les éléments fournis, tels que les ordonnances d’injonction de payer, le plan de surendettement et l’acte de cession de créances, prouvent la légitimité de la société Éos France en tant que créancier.

Sur l’opposabilité de la cession de créance

La cession de créance de la société CA Consumer Finance à la société Éos France est opposable à M. [U]. La signification de la cession de créance avec commandement de payer aux fins de saisie vente contient toutes les informations nécessaires pour informer le débiteur cédé du changement de créancier, rendant ainsi la cession opposable à M. [U].

Sur le caractère non avenu de l’ordonnance d’injonction de payer

L’ordonnance d’injonction de payer n°1998/1791 est considérée comme non avenue, car elle a été signifiée à M. [U] dans les délais requis. La mention de la signification au pied de l’ordonnance prouve que la signification a bien eu lieu, et par conséquent, l’ordonnance est toujours valide et exécutoire.

Sur la prescription des titres exécutoires

Les titres exécutoires, en l’occurrence les ordonnances d’injonction de payer de 1998, ne sont pas prescrits. La prescription décennale s’applique, et les actes d’exécution forcée ont interrompu la prescription, permettant ainsi à la société Éos France de poursuivre l’exécution des titres.

Sur l’insaisissabilité des meubles

Les meubles saisis chez M. [U] ne sont pas considérés comme insaisissables, car il n’a pas apporté la preuve de leur caractère indispensable à sa vie et à son travail. La présomption de propriété s’applique, et M. [U] n’a pas réussi à prouver que les biens saisis ne lui appartenaient pas.

Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive

La demande de dommages-intérêts pour saisie abusive est rejetée, car M. [U] n’a pas pu prouver le préjudice moral qu’il allègue. La société Éos France n’a pas commis de faute, et la signification des actes de saisie a été effectuée conformément à la loi.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [U] est condamné aux dépens en appel, et la demande de la société Éos France au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée. Les frais non compris dans les dépens restent à la charge de la société Éos France, compte tenu des situations économiques respectives des parties.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 09/11/2023

N° de MINUTE : 23/941

N° RG 22/05156 – N° Portalis DBVT-V-B7G-USPK

Jugement rendu le 25 Octobre 2022 par le Juge de l’exécution de Saint-Omer

APPELANT

Monsieur [T] [U]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline Veniel, avocat au barreau de Saint Omer, avocat constitué

INTIMÉE

SASU EOS France

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Eric Bohbot, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 29 juin 2023 tenue par Catherine Convain magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023 après prorogation du délibéré du 28 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 6 juin 2023

EXPOSE DU LITIGE

Les 18 novembre et 22 décembre 1997, M. [T] [U] a souscrit auprès de la société Sofinco deux offres de prêt.

Par ordonnance n° 1998/1791 rendue le 30 octobre 1998, le tribunal d’instance d’Annecy a condamné M. [U] à payer à la société Sofinco la somme en principal de 7 802,31 francs (soit 1 189,46 euros) avec intérêts au taux contractuel de 18,04% l’an à compter du 30 juillet 1998 ainsi que la somme de 126,63 francs (soit 57,91 euros) au titre des frais accessoires, outre les dépens.

Par ordonnance n° 1998/1972 rendue le même jour, le tribunal d’instance d’Annecy a également condamné M. [U] à payer à la société Sofinco la somme en principal de 8 657,04 francs (soit 1 319,76 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1998, ainsi que la somme de 253,26 francs (soit 72,53 euros) au titre des frais accessoires et les entiers dépens.

Par actes du 10 novembre 1998, ces ordonnances ont été signifiées à M. [U] puis revêtues de la formule exécutoire le 18 décembre 1998.

L’ordonnance n° 1998/1972 assortie de la formule exécutoire a été signifiée à M. [U] en même temps qu’un commandement de payer aux fins de saisie-vente par acte du 5 janvier 1999.

Selon procès-verbal du 11 février 1999, la société Sofinco a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [U]. Partiellement fructueuse, cette mesure d’exécution lui a été dénoncée par acte du 16 février 1999.

Par acte du 3 décembre 2001, la société Sofinco a fait signifier à M. [U] un itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Selon procès-verbal du 24 mai 2002, la société Sofinco a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [U] qui s’est révélée infructueuse.

A partir du 1er avril 2010, la société Sofinco a changé de dénomination sociale pour devenir CA consumer finance.

Par acte du 31 janvier 2017, la société CA consumer finance a cédé à la société EOS credirec un ensemble de créances dont celle détenue à l’encontre de M. [U].

Par lettre du 25 avril 2017, cette cession de créance a été notifiée à M. [U].

Par acte du 23 mai 2018, la société EOS credirec a fait signifier à M. [U] la cession de créance intervenue le 31 janvier 2017 en même temps qu’un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

La société EOS credirec a changé de dénomination sociale au profit d’EOS France.

Par acte du 9 septembre 2021, la société EOS France a fait signifier à M. [U] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Selon procès-verbal du 4 novembre 2021, certains meubles de M. [U] ont été saisis, à savoir une télévision, une banquette trois places, un meuble de télévision, un ordinateur portable, une table, quatre chaises et un coffre bois.

Par acte du 2 décembre 2021, M. [U] a fait assigner la société EOS France devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Omer aux fins notamment d’annulation du procès-verbal de saisie-vente du 4 novembre 2021.

Par jugement contradictoire du 25 octobre 2022, le juge de l’exécution a :

– rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir de la société EOS France et de la prescription de l’exécution des titres exécutoires ;

– partant, rejeté la demande de M. [U] tendant à voir annuler le procès-verbal de saisie-vente du 4 novembre 2021 ;

– dit que la société EOS France a qualité à agir en recouvrement de la créance résultant des ordonnances d’injonction de payer rendues le 30 octobre 1998 par le tribunal d’instance d’Annecy n° 1998/1791 et n° 1998/1972 ;

– débouté M. [U] de sa demande tendant à voir déclarer certains meubles objets de la saisie insaisissables ;

– débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts ;

– débouté la société EOS France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [U] aux entiers dépens.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 7 novembre 2022, M. [U] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société EOS France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 décembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

– réformer le jugement du 25 octobre 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société EOS France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– juger que la société EOS France ne dispose à son encontre d’aucun droit de créance ni titre exécutoire ;

– juger que les titres exécutoires en vertu desquels la saisie est pratiquée sont prescrits ;

– juger la cession de créance dont se prévaut EOS France à son égard inopposable ;

– juger abusive et nulle la saisie-vente du 4 novembre 2021 ;

En conséquence,

– annuler le procès-verbal de saisie-vente du 4 novembre 2021 et ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-vente ;

A titre subsidiaire,

– juger insaisissables la banquette 3 places, l’ordinateur portable, la table et les 4 chaises ;

En tout état de cause,

– condamner la société EOS France à lui régler la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice consécutif à une saisie abusive et brutale ;

– condamner la société EOS France aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et de la somme de 2 000 euros pour la procédure d’appel ;

– débouter la société EOS France de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 juin 2023, la société EOS France demande à la cour de :

– débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement du 25 octobre 2022 rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Omer en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– condamner M. [U] aux entiers dépens ;

– condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ce qu’autorise l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé du surplus de leurs moyens

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la qualité à agir de la société Eos France

Attendu que selon l’article L 221-1 alinéa premier du code des procédures civiles d’exécution, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier » ;

Qu’il résulte par ailleurs de l’article 1321 du Code civil que la cession de créances a pour effet d’emporter de plein droit le transfert au cessionnaire des droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire détenu par le cédant ;

1) Sur la qualité de créancier de la société Éos France

Attendu qu’il incombe à l’organisme qui se prévaut d’une cession de créance à son profit d’en apporter la preuve ;

Que l’acte de cession doit contenir les éléments permettant une individualisation de la créance cédée ; que le montant de la créance cédée ne constitue pas une mention devant figurer obligatoirement dans l’acte de cession ;

Attendu que M. [U] soutient que la société Éos France n’apporte pas la preuve de la cession de créance, faisant valoir notamment que la créance cédée n’est pas suffisamment identifiable faute pour la cession de créance de préciser une référence se rapportant soit au prêt dont cette créance résulte, soit aux titres exécutoires, soit au montant de la créance concernée, et qu’il ne peut être tenu compte, comme l’a fait le premier juge, de l’ « attestation de cession de créance » alors que la personne qui aurait signé ce document n’est directrice de recouvrement au sein de la société CA consumer finance que depuis mai 2018 soit postérieurement à la cession ;

Que pour sa part, la société Éos France soutient qu’elle démontre se trouver aux droits du créancier d’origine ;

Attendu en premier lieu que la société Éos France justifie, par la production aux débats de la copie d’un avis publié dans le journal d’annonces légales « affiches parisiennes et départementales » des 3, 4, 5 et 6 avril 2010 (N° 40), que suivant une délibération en date du 1er avril 2010, l’assemblée générale mixte de la société Sofinco a décidé d’approuver dans toutes ses dispositions, d’une part, le projet de traité de fusion signé le 19 février 2010 avec la société Finaref, société de financement pour l’équipement familial immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Roubaix sous le n° 305207706, aux termes duquel cette dernière a fait apport, à titre de fusion, à la société Sofinco de l’ensemble de son patrimoine et, d’autre part, le projet de traité de fusion signé le 19 février 2010 avec la société Crédit Agricole consumer finance, aux termes duquel cette dernière a fait apport, à titre de fusion, à la société Sofinco de l’ensemble de son patrimoine ; qu’il ressort de ce même avis que dans sa délibération du 1er avril 2010, l’assemblée générale a décidé d’adopter comme dénomination sociale CA Consumer Finance aux lieu et place de Sofinco ;

Que contrairement à ce que prétend M. [U], cette parution légale est suffisante pour établir que la société Sofinco a absorbé la société Finaref et a changé de dénomination sociale pour devenir CA Consumer Finance ;

Qu’il est ainsi établi que la société CA Consumer Finance est, à compter du 1er avril 2010, venue aux droits de la société Sofinco au profit de laquelle les ordonnances d’injonction de payer du 30 octobre 1998 n° 1998/1791 et n°1998/1792 ont été rendues ;

Que par ailleurs, la société Éos France produit un extrait K bis du registre du commerce et des sociétés dont il résulte que la société Éos Credirec, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 488825217, est, par changement de dénomination sociale, devenue Éos France ;

Attendu en second lieu que la société Éos France verse notamment aux débats :

– les offres préalables de crédit n°52081046842 et n°35080689182, acceptées par M. [U] respectivement le 18 novembre 1997 et le 22 décembre 1997

– les ordonnances d’injonction de payer exécutoires n° 1998/1791 et n°1998/1792, rendues par le juge du tribunal d’instance d’Annecy le 30 octobre 1998

– le plan conventionnel de redressement établi par la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Savoie le 31 août 1999 avec un numéro de dossier reprenant la référence des deux offres préalables de crédit (52081046842 et 35080689182), plan qui regroupe les deux créances pour un montant de 20 399 euros

– le tableau d’amortissement établi par la société Sofinco pour la mise en place du plan de surendettement pour le règlement de sa créance de 20 399 euros, à savoir 18 mensualités de 309,38 euros puis 12 mensualités de 1402,38 euros, avec le numéro de « référence dossier » unique de 35018564401

– l’acte de cession de créances du 31 janvier 2017 aux termes duquel la société CA consumer finance a cédé à la société Éos Credirec un « Lot 2 : un lot de 78 383 créances (et les droits et accessoires qui y sont attachés) d’une valeur faciale de 296 582 084 euros, dont les moyens de désignation et d’individualisation figurent dans le fichier gravé sur CD-Rom intitulé « CACF’ÉOS’Détails Créances Lot 2’Janvier 2017 » joint aux présentes. »

– une feuille qui y est agrafée et qui mentionne : « Id-Ligne 60 243 – Lot 2 – Identifiant Créance 35018564401 – Nom Débiteur [U] – Prénom Débiteur [T] – Date de naissance 04/04/1975 »

– un courrier émanant de la société CA consumer finance en date du 5 avril 2022, avec un objet intitulé « attestation de cession de créance », par lequel cette dernière atteste avoir cédé à la société Éos Credirec devenue Éos France aux termes du contrat de cession de créances du 31 janvier 2017, la créance référencée 35018564401 de M. [U] résultant des offres préalables de crédit référencées 52081045842 et 35080689182 auprès de la société Sofinco le 18 novembre 1997 et le 22 décembre 1997, de l’ordonnance d’injonction de payer n°1998/1791 rendue le 30 octobre 1998 par le tribunal d’instance d’Annecy pour un montant en principal de 7802,31 francs soit 1189,46 euros et de l’ordonnance d’injonction de payer n°1998/1792 rendue le 30 octobre 1998 par le tribunal d’instance d’Annecy pour un montant en principal de 8657,04 francs soit 1319,76 euros ;

Qu’au regard de l’ensemble de ces éléments et notamment du feuillet joint à l’acte de cession de créances, corroboré par l’attestation de la société CA consumer finance du 5 avril 2022, peu important ainsi que l’a retenu à juste titre le premier juge que la directrice de recouvrement qui a signé cette attestation, ait été ou non en fonction au moment même de la cession de créances puisque son attestation porte sur des informations détenues par la société CA consumer finance notamment sur la nature des créances cédées, la société Éos France rapporte donc bien la preuve de sa qualité de créancier ;

2) Sur l’opposabilité de la cession de créance

Attendu qu’aux termes de l’article 1324 du Code civil, « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. » ;

Que la notification de la cession de créances qui a pour objet d’informer le débiteur du changement de créancier, peut résulter d’une assignation, de conclusions, d’un commandement aux fins de saisie pourvu qu’ils fassent mention de la cession et contiennent les précisions requises ; que pour que l’acte de cession soit opposable au débiteur, il n’est pas exigé que l’acte de notification comporte la copie intégrale de l’acte de cession, ni même qu’il le reproduise par extraits ; qu’il suffit qu’il contienne les mentions nécessaires à l’information du débiteur cédé ;

Attendu que M. [U] se prévalant notamment de la directive européenne 2005/29/CE et d’un arrêt de la cour de justice de l’union européenne du 20 juillet 2017 GELVORA UAB (n°0217-016816), ainsi que d’un arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 22 février 2022 (n°21/02/2155) qui a jugé que l’abus de droit doit être sanctionné par l’inopposabilité de la cession, reproche au premier juge d’avoir estimé qu’il n’y avait aucun abus car il avait été informé de la cession par courriers du 25 avril 2017 et du 15 décembre 2017 alors qu’il n’a jamais reçu ces courriers et qu’il est resté 18 ans sans nouvelles de la société Sofinco, et qu’au regard de la modestie de sa situation, la reprise du recouvrement forcé des deux contrats de crédit à la consommation plusieurs années après l’arrêt des poursuites doit être qualifiée d’abusive, et que pour cette raison, la cour ne peut admettre l’opposabilité de la cession à son égard et la validité des poursuites engagées par la société Éos France ;

Mais attendu que d’une part, il ne peut être déduit de la directive européenne et de l’arrêt européen précités que par principe, le rachat de créances par une société de recouvrement est une pratique commerciale qui doit être civilement sanctionnée par l’inopposabilité de la cession ;

Que d’autre part, s’il n’est pas établi que le courrier du 25 avril 2017 qui mentionne la cession de créance référencée 35018564401 et le courrier du 15 décembre 2017 qui concerne la même créance référencée 35018564401 ont été bien reçus par M. [U], en revanche l’acte de signification de la cession de créance avec commandement de payer aux fins de saisie vente du 23 mai 2018 comporte tous les éléments permettant une information exacte du débiteur cédé puisqu’il mentionne l’acte sous-seing privé du 31 janvier 2017 par lequel la société CA consumer finance a cédé à la société Éos credirec une créance un montant en principal de 2509,22 euros portant notamment la référence 35018564401 ainsi que tous ses accessoires dont un titre exécutoire constatant judiciairement cette créance, et qu’il se réfère par ailleurs à une ordonnance d’injonction de payer rendue par le juge d’instance d’Annecy le 30 octobre 1998 signifiée en date du 10 novembre 1998, revêtue de la formule exécutoire le 18 décembre 1998 et signifiée le 5 janvier 1999, portant la référence 1998/1791-1998/1792 et reprend dans le décompte des sommes à payer le principal du titre 1998/1791 pour la somme de 1189,48 euros et le principal du titre 1998/1792 pour la somme de 1319,76 euros ;

Qu’ainsi, la signification de la cession de créance avec commandement de payer aux fins de saisie vente en date du 23 mai 2018 qui comprend notamment les désignations précises des ordonnances d’injonction de payer (1998/1791 et 1998/1792) à l’origine de la créance, contenant toutes les mentions nécessaires à l’information de M. [U] sur la cession de sa créance par la société CA consumer finance à la société Éos credirec devenue Éos France, cette cession de créance est opposable à M. [U] ;

3) Sur le caractère non avenu de l’ordonnance d’injonction de payer

Attendu qu’aux termes de l’article 1411 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en l’espèce, « une copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance portant injonction de payer est signifiée, à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs et l’ordonnance est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date. » ;

Attendu que M. [U] soutient que l’ordonnance d’injonction de payer n°1998/1791 pour une somme de 7802 francs ne lui a pas été signifiée ni fait l’objet d’aucune mesure d’exécution forcée de sorte qu’elle et non avenue ;

Mais attendu que l’existence de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer du 30 octobre 1998 n°1998/1791 est établie par la mention portée par le greffier au pied de cette ordonnance qui indique que la signification à M. [U] a été effectuée le 10 novembre 1998 à mairie, avant d’y apposer la formule exécutoire le 18 décembre 1998 en l’absence d’opposition ; qu’il ne résulte d’aucun élément de la procédure que cette indication ait été portée de manière erronée ;

Que c’est donc exactement que le premier juge a considéré que la mention par le greffier en chef du tribunal d’instance d’Annecy de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer n°1998/1791, vérification obligatoirement effectuée avant la délivrance de l’ordonnance exécutoire, suffisait à démontrer l’existence de cette signification, malgré l’absence de production du procès-verbal de signification dans le cadre de la présente instance, et que partant, le titre était régulier et n’encourait pas la sanction prévue par l’article 1411 alinéa 2 du code de procédure civile en cas de défaut de signification ;

*

Attendu que la société Éos France, cessionnaire de la créance litigieuse, a donc qualité à agir à l’égard de M. [U] et peut lui opposer la cession de créance qu’elle lui a régulièrement fait signifier avant d’engager la mesure d’exécution forcée fondée sur les titres exécutoires que constituent les deux ordonnances d’injonction de payer du 30 octobre 1998 ;

* Sur la prescription des titres exécutoires

Attendu que M. [U] faisant valoir que l’article L 111-4 du code des procédures civiles exécution dispose que l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, et qu’en l’espèce, les titres exécutoires sont des ordonnances d’injonction de payer en date de 1998 qui n’ont jamais été exécutées, soutient que ces titres exécutoires en vertu desquels la saisie est pratiquée, sont prescrits ;

Mais attendu que la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a substitué à la prescription trentenaire la prescription décennale en insérant dans la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 un article 3-1 qui dispose que l’exécution des décisions judiciaires ayant force exécutoire ne peut être poursuivie que pendant dix ans (article désormais codifié L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution) ;

Que les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 et notamment l’article 26-II de cette loi précisent que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la loi du 17 juin 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 ;

Que selon l’article 2244 du Code civil, le délai de prescription est interrompu par un acte d’exécution forcée ;

Que le commandement aux fins de saisie-vente, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée et interrompt la prescription de la créance qu’elle tend à recouvrer ;

Qu’en l’espèce, les ordonnances d’injonction de payer litigieuses ayant été rendues le 30 octobre 1998, la prescription trentenaire n’était pas acquise quand la loi du 17 juin 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 ;

Que la prescription qui a donc couru pour dix ans à compter du 19 juin 2008, a été interrompue successivement par le commandement aux fins de saisie-vente du 23 mai 2018 et par le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 9 septembre 2021 ;

Qu’aucune prescription de l’exécution des ordonnances d’injonction de payer du 30 octobre 1998 n’était donc acquise quand le procès-verbal de saisie-vente a été dressé le 4 novembre 2021 ;

Que c’est donc exactement que le premier juge relevant que par exploit signifié le 23 mai 2018, la société Éos Credirec avait fait délivrer à M. [U] un commandement de payer aux fins de saisie-vente visant l’ordonnance portant injonction de payer rendue par le tribunal d’instance d’Annecy le 30 octobre 1998 et portant les références de titre n°1998/1791 et n°1998/1792, a considéré que cet acte avait eu pour effet d’interrompre la prescription de l’exécution des deux ordonnances d’injonction de payer exécutoires et a en conséquence rejeté le moyen tiré de la prescription de l’exécution du titre exécutoire ;

* Sur l’insaisissabilité des meubles

Attendu qu’aux termes de l’article L 112-2 du code des procédures civiles d’exécution, « ne peuvent être saisis :

1° les biens que la loi déclare insaisissables ;

2° les biens que la loi rend incessibles à moins qu’il n’en soit disposé autrement ;

3° les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ;

4° les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, sauf autorisation du juge, et, pour la portion qu’il détermine, par les créanciers postérieurs à l’acte de donation ou à l’ouverture du legs ;

5° les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix dans les limites fixées par décret en conseil d’État et sous réserve des dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s’ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s’ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s’ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s’ils constituent des éléments corporels d’un fonds de commerce ;

6° les biens mobiliers mentionnés au 5°, même pour paiement de leur prix, lorsqu’ils sont la propriété des bénéficiaires de prestations d’aide sociale à l’enfance prévues aux articles L 222-1 à L 222-7 du code de l’action sociale et des

familles ;

7° les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades. » ;

Qu’aux termes de l’article R 112-2 du code des procédures civiles d’exécution :

« Pour l’application du 5° de l’article L 112-2, sont insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille :

1° les vêtements ;

2° la literie ;

3° le linge de maison ;

4° les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l’entretien des lieux ;

5° les denrées alimentaires ;

6° les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments ;

7° les appareils nécessaires au chauffage ;

8° la table et les chaises permettant de prendre les repas en commun ;

9° un meuble pour ranger le linge et les vêtements et un autre pour ranger les objets ménagers ;

10° une machine à laver le linge ;

11° les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle ;

12° les objets d’enfants ;

13° les souvenirs à caractère personnel ou familial ;

14° les animaux d’appartement ou de garde ;

15° les animaux destinés à la subsistance du saisi ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage ;

16° les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle ;

17° un poste téléphonique permettant l’accès au service téléphonique fixe ou

mobile ;

Attendu que M. [U] soutient que la banquette trois places, la table et les quatre chaises et l’ordinateur portable sont insaisissables aux motifs que la banquette lui sert de lit, que la table et les quatre chaises permettent de prendre les repas en commun et que l’ordinateur portable lui est nécessaire pour ses démarches administratives et ses recherches d’emploi ;

Mais attendu que, d’une part, pas plus en cause d’appel qu’en première instance M. [U] ne produit aucune pièce de nature à établir que la banquette trois places saisie soit un canapé-lit et soit le seul meuble susceptible de lui servir de lit, et que la table et les quatre chaises saisies soient les seules de son logement ;

Que, d’autre part, s’agissant de l’ordinateur portable, M. [U] ne produit comme pièce justificative de sa situation qu’une attestation établie par la caisse d’allocations familiales en date du 17 novembre 2021 ; que c’est exactement que le premier juge a considéré que cette attestation, en l’absence de tout autre justificatif, notamment d’une inscription à Pôle emploi ou dans des agences d’intérim, ne démontrait pas les démarches de recherches d’emploi invoquées par M. [U] alors qu’il était bénéficiaire en novembre 2021 du revenu de solidarité active ;

Attendu que M. [U] soutient également que l’ordinateur portable et la télévision saisis ne lui appartiennent pas ;

Mais attendu que la présomption de l’article 2276 du Code civil qui dispose qu’en fait de meubles possession vaut titre, s’applique de sorte que les meubles saisis au domicile du débiteur doivent être considérés comme lui appartenant et qu’il incombe à ce dernier qui dénie sa qualité de propriétaire malgré les apparences, de faire tomber la présomption édictée par l’article 2276 du Code civil en apportant la preuve contraire ;

Qu’en l’espèce, d’une part, l’attestation de Mme [I] [E] produite, qui n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et qui n’est corroborée par aucune pièce, ne permet pas d’établir que la télévision saisie n’appartient pas à M. [U], étant observé au demeurant qu’en cause d’appel, ce dernier ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande tendant à voir juger insaisissable la télévision ;

Que d’autre part, la seule production par M. [U] d’un ticket de caisse au nom de M. [B] [V] concernant un ordinateur portable HP, est insuffisant pour établir que cet ordinateur correspond à l’ordinateur portable saisi à son domicile, ainsi que l’a justement retenu le premier juge ;

Attendu que dès lors, M. [U] n’apportant pas la preuve que les biens mobiliers susvisés sont insaisissables, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à voir déclarer certains meubles objets de la saisie

insaisissables ;

* Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive

Attendu qu’aux termes de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, « le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. » ;

Attendu que M. [U] sollicite la condamnation de la société Éos France au paiement d’une somme de 3000 euros en réparation du préjudice consécutif à la saisie abusive et brutale, faisant valoir qu’au regard de la modicité de sa situation économique, la reprise du recouvrement forcé de contrats de crédit à la consommation 18 ans après l’arrêt des poursuites, ce qui est plus que le délai de prescription légale, doit être qualifiée d’abusive au sens de l’abus de droit sanctionné sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, et que la signification d’un procès-verbal de saisie-vente réalisée en novembre 2021 s’est faite brutalement sans qu’aucune information et approche préalable n’ait été faite, et que la venue d’un huissier de justice à son domicile afin de lister les meubles saisis est particulièrement brutale et violente et est source d’un préjudice moral important ;

Mais attendu qu’à supposer que la société Éos France ait commis une faute, ce qui n’est nullement avéré au regard, d’une part, de la cession de créances intervenue le 31 janvier 2017 et des tentatives opérées par la société Éos France pour obtenir le recouvrement amiable de sa créance en 2017 et 2018 puis des notifications des commandements de payer aux fins de saisie-vente du 23 mai 2018 et du 9 septembre 2021, et d’autre part, de l’ « avis de passage en saisie » envoyé à M. [U] par l’huissier de justice le 20 octobre 2021 avant le saisie du 4 novembre 2021, envoi qui dément le défaut d’information et le caractère brutal de la venue de l’huissier au domicile de M. [U], ce dernier ne produit aucune pièce afin d’établir le préjudice moral qu’il allègue ; qu’à supposer même qu’il puisse être reproché une inaction de la société Éos France, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que M. [U] ne justifiait pas du préjudice allégué alors que l’inaction du créancier se trouvait d’ores et déjà sanctionnée par la prescription d’une partie substantielle des intérêts ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts ;

* Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [U], partie succombante, aux entiers dépens ; qu’il sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société Éos France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, eu égard à la situation respective des parties ;

Attendu qu’en cause d’appel, M. [U], partie perdante, sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, et partant, sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que compte tenu des situations économiques respectives des parties, il n’est pas inéquitable de laisser à la société Éos France la charge de ses frais non compris dans les dépens qu’elle a été contrainte d’exposer en appel ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [T] [U] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

Ismérie CAPIEZ Véronique DELLELIS

 

 

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