Contrefaçon de photographie de l’AFP : l’originalité en cause
Décrire et interpréter une photographie sans préciser toutefois les choix précis opérés par le photographe lors de la phase préparatoire ne permet pas d’établir l’originalité.
En l’espèce, il n’est pas démontré que la photographie, qui est, certes, le fruit d’un travail technique maîtrisé, est protégée par le droit d’auteur dans la mesure où elle ne révèle pas de choix créatifs ou de parti pris esthétique particuliers témoignant de la personnalité de son auteur.
L’auteur photographe doit toujours non pas apporter des précisions concernant les objectifs de l’appareil photographique ou de les réglages mais un choix personnel et créatif dans la mise en scène du décor photographié.
En la cause, les éléments présentés ne permettent pas de retenir une physionomie particulière ou un effort créatif particulier permettant à la photographie litigieuse de se distinguer d’autres photographies du même genre.
Conformément à l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Selon l’article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Selon l’article L. 112-2, 9° du même code, sont considérées comme œuvres de l’esprit les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.
L’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle précise que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.
Néanmoins, lorsque l’originalité d’une œuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.
Seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
L’article 6 de la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, intitulé « Protection des photographies » dispose que les photographies qui sont originales en ce sens qu’elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées conformément à l’article 1er. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de la protection. Les États membres peuvent prévoir la protection d’autres photographies.
Interprétant l’article 6 de la directive 93/98 du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH ea) a dit pour droit « qu’une photographie est susceptible de protection par le droit d’auteur à condition qu’elle soit une création intellectuelle de son auteur, ce qui est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs et ce, de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation.
Ainsi, au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage.
Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée.
Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels. À travers ces différents choix, l’auteur d’une photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa » touche personnelle » (point 92 de la décision) à l’œuvre créée. »
En d’autres termes, pour bénéficier de la protection au titre du droit d’ auteur, une photographie doit être, indépendamment du sujet photographié ou de la destination du cliché, une création intellectuelle propre à son auteur, reflétant sa personnalité qui peut se révéler en premier lieu dans la phase de préparation de la prise de la photographie par ses choix dans le placement des objets à photographier ou en exprimant sa personnalité par l’éclairage choisi; qu’en second lieu le photographe peut imprégner la photographie de sa personnalité au moment de la prise de vue elle-même, par le cadrage, l’angle de prise de vue, le jeu des ombres et de la lumière; qu’enfin le photographe peut révéler sa personnalité en retravaillant la photographie, notamment à l’aide de logiciels professionnels dédiés à cet effet, par la modification des couleurs, la suppression d’éléments, le recadrage ou le changement des formats.
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