1. Attention à la qualification des courriers : Lorsqu’un employeur adresse un courrier à un salarié, il est essentiel de bien distinguer entre une simple observation et une sanction disciplinaire. Un courrier qui ne prend aucune mesure disciplinaire mais se contente de formuler des observations ne peut être considéré comme une sanction. Cela permet à l’employeur de ne pas épuiser son pouvoir disciplinaire prématurément.
2. Il est recommandé de respecter les délais légaux pour les sanctions disciplinaires : Conformément à l’article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Il est donc crucial pour l’employeur de bien documenter et dater la connaissance des faits pour éviter toute prescription. 3. Attention à l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude : Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit démontrer qu’il a effectué des recherches sérieuses et exhaustives pour reclasser le salarié, tant au sein de l’entreprise qu’au sein du groupe auquel elle appartient. Les propositions de reclassement doivent être appropriées aux capacités du salarié et prendre en compte les recommandations du médecin du travail. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Parties en présence : – Appelant : Monsieur [J] [R], né le 31 mars 1972, représenté par Me Géraldine GUILLEUX (Barreau de RENNES) et Me Slimane GACHI (Barreau de PARIS). Contexte : – Embauche : M. [R] a été embauché par SOBALTO le 1er février 2013 en tant qu’économe. Procédure judiciaire : – Conseil de prud’hommes : Le 19 juin 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire pour annulation des sanctions disciplinaires, dommages-intérêts pour harcèlement moral, indemnité pour licenciement illicite ou sans cause réelle et sérieuse. Demandes de M. [R] en appel : – Annulation des sanctions disciplinaires. Demandes de la SAS SOCIÉTÉ BALNEAIRE ET TOURISTIQUE en appel : – Confirmation du jugement de première instance. Clôture de l’instruction : Prononcée par ordonnance le 23 juin 2022. Conclusion : La cour d’appel est saisie pour statuer sur les demandes de M. [R] et de la SAS SOCIÉTÉ BALNEAIRE ET TOURISTIQUE. |
→ Les points essentielsDemande d’annulation de sanctions disciplinairesM. [R] demande l’annulation de trois sanctions qu’il estime infondées : un avertissement du 3 mars 2017, une sanction du 12 avril 2017 pour des faits déjà sanctionnés et une autre du 18 avril 2017 pour des faits antérieurs à l’entretien du 14 mars. La société SOBALTO soutient que ces courriers ne constituent pas des sanctions disciplinaires. Analyse des courriers du 3 mars 2017 et du 18 avril 2017Le courrier du 3 mars 2017 est considéré comme une réponse au droit de retrait de M. [R] et non comme une sanction disciplinaire. En revanche, le courrier du 18 avril 2017 est analysé comme une mesure d’avertissement, l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire pour les faits antérieurs au 14 mars 2017. Sanction de mise à pied du 12 avril 2017La mise à pied disciplinaire du 12 avril 2017 est justifiée par des faits établis et non prescrits. Les comportements fautifs de M. [R] sont suffisants pour justifier cette sanction. Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande d’annulation de cette sanction. Rejet de la demande de harcèlement moralM. [R] soutient avoir été victime de harcèlement moral, mais les éléments présentés ne permettent pas de présumer l’existence d’un tel harcèlement. Le jugement est confirmé sur ce point, déboutant M. [R] de sa demande. Rupture du contrat de travail pour inaptitudeM. [R] conteste son licenciement pour inaptitude, affirmant que celle-ci résulte des agissements de l’employeur et que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement. La société SOBALTO démontre avoir respecté cette obligation en proposant des postes disponibles, que M. [R] a refusés. Le jugement est confirmé, déboutant M. [R] de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail. Dépens et frais irrépétiblesM. [R], ayant partiellement succombé dans ses prétentions, supportera les dépens de l’instance d’appel. L’équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableVoici la liste des articles des Codes cités dans la décision, ainsi que le texte de chaque article :
Code du travail Article L.1333-1 Article L.1332-4 Article L.1331-1 Article L.1152-1 Article L.1154-1 Article L.1226-2 Code de procédure civile Article 700 Ces articles ont été cités dans le cadre de la décision concernant la demande d’annulation de sanctions disciplinaires, le harcèlement moral, et la rupture du contrat de travail pour inaptitude. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/06760
ARRÊT N°436
N° RG 19/06760 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-QFMN
M. [J] [R]
C/
SAS SOBALTO
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 1er Juillet 2022
devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [N] [U], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
Monsieur [J] [R]
né le 31 Mars 1972 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Ayant Me Géraldine GUILLEUX, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Slimane GACHI, Avocat au Barreau de PARIS, pour conseil
INTIMÉE :
La SAS SOCIETE BALNEAIRE ET TOURISTIQUE dite SOBALTO prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Urielle SEBIRE, Avocat au Barreau de LISIEUX, pour conseil
M. [R] a été embauché par la SAS SOCIÉTÉ BALNEAIRE ET TOURISTIQUE dite SOBALTO dont l’activité porte sur l’exploitation d’un casino à [Localité 5], à compter du 1er février 2013 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’Econome.
Le 27 février 2017, M. [R] a fait valoir l’exercice de son droit de retrait concernant le local «’économat’» au motif de risques potentiels pour sa santé.
Par courrier du 2 mars 2017, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 14 mars 2017 à 14h00.
Par courrier du 3 mars 2017, la société a informé M. [R] de la saisine du CHSCT et lui a indiqué que la reprise immédiate de l’intégralité de son activité au regard des mesures provisoires.
Par courrier remis en main propre le 14 mars 2017 à 15h20, M. [R] a été mis en demeure de reprendre l’intégralité de son travail et notamment «’au sein du magasin, économat et réserve’».
Par courrier du 12 avril 2017, M. [R] s’est vu notifier une mise à pied à titre disciplinaire à la suite de l’entretien préalable du 14 mars pour avoir refusé de signer les documents relatifs à son entretien annuel (le 5 janvier 2017), fumé dans le local économat/magasin/réserve (faits du 21 et 27 février), manqué à l’obligation quotidienne de vérification des stocks (faits découverts le 27 février 2017), défaut d’établissement à temps de l’inventaire (les 12 décembre 2016, 10 janvier 2017 et 9 février 2017).
M. [R] a été placé en arrêt de travail le 15 mars 2017, arrêt régulièrement renouvelé jusqu’au 21 mars 2018.
Après étude de poste le 9 février 2018, le médecin du travail a constaté l’inaptitude du salarié par avis du 20 février 2018.
Par courrier du 2 mars 2018, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 12 mars 2018.
Par courrier du 15 mars 2018, M. [R] a été licencié pour inaptitude. Il s’est vu remettre ses documents de fin de contrat.
Le 19 juin 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire aux fins d’annulation des sanctions disciplinaires infligées, de condamnation de la société au paiement d’une somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail, de condamnation de la société au paiement d’une somme de 25.000 € à titre d’indemnité du fait de l’illicéité du licenciement ou à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter de la rupture et paiement de ses frais irrépétibles et des entiers dépens.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par M. [R] le 11 octobre 2019 du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a débouté M. [R] de toutes ses demandes, débouté la SAS BALNEAIRE ET TOURISTIQUE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et fixé les dépens par moitié à la charge des parties.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 janvier 2020, suivant lesquelles M. [R] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et :
* Sur l’exécution du contrat de travail
‘ Annuler les sanctions disciplinaires infligées,
‘ Condamner la société au paiement d’une somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail,
* Sur la rupture du contrat de travail
A titre principal,
‘ Dire le licenciement nul,
‘ Condamner la société au paiement d’une somme de 25.000 € à titre d’indemnité d’illicéité du licenciement,
A titre subsidiaire,
‘ Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la société au paiement d’une somme de 25.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* En tout état de cause,
‘ Dire que l’ensemble de ces sommes devra porter intérêt au taux légal à compter de la rupture soit à compter du 15 mars 2018,
‘ Condamner la société défenderesse à payer une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 mai 2020, suivant lesquelles la SAS SOCIÉTÉ BALNEAIRE ET TOURISTIQUE demande à la cour de :
‘ Déclarer M. [R] infondé en ses demandes,
‘ Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
‘ Débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Y ajoutant,
‘ Condamner M. [R] à verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SAS SOCIÉTÉ BALNEAIRE ET TOURISTIQUE, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
Sur la demande d’annulation de sanctions disciplinaires
M. [R] demande l’annulation des trois sanctions qu’il estime infondées que constituent d’abord l’avertissement du 3 mars 2017 qui ne respecte pas la procédure et qui, au lieu de répondre au droit de retrait qu’il a légitimement exercé, lui reproche des faits erronés tel que la prétendue consommation d’une cigarette alors qu’il n’est pas le seul à avoir accès au local de l’économat, ensuite la sanction du 12 avril 2017 qui vise des faits déjà sanctionnés précédemment et d’autres qui se sont produits plus de 2 mois auparavant, enfin celle du 18 avril 2017 prononcée pour des faits du 13 mars 2017 soit pour des faits antérieurs à l’entretien de 14 mars et sans que la procédure soit respectée.
La société SOBALTO soutient pour confirmation que la lettre du 3 mars 2017 n’est pas une sanction disciplinaire mais simplement une réponse au droit de retrait que venait d’invoquer M. [R] par courriel du 27 février 2017′; que la sanction notifiée le 12 avril porte sur des faits sérieux, matériellement établis, pour lesquels l’employeur n’avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire’; que la lettre du 18 avril 2017 est une lettre de recadrage et ne constitue pas une sanction disciplinaire
Aux termes de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige portant sur une procédure disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aux termes de l’article L1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Aux termes de l’article L.1331-1, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
* Sur le courrier du 3 mars 2017′:
Il ressort des pièces versées aux débats que le courrier du 3 mars 2017 du Directeur général de la société SOBALTO que M. [R] désigne comme un «’avertissement’» (pièce n°6 du salarié et de l’intimée)’:
– d’une part «’prend acte’» du droit de retrait de M. [R] à compter du 27 février 2017 (courrier électronique pièce n°3 de l’intimée) en évoquant successivement les points abordés par le salarié (concernant le parking, la salubrité du local réserve/économat/magasin et le stockage des produits, les installations électriques, etc) et en l’informant de la saisine du CHSCT dont une réunion exceptionnelle était organisée pour le 7 mars suivant en présence de l’inspection et de la médecine du travail,
– d’autre part formule des reproches à l’encontre de M. [R] concernant son «’attitude quelque peu agressive’» à l’égard de la supérieure hiérarchique, sa consommation de cigarettes dans le local économat le 21 février 2017, la présence d’un cendrier dans ce même local le 27 février, l’interrogation «’quant à la sincérité et à l’objectivité de [sa] démarche’» par la survenance de son droit de retrait «’suite à la formalisation le vendredi 24 février» du «refus d’une augmentation demandée par le salarié’»,
– ne prend aucune mesure concernant le salarié qui est seulement «’invit[é] à reprendre [son] travail immédiatement’» au regard des mesures provisoires mises en place (retrait des fixations murales d’étagères, mise à disposition d’un EPI (masque à cartouche)’».
Dans ces conditions ce courrier, en ce qu’il se contente de formuler des observations relatives à des comportements dont l’employeur lui fait reproche mais ne traduit pas la volonté de sanctionner son salarié, ne s’analyse pas en une mesure disciplinaire au sens des dispositions précitées.
Il n’a donc pas pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
* Sur la mise à pied du 12 avril 2017′:
Ainsi la société SOBALTO pouvait fonder la mise à pied disciplinaire du 12 avril 2017 (pièce n°9 du salarié) sur les faits déjà évoqués du 21 et du 27 février 2017 qui n’avaient pas été sanctionnés.
La société SOBALTO pouvait en outre fonder la mise à pied disciplinaire du 12 avril 2017 à la suite de l’entretien préalable du 14 mars dont la convocation a été adressée au salarié le 2 mars 2017 sur des faits dont elle n’avait pas eu connaissance avant le 2 janvier 2017, de sorte que c’est à tort que M. [R] soutient que les faits relatifs au défaut d’établissement de l’inventaire des 10 janvier 2017 et 9 février 2017 seraient prescrits, seuls ceux du 12 décembre 2016, dont l’employeur ne justifie pas qu’ils auraient été portés à sa connaissance après cette date, ne pouvant plus justifier une sanction.
S’agissant des faits retenus par l’employeur ils sont matériellement établis par les pièces produites par l’intimée s’agissant du refus persistant de M. [R] de signer les documents relatifs à son entretien annuel, le 5 janvier 2017 à l’issue de l’entretien dont Mme [W] conforte la tenue effective (pièces n°34 et 51 de l’intimée), ainsi que s’agissant du retard dans la transmission des inventaires en janvier et février 2017 (même pièce et pièce n°52).
S’agissant des faits relatifs à la consommation d’une cigarette dans le local économat/magasin/réserve le 21 février lors de la venue du Directeur général et de la présence d’un cendrier dans ce même local le 27 février, ils sont évoqués par le directeur général qui indique les avoir personnellement constatés (pièces précitées) et ne sont pas matériellement contestés par M. [R] qui affirme seulement (page 6 de ses écritures) que la société procède «’sans aucune preuve’» et retient que «’la faute en revient nécessairement à Monsieur [R] alors que ce dernier n’est pas le seul à avoir accès au local concerné’», sans au demeurant contester les affirmations de l’employeur selon lesquelles le local économat est équipé d’une serrure spéciale dont M. [R] ne partage la clef qu’avec une magasinière qui ne fume pas (conclusions de la société page 17 et pièce n°53).
Les comportements fautifs imputables au salarié sont à eux seuls suffisants pour justifier la sanction disciplinaire de mise à pied d’une journée retenue par l’employeur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande relative à l’annulation de cette sanction disciplinaire.
* Sur le courrier du 18 avril 2017′:
Le courrier du 18 avril 2017 (pièce n°10 du salarié), qui évoque des faits qui sont reprochés à M. [R], est intitulé lettre «’de recadrage’» et insiste sur le risque disciplinaire par des formules telles que «’loin de nous la volonté d’additionner sur un temps court les procédures de sanctions disciplinaires’», «’nous avons opté, malgré l’importance des faits relevant du disciplinaire, pour une simple lettre de recadrage afin d’obtenir une réaction de votre part’»’et conclut, alors que M. [R] est en arrêt de travail, par la mention suivante «’nous vous rappelons qu’en l’absence de reprise effective et immédiate de votre travail, nous serions en mesure d’envisager à votre encontre toutes mesures de nature disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement’» ; au regard des termes employés qui traduisent manifestement la volonté de l’employeur de sanctionner son salarié, ce courrier doit s’analyser comme une mesure d’avertissement au sens des dispositions précitées.
L’employeur ayant, s’agissant des faits qu’il invoque dans ce courrier qui sont tous antérieurs au 14 mars 2017 et pour certains déjà visés dans le courrier de notification de la mise à pied, épuisé son pouvoir disciplinaire, M. [R] est fondé à demander l’annulation de cette sanction.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral
M. [R] soutient pour infirmation avoir été victime de conditions travail particulièrement éprouvantes et représentant des risques pour sa santé, d’un manque de considération manifeste de la société à son endroit, de sollicitations nombreuses dont l’une pendant son arrêt maladie de la part de sa supérieure hiérarchique aux fins de former sa remplaçante et à laquelle il ne s’est pas opposée de peur de faire l’objet de remontrances, de nombreux reproches réitérés pendant plusieurs années et d’un déferlement de sanctions injustifiées’; que l’ensemble de ces éléments ont gravement porté atteinte à sa santé dont la dégradation brutale et durable est à l’origine de son inaptitude.
La société SOBALTO rétorque pour l’essentiel que M. [R] procède par voie d’affirmation, sans la moindre preuve des éléments qu’il avance’; que s’agissant des risques pour sa santé il se base uniquement sur le rapport de Mme [T] qui exclut précisément de tels risques, de la même manière que le rapport du CHSCT.
Selon les termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, même sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de ces dispositions et de l’article L.1154-1 du même code en sa rédaction applicable au litige que lorsque le salarié présente des éléments de fait précis constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral’; dans l’affirmative, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [R] produit au soutien de ce chef de demande les pièces suivantes’:
– un échange de deux courriers électroniques d’avril 2015 portant sur une demande de Mme [W] concernant sa disponibilité «’pour former [L] sur les fins de mois’» qu’il affirme être intervenue pendant un arrêt maladie, ce dont M. [R] ne justifie néanmoins par aucune pièce (Pièces n° 20 et 21) ;
– le rapport de Mme [T], hygiéniste du travail, en date du 27 mars 2017, intervenue sur demande de l’employeur à la suite de l’exercice par M. [R] de son droit de retrait (pièce n°11), qui relève expressément que l’analyse des risques observés qui conduit aux préconisations qu’il détaille concernant la mise en place de divers dispositifs (ventilation, racks au sol, suppression de rallonges) exclut l’existence d’un danger grave et imminent pour le salarié ; cet élément témoigne surtout de la réactivité de l’employeur à la demande du salarié à partir du moment où celui-ci a fait valoir son droit de retrait.
M. [R] soutient enfin avoir été l’objet d’un «’déferlement de sanctions’» (page 10 de ses écritures) édictées en un temps très court et toutes injustifiées. Les développements ci-dessus, au terme desquels seul un avertissement du 18 avril 2017 a été annulé, conduisent à exclure que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire, pour des faits objectivés dans les conditions exposées, ne peut caractériser des agissements répétés au sens des dispositions précitées.
Les éléments exposés par M. [R], même pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral.
M. [R] sera débouté de ce chef de demande, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail (licenciement pour inaptitude)
Pour infirmation à ce titre, M. [R] soutient que :
– Son inaptitude résulte des agissements de l’employeur,
– L’employeur a agi de manière déloyale en n’effectuant aucune démarche pour tenter de la reclasser, sans pourtant démontrer qu’il a respecté des obligations en matière de reclassement.
Pour confirmation, la société SOBALTO conteste avoir manqué à son obligation de reclassement, faisant notamment observer à cet égard qu’elle a soumis à M. [R] les postes dans lequel il avait été obtenu des réponses positives quant à leur disponibilité au sein du groupe et que ces propositions ont été rejetées par M. [R]. D’autre part, elle soutient qu’en l’absence de manquement à ses obligations, l’employeur n’est pas à l’origine de l’inaptitude du salarié.
* Quant à l’origine de l’inaptitude :
Les règles protectrices des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l’espèce, M. [R] a été placé en arrêt de travail à compter du 15 mars 2017 puis sans interruption jusqu’à son licenciement pour inaptitude.
À l’issue d’une visite de pré-reprise en date du 9 février 2018, le médecin du travail a indiqué qu’une inaptitude au poste était envisagée et qu’une «’mutation dans une autre structure [pouvait] être proposée’».
À l’issue de la visite de reprise effectuée le 20 février 2018, le salarié a été déclaré par le médecin du travail inapte à son poste de travail de travail «’au poste d’économe’» avec la mention que «’l’origine de l’inaptitude ne permet pas de proposer un autre poste dans l’entreprise. Une mutation dans un autre établissement peut être proposée’».
M. [R] affirme qu’il «’ne fait aucun doute que l’inaptitude trouve sa source dans les agissements de la société défenderesse’» et que «’les termes de l’avis d’inaptitude sont particulièrement clairs sur ce point’»’; cependant ni l’avis d’inaptitude précité ni les pièces médicales que M. [R] verse aux débats ne précisent la nature de la pathologie considérée ni n’évoquent une origine professionnelle de celle-ci (pièces n°8).
En l’absence d’autre pièce de nature à déterminer l’origine professionnelle de l’inaptitude et compte tenu des développements qui précèdent dont il ne résulte aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de protection de l’état de santé du salarié, les éléments produits ne démontrent pas qu’un comportement fautif de l’employeur serait à l’origine de l’arrêt de travail ayant abouti à la déclaration d’inaptitude.
* Quant à l’obligation de reclassement :
Aux termes de l’article L.1226-2 du code du travail en sa rédaction applicable au litige :
‘Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
(…)
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail..’
C’est à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens et de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclassement qu’il allègue.
En l’espèce, société employeur a indiqué dans sa lettre de licenciement :
«’ (sic) Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un licenciement, prévu le lundi 12 mars 2018 à 11H00 (‘)
Vous avez choisi de vous présenter seul à cet entretien.
Nous vous rappelons les termes que nous vous avons exposés :
Après avoir effectué le 09/02/2018, une étude de poste des conditions de travail, le médecin du travail (‘) a constaté (‘) votre inaptitude dans les termes suivants [conf.l’avis précité]
Outre ce constat, nous avons recherché un poste aux fins de reclassement pouvant vous convenir au sein de l’entreprise tout d’abord puis auprès des différentes sociétés exploitées sous enseignes Émeraude (Casinos et hôtels) et enfin, avons naturellement étendu nos différentes recherches, conformément notamment aux stipulations de la convention collective en ce sens, auprès des différents casinos situés dans une zone géographique proche.
Ne souhaitant pas cantonner nos recherches au seul secteur d’activité des casinos, nous avons étendu notre démarche de reclassement auprès d’entreprises proches géographiquement du casino de [Localité 5] mais exploitant des activités dans des secteurs différents de celui du casino.
Même si nos démarches auprès des sociétés exploitées sous enseigne Émeraude sont restées vaines, nous avons eu le plaisir de vous présenter lors de l’entretien, les propositions de reclassements transmises par le casino de BARRIÈRE situé à [Localité 3], sous réserve d’en remplir les conditions, des propositions de postes ci-dessous, bien que différentes de votre poste et catégorie professionnelle actuels, à savoir’:
– assistant de clientèle H/F CDD saisonnier de 6 mois,
– Caissier H/F CDD saisonnier de 6 mois,
– Croupier h/F CDI.
Confirmant, d’une part, que le seul poste présenté et vacant de membre du comité de Direction, au sein de la société Casino de Saint Brévin-les-Pins en contrat à durée indéterminée ne vous intéressaient pas et ce indépendamment de l’avis du médecin du travail, vous avez décliné les offres de reclassements externes exposées ci-dessus qui vous étaient proposées confirmant que ces propositions demeuraient loin de votre niveau et profil professionnel, puisque intéressé uniquement par un métier d’Econome.
Pour autant, s’agissant de propositions de reclassement sérieuses et, pour l’une d’entre elle, en contrat à durée indéterminée, malgré votre refus de ces postes exprimé lors de l’entretien susvisé, nous vous joignons à la présente lettre les coordonnées dudit casino.
Malgré un nombre important de sociétés sollicitées en ce sens, toutes nos démarches sont restées vaines et infructueuses, hormis les propositions de reclassement évoquées ci-dessus.
En raison du constat du médecin du travail et de l’impossibilité, dans les termes évoqués ci-dessus, de vous reclasser, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail et nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude non professionnelle (‘).’»
Il est relevé que le médecin du travail, auquel il appartenait d’évaluer l’évolution possible de l’état de santé du salarié et ses conséquences sur son aptitude, n’a assorti son avis de recommandations à l’issue de la visite de pré-reprise du 9 février 2018 d’aucune autre observation relative à des mesures individuelles d’accompagnement ou de reclassement que celle d’une proposition de «’mutation dans une autre structure’».
L’arrêt de travail s’est poursuivi sans discontinuité jusqu’à la visite de reprise du 20 février 2018 ayant abouti à l’avis d’inaptitude définitif.
L’employeur justifie avoir sollicité les établissements du Groupe ÉMERAUDE sur la possibilité de reclasser M. [R] au sein de l’un des établissements du groupe, outre la sollicitation adressée à plusieurs casinos et hôtels concurrents (ses pièces n°21-a à t-, n°22 à 27). La société SOBALTO produit les réponses négatives reçues (pièces n°21 à 23 susvisées) ainsi qu’une réponse positive du Casino Hermitage BARRIÈRE de [Localité 3] faisant état de quatre postes à pourvoir (pièce n°27), désignés exactement tels que repris dans la lettre de licenciement précitée.
M. [G], directeur général de la société, atteste (pièce n°46 de l’intimée) avoir présenté lors de l’entretien préalable du 12 mars 2018 à M. [R] «’les réponses aux courriers de demande de reclassement’» et les postes «’en vacations’» du groupe Barrière de la [Localité 3] ci-dessus définis, en indiquant que M. [R] «’n’étant pas intéressé par ces postes, certes, je ne lui ai pas remis de document les concernant, pour autant, trois jours après, le 15 mars 2018, je lui ai fait parvenir avec sa lettre de licenciement les informations sur ces postes’».
La société produit en outre les témoignages des délégués du personnel attestant avoir été informés du suivi de la situation d’inaptitude de M. [R] ainsi que de l’impossibilité de reclassement au sein de la société et des propositions de reclassement externes le concernant (pièces n°45 à 49), de sorte que l’employeur justifie avoir sollicité l’avis des délégués du personnel conformément aux dispositions des articles L1226-2 et -2-1 du code du travail dans leur version applicable.
Il résulte des éléments ainsi produits que la société SOBALTO a satisfait à son obligation de reclassement.
M. [R] procède pour le surplus par allégations, sans autrement démontrer qu’un poste en reclassement pouvait être disponible et compatible avec les préconisations médicales.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [R], qui succombe partiellement dans ses prétentions, supportera les dépens de l’instance d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris’;
ANNULE l’avertissement du 18 avril 2017′;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris’;
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.