L’acquisition d’un immeuble intégrant une oeuvre (fresque murale) y compris en présence d’amiante n’autorise aucune dépose de l’oeuvre sous peine d’une condamnation pour atteinte au droit moral de l’auteur. La dépose totale de la fresque Innocent Printemps (Faculté de Médecine) a engagé la responsabilité du maître d’oeuvre.
Il ressort des éléments produits aux débats que la présence d’amiante est établie. Toutefois, l’unique rapport technique, établi de manière non contradictoire au demeurant, ne mentionne pas le taux d’amiante présent, qui s’il était supérieur aux normes en vigueur pourrait justifier le retrait de la fresque (à savoir 5 fibres / L dans l’air). De plus, la présence d’amiante ne constitue un danger pour la santé dès lors qu’elle forme un nuage de poussière pouvant être inhalé. Par ailleurs, en la matière des mesures techniques de confinement de l’amiante sont possibles. Aucun des éléments produits au débat ne permet de démontrer la nécessité du retrait de la fresque.
Aux termes de l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
La fresque devait donc être déposée et déplacée pour être reposée dans le passage entre la galerie d’art, en violet et le logement, ce qui permet de constater qu’il était possible de conserver les carreaux de céramiques.
Pour rappel, le droit moral est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. Il incombe à l’auteur d’établir l’existence de l’atteinte portée à ses droits, dont il demande la réparation.
Il ne peut être contesté qu’une fresque est une oeuvre incorporée à son support et que son auteur ne peut ignorer cette particularité ; sauf preuve d’une possibilité technique de dissociation, il en résulte que la destruction du support entraîne irrévocablement la destruction de l’oeuvre elle-même.
Il s’en déduit qu’il ne peut être imposer une intangibilité absolue de ll’oeuvre à laquelle le propriétaire de l’immeuble est en droit d’apporter des modifications lorsque celles-ci sont nécessaires et répondent à des besoins nouveaux.
L’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaires imposent que ces modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionné au but poursuivi.
Concernant l’originalité de la fresque, il est établi que celle-ci a été faite à partir de dessins d’enfant, néanmoins, ces dessins n’étaient qu’un premier support afin de créé la fresque finale, de sorte que l’intervention des enfants est inopérant dans l’analyse du caractère original de cette dernière.
Les travaux préparatoires permettent d’établir que la fresque est empreinte de leur personnalité et de leurs choix libres et créatifs, en effet ils avaient une volonté de créer une scénographie imagée par le monde minéral et des expéditions polaires, qui se traduit par la présence de divers animaux marins plus ou moins réalistes, représentés de manière enfantine créant un lien avec le support initial, ceux-ci étant de couleurs et tailles diverses.
Ce choix est accompagné d’une colorimétrie qui leur est propre, comme la terre cuite utilisée pour représenter la vague, un contraste de couleur entre le monde polaire essentiellement blanc avec des illustrations de flocons de neige en opposition avec un monde plus sombre au sein duquel sont représentés différents êtres vivants. Tout ceci représente un cycle, une transition, la banquise au moment de la fonte des glace au printemps, contre la période hivernale plus sombre, avec moins de lumière, de soleil.
A ces éléments visuels s’ajoutent différents matériaux utilisés qui permettent également de caractériser les choix propres qu’ont fait les auteurs, l’utilisation de la gouache et l’émail à froid sur papier, des différences entre matité et brillance, l’utilisation de la plastiline et de la terre de potier, permettent de donner du relief.
La comparaison des autres oeuvres de l’un des auteurs avec la fresque permet d’établir que cette fresque fait partie intégrante de l’univers des auteurs et de leur empreinte artistique.