Calcul des points de retraite: la rectification des droits

Notez ce point juridique

1. Il est important de saisir la commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. La forclusion ne peut être opposée que si cette notification mentionne ce délai.

2. Les mentions inscrites sur le relevé de situation individuelle émis par les organismes de sécurité sociale constituent des décisions pouvant être contestées devant la commission de recours amiable et le juge du contentieux de la sécurité sociale.

3. En cas de divergence d’interprétation des textes, il est essentiel de se référer aux dispositions légales et réglementaires applicables pour déterminer les droits à la retraite. Il est également recommandé de se baser sur des décisions de justice antérieures pour étayer sa position.


L’affaire concerne un litige entre Mme [Y] [I] et la CIPAV concernant le calcul des points de retraite de base et complémentaire acquis par Mme [Y] [I]. Le tribunal a initialement jugé en faveur de Mme [Y] [I], ordonnant à la CIPAV de lui transmettre un relevé de situation individuelle et de lui verser une somme d’argent. Cependant, la CIPAV a fait appel de cette décision et demande à la Cour de déclarer irrecevable le recours de Mme [Y] [I]. En réponse, Mme [Y] [I] demande à la Cour de confirmer le jugement initial et de lui accorder une indemnisation pour préjudice moral et appel abusif. La Cour devra donc trancher sur ces différents points en se basant sur les arguments des parties.

Sur la recevabilité du recours

La Cour a jugé que le recours de Mme [Y] [I] était recevable, car elle avait saisi la commission de recours amiable dans les délais impartis, contestant les points de retraite figurant sur son relevé de situation individuelle. La CIPAV avait soutenu que le relevé de situation individuelle n’était pas une décision de la caisse, mais la Cour a considéré qu’il s’agissait bien d’une décision pouvant être contestée devant la commission de recours amiable.

Sur le calcul des points de retraite complémentaire

La Cour a confirmé la décision du jugement déféré en condamnant la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire de Mme [Y] [I]. La CIPAV avait basé son calcul sur des critères erronés, notamment en se référant à des dispositions réglementaires inappropriées. La Cour a rappelé que le nombre de points de retraite complémentaire devait être déterminé en fonction de la classe de cotisation de l’affilié, et non pas sur des critères de compensation financière de l’Etat.

Sur le calcul des points de retraite de base

Les parties étaient en désaccord sur l’abattement de 34 % appliqué par la CIPAV sur le chiffre d’affaires pour le calcul des points de retraite de base. La Cour a jugé que cet abattement était contraire aux dispositions légales garantissant aux auto-entrepreneurs un niveau équivalent de cotisations et contributions sociales versées. La décision du jugement déféré a donc été confirmée.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts

Mme [Y] [I] réclamait des dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la minoration de ses droits à la retraite et l’appel abusif de la CIPAV. La Cour a considéré que la persistance de la CIPAV dans l’application d’une position juridiquement erronée constituait une faute de sa part. Cependant, Mme [Y] [I] n’a pas pu justifier du préjudice moral en découlant, et sa demande a été rejetée.

Sur les demandes accessoires

La Cour a confirmé les dispositions du jugement déféré concernant les dépens et les frais irrépétibles. La CIPAV a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser à Mme [Y] [I] une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La demande d’indemnité de procédure de la CIPAV a été rejetée.

– Confirme le jugement précédent sans modification de sommes.
– Condamne la CIPAV à payer à Mme [Y] [I] :
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamne la CIPAV aux dépens.
– Déboute la CIPAV de sa demande d’indemnité de procédure.


Réglementation applicable

– Code de la sécurité sociale
– Code général des impôts
– Code civil
– Code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES
– Me Amélie TOTTEREAU-RETIF
– Me Dimitri PINCENT

Mots clefs associés

– Recevabilité du recours
– Commission de recours amiable
– Relevé de situation individuelle
– Contestation devant la commission de recours amiable
– Décision de la caisse
– Points de retraite complémentaire
– Calcul des points de retraite complémentaire
– Régime de l’auto-entrepreneur
– Compensation de l’Etat
– Cotisations versées
– Nombre de points attribués
– Décret n° 79-262 du 21 mars 1979
– Classe de cotisation
– Revenu d’activité
– Chiffre d’affaires
– Bénéfice non commercial
– Points de retraite de base
– Abattement de 34%
– Préjudice moral
– Appel abusif
– Faute de la CIPAV
– Dommages et intérêts
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Indemnité de procédure

– Contrat de travail à durée déterminée (CDD) : Contrat de travail établi pour une période spécifique, avec une date de début et de fin précises, utilisé pour répondre à un besoin temporaire de l’employeur.

– Faute grave : Comportement du salarié qui constitue une violation importante des obligations découlant de son contrat de travail, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

– Force majeure : Événement extérieur, imprévisible et irrésistible, rendant impossible l’exécution d’une obligation contractuelle.

– Inaptitude : Situation dans laquelle un salarié est déclaré incapable de continuer à exercer ses fonctions à la suite d’un avis médical, souvent lié à des problèmes de santé.

– Rupture anticipée : Termination d’un contrat avant la date prévue, soit par accord mutuel, soit pour des motifs spécifiques prévus par la loi ou le contrat.

– Preuve de la faute grave : Ensemble des éléments et témoignages que l’employeur doit fournir pour justifier le licenciement d’un salarié pour faute grave.

– Lettre de rupture : Document officiel par lequel l’employeur ou le salarié notifie formellement la fin du contrat de travail.

– Fautes reprochées : Les manquements ou les comportements fautifs imputés à un salarié et qui sont la cause d’une sanction ou d’un licenciement.

– Vente de pièces inadaptées : Acte de fournir des pièces ou des équipements qui ne correspondent pas aux besoins ou aux spécifications demandées par le client.

– Factures erronées : Erreurs dans les factures envoyées aux clients, telles que des montants incorrects, des articles non commandés, ou des erreurs de tarification.

– Agression physique : Acte de violence corporelle envers une autre personne, pouvant constituer un motif de licenciement pour faute grave.

– Dommages et intérêts : Compensation financière accordée à une partie lésée pour réparer le préjudice subi.

– Indemnité de fin de contrat : Somme d’argent versée à un salarié à la fin de son contrat de travail, notamment dans le cas d’un CDD ou d’un licenciement.

– Rappel de salaire : Paiement dû au salarié pour des salaires non versés ou sous-payés pendant la période de travail.

– Mise à pied conservatoire : Suspension temporaire du salarié de ses fonctions, sans salaire, en attendant la décision finale sur son cas, souvent utilisée en cas d’allégation de faute grave.

– Menaces et injures : Comportements verbaux ou écrits qui sont offensants, intimidants ou dégradants, pouvant justifier un licenciement pour faute grave.

– Documents de fin de contrat : Ensemble des documents que l’employeur doit remettre au salarié à la fin de son contrat, incluant le certificat de travail, l’attestation Pôle emploi, et le solde de tout compte.

– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie à l’autre en cas de procédure judiciaire, incluant les frais d’avocat et de tribunal.

– Frais irrépétibles : Frais engagés par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire qui ne sont pas couverts par les dépens et qui peuvent être demandés à la partie adverse selon le jugement du tribunal.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SCP LECAT ET ASSOCIES

Me Dimitri PINCENT

EXPÉDITION à :

CIPAV

[Y] [I]

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX

ARRÊT du : 27 FEVRIER 2024

Minute n°90/2024

N° RG 23/00640 – N° Portalis DBVN-V-B7H-GX2D

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 17 Janvier 2023

ENTRE

APPELANTE :

CIPAV

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Amélie TOTTEREAU-RETIF, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉE :

Madame [Y] [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Dispensée de comparution à l’audience du 12 décembre 2023

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 12 DECEMBRE 2023.

ARRÊT :

– Contradictoire, en dernier ressort.

– Prononcé le 27 FEVRIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [Y] [I], née en 1970, affiliée à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, ci-après CIPAV, dans le cadre de son activité libérale exerçant sous le statut d’auto-entrepreneur, s’est procurée le 12 août 2021, un relevé de situation individuelle sur le site du [6].

Le 24 août 2021, elle a sollicité la commission de recours amiable de la CIPAV aux fins de modification de ses points de retraite complémentaire et retraite de base acquis sur la période 2013 à 2020.

Par courrier recommandé du 29 octobre 2021, Mme [Y] [I] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux pour contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CIPAV.

Par jugement du 17 janvier 2023, le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux a :

– dit la requête recevable,

– dit que [Y] [I] a acquis les points de retraite de base pour les années suivantes auprès de la CIPAV’:

‘ 14,4 points en 2013,

‘ 90,9 points en 2014,

‘ 172,4 points en 2015,

‘ 264,5 points en 2016,

‘ 320,4 points en 2017,

‘ 416,8 points en 2018,

‘ 531,4 points en 2019,

‘ 530,4 points en 2020,

– dit que [Y] [I] a acquis les points de retraite complémentaire pour les années suivantes auprès de la CIPAV’:

‘ 36 points en 2013,

‘ 36 points en 2014,

‘ 36 points en 2015,

‘ 36 points en 2016,

‘ 36 points en 2017,

‘ 72 points en 2018,

‘ 108 points en 2019,

‘ 72 points en 2020,

– condamné la caisse professionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) à transmettre à [Y] [I] et à lui rendre accessible y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision,

– condamné la caisse professionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) aux dépens,

– condamné la caisse professionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) à payer à [Y] [I] la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Suivant déclaration effectuée par voie électronique le 27 février 2023, la CIPAV a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions visées par le greffe le 1er décembre 2023 et soutenues oralement à l’audience du 12 décembre 2023, la CIPAV demande à la Cour de :

Vu les dispositions des statuts de la CIPAV,

Vu le décret n° 79-262 du 21 mars 1979,

Vu les textes visés,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a’:

‘ dit la requête recevable,

‘ dit que [Y] [I] a acquis les points de retraite de base pour les années suivantes auprès de la CIPAV’:

‘ 14,4 points en 2013,

‘ 90,9 points en 2014,

‘ 172,4 points en 2015,

‘ 264,5 points en 2016,

‘ 320,4 points en 2017,

‘ 416,8 points en 2018,

‘ 531,4 points en 2019,

‘ 530,4 points en 2020,

‘ dit que [Y] [I] a acquis les points de retraite complémentaire pour les années suivantes auprès de la CIPAV’:

‘ 36 points en 2013,

‘ 36 points en 2014,

‘ 36 points en 2015,

‘ 36 points en 2016,

‘ 36 points en 2017,

‘ 72 points en 2018,

‘ 108 points en 2019,

‘ 72 points en 2020,

‘ condamné la CIPAV à transmettre à [Y] [I] et à lui rendre accessible y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision,

‘ condamné la CIPAV à payer à [Y] [I] la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

‘ rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer irrecevable le recours formé par Mme [Y] [I],

A titre subsidiaire,

– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [Y] [I],

– attribuer à Mme [Y] [I] les points de retraite de base suivants’:

‘ 9,5 points de retraite de base en 2013,

‘ 60 points de retraite de base en 2014,

‘ 113,8 points de retraite de base en 2015,

‘ 183,9 points de retraite de base en 2016,

‘ 218,7 points de retraite de base en 2017,

‘ 278,2 points de retraite de base en 2018,

‘ 457,5 points de retraite de base en 2019

‘ 379,7 points de retraite de base en 2020,

– attribuer à Mme [Y] [I] les points de retraite complémentaire suivants’:

‘ 4 points de retraite complémentaire en 2013,

‘ 9 points de retraite complémentaire en 2014,

‘ 9 points de retraite complémentaire en 2015,

‘ 26 points de retraite complémentaire en 2016,

‘ 30 points de retraite complémentaire en 2017,

‘ 38 points de retraite complémentaire en 2018,

‘ 61 points de retraite complémentaire en 2019,

‘ 50 points de retraite complémentaire en 2020,

– débouter Mme [Y] [I] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [Y] [I] à verser à la CIPAV la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.

Dans ses conclusions transmises le 16 novembre 2023, Mme [Y] [I] demande à la Cour de :

Vu les articles L. 133-6-8 et L. 644-1 du Code de la sécurité sociale,

Vu l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979,

Vu l’arrêt Tate de la Cour de cassation du 23 janvier 2020,

Vu l’article 1240 du Code civil,

– confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux du 17 janvier 2021 sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] [I] de sa demande en réparation du préjudice moral,

Statuant à nouveau,

– condamner la CIPAV à verser à Mme [Y] [I] la somme de 3’000 euros en réparation du préjudice moral,

Y ajoutant,

– condamner la CIPAV à verser à Mme [Y] [I] la somme de 5’000 euros en réparation de l’appel abusif,

– condamner la CIPAV à verser à Mme [Y] [I] la somme de 4’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

– Sur la recevabilité du recours

Moyens des parties

La CIPAV poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à rectifier les points de retraite complémentaire et de base de Mme [Y] [I]. Elle soulève l’irrecevabilité du recours de Mme [Y] [I] aux motifs que le relevé de situation individuelle qu’elle s’est procuré ne constitue pas une décision de la caisse, élément nécessaire à la saisine de la commission de recours amiable. Elle soutient que l’adhérent ne peut saisir la commission de recours amiable de la caisse, puis la juridiction, qu’à la suite de la notification d’une décision émanant de cet organisme, que le relevé de situation individuelle que Mme [Y] [I] s’est procuré à partir du site internet [6], établi à titre indicatif et provisoire, ne peut caractériser une décision prise par la caisse relative à la détermination de ses droits à retraite susceptible de contestation devant la commission de recours amiable.

De son côté, Mme [Y] [I], qui poursuit la confirmation du jugement entrepris, objecte que le relevé de situation individuelle collecté auprès du [6], auquel appartient la CIPAV, constitue une décision de la caisse susceptible de recours devant la commission de recours amiable. Elle observe à cet égard que lorsque les adhérents font une demande de transmission de leur relevé de carrière via l’espace personnel offert par la CIPAV, celle-ci les renvoie vers le site internet www.info-retraite.fr. Elle en déduit que la CIPAV fait preuve d’une particulière mauvaise foi lorsqu’elle reproche à ses adhérents d’avoir contesté devant la commission de recours amiable le relevé de situation individuelle téléchargé sur le site Info-Retraite.

Appréciation de la Cour

Aux termes des dispositions de l’article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale, les réclamations relevant de l’article L. 142-1 du même code, formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé (en ce sens Civ., 2ème11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).

Ainsi, dès lors que les mentions inscrites sur le relevé de situation individuelle procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions portées sur ce relevé, l’absence de notification n’ayant pour seule conséquence que de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par les textes sus mentionnés.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que la commission de recours amiable a bien été saisie, par courrier recommandé du 24 août 2021, réceptionné le 25 août suivant, d’une contestation relative au nombre de points attribués à Mme [Y] [I] par la CIPAV au titre du régime de base et au titre du régime complémentaire pour les années 2013 à 2020, et figurant sur son relevé de situation individuelle, conformément aux dispositions de l’article R. 142-1 susvisé.

Il convient en conséquence, de déclarer le recours de Mme [Y] [I] recevable en l’espèce.

– Sur le calcul des points de retraite complémentaire

Moyens des parties

La CIPAV poursuit l’infirmation du jugement déféré aux motifs que son calcul des points acquis par Mme [Y] [I] ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires relatives au régime de l’auto-entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées. Elle estime en effet qu’une distinction doit être opérée entre la période antérieure au 1er janvier 2016, pour laquelle il existait une compensation du régime par l’État pour couvrir la perte de recette induite par le régime, et la période postérieure où la compensation financière versée par l’Etat n’existe plus. Ainsi, pour la période de 2009 à 2015, elle soutient qu’il résulte de l’article R. 133-30-10 du Code de la sécurité sociale que la compensation de l’Etat doit garantir aux auto-entrepreneurs une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables, que le montant compensé par l’Etat correspond à la différence entre la plus faible cotisation dont le revenu d’activité permettait à l’assuré de bénéficier et la part du forfait social affecté au régime complémentaire et acquittée par lui, le cotisant bénéficiant d’un taux unique de cotisations dit forfait social, applicable au chiffre d’affaires déclaré et couvrant l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues. Elle considère ainsi qu’il y a donc lieu de s’assurer de la réalité des sommes versées tant par l’adhérent que par l’Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points dus au titre du régime complémentaire. Pour la période courant à compter du 1er janvier 2016, elle prétend que par application de ses statuts (article 3-12 bis) le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées. Elle ajoute que Mme [Y] [I] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d’affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016 puisque selon elle, c’est le bénéfice non commercial déclaré qui prévaut.

De son côté, Mme [Y] [I] rappelle que la Cour de cassation dans son arrêt du 23 janvier 2020 (Civ., 2ème 18-15.542) a posé pour principe que l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV et que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité. Elle demande donc la censure de la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite complémentaire d’un montant inférieur à ceux de la première classe. Elle affirme que les relations financières entre l’Etat et la CIPAV sont étrangères à la comptabilisation des droits à la retraite et n’intéressent pas les adhérents. Elle conclut qu’en tout état de cause, la règle de proportionnalité avancée est contraire aux termes du décret précité qui vise un octroi de points forfaitaires et non proportionnels.

S’agissant du revenu de référence avant 2016, elle rappelle les termes de l’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale qui garantit aux auto-entrepreneurs l’acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux ‘classiques’ par dérogation au régime de droit commun visé à l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale. Elle ajoute que la détermination des trimestres acquis se fait par référence au chiffre d’affaires par application de l’article D. 643-3 du Code de la sécurité sociale.

Appréciation de la Cour

Le régime de retraite complémentaire géré par la CIPAV est régi par le décret n° 79-262 du 21 mars 1979. Il prévoit huit classes de cotisations forfaitaires, portant attribution annuelle de points.

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé le régime de l’auto-entrepreneur, consistant en un régime simplifié, sous condition de revenus, de création, gestion et cessation d’entreprise individuelle.

L’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009, énonce : ‘Par dérogation aux cinquième et dernier alinéas de l’article L.131-6, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d’abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale’.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a modifié l’article L. 133-6-8 en précisant que le taux du forfait social, qui doit être fixé par décret, doit ‘garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants’.

Le financement de ce système incitatif a été complété par l’Etat pour la période 2009-2015 en application de l’article L. 131-7 du Code de la sécurité sociale. L’article R. 133-30-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-379 du 2 avril 2009, définit les modalités de cette compensation et précise en son dernier alinéa que pour l’application de ces dispositions aux travailleurs indépendants affiliés à la CIPAV, cette compensation doit garantir au régime une cotisation ‘au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a du présent article’. A compter du 1er janvier 2016, aucune compensation financière n’a plus été prévue.

Ainsi, les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, calculées et recouvrées par l’ACOSS pour être reversées à la CIPAV, sont calculées à partir d’un taux de cotisation spécifique et global pour l’ensemble des garanties, y compris la retraite complémentaire, à l’exception de la contribution à la formation professionnelle, ce taux étant appliqué directement sur le chiffre d’affaires encaissé.

En l’espèce, il sera observé qu’il n’existe aucune contestation sur le paiement de ses cotisations par Mme [Y] [I] au titre de son statut d’auto-entrepreneur.

Il sera également constaté qu’il est exact que la cour de cassation, saisie de la question des règles de détermination du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV a indiqué dans son arrêt du 23 janvier 2020 : ‘Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité’.

Ainsi, quelle que soit la période invoquée, c’est à tort que la CIPAV a fondé le décompte des points de retraite complémentaire de Mme [Y] [I] d’une part sur les dispositions définissant les modalités de la compensation financière de l’Etat, qui sont au surplus étrangères aux rapports entre la caisse et ses cotisants auto-entrepreneurs et d’autre part sur ses statuts, qui, en tout état de cause, se situent dans la hiérarchie des normes à un niveau inférieur aux dispositions légales et réglementaires. Enfin, le principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et le nombre de points acquis invoqué par la CIPAV est contraire aux dispositions de l’article 2 précité du décret du 21 mars 1979 rappelées ci-dessus.

S’agissant de l’assiette de calcul, au visa des dispositions précitées, la CIPAV ne saurait valablement se référer aux bénéfices non commerciaux déclarés, au lieu du chiffre d’affaires, pour déterminer, à la baisse, le revenu d’activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l’affilié.

Il y a lieu, dès lors, de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [Y] [I] conformément à ses demandes.

– Sur le calcul des points de retraite de base

Les parties s’accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs mais s’opposent sur l’abattement de 34 % appliqué par la CIPAV sur le chiffre d’affaires. La caisse indique chercher à obtenir ainsi une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun afin de reconstituer un revenu correspondant au [5] en application des dispositions des articles L.133-6-8 du Code de la sécurité sociale et 102 ter du Code général des impôts.

Cette analyse est toutefois incompatible avec le sens même des dispositions évoquées qui garantissent aux auto-entrepreneurs, ‘un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants’.

C’est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont fait droit aux demandes de Mme [Y] [I] à ce titre.

– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral généré par l’appel abusif

Moyens des parties

Mme [Y] [I] réclame la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la minoration de ses droits à la retraite et du stress généré par le sentiment d’impuissance à obtenir rectification de ses droits, ainsi que 5’000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de l’appel abusif de la CIPAV.

La CIPAV s’y oppose aux motifs que la divergence d’interprétation des textes ne saurait être constitutive d’une faute de sa part.

Appréciation de la Cour

L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Enfin l’article 9 du Code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

S’il est exact qu’un différend juridique sur des modalités de calcul de droits à pension ne peut à lui seul constituer une faute notamment au regard de l’abondante jurisprudence suscitée par ces questions, force est de constater qu’au jour de l’introduction du litige, l’arrêt de la Cour de cassation était déjà intervenu et que dès 2014 puis 2017, la Cour des comptes alertait dans ses rapports annuels sur ‘une réduction sans base légale de droits à la retraite complémentaire’ [des auto-entrepreneurs] (rapport 2014 p. 271 et suivantes) concluant ‘il importe que la CIPAV et les pouvoirs publics reviennent, sans délai, sur ces pratiques irrégulières de manière à garantir aux auto-entrepreneurs les mêmes droits qu’aux professionnels libéraux, sauf à procéder aux modifications de textes qui leur donneraient un fondement juridique’. En 2017, il était noté ‘une absence anormale de rétablissement des auto-entrepreneurs dans leurs droits’ (rapport 2017 p. 427), la cour des comptes réitérant ‘sa recommandation de rétablir dans la plénitude de leurs droits les auto-entrepreneurs concernés entre 2009 et 2015 sur la base d’une cotisation minimale recalculée’.

Il doit donc être retenu que la persistance de la CIPAV dans l’application d’une position juridiquement erronée, est constitutive d’une faute de sa part.

Pour autant, Mme [I] ne justifie pas du préjudice moral en découlant à ce double titre ainsi qu’elle allègue.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [I] de ses demandes de ce chef.

– Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Partie succombante, la CIPAV sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [Y] [I] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. La CIPAV sera en conséquence déboutée de sa propre demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux ;

Y ajoutant,

Condamne la CIPAV à payer à Mme [Y] [I] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la CIPAV aux dépens et la déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

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