Contrefaçon de la marque Blackbird
En matière de risque de confusion entre marques, le critère de l’identification du public pertinent est crucial. Dans le cadre de son action en contrefaçon de sa marque « Blackbird » dirigée contre Bell & Ross, la société Breitling a été déboutée de sa demande.
Bell & Ross avait utilisé le signe «BR 126 Blackbird » pour désigner l’un de ses modèles de montres. Pour apprécier la contrefaçon, les juges ont retenu que les caractères « BR 126 » n’étaient pas insignifiants, il n’y avait donc pas reproduction de marque sans modification ni ajout au sens de la jurisprudence européenne (CJCE, LTJ Diffusion, 20 mars 2003, point 51). La preuve de la contrefaçon devait donc aussi porter sur la démonstration d’un risque de confusion.
Preuve du risque de contrefaçon
II convenait donc de rechercher s’il n’existait pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association) qui est apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.
Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, étant précisé qu’un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement et, par ailleurs, qu’il échet d’identifier, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, le public pertinent, comme l’y invite la jurisprudence communautaire (TPICE, Picasso, 22 juin 2004).
Public pertinent en matière de montres de luxe
Précisément, sur le public pertinent, le degré d’attention de ce dernier, du fait de la nature des produits concernés et, en particulier, de leur prix (de l’ordre, pour l’un et l’autre, de 5.000 euros) et de leur fort caractère technologique, est particulièrement élevé lors de l’acte d’achat. La circonstance que la montre référencée « BR 146 Blackbird » était commercialisée dans le cadre de la vente d’une série limitée à 500 produits, comme précisé dans le catalogue, est de nature à accentuer son degré d’attention.
Que la Cour de justice est venue préciser en cette occurrence qu’ « il importe, en droit, de tenir compte de ce qu’une telle circonstance peut être de nature à réduire le risque de confusion entre les marques relatives à de tels produits au moment crucial où s’opère le choix entre ces produits ou ces marques » (CJCE, Picasso, 12 janvier 2006).
Appréciation visuelle des signes
Visuellement, il ne saurait être nié que les signes en conflit, quand bien même ils s’offrent à voir selon des longueurs différentes, présentent une similitude du fait que le signe contesté inclut en son entier la marque revendiquée ; toutefois, cet élément de reprise se trouve placé à la fin du signe contesté, envisagé comme un tout, et non point comme élément d’attaque apte à être davantage mémorisé et outre, le public pertinent composé d’amateurs éclairés, voire de collectionneurs de montres de luxe, ne prêtera à cet élément commun qu’une attention relative du fait de ses connaissances dans le domaine de l’horlogerie de luxe, de la présence des majuscules « BR » renvoyant aux initiales de la marque ou encore de son attachement au calibrage spécifié par le nombre 146.
Appréciation phonétique des signes
Phonétiquement, rien ne permet d’affirmer que le consommateur particulièrement attentif de cette catégorie de produits (montres) associera le référencement « BR 126 Blackbird » et la marque « Blackbird » en évoquant de manière oralement raccourcie, par l’emploi ce dernier terme, la référence de la montre Bell & Ross.
Appréciation conceptuelle des signes
Conceptuellement, en raison du niveau élevé de son attention dans ce domaine, l’acheteur de montre ne sera pas conduit à se méprendre sur l’origine commerciale précise des produits de luxe en cause lorsqu’il exercera son choix entre les produits, quand bien même le référencement dont s’agit reprendrait le nom d’un avion constituant notamment l’unique élément verbal de la marque dont est titulaire la société Breitling et qu’il le sera d’autant moins que la société Bell & Ross décline son référencement « BR 126 » sous divers noms d’avions.
En conclusion, en dépit d’une identité entre les produits en cause, les facteurs de similitude évoqués, tant au point de vue visuel et phonétique qu’au point de vue conceptuel, ne conduisent pas à considérer que l’usage constaté du signe sera générateur d’un risque de confusion pour le consommateur à l’attention particulièrement aiguisée des produits en cause, de sorte que la société Breitling a été déboutée de son action en contrefaçon.
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