Calcul des points de retraite: application stricte des dispositions légales

Notez ce point juridique

1. Il est important de respecter les procédures de recours amiable avant de saisir la juridiction compétente en cas de litige avec un organisme de sécurité sociale. Assurez-vous de suivre les étapes prévues par la loi pour contester une décision.

2. Lorsque vous contestez le calcul de vos points de retraite complémentaire, assurez-vous de vous baser sur les dispositions légales et réglementaires en vigueur. Vérifiez que l’organisme de retraite respecte les règles de calcul prévues par la loi et n’applique pas des pratiques contraires aux textes en vigueur.

3. En cas de litige concernant votre relevé de situation individuelle, veillez à ce qu’il soit conforme aux dispositions légales et contienne toutes les informations nécessaires. Si vous estimez que des données sont manquantes ou incorrectes, n’hésitez pas à contester et demander une rectification.


Mme [P] a été affiliée à la Cipav en tant qu’auto-entrepreneur depuis 2009. En 2020, elle a contesté la comptabilisation de ses points de retraite jusqu’en 2013 et le manque d’information sur ses droits à la retraite à partir de 2014. Après avoir saisi la commission de recours amiable sans réponse, elle a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Paris, qui a jugé en sa faveur en novembre 2022. La Cipav a été condamnée à rectifier les points de retraite de base et complémentaire de Mme [P] pour la période 2009-2019. La Cipav a interjeté appel, demandant l’irrecevabilité du recours de Mme [P] ou une révision des points attribués. Mme [P] demande une indemnisation pour préjudice moral, un montant supplémentaire pour chaque année non enregistrée et des frais irrépétibles. Les parties ont déposé des conclusions écrites à l’audience pour exposer leurs arguments.

Sur la recevabilité du recours

Il est rappelé que les réclamations contre les décisions des organismes de sécurité sociale doivent être soumises à une commission de recours amiable avant de saisir la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale. Dans cette affaire, la requérante a contesté les mentions figurant sur son relevé de situation individuelle, ce qui a été jugé recevable pour certaines années mais irrecevable pour d’autres en l’absence de décision caractérisée.

Sur le calcul des points de retraite complémentaire

La Cipav a été condamnée à rectifier le calcul des points de retraite complémentaire de la requérante pour la période antérieure à 2016. La caisse avait appliqué des règles contraires aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, notamment en se basant sur des critères inappropriés pour déterminer le nombre de points attribués.

Sur la retraite de base

Les parties étaient en désaccord sur l’abattement de 34 % appliqué par la Cipav sur le chiffre d’affaires pour le calcul des points de retraite de base. La caisse a été jugée en tort pour cette pratique, qui ne respectait pas les dispositions légales garantissant un niveau équivalent entre les cotisations versées et les revenus des travailleurs indépendants.

Sur la remise d’un relevé de situation individuelle conforme

La Cipav a été condamnée à transmettre à la requérante un relevé de situation individuelle conforme pour les années 2009 à 2013. Aucune astreinte n’a été jugée nécessaire pour cette condamnation.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts

La requérante réclamait des dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la minoration de ses droits à la retraite et par l’appel abusif de la Cipav. Cependant, elle n’a pas pu prouver ce préjudice, et sa demande a été rejetée.

Sur la demande de réparation pour préjudice moral

La requérante a également demandé réparation pour le préjudice moral résultant de l’absence de renseignement sur son relevé de situation individuelle pour la période 2014-2019. Cette demande a été rejetée faute de preuves d’un manquement de la part de la Cipav.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La Cipav a été condamnée aux dépens d’appel, mais aucune indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a été accordée.

– Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse :
– Recevabilité et fondement de l’appel confirmés.
– Aucune somme spécifique allouée mentionnée.

– Mme [I] [J] [H] :
– Demandes d’attribution de points de retraite pour 2017 à 2019 déclarées irrecevables.
– Déboutée de ses autres demandes.
– Condamnée aux dépens de première instance et d’appel.


Réglementation applicable

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS
– Me Kévin BOUTHIER, avocat au barreau de PARIS
– Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– Mme [P] affiliée à la Cipav depuis 2009
– Contestation des points de retraite jusqu’en 2013
– Absence d’information sur les droits à la retraite depuis 2014
– Demande de rectification des points de retraite
– Jugement favorable à Mme [P] en 2022
– Rectification des points de retraite de base et complémentaire pour 2009-2019
– Transmission d’un relevé de situation individuelle conforme
– Rejet de la demande d’astreinte et de dommages et intérêts
– Appel de la Cipav contre le jugement
– Demande de la Cipav à la cour d’infirmer le jugement et de recalculer les points
– Demande de Mme [P] à la cour de confirmer le jugement et d’ajouter des indemnisations pour préjudice moral et appel abusif
– Utilisation des articles 700 et 446-2 du code de procédure civile pour les frais et les moyens des parties

– Affiliation à la Cipav : acte par lequel une personne adhère à la Cipav pour bénéficier de ses services de retraite
– Contestation des points de retraite : action de contester les points attribués à une personne pour sa retraite
– Rectification des points de retraite : action de corriger les points attribués à une personne pour sa retraite
– Relevé de situation individuelle : document qui récapitule la situation de retraite d’une personne
– Astreinte : somme d’argent due en cas de non-respect d’une décision de justice
– Dommages et intérêts : somme d’argent versée en réparation d’un préjudice subi
– Appel : recours devant une cour supérieure contre une décision de justice
– Indemnisation pour préjudice moral : compensation financière pour le préjudice moral subi
– Appel abusif : recours jugé injustifié par la cour
– Articles 700 et 446-2 du code de procédure civile : articles du code de procédure civile régissant les frais et les moyens des parties dans une procédure judiciaire

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 12 Janvier 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/09948 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZAO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 21/01930

APPELANTE

La Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (C.I.P.A.V.), prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408 substitué par Me Kévin BOUTHIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (la Cipav) d’un jugement rendu le 22 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l’opposant à Mme [Z] [P].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [P] a été affiliée à la Cipav sous le statut d’auto-entrepreneur depuis le

1er octobre 2009.

Elle s’est procurée, le 7 février 2020, via le site du groupement d’intérêt public « Info retraite », un relevé de situation individuelle comptabilisant, s’agissant de la Cipav, un total de 1048,4 points acquis au titre de la retraite de base et 49 points pour la retraite complémentaire entre 2009 et 2013.

En désaccord avec cette comptabilisation de ses points de retraite jusqu’en 2013 et l’absence d’information de ses droits à la retraite à compter de 2014, Mme [P] en a sollicité la rectification après de la commission de recours amiable, le 11 mai 2020 et en l’absence de réponse, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris, le 4 août 2021.

Cette juridiction, par jugement du 22 novembre 2022, a :

– déclaré le recours de Mme [P] recevable et bien-fondé,

– condamné la Cipav à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [P] sur la période 2009-2019, selon le détail suivant :

* 40,5 points en 2009,

* 446 points en 2010,

* 352,1 points en 2011,

* 410,7 points en 2012,

* 338,7 points en 2013,

* 431,1 points en 2014,

* 422,3 points en 2015

* 342,5 points en 2016,

* 245,8 points en 2017,

* 220,8 points en 2018,

* 228,2 points en 2019,

– condamné la Cipav à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par

Mme [P] sur la période 2009-2019 selon le détail suivant :

* 40 points en 2009

*40 points en 2010

* 40 points en 2011

* 40 points en 2012,

* 36 points en 2013,

* 72 points en 2014,

* 72 points en 2015,

* 36 points en 2016,

* 36 points en 2017,

* 36 points en 2018,

* 36 points en 2019,

– ordonné en conséquence la rectification des points de retraite de base et complémentaire sur cette base dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

– condamné la Cipav à transmettre à Mme [P] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

– débouté Mme [P] de sa demande d’astreinte,

– débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts,

– rejeté le surplus des demandes des parties,

– condamné 1a Cipav à payer à Mme [P] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de 1a Cipav au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge de la Cipav.

La Cipav a interjeté de ce jugement le 8 décembre 2022.

Par conclusions écrites déposées à l’audience par son avocat qui s’y réfère, la Cipav demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel,

statuant à nouveau,

à titre principal,

– déclarer irrecevable le recours formé par Mme [P] ,

à titre subsidiaire,

– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de

Mme [P] ,

– attribuer à Mme [P] les points de retraite de base suivants :

* 26,7 points de retraite de base en 2009

* 294,4 points de retraite de base en 2010

* 232,4 points de retraite de base en 2011

* 271,1 points de retraite de base en 2012

* 223,6 points de retraite de base en 2013

* 284,5 points de retraite de base en 2014

* 278,8 points de retraite de base en 2015

* 238,1 points de retraite de base en 2016

* 167,8 points de retraite de base en 2017

* 147,4 points de retraite de base en 2018

* 152,4 points de retraite de base en 2019

– attribuer à Mme [P] les points de retraite complémentaire suivants :

*10 points de retraite complémentaire en 2009

* 10 points de retraite complémentaire en 2010

* 10 points de retraite complémentaire en 2011

* 10 points de retraite complémentaire en 2012

* 9 points de retraite complémentaire en 2013

* 27 points de retraite complémentaire en 2014

* 27 points de retraite complémentaire en 2015

* 34 points de retraite complémentaire en 2016

* 23 points de retraite complémentaire en 2017

* 20 points de retraite complémentaire en 2018

* 20 points de retraite complémentaire en 2019

– débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [P] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.

Par conclusions écrites déposées à l’audience et auxquelles son avocat se réfère,

Mme [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en réparation du préjudice moral,

statuant à nouveau,

– condamner la Cipav à lui verser la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral,

y ajoutant,

– En cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2014-2019, condamner la Cipav à verser une indemnité supplémentaire de 3 000 euros par année non enregistrée en réparation du préjudice causé par le manquement à l’obligation légale d’information de la caisse, soit 18000 euros pour les années 2014 à 2019,

– condamner la Cipav à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de l’appel abusif,

– condamner la Cipav à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour l’exposé de leurs moyens.

SUR CE, LA COUR :

– Sur la recevabilité du recours,

Il résulte des dispositions des article R. 142-1 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable, que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l’intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois.

Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comportant notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable puis la juridiction du contentieux général le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur ce relevé (2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).

La Cipav soutient que la commission de recours amiable puis le pôle social du tribunal judiciaire ne peuvent être saisis qu’à la suite de la notification d’une décision émanant de cet organisme et qu’en l’espèce l’intéressée ne justifie d’aucune décision prise par l’organisme ayant empêché de ce fait la commission de recours amiable de se prononcer.

Selon la Cipav, le document émanant du site du groupement d’intérêt public ‘ Info retraite’ dont se prévaut Mme [P] ne saurait constituer une décision de sa part faisant grief et susceptible de contestation devant la commission de recours amiable.

Cependant dès lors que les mentions figurant sur le relevé de situation individuel procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale les mentions figurant sur ce relevé.

Au cas particulier, il convient de constater qu’à la suite de la réception du relevé individuel de situation édité le 7 février 2020 faisant mention, au 1er janvier 2019, d’un certain nombre de points de retraite pour la période 2009, 2010, 2011, 2012,2013 au titre de la Cipav, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable de la Cipav d’une réclamation tendant à la majoration du nombre de points attribués tant au titre du régime de base qu’au titre du régime complémentaire jusqu’en 2013 et la rectification de l’omission de renseignements quant à ses droits à compter de 2014.

L’intéressée est recevable à contester les mentions figurant au titre du nombre de points retenus au regard des indications afférentes aux annualités 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013; en effet le relevé de situation individuelle dûment renseigné comporte pour chacune de ces années l’indication du nombre de points pris en compte pour la détermination des droits à pension et caractérise une décision prise par la caisse pour l’ensemble de ces années.

En revanche, Mme [P], au regard de l’annualité des points attribués telle que résultant des dispositions du décret n°79-262 du 21 mars 1979, en l’absence d’indications afférentes aux annualités à partir de 2014, n’est pas recevable en ses réclamations au titre de ces années en l’absence précisément de mention permettant de caractériser une décision prise par la caisse.

Il convient dans ces conditions de réformer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable la réclamation de l’intéressée pour les années 2014 à 2019.

– Sur le calcul des points de retraite complémentaire,

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé le régime de l’auto-entrepreneur, consistant en un régime simplifié, sous condition de revenus, de création, gestion et cessation d’entreprise individuelle.

Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret nº 79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la Cipav et institué par l’article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret nº 2012-1522 du 28 décembre 2012, chacune d’entre elles portant attribution d’un nombre de points déterminé.

L’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi

n° 2009-431 du 20 avril 2009, énonce : Par dérogation aux cinquième et dernier alinéas de l’article L. 131-6, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d’abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a modifié l’article L. 133-6-8 en précisant que le taux du forfait social, qui doit être fixé par décret, doit garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Le financement de ce système incitatif a été complété par l’Etat pour la période 2009-2015 en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. L’article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-379 du 2 avril 2009, définit les modalités de cette compensation et précise en son dernier alinéa que pour l’application de ces dispositions aux travailleurs indépendants affiliés à la Cipav, cette compensation doit garantir au régime une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables en fonction de leur activité en application des dispositions mentionnées au a du présent article. A compter du

1er janvier 2016, aucune compensation financière n’a plus été prévue.

Ainsi, les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav, calculées et recouvrées par l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (l’Acoss) pour être reversées à la Cipav, sont calculées à partir d’un taux de cotisation spécifique et global pour l’ensemble des garanties, y compris la retraite complémentaire.

En l’espèce, la Cipav poursuit l’infirmation du jugement déféré aux motifs que son calcul des points acquis par Mme [P] ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires relatives au régime de l’auto-entrepreneur et du principe de proportionnalité des droits à la retraite aux cotisations versées. Elle estime en effet qu’une distinction doit être opérée entre la période antérieure au 1er janvier 2016, pour laquelle il existait une compensation du régime par l’État, et la période postérieure. Ainsi, elle soutient que l’article R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale stipulant que la compensation de l’Etat doit garantir aux auto-entrepreneurs une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils auraient pu être redevables, le montant compensé par l’Etat correspond à la différence entre la plus faible cotisation dont le revenu d’activité permettait à l’assuré de bénéficier et la part du forfait social affecté au régime complémentaire et acquittée par lui, le cotisant bénéficiant d’un taux unique de cotisations dit forfait social, applicable au chiffre d’affaires déclaré et couvrant l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues ; pour la période non concernée par le système de compensation financière de l’Etat, elle prétend que par application de ses statuts (article 3.12) le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées. Elle fait valoir que son mode de calcul a été expressément validé par le ministère de l’économie et des finances et du ministère des affaires sociales et de la santé et du secrétaire d’état au budget ainsi que le reprend le rapport annuel 2017 de la Cour des comptes. Elle indique que Mme [P] commet une erreur en se fondant sur son chiffre d’affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016 puisque selon elle, c’est le BNC (bénéfice non commercial) déclaré qui prévaut.

De son côté, Mme [P] rappelle que la Cour de cassation dans son arrêt du

23 janvier 2020 (Civ 2ème, 18-15.542) a posé pour principe que l’article 2 du décret

n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav et que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité. Elle demande donc la censure de la pratique de la Cipav consistant à allouer des points de retraite complémentaire d’un montant inférieur à ceux de la première classe. Elle affirme que les relations financières entre l’Etat et la Cipav sont étrangères à la comptabilisation des droits à la retraite et n’intéressent pas les adhérents. Elle conclut qu’en tout état de cause, la règle de proportionnalité avancée est contraire aux termes du décret précité qui vise un octroi de points forfaitaires et non proportionnels. S’agissant du revenu de référence avant 2016, elle rappelle les termes de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale qui garantit aux auto-entrepreneurs l’acquisition de droits identiques à ceux des professionnels libéraux classiques par dérogation au régime de droit commun visé à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que de plus la détermination des trimestres acquis se fait par référence au chiffre d’affaires par application de l’article D. 643-3 du code de la sécurité sociale.

Au préalable, il sera observé qu’il n’existe aucune contestation sur le paiement de ses cotisations par Mme [P] au titre de son statut d’auto-entrepreneur.

Il sera également constaté qu’il est exact que la Cour de cassation, saisie de la question des règles de détermination du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav a indiqué dans son arrêt du

23 janvier 2020 : ‘Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du

21 mars 1979 modifié, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité’.

Ainsi, quelle que soit la période invoquée, c’est à tort que la Cipav a fondé le décompte des points de retraite complémentaire de Mme [P] d’une part sur les dispositions définissant les modalités de la compensation financière de l’Etat, qui sont au surplus étrangères aux rapports entre la caisse et ses cotisants auto-entrepreneurs et d’autre part sur ses statuts, qui, en tout état de cause, se situent dans la hiérarchie des normes à un niveau inférieur aux dispositions légales et réglementaires. Enfin, le principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et le nombre de points acquis invoqué par la Cipav est contraire aux dispositions de l’article 2 précité du décret du 21 mars 1979 rappelées ci-dessus.

S’agissant de l’assiette de calcul, au visa des dispositions précitées, la Cipav ne saurait valablement se référer aux bénéfices non commerciaux déclarés, au lieu du chiffre d’affaires, pour déterminer, à la baisse, le revenu d’activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l’affilié.

Pour déroger aux dispositions susvisées, applicables à Mme [P] dès lors qu’elle s’est régulièrement acquittée de la cotisation forfaitaire à sa charge, la Cipav n’est pas fondée à se prévaloir d’une assiette de revenus fondée sur le bénéfice non commercial (BNC) au cours de la période considérée, pour pratiquer à tort un abattement de 34 %, l’article

L. 131-6 du code de la sécurité sociale n’étant pas applicable aux travailleurs indépendants relevant du régime micro-social .

La Cipav ne peut davantage se prévaloir de l’article 3.12 de ses statuts, qui prévoit que

« la cotisation peut sur demande expresse de l’adhérent être réduite de 25, 50 ou 75 % en fonction du revenu professionnel de l’année précédente. Les tranches de revenus correspondant à ces taux de réduction sont déterminées chaque année par le conseil d’administration de la Cipav», pour pratiquer à tort, au cours de cette période, une réfaction sur la cotisation fixée par décret de la classe dont dépend l’assurée.

A cet égard, il est de surcroît observé qu’une telle réduction suppose une demande expresse de l’assurée, demande qui en l’espèce ne ressort d’aucun élément au dossier et pour cause: contrairement à un professionnel libéral soumis au régime social de droit commun qui peut opter pour la réduction de sa cotisation de retraite complémentaire, le micro-entrepreneur s’acquitte d’une cotisation forfaitaire couvrant l’ensemble des cotisations sociales obligatoires, de sorte qu’il ne dispose pas d’une telle option pour voir opérer une réfaction sur son forfait social qui correspondrait à sa seule cotisation de retraite complémentaire.

C’est également en vain que la Cipav se prévaut du non-respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis, dès lors que cet éventuel non-respect résulte du dispositif légal mis en place au profit des micro-entrepreneurs.

De même, le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les auto-entrepreneurs et ses autres adhérents est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d’entreprises par la mise en place, notamment, d’un régime de déclaration et de paiement des cotisations sociales simplifié.

Tout autant, l’argument de l’organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l’assurée conduit à lui attribuer des points pour une valeur d’achat largement inférieure à celle fixée par son conseil d’administration est dénué de pertinence, en ce qu’il se heurte au principe même du forfait social institué par le législateur.

Il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Cipav à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [P] conformément à ses demandes pour la période allant de 2009 à 2013.

– Sur la retraite de base,

Ainsi qu’il a été dit, il résulte de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables au litige, devenu l’article L. 613-7 (entré en vigueur le 14 juin 2018), que les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav sont calculées à partir d’un taux de cotisation spécifique forfaitaire pour les garanties considérées, y compris celles afférentes au régime d’assurance vieillesse de base, l’assiette retenue correspondant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent.

Les parties s’accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs mais s’opposent sur l’abattement de 34 % appliqué par la Cipav sur le chiffre d’affaires. La caisse indique chercher à obtenir ainsi une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun afin de reconstituer un revenu correspondant au BNC en application des dispositions des articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.

Cette analyse est toutefois incompatible avec le sens même des dispositions évoquées qui garantissent aux auto-entrepreneurs, un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Pour les raisons déjà développées, la Cipav n’est pas fondée à retenir, au cours de la période considérée, une assiette de revenus fondée sur le bénéfice non commercial (BNC) et pratiquer ainsi à tort un abattement de 34 %.

Le décompte de la Cipav ne peut donc être entériné et c’est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont fait droit aux demandes de Mme [P] à ce titre.

– Sur la remise d’un relevé de situation individuelle conforme,

Compte tenu des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la Cipav devra transmettre à Mme [P] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, pour les années 2009 à 2013, aucune circonstance ne démontrant la nécessité d’assortir cette condamnation du prononcé d’une astreinte.

– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral généré par la minoration des droits à la retraite et par l’appel abusif,

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L’article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, Mme [P] réclame la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la minoration de ses droits à la retraite et du stress généré par le sentiment d’impuissance à obtenir rectification de ses droits. Elle demande également 5 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de l’appel abusif de la Cipav.

La Cipav s’y oppose aux motifs que la divergence d’interprétation des textes ne saurait être constitutive d’une faute de sa part.

S’il est exact qu’un différend juridique sur des modalités de calcul de droits à pension ne peut à lui seul constituer une faute notamment au regard de l’abondante jurisprudence suscitée par ces questions, force est de constater qu’au jour de l’introduction du litige, l’arrêt de la Cour de cassation était déjà intervenu mais que la Cipav a persisté dans l’application d’une position juridiquement erronée exerçant des recours sur ce même fondement, déjà écarté par la cour de cassation.

Pour autant, Mme [P] ne justifie pas du préjudice moral en découlant à ce double titre ainsi qu’elle allègue. Dans la mesure où la présente décision fait droit aux demandes de la cotisante sur la période de 2009 à 2013, elle n’est pas fondée à alléguer une minoration de ses droits qui ne sont en outre que des droits futurs et elle n’invoque qu’une ‘ire’ et un ‘tracas’ pour obtenir réparation d’un préjudice qu’elle n’établit donc pas.

Mme [P] sera dés lors déboutée de ses demandes de ce chef.

– Sur la demande de réparation pour préjudice moral résultant de l’absence de renseignement sur le relevé de situation individuelle pour la période 2014-2019,

La cotisante ne démontre pas que l’absence de données sur le relevé individuel édité le 16 avril 2020 ressort d’un manquement de la Cipav. En effet, ce relevé est édité par le GIE « Info retraite » et il n’est pas établi que l’absence de données concernant les années 2014 à 2019 soit consécutive à un défaut de transmissions de données par la Cipav.

Mme [P] sera déboutée de cette demande.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens,

La Cipav sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE recevable l’appel de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse,

CONFIRME le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré Mme [Z] [P] recevable en ses demandes au titre des années 2014 à 2019 et procédé au calcul de ses droits afférents à ces années,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [Z] [P] au titre des points de retraite de base et complémentaire pour les années 2014 à 2019,

DÉBOUTE Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse aux entiers dépens.

La greffière La présidente.

 

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