Assurances : l’infraction de blessures involontaires

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L’opposabilité des opérations d’expertise

Les dispositions de l’ordonnance concernant la communication de pièces ne sont plus remises en cause dans le dispositif des dernières écritures de l’appelante qui a communiqué les pièces sollicitées.

La cour n’est donc saisie désormais que de la question de l’opposabilité des opérations d’expertise ordonnées le 17 octobre 2022 à la société H2S Renault [Localité 3] sur demande de la société BPCE Assurances.

Responsabilité de la société BPCE Assurances

M. [B] a été déclaré coupable sur le plan pénal de l’infraction de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. Aucun élément versé aux débats n’est de nature à laisser penser que la responsabilité de la société H2S Renault [Localité 3] pourrait être engagée.

Cumul d’assurances

L’article L121-4 du code des assurances énonce les règles concernant le cumul d’assurances. En l’espèce, il ne saurait y avoir cumul d’assurances puisque les assurés sont différents. La société BPCE Assurances ne rapporte pas la preuve d’un intérêt légitime à rendre communes et opposables les opérations d’expertise ordonnées.

Décision finale

La décision entreprise sera infirmée dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a condamnée la société BPCE Assurances aux dépens de première instance. Succombant, la société BPCE Assurances sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la société H2S Renault [Localité 3] à hauteur de 3 000 euros.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

HP/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 28 Novembre 2023

N° RG 23/00020 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HE65

Décision attaquée : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANNECY en date du 19 Décembre 2022

Appelante

S.A.S. H2S [Localité 3], dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocats postulants au barreau d’ANNECY

Représentée par l’AARPI FOURCADE – CHEVALLIER, avocats plaidants au barreau de PARIS

Intimée

Compagnie d’assurance BPCE ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL VPV AVOCATS, avocats plaidants au barreau de LYON

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l’ordonnance de clôture : 26 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 septembre 2023

Date de mise à disposition : 28 novembre 2023

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Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

– Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

Le 22 août 2021, M. [C] [S] a été victime d’un accident corporel de la circulation à [Localité 5] après avoir été percuté par un véhicule conduit par M. [W] [B]. Le véhicule impliqué dans l’accident avait été prêté au conducteur par la société H2S Renault [Localité 3] (Sasu) à titre de véhicule de courtoisie selon contrat du 13 août 2021 du 13 août au 23 août 2021.

Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal correctionnel d’Annecy a reconnu M. [B] coupable de l’infraction de blessures involontaires ayant occasionné des blessures générant une incapacité totale de travail d’une durée supérieure à 3 mois sur la personne de M. [S], et est entré en voie de condamnation à l’encontre de celui-ci. M. [S] a été reçu en sa constitution de partie civile.

Par courrier de mise en cause du 10 mars 2022, M. [S] a informé l’assureur de M. [B], la société BPCE Assurances, de la survenance de l’accident. Selon procès-verbal de transaction provisionnelle du 12 avril 2022, la société BPCE Assurances a versé une provision d’un montant de 50 000 euros à valoir sur les préjudices de M. [S].

Par acte d’huissier du 8 juillet 2022, M. [C] [S] et Mme [U] [S], sa s’ur, ont assigné la société BPCE Assurances, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Loire et la Mutuelle Ageo devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Annecy.

Par ordonnance du 17 octobre 2022, la présidente du tribunal judiciaire d’Annecy a ordonné une expertise judiciaire et a commis M. [D] [G] pour y procéder (RG 22/414).

Par acte d’huissier du 18 août 2022, la société BPCE Assurances a fait délivrer assignation à l’encontre de la société H2S Renault [Localité 3], notamment aux fins de faire enjoindre cette dernière de lui communiquer les conditions générales et particulières du contrat d’assurances garantissant sa flotte de véhicule de prêt et de faire déclarer commune et opposable à cette dernière l’ordonnance de référé du 17 octobre 2022.

Par ordonnance de référé du 19 décembre 2022, la présidente du tribunal judiciaire d’Annecy a :

– Rejeté la demande de nullité de l’assignation ;

– Ordonné la communication par la société H2S Renault [Localité 3] à la société BPCE Assurances des conditions générales et particulières du contrat d’assurances garantissant sa flotte de véhicules de prêt dont le véhicule Megane Dci immatricule [Immatriculation 4] ;

– Rendu opposable à la société H2S Renault [Localité 3], les opérations d’expertise confiées à M. [G] et Mme [H] [O] par ordonnance du 17 octobre 2022 ;

– Condamné la société BPCE Assurances aux dépens ;

– Rejeté toute autre demande.

Par déclaration au greffe en date du 5 janvier 2023, la société H2S [Localité 3] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 23 juin 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société H2S Renault [Localité 3] sollicite la réformation du jugement déféré et demande à la cour de :

– Prendre acte que la société BPCE Assurances considère que l’ordonnance entreprise a été exécutée s’agissant de la communication des conditions générales et particulières du contrat d’assurance garantissant sa flotte de véhicules de prêt, dont le véhicule Megane Dci immatriculé [Immatriculation 4] conduit par M. [B] lors de l’accident en date du 22 août 2021 ;

– Infirmer l’ordonnance entreprise en qu’elle lui a rendu opposable, les opérations d’expertise précédemment ordonnées ;

Statuant à nouveau,

– Constater que la mesure d’expertise judiciaire sollicitée ne repose pas sur un motif légitime du fait de l’absence de cumul d’assurances et de responsabilité de la société H2S Renault [Localité 3] dans la survenance de l’accident de la circulation du 22 août 2021 ;

En conséquence,

– Rejeter et débouter purement et simplement la demande aux fins d’ordonnance commune formée par la société BPCE Assurances ;

– Condamner la société BPCE Assurances à verser à la société H2S Renault [Localité 3] une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société BPCE Assurances aux entiers dépens tant d’appel que de première instance.

Au soutien de ses prétentions, la société H2S Renault [Localité 3] fait valoir notamment que :

La société BPCE Assurances ne justifie pas d’un motif légitime à étendre les opérations d’expertise à la société H2S Renault [Localité 3] étant donné d’une part, que la police d’assurance couvrant le véhicule de la société H2S Renault [Localité 3] mis à la disposition de M. [B] dans le cadre n’a nullement vocation à s’appliquer et à se cumuler avec la garantie de la BPCE Assurances ;d’autre part, la responsabilité de la société H2S Renault [Localité 3] ne peut manifestement pas être engagée dans le cadre de l’accident de la circulation dont M. [S] a été victime ;

Il y a eu transfert d’assurance au profit du véhicule litigieux qui était sous l’usage, le contrôle et la direction de M. [B].

Par dernières écritures en date du 22 juin 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société BPCE Assurances sollicite de la cour de :

– Confirmer l’ordonnance de référé sur la communication de pièces dont la cour constatera qu’elle est désormais parfaite ;

– Confirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a rendu commune et opposable à la société H2S Renault [Localité 3] l’ordonnance de référé prononcée dans le cadre de la procédure de référé enrôlée sous le RG 22/414 s’agissant des opérations d’expertise médicale et architecturale ordonnées dans le cadre de cette procédure ;

– Condamner la société H2S Renault [Localité 3] à lui régler une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société H2S Renault [Localité 3] aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction par Me Christophe Thill, membre de la SCP Milliand-Dumolard-Thill, avocat au barreau de Chambéry, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société BPCE Assurances fait valoir notamment que :

En sa qualité de propriétaire du véhicule Renault Megane Dci immatriculé [Immatriculation 4], la société H2S Renault [Localité 3] avait une obligation d’assurer son véhicule, conformément aux dispositions de l’article L.211-1 du code des assurances ;

Le transfert de garantie ne semble affecter que la garantie dommages du véhicule ;

La garantie « responsabilité civile » automobile obligatoire n’est pas visée dans le contrat de prêt comme devant faire l’objet d’un transfert sur le contrat d’assurance personnel du bénéficiaire du véhicule de prêt.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 26 juin 2023 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 19 septembre 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

Les dispositions de l’ordonnance concernant la communication de pièces ne sont plus remises en cause dans le dispositif des dernières écritures de l’appelante qui a communiqué les pièces sollicitées. La cour n’est donc saisie désormais que de la question de l’opposabilité des opérations d’expertise ordonnées le 17 octobre 2022 à la société H2S Renault [Localité 3] sur demande de la société BPCE Assurances.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile,  »il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’

‘ S’agissant d’une éventuelle responsabilité de la société BPCE Assurances, M. [B] a été déclaré coupable sur le plan pénal de l’infraction de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, alors qu’il était le conducteur du véhicule qui a percuté M. [C] [S]. Aucun élément versé aux débats n’est de nature à laisser penser que la responsabilité de la société H2S Renault [Localité 3], propriétaire du véhicule conduit par M. [B] au moment de l’accident et qui en était le gardien, pourrait être engagée, étant précisé qu’aucun défaut technique du véhicule n’est allégué comme étant à l’origine de l’accident.

‘ S’agissant d’un éventuel cumul d’assurances, l’article L121-4 du code des assurances énonce que « celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs.

L’assuré doit, lors de cette communication, faire connaître le nom de l’assureur avec lequel une autre assurance a été contractée et indiquer la somme assurée.

Quand plusieurs assurances contre un même risque sont contractées de manière dolosive ou frauduleuse, les sanctions prévues à l’article L. 121-3, premier alinéa, sont applicables.

Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d’elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l’article L. 121-1, quelle que soit la date à laquelle l’assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l’indemnisation de ses dommages en s’adressant à l’assureur de son choix.

Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d’eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l’indemnité qu’il aurait versée s’il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s’il avait été seul.», article qui a vocation à s’appliquer dans la présente instance, s’agissant d’assurances de dommages (matériels et/ou corporels). En l’espèce, il ne saurait y avoir cumul d’assurances puisque les assurés sont différents, M. [B] a transféré l’assurance de son véhicule sur le véhicule de courtoisie et est assuré auprès de la société BPCE Assurances, tandis que la société H2S Renault [Localité 3] en sa qualité de propriétaire du véhicule concerné a contracté son assurance auprès de la société Axa France Iard. La jurisprudence retient en effet l’application des dispositions de l’article L 121-4 précité si un même souscripteur a souscrit auprès de plusieurs assureurs des contrats d’assurance pour un même intérêt et contre un même risque (civ 1ère, 21 novembre 200). Dès lors, en présence de plusieurs contrats souscrits par différentes personnes comme en l’espèce, le régime des assurances cumulatives de l’article précité est nécessairement écarté et l’assureur dont la garantie est recherchée pourra invoquer une clause de subsidiarité contenue dans son contrat pour n’intervenir qu’en cas de défaillance ou d’insuffisance d’un autre assureur. En l’espèce, il était noté dans le contrat de véhicule de remplacement signé par M. [B] le 13 août 2021 qu’il y avait ‘transfert BPCE’, ce qui signifiait que le client, M. [B], faisait transférer son assurance de voiture sur le véhicule de prêt, cette pratique permettant généralement de bénéficier de meilleures garanties. Or, la société BPCE Assurances, laquelle au demeurant n’invoque pas de clause de subsidiarité, ne démontre pas qu’elle aurait opéré un transfert que pour une partie des garanties telles que la couverture des seuls dommages matériels, alors qu’elle a reconnu devoir sa garantie pour les dommages de responsabilité civile à son assuré.

En définitive, la société BPCE Assurances ne rapporte pas la preuve d’un intérêt légitime à rendre communes et opposables les opérations d’expertise ordonnées par décision en date du 17 octobre 2022.

La décision entreprise sera infirmée dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a condamnée la société BPCE Assurances aux dépens de première instance.

Succombant, la société BPCE Assurances sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la société H2S Renault [Localité 3] à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a condamné la société BPCE Assurances aux dépens de première instance,

Déboute la société BPCE Assurances de sa demande tendant à voir déclarer opposables à la société H2S Renault [Localité 3] les opération d’expertise confiées à M. [G] et à Mme [H] [O] par ordonnance du 17 octobre 2022,

Y ajoutant,

Condamne la société BPCE Assurances aux dépens d’appel,

Déboute la société BPCE Assurances de sa demande d’indemnité procédurale,

Condamne la société BPCE Assurances à payer à la société H2S Renault [Localité 3] une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 28 novembre 2023

à

la SELARL LEGI RHONE ALPES

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA

Copie exécutoire délivrée le 28 novembre 2023

à

la SELARL LEGI RHONE ALPES

 

 

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