Sur la recevabilité de l’action de la société Filgoud :
La SARL Filgoud a démontré sa qualité à agir en produisant un acte de vente notarié prouvant sa propriété de l’immeuble donné en bail. Aucune fin de non-recevoir n’est encourue concernant l’absence de solution amiable, car la procédure a été engagée avant l’entrée en vigueur des dispositions invoquées.
Sur l’inopposabilité à la société Filgoud de la cession du bail de M. [I] à la société Bar du centre :
La cession du bail n’est pas opposable au bailleur en raison du non-respect des formalités requises. Aucun acte de renonciation explicite n’a été démontré, et les décisions rendues en référé n’ont pas autorité de chose jugée au principal.
Sur la résiliation du bail :
La résiliation du bail a été confirmée en raison du non-paiement des loyers visés au commandement. La demande d’expulsion a été justement complétée.
Sur la demande de la société Filgoud contre la société Bar du centre :
La cession du bail à la société Bar du centre est déclarée inopposable, donc la société Filgoud ne peut réclamer le paiement des loyers à cette dernière.
Sur la demande de délais de paiement :
La demande de délais de paiement est rejetée en raison de l’ancienneté de la dette.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour résistance et appel abusif :
La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est rejetée, car aucun comportement abusif n’a été démontré.
Sur la recevabilité de la mise en cause de la SA In extenso centre ouest :
L’intervention forcée de la société In extenso centre ouest est irrecevable en l’absence d’évolution du litige justifiant sa mise en cause.
Sur les demandes accessoires :
M. [I] et la société Bar du centre sont condamnés aux dépens d’appel, et aucune application de l’article 700 du code de procédure civile n’est nécessaire.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/00747 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EJIW
Jugement du 20 Février 2018
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 16/03155
ARRET DU 13 DECEMBRE 2022
APPELANTS :
Monsieur [E] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
SARL BAR DU CENTRE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me Audrey PAPIN de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180159, et Me Claude TERREAU, avocat plaidant au barreau du MANS
INTIMEES :
S.A. IN EXTENSO CENTRE OUEST
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe RANGE substitué par Me Sophie BEUCHER de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me André-François BOUVIER-FERRENTI substitué par Me Marie-Françoise BLAIZE, avocat postulant au barreau de PARIS
SARL FILGOUD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20160812
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 03 Octobre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme MICHELOD, présidente de chambre
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Le 30 août 2002, M. [I] a acquis un fonds de commerce de café avec salle de jeu exploité dans des locaux situés [Adresse 3]) donnés à bail commercial en renouvellement suivant acte du 22 juillet 2002 par Mme [O] et Mme [Y], laquelle en avait fait donation à Mme [O] en se réservant un droit d’usage et d’habitation.
Par acte sous seing privé du 18 juillet 2005, dénommé « cession de fonds de commerce avec prise en charge du passif’, M. [I] a fait l’apport à la SARL Bar du centre, qu’il avait précédemment constituée avec son épouse, de son fonds de commerce avec le droit au bail attaché à ce fonds, sans que ni Mme [O] ni Mme [Y] n’aient été invitées à intervenir à cet acte.
Suivant acte notarié du 28 août 2007, Mme [O] a vendu, en présence de Mme [Y] qui a renoncé à son droit d’usage, les locaux à la SCI Filgoud, qui prendra, par la suite, par délibération du 16 septembre 2012, la forme d’une société à responsabilité limitée.
Par ordonnance de référé du 26 janvier 2011, la SARL Bar du centre a obtenu la condamnation de la SCI Filgoud à lui remettre des quittances de loyer, en dépit de l’opposition de la SCI Filgoud qui a soutenu que la cession du bail intervenue au profit de la SARL Bar du centre lui était inopposable.
Se plaignant du mauvais état de la couverture de l’immeuble, la SARL Bar du centre a assigné la SCI Filgoud en référé pour obtenir une expertise, laquelle a été ordonnée malgré l’opposition de la SCI Filgoud qui a repris le moyen tiré de l’inopposabilité de la cession du bail intervenue au profit de la SARL Bar du centre.
Au vu du rapport d’expertise, le juge des référés a, par ordonnance du 18 juillet 2012, condamné, sous astreinte, la SCI Filgoud à achever les travaux de réfection de la charpente et de la couverture de l’immeuble loué avant le 30 septembre 2012 et a autorisé la SARL Bar du centre, à défaut de réalisation des travaux dans le délai, à consigner les loyers à compter du 1er octobre 2012.
L’astreinte a été liquidée par le juge de l’exécution par jugement du 12 février 2013.
En vertu de l’ordonnance précitée du 18 juillet 2012, la SARL Bar du centre a versé mensuellement à compter de novembre 2012 des sommes sur un compte CARPA, étant précisé que la SARL Bar du centre a opéré sur ces sommes consignées une saisie-attribution le 27 juin 2014 en paiement des condamnations prononcées à son profit en vertu de l’ordonnance de référé du 18 juillet 2012 et du jugement du juge de l’exécution du 12 février 2013.
Le 28 mai 2014, la SARL Filgoud a fait signifier à M. [I] un commandement de payer un arriéré de loyers d’un montant de 9 905,20 euros, visant la clause résolutoire insérée au bail.
Ce commandement étant demeuré infructueux, la SARL Filgoud a assigné M. [I] devant le juge des référés pour faire constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire.
Par ordonnance du 11 février 2015, les parties ont été renvoyées à se pourvoir devant la juridiction du fond au motif qu’il existait une contestation sérieuse quant à la qualité de locataire de M. [I].
Cette ordonnance a été confirmée par arrêt du 10 mai 2016 de la cour d’appel d’Angers.
Le 3 août 2016, SARL Filgoud a alors assigné au fond M. [I] et la SARL Bar du centre devant le tribunal de grande instance du Mans en inopposabilité de la cession du bail par M. [I] à la SARL Bar du centre, en constatation, subsidiairement, en prononcé, de la résiliation du bail la liant à M. [I] et en expulsion de ce dernier ainsi que de la SARL Bar du centre.
Par jugement du 20 février 2018, le tribunal a :
– rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SARL Filgoud ;
– rejeté la fin de non recevoir tirée de la violation de l’article 56 du code de procédure civile ;
– dit que la cession de bail par M. [I] à la SARL Bar du centre intervenue le 18 juillet 2005 est inopposable à la SARL Filgoud ;
– constaté la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire à compter du 28 juin 2014, à la suite du commandement infructueux délivré à M. [I] le 28 mai 2014 ;
– condamné M. [I] à payer à titre d’arriéré de loyers la somme de 10.895,72 euros, avec intérêts de retard à compter du commandement du 28 mai 2014 sur 9.905,20 euros et à compter de l’assignation du 3 août 2016 sur le surplus, lesquels intérêts se capitaliseront à compter de l’assignation du 3 août 2016 contenant demande de capitalisation ;
– condamné in solidum M. [I] et la SARL Bar du centre à payer à titre d’indemnité d’occupation la somme de 495,26 euros par mois, à compter du 1er juillet 2014 jusqu’à libération des lieux, la dite indemnité d’occupation produisant intérêts de retard à compter du jugement pour les sommes antérieures et au fur et à mesure des échéances pour les périodes d’occupation suivantes, lesdits intérêts se capitalisant par années entières ;
– débouté la SARL Filgoud pour le surplus ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné in solidum M. [I] et la SARL Bar du centre aux dépens, dont distraction au profit de Me Memin, avocat ;
– les a condamnés encore, in solidum, à payer à la SARL Filgoud une indemnité de 3.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 12 avril 2018, M. [I] et la SARL Bar du centre ont interjeté appel du jugement.
Par acte d’huissier du 12 juillet 2018, la SARL Bar du centre a assigné la SA In extenso centre ouest en intervention forcée.
La société In extenso centre ouest a constitué avocat le 25 juillet 2018.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 5 septembre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [I] et la SARL Bar du centre demandent à la cour de :
– dire et juger recevable et bien fondé l’appel régularisé par M. [I] et par la SARL Bar du centre ;
En conséquence :
Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SARL Filgoud ;
– rejeté la fin de non recevoir tirée de la violation de l’article 56 du code de procédure civile ;
– dit que la cession de bail par M. [I] à la SARL Bar du centre intervenue le 18 juillet 2005 est inopposable à la SARL Filgoud ;
– constaté la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire à compter du 28 juin 2014, suite au commandement infructueux délivré à M. [I] le 28 mai 2014 ;
– condamné M. [I] à payer à titre d’arriéré de loyers la somme de 10.895,72 euros, avec intérêts de retard à compter du commandement du 28 mai 2014 sur 9.905,20 euros et à compter de l’assignation du 3 août 2016 sur le surplus, lesquels intérêts se capitaliseront à compter de l’assignation du 3 août 2016 contenant demande de capitalisation ;
– condamné in solidum M. [I] et la SARL Bar du centre à payer à titre d’indemnité d’occupation la somme de 495,26 euros par mois, à compter du 1er juillet 2014 jusqu’à libération des lieux, la dite indemnité d’occupation produisant intérêts de retard à compter du jugement pour les sommes antérieures et au fur et à mesure des échéances pour les périodes d’occupation suivantes, lesdits intérêts se capitalisant par années entières ;
– condamné in solidum M. [I] et la SARL Bar du centre aux dépens ainsi qu’à verser à la SARL Filgoud une indemnité de 3.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
– voir constater que la SARL Filgoud ne produit aux débats aucun titre de propriété portant sur l’immeuble situé [Adresse 3] ;
– voir dire et juger irrecevable la demande présentée par la SARL Filgoud à l’encontre de M. [I] et de la SARL Bar du centre ;
vu les dispositions des articles 56 et 127 du code de procédure civile :
– voir constater l’absence de diligence de la part de la SARL Filgoud préalablement à la délivrance de l’assignation en date du 3 août 2016 tendant à parvenir à une solution amiable du litige ;
– voir proposer aux parties, conformément aux dispositions de l’article 127 du code de procédure civile, une mesure de conciliation ou de médiation ;
– voir constater que la cession de bail par M. [I] à la SARL Bar du centre intervenue le 18 juillet 2005 a été acceptée par Madame [Y] ainsi que par la SCI Filgoud ;
– voir constater, en toute hypothèse, que le jugement rendu par le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance du Mans le 12 février 2013 a autorité de la chose jugée en ce qui concerne la qualité de locataire de la SARL Bar du centre ;
– voir débouter la SARL Filgoud de sa demande de constatation du jeu de la clause résolutoire ;
– voir accorder, en toute hypothèse, à M. [I] et à la SARL Bar du centre un délai de douze mois pour régler la totalité des loyers dus ;
– voir, en toute hypothèse, constater que la SARL Filgoud est mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [I] et de la SARL Bar du centre ;
– l’en débouter ;
– s’entendre condamner la SARL Filgoud à verser, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l’article 1382 du code civil ancien, à M. [I], la somme de 10.000 euros ;
– s’entendre condamner la SARL Filgoud à verser à M. [I], la somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– s’entendre condamner la SARL Filgoud à verser à la SARL Bar du centre, en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 5.000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et une somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles d’appel ;
– voir dire et juger autant irrecevable que mal fondée la SARL Filgoud en son appel incident ;
– l’en débouter ;
En toute hypothèse :
– voir constater que M. [I] et la SARL Bar du centre ont appelé en déclaration d’arrêt commun la SA In extenso centre ouest afin que la décision à intervenir lui soit déclarée opposable ;
– voir débouter la SA In extenso centre ouest de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l’appel en intervention forcée régularisé à son encontre par M. [I] et la SARL Bar du centre ;
– rejeter comme prescrite l’action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire pour inexécution des formalités de cession du droit au bail prévu au bail du 22 juillet 2002 ;
En tout état de cause :
– juger la cession de droit au bail de M. et Mme [I] au profit de la société Bar du centre intervenue le 10 juillet 2005 opposable à la SARL Filgoud ;
– débouter la SA In extenso centre ouest de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– s’entendre condamner la SARL Filgoud en tous les frais et dépens de première instance et d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La SARL Filgoud prie à la cour de :
– déclarer la SARL Bar du centre et M. [I] irrecevables en leur appel, en leurs demandes et en leurs entières contestations ;
– les en débouter ;
– déclarer la société In extenso centre ouest irrecevable en son appel incident, ses demandes et contestations ;
– l’en débouter ;
– confirmer la décision entreprise en ce que la cession de droit au bail intervenue le 18 juillet 2005 a été déclarée inopposable à la société Filgoud ;
– confirmer la décision entreprise en ce qu’il a été constaté la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire à compter du 28 juin 2014 suite au commandement infructueux délivré à M. [I] ou à défaut prononcer la résiliation du bail pour non-respect des obligations essentielles dudit bail ;
– confirmer la décision entreprise en ce que M. [I] a été condamné au paiement de l’arriéré de loyers à hauteur de 10.895,72 euros outre intérêts et capitalisation ;
– réformer néanmoins la décision entreprise s’agissant de la charge des loyers ;
– condamner M. [I] et la société Bar du centre in solidum au paiement desdits loyers ;
– confirmer la décision entreprise en ce que M. [I] et la société Bar du centre ont été condamnés au titre de l’indemnité d’occupation, outre intérêts et capitalisation ;
– réformer la décision entreprise en ce que le tribunal a rejeté la demande de réformation de l’ordonnance de référé du 18 juillet 2012 ainsi que l’ensemble des décisions subséquentes ;
– dire et juger que l’ordonnance de référé du 18 juillet 2012 est provisoire et n’a pas autorité de chose jugée au principal ;
– réformer l’ordonnance de référé du 18 juillet 2012 ainsi que l’ensemble des décisions subséquentes au titre de la liquidation d’astreinte, à savoir le jugement du juge de l’exécution du 14 novembre 2012, jugement du juge de l’exécution du 12 février 2013 ;
En tant que de besoin,
– condamner M. [I] et la société Bar du centre in solidum au paiement au profit de la société Filgoud du montant des condamnations telles qu’issues desdites décisions, condamnations tant en principal qu’au titre des frais irrépétibles et dépens ;
– réformer la décision entreprise en ce que le tribunal de grande instance a omis de statuerquand la libération des lieux ;
– ordonner l’expulsion de M. [I] et la société Bar du centre et de toute personne de leur chef dans les lieux ainsi que de l’ensemble de leurs biens avec si nécessaire, recours de la force publique ;
– réformer la décision entreprise en ce que les demandes de condamnations pour résistance abusive telle que formulée à l’encontre de M. [I] et la société Bar du centre a été rejetée ;
– condamner M. [I] et la société Bar du centre in solidum au paiement au profit de la société Filgoud d’une somme de 20.000 euros pour résistance abusive et ce, outre intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l’assignation et jusqu’à parfait paiement avec anatocisme ;
– condamner M. [I] et la société Bar du centre in solidum au paiement d’une somme de 6.000 euros au profit de la société Filgoud au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
– condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens, y compris le coût du commandement de payer, dont distraction au profit de Me Memin membre de la SCP Lalanne Godard Heron Boutard Simon Villemont Memin Gibaud.
La société In extenso demande à la cour de :
– juger irrecevable la mise en cause aux fins d’intervention forcée aux fins d’arrêt commun de la société In extenso centre ouest en cause d’appel ;
subsidiairement :
– infirmer le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 20 février 2018 ;
– juger irrecevable comme prescrite l’action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire pour inexécution des formalités de cession du droit au bail prévues au bail du 22 juillet 2002 ;
en tout état de cause :
– juger la cession de droit au bail de M. et Mme [I] au profit de la société Bar du centre intervenue le 18 juillet 2005 opposable à la SARL Filgoud ;
– débouter en conséquence la société Filgoud de sa demande de résiliation du bail ;
en tout état de cause :
– condamner la SARL Bar du centre et M. [I] à verser à la société In extenso centre ouest la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :
– du 8 janvier 2019 pour M. [I] et la SARL Bar du centre
– du 10 janvier 2019 pour la SARL Filgoud
– du 5 avril 2019 pour la société In extenso centre ouest.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’action de la société Filgoud :
Les appelants ne contestent pas la transformation de la SCI Filgoud en SARL Filgoud ni, par suite, qu’il s’agit bien de la même société qui n’a fait que changer de forme, ce qui résulte, d’ailleurs des dispositions de l’article 1844-3 du code civil selon lesquelles la transformation d’une société en une société d’une autre forme n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle, mais prétendent que la SARL Filgoud ne démontre pas sa qualité à agir à défaut de justifier de sa qualité de propriétaire de l’immeuble donné à bail.
Or, la SARL Filgoud a produit une copie de l’acte de vente notarié dressé le 28 août 2007 entre Mme [O] et la SCI Filgoud portant sur l’immeuble en cause et qui constitue son titre de propriété.
Si les appelants reprochent à la SARL Filgoud de n’avoir entrepris aucune diligence pour trouver une solution amiable et invoquent les dispositions de l’article 127 du code de procédure civile aux termes desquelles, hors les cas prévus à l’article 750-1, le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige une mesure de conciliation ou de médiation, force est de constater qu’aucune fin de non-recevoir n’est encourue à ces titres, étant relevé, s’agissant de l’application de l’article 127 du code de procédure civile, que la procédure a été engagée devant le tribunal le 3 août 2016 avant l’entrée en vigueur de ce texte.
Et il y a lieu de constater qu’une mesure de médiation a été proposée en cause d’appel mais a été refusée.
Sur l’inopposabilité à la société Filgoud de la cession du bail de M. [I] à la société Bar du centre :
La SARL Filgoud, qui se plaint de l’absence d’encaissement des loyers depuis plusieurs années, entend agir en résiliation du bail contre M. [I] qu’elle considère être son seul locataire en soutenant que la cession du bail au profit de la SARL Bar du centre lui est inopposable.
Le bail renouvelé du 22 juillet 2002 comporte une clause aux termes de laquelle toute cession du bail ‘devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé et dont une copie exécutoire lui sera remise sans frais pour lui’.
Il n’est pas discuté que ce formalisme s’imposait pour l’apport du fonds de commerce de M. [I] à la SARL Bar du centre, opération qui est assimilée à cet égard à une cession de fonds de commerce.
Et il est constant que cette formalité n’a pas été respectée, l’acte de cession ayant été formalisé par acte sous seing privé et sans que Mme [O] ne soit appelée à cet acte.
Le non-respect d’une telle formalité entraîne l’inopposabilité de la cession au bailleur.
Pour soutenir que cette cession est néanmoins opposable à la SARL Filgoud, les appelants invoquent, en premier lieu, l’accord exprès de Mme [O] que cette dernière aurait donné, le 3 mars 2005, à la cession du bail, alors qu’elle était propriétaire des locaux, et, en second lieu, le fait que la SARL Bar du centre a payé les loyers à la SCI Filgoud qui les a encaissés et qui aurait considéré la SARL Bar du centre comme sa locataire.
Mais si le bailleur peut renoncer soit à exiger le respect de la clause obligeant le preneur à l’appeler à l’acte de cession et à la forme authentique de l’acte de cession, soit à se prévaloir de ce que cette exigence n’a pas été respectée, encore faut-il que cette renonciation soit explicite et sans équivoque, c’est-à-dire qu’il soit démontré des actes positifs de sa part manifestant sa volonté de dispenser le preneur de tout formalisme ou, en l’absence d’une telle dispense, de reconnaître la cessionnaire comme sa nouvelle locataire.
Or par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté, d’une part, que l’autorisation donnée le 3 mars 2005 par Mme [O], antérieure à l’acte de cession, de fixer le siège social de la SARL Bar du centre dans les locaux donnés à bail pour y exercer une activité qui correspond à celle prévue au bail et la ‘prise d’acte’ par Mme [O] de ce les époux [I] co-gérants associés de la SARL Bar du centre apporteront le droit au bail desdits locaux à cette société ne comportent aucune renonciation au formalisme exigé par le bail, et, d’autre part, que les éléments du dossiers font apparaître que la SARL Filgoud a pris soin, à compter du 8 février 2011, de préciser qu’elle a encaissé les sommes versées par la SARL Bar du centre à titre d’indemnité d’occupation, et qu’il ne peut en être déduit, en l’absence de remise de quittances de loyer ou de tout autre acte positif de cette nature, qu’avant cette date, elle aurait encaissé à titre de loyers les sommes que lui a versées la SARL Bar du centre ni qu’elle l’aurait considérée comme sa locataire, qualité qu’elle a, au contraire, à travers toutes les procédures précédentes, toujours contesté.
Il est vrai que la société Filgoud n’a pas interjeté appel des ordonnances de référé rendues contre elle, à savoir plus particulièrement l’ordonnance du 26 janvier 2011 qui lui a ordonné, sous astreinte, de remettre des quittances de loyers à la SARL Bar du centre après avoir rejeté sa contestation sur la qualité de locataire de cette société au motif qu’elle aurait non seulement eu connaissance de la cession du bail mais l’aurait acceptée sans équivoque et qu’elle ne faisait état d’aucun grief qu’aurait pu lui causer le non-respect des formalités prévues au bail, ainsi que l’ordonnance du 18 juillet 2012 qui la condamne à exécuter les travaux de remise en état et autorise la SARL Bar du centre à consigner les loyers, et qu’elle a participé à l’expertise.
Mais dès lors qu’il n’est pas prétendu que la société Filgoud aurait acquiescé à ces décisions, étant observé qu’assorties de l’exécution provisoire, leur simple exécution ne peut valoir acquiescement, la présomption de l’article 410 du code de procédure civile ne trouvant pas à s’appliquer, l’absence de recours contre les décisions rendues au bénéfice de la SARL Bar du centre ne manifeste pas une volonté non équivoque de la société Filgoud de l’admettre comme sa locataire étant ajouté que ces ordonnances rendues au provisoire n’ont pas, même si elles sont définitives, autorité de chose jugée au principal comme le rappelle l’article 488 du code de procédure civile. Un tel acquiescement est d’autant moins établi, qu’à chaque fois, la société Filgoud a repris le moyen tiré de l’inopposabilité du bail pour contester la qualité de locataire de la SARL Bar du centre.
Une acceptation implicite de la qualité de locataire de la société Bar du centre ne résulte pas davantage de l’absence d’appel des jugements du juge de l’exécution qui se bornent à liquider les astreintes prononcées en référé, et qui n’ont autorité de chose jugée que relativement aux chefs qui figurent dans le dispositif de ces jugements conformément aux dispositions de l’article 480 du code de procédure civile, à savoir sur la seule liquidation des astreintes.
Enfin, la lettre adressée par la société Filgoud à la société Bar du centre lui demandant de retirer une enseigne ne vaut pas, même implicitement, reconnaissance de sa qualité de locataire.
Il s’ensuit que la cession de bail n’est pas opposable au bailleur et que, de ce fait, le commandement de payer a justement été délivré à M. [I] qui avait seul, à l’égard du bailleur, la qualité de preneur.
Sur la résiliation du bail :
Les appelants opposent, d’abord, la prescription de l’action en constatation de résiliation du bail sans invoquer de moyen de droit à l’appui de cette prétention ni développer une argumentation autre que celle qui figure au dispositif de leurs conclusions, à savoir, en rattachant la prescription à l’inexécution des formalités de cession du droit au bail.
Or, la société Filgoud demande la confirmation du jugement qui a constaté la résiliation du bail qui la liait à M. [I] en raison du défaut, dans le délai imparti par le commandement de payer délivré le 28 mai 2014, de paiement des causes du commandement, à savoir les loyers échus de septembre 2012 à décembre 2013 et de janvier à avril 2014 et non pas pour manquement aux formalités prévues en cas de cession du bail.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté que les loyers visés au commandement étaient, au moins pour partie, restés impayés.
Il s’ensuit que le jugement qui a constaté la résiliation du bail ne peut qu’être confirmé.
Sur la demande d’expulsion :
La société Filgoud demande à bon droit de compléter le jugement qui a omis de statuer sur ce point.
Sur le demande de la société Filgoud contre la société Bar du centre :
La société Filgoud demande que les condamnations prononcées contre M. [I] soit prononcées in solidum avec la société Bar du centre au motif que cette société se reconnaît être locataire.
Mais dès lors qu’il est jugé, à la demande même de la bailleresse, que la cession du bail à la société Bar du centre lui est inopposable, elle n’est pas fondée à réclamer la condamnation de cette dernière au paiement des loyers, même si la société Bar du centre revendique l’opposabilité du bail.
En effet, la société Bar du centre, si elle s’est vue céder le droit au bail par le preneur, n’est pas pour autant tenue des obligations du bail à l’égard du bailleur en l’absence de contrat le liant à ce dernier dès lors que la cession de bail est déclarée inopposable à la bailleresse.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande de la société Filgoud de réformation des décisions rendues contre elle au profit de la société Bar du centre ou de condamnation au paiement des condamnations ainsi prononcées :
Partant de ce que la société Bar du centre n’avait pas qualité à agir pour solliciter la réalisation des travaux sous astreinte et que les ordonnances de référé rendues à son profit n’ont pas autorité de chose jugée au principal, la société Filgoud demande la réformation de ces décisions en contestant les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter cette demande. Elle fait valoir que considérer que le juge du fond n’a pas la possibilité de trancher de nouveau le litige et de réformer une décision revient à dire que cette décision dite provisoire est en réalité définitive dès lors qu’aucun appel n’a été régulièrement formé à son encontre. Elle prétend qu’elle a également la possibilité de contester les décisions rendues par le juge de l’exécution au titre de la liquidation d’astreinte dans la mesure où les astreintes qui ont été liquidées avaient été prononcées par des décisions provisoires.
Mais, si les décisions prises en référé n’ont pas autorité de chose jugée au principal, ce qui autorise le juge à ne pas être lié par ce qui a été jugé au provisoire, elles ont autorité de chose jugée au provisoire et ne peuvent être réformées que dans le cadre d’une voie de recours légalement ouverte.
Ainsi, une décision rendue au fond ne peut ni réformer ni rétracter une décision précédemment rendue en référé, ne pouvant, tout au plus, que la priver de fondement juridique en application du 1er alinéa de l’article 480 du code de procédure civil, ce qui ne peut avoir lieu qu’à condition que l’objet du litige soit identique.
Par voie de conséquence, la cour d’appel n’a pas les pouvoir de ‘réformer’ l’ordonnance de référé du 18 juillet 2012 et l’ensemble des décisions subséquentes dont elle n’est pas saisie de l’appel.
Elle n’est pas saisie d’un litige dont l’objet serait identique à celui sur lequel ont statué les dites ordonnances de référé.
Par suite, la demande de la société Filgoud tendant à la condamnation de M. [I] et de la société Bar du centre au paiement du montant des condamnations telles qu’issues desdites décisions, tant en principal qu’au titre des frais irrépétibles et dépens, qui correspond, en réalité, à une demande de réformation desdites ordonnances, ne saurait prospérer.
N’étant pas saisie de l’appel des jugements rendus par le juge de l’exécution, la cour d’appel ne peut pas les réformer ni constater qu’ils ont perdu leur fondement juridique dès lors que les ordonnances de référé qui ont prononcé les astreintes qu’ils ont liquidées ne sont pas anéanties.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.
Sur la demande de délais de paiement :
M. [I] demande le bénéficie de délais de paiement pour s’acquitter de l’arriéré de loyers en faisant état de la nécessité d’apurer les comptes entre les parties.
L’ancienneté de la dette conduit à écarter cette demande.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour résistance et appel abusif :
La demande des appelants de condamner la SARL Filgoud à verser, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l’article 1382 du code civil ancien, à M. [I], la somme de 10.000 euros ne peut qu’être rejetée compte tenu de la solution donnée au litige qui exclut la commission d’une faute de la part de la société Figould dans la procédure qu’elle a engagée.
La société Filgoud fait valoir que les appelants n’ont payé aucune somme depuis plusieurs années et se sont même opposés à toute demande de règlement ce qui démontrerait de leur part un comportement manifestement abusif et de mauvaise foi.
Mais la défense à une action en justice ne dégénère en faute que si la titulaire a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol.
La société Filgoud, qui ne démontre pas que les appelants auraient commis une telle faute sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la recevabilité de la mise en cause de la SA In extenso centre ouest
La société In extenso centre ouest soulève l’irrecevabilité de son intervention forcée.
Les appelants exposent que cette intervention forcée a pour but de rendre opposable la décision à intervenir à la société In extenso centre ouest. Ils font valoir qu’ils n’imaginaient pas que la cession serait déclarée, par les premiers juges, inopposable à la bailleresse dans la mesure où, selon eux, la SARL Bar du centre avait toujours été considérée comme locataire des lieux.
L’article 555 du code de procédure civile dispose que des personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour d’appel quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.
L’évolution du litige est subordonnée à l’existence d’un événement nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.
Une partie ne peut justifier l’évolution du litige par le seul fait que le jugement rejette sa demande, ce qui n’est pas un événement susceptible, en lui-seul, de caractériser une évolution du litige depuis la première instance.
Dans le cas présent, l’opposabilité de la cession de bail était contestée dans son principe devant les premiers juges. M. [I] et la SARL Bar du centre disposaient alors de toutes les données sur l’opportunité d’agir contre le rédacteur de l’acte de cession.
Par suite, M. [I] et la SARL Bar du centre ne démontrent aucune évolution du litige justifiant la mise en cause en appel de la société In extenso centre ouest.
Il s’ensuit que l’intervention forcée de la société In extenso centre ouest est irrecevable en l’absence d’évolution du litige.
Sur les demandes accessoires :
M. [I] et de la société Bar du centre, qui succombent, seront condamnés aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Déclare irrecevable l’intervention forcée en cause d’appel de la société In extenso centre ouest ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Ordonne l’expulsion de M. [I] et de la société Bar du centre et de toute personne de leur chef dans les lieux ainsi que de l’ensemble de leurs biens avec, si nécessaire, recours de la force publique ;
Condamne M. [I] et de la société Bar du centre aux dépens d’appel ;
Rejette les autres des demandes.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL