En présence d’une dette importante, il peut être judicieux d’assigner son débiteur en ouverture de procédure collective. Toutefois, l’ouverture de la procédure collective ne peut être décidée lorsque le nombre de salariés et le chiffre d’affaires du débiteur sont inconnus et la situation active et passive de la société est indéterminée (hormis le montant de la créance, objet de l’assignation).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 14 MARS 2019
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00703
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2018 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2018046464
Nature de la décision : contradictoire
NOUS, Aline DELIERE, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Hanane AKARKACH, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée les 18 et 26 février 2019 à la requête de :
SARL Y Z PRODUCTIONS, pris en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 423 191 881
Ayant son siège social 5 et […]
[…]
Représentée par Me Fabrice DALAT de la SELEURL DALAT – WERNERT – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373
Représentée par Me Laurence COHEN BARRALIS de l’AARPI LEBOUCHER et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0054
DEMANDERESSE
SARL AUDITEC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 305 587 628
Ayant son siège […]
[…]
Représentée par Me Olivier FOURGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1369
DÉFENDERESSE
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 28 Février 2019 :
ORDONNANCE rendue par Mme Aline DELIERE, Conseillère, assisté de Mme Hanane AKARKACH, greffière présente lors du prononcé/de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement du 10 février 2014 le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Y Z PRODUCTIONS à payer à la société AUDITEC la somme de 27 000 euros, outre celle de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par arrêt du 17 novembre 2017 la cour d’appel de Paris a ramené le montant de la condamnation principale à la somme de 9250 euros.
Le 16 février 2018 la société Y Z PRODUCTIONS a formé un pourvoi en cassation.
Par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a, sur assignation de la société AUDITEC, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Y Z PRODUCTIONS (activité de production de films et documentaires), désigné la SCP X en qualité de liquidateur judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 14 mai 2017.
La société Y Z PRODUCTIONS a fait appel le 21 novembre 2018.
Les 18 et 26 février 2019 la société Y Z PRODUCTIONS a assigné en référé devant le premier Président de la cour d’appel de Paris la société AUDITEC, la SCP X et le procureur général aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.
Elle expose ses moyens et ses demandes dans l’assignation, reprise à l’audience, à laquelle il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle expose que le tribunal de commerce a violé l’article L640-1 du code de commerce en retenant seulement que sa situation est indéterminée alors que l’état de cessation des paiements n’est pas prouvé, qu’il n’est pas non plus prouvé qu’un redressement ne peut être envisagé et qu’elle ne peut plus développer ses projets en cours alors qu’elle n’a aucun passif fiscal et social.
Elle demande à la cour d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 14 novembre 2018 et réclame la somme de 1500 euros à la société AUDITEC au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société AUDITEC fait valoir à l’audience que la société Y Z PRODUCTIONS n’a jamais sollicité le paiement échelonné de ses factures et que la situation n’évolue pas. Elle sollicite la confirmation du jugement et réclame à la société Y Z PRODUCTIONS la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCP X expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions déposées le 28 février 2019 et reprises à l’audience, auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle expose que la société Y Z PRODUCTIONS n’a pas publié de comptes annuels, qu’il ressort des déclarations de créances qu’elle a des dettes envers l’URSSAF, l’AGIRC et l’ARRCO, la société AUDIENS GESTION ENTREPRISE, outre la dette envers la société AUDITEC, qu’elle ne peut pas faire face à son passif et que son état de cessation des paiements est avéré. Elle réclame la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au ministère public, qui par un avis écrit du 6 février 2019, ne s’oppose pas à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
L’article R661-1 alinéas 1 et 2 du code du commerce dispose : « Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. …
Par dérogation aux dispositions de l’article 524 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. … »
La société Y Z PRODUCTIONS invoque à l’appui de son appel les moyens suivants :
— les juges ne disposaient pas d’information sur sa situation active et passive,
— les conditions de l’article L640-1 du code de commerce tenant à l’état de cessation des paiements et à l’impossibilité manifeste de redressement de l’entreprise ne sont pas remplies.
Le jugement du 14 novembre 2018 est motivé ainsi : « Le nombre de salariés et le chiffre d’affaires sont inconnus et la situation active et passive de la société Y Z PRODUCTIONS est indéterminée, hormis le montant de la créance, objet de la présente assignation… L’entreprise est manifestement dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et se trouve en conséquence en état de cessation des paiements. »
Il en ressort donc une contradiction entre les motifs retenus par le tribunal, soit d’un côté l’absence d’éléments sur la situation active et passive de la société Y Z PRODUCTIONS et d’un autre côté l’affirmation que l’entreprise est manifestement dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
De la même façon le tribunal affirme, sans avoir d’éléments, qu’un redressement ne peut être envisagé.
La société Y Z PRODUCTIONS, qui n’emploie aucun salarié, justifie de trois contrats en cours pour lesquels elle doit percevoir des recettes et justifie également avoir saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris d’une demande de délai de paiement à l’encontre de la société AUDITEC.
La motivation du jugement n’étant pas étayée et la société Y Z PRODUCTIONS présentant des éléments susceptibles de contribuer à son redressement, les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux.
Il sera donc fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Les dépens seront mis à la charge de la société AUDITEC, dont la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il n’est pas équitable de laisser à la charge de la société Y Z PRODUCTIONS la totalité des frais qu’elle a exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la SCP X les frais qu’elle a exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
ARRÊTONS l’exécution provisoire attachée au jugement du 14 novembre 2018,
CONDAMNONS la société AUDITEC à payer à la société Y Z PRODUCTIONS la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTONS la SCP X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS la société AUDITEC aux dépens et rejetons sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière
La Conseillère