La mise en place d’un fichier de données personnelles avec des annotations injurieuses ou discriminatoires sur un client est illégale. Le salarié d’une banque a adressé un mail à un client mécontent, en utilisant des termes qui selon son employeur étaient racistes et de nature à nuire à l’image de l’entreprise. Après enquête interne, l’employeur, la société Milleis patrimoine a découvert dans l’ordinateur professionnel de son salarié des fichiers informatiques comportant des données personnelles des clients et prospects dans des termes injurieux ou discriminatoires en violation des règles internes et légales. Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve. Toutefois, pour établir les faits fautifs, la société Milleis patrimoine a produit un constat d’huissier qui établissait que l’huissier a assisté aux opérations de recherche informatique effectuées par un ingénieur support sans que son lien avec l’employeur ne soit précisé. Ce procès-verbal n’a donc pu être retenu comme un élément probant de l’existence de fichiers illicites contenus dans l’ordinateur du salarié. _________________________________________________________________________________________________________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 5 ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05772 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B753K Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/05480 APPELANTE […] agissant diligences et poursuites en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis […] […] Représentée par Me Faustine LEFEVRE substituant Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 INTIME Monsieur G X […] […] Représenté par Me Julie BELMA, avocat au barreau de PARIS, toque : E2040 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Madame Nelly CAYOT, Conseillère Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats ARRÊT : — contradictoire, — par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour, — signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE Par contrat à durée indéterminée du 26 février 2009, M. G X a été engagé par la société Barclays Patrimoine au poste de conseiller financier à compter du 6 avril 2009, statut non cadre. Le 1er juillet 2011, M. X a été promu cadre. Le 28 septembre 2015, M. X a été convoqué à un entretien préalable et, le 5 octobre 2015, la société Barclays Patrimoine lui a notifié une mise à pied conservatoire. Par courrier recommandé du 3 novembre 2015, M. X a été licencié pour faute grave. Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 18 mai 2016 afin d’obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail. Par jugement du 5 février 2019 auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a : — dit le licenciement de M. X dépourvu de cause réelle et sérieuse ; — condamné la société Barclays Patrimoine à verser à M. X, les sommes suivantes : * 10 237,04 euros à titre d’indemnité de préavis, * 1 023,70 euros de congés payés afférents, * 6 955,32 euros d’indemnité de licenciement, * 11 747,40 euros de salaires de mise à pied, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du 3 novembre 2016, — rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et fixé cette moyenne à la somme de 5 118, 52 euros ; * 30 711,12 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, * 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société Milleis Patrimoine anciennement Barclays patrimoine a relevé appel le 2 mai 2019. Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats dit RPVA le 25 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Milleis Patrimoine demande à la cour de : — infirmer le jugement en ce qu’il : * a dit le licenciement de M. X dépourvu de cause réelle et sérieuse, * l’a condamnée à verser à M. X les condamnations rappelées ci-dessus, * a fixé la moyenne des salaires à la somme de 5 118,52 euros, * a ordonné la remise d’une attestation Pôle Emploi, * l’a déboutée de sa demande reconventionnelle, * l’a condamnée aux dépens. Statuant à nouveau : — constater que les griefs reprochés à M. X aux termes de la lettre de licenciement ne sont pas prescrits ; — constater que le licenciement de M. X repose sur une faute grave ; — constater qu’elle a parfaitement respecté la procédure de licenciement ; — constater que M. X ne rapporte nullement la preuve que son licenciement serait intervenu dans des conditions brutales et vexatoire, ni la preuve d’un quelconque préjudice distinct à ce titre ; En conséquence, — condamner M. X à lui rembourser la somme de 22 204,32 euros correspondant aux sommes versées par la société au titre de condamnations prononcées en première instance et assortie de l’exécution provisoire ; — condamner M. X au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile ; — condamner M. X aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé transmises et notifiées par RPVA le 6 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. X demande à la cour de : — dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; — dire et juger que son licenciement a été mené dans des conditions brutales et vexatoires ; En conséquence, — confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné Milleis Patrimoine à lui verser une indemnité à ce titre ; — confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Milleis Patrimoine à lui verser les sommes suivantes : * 10 237,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, * 1 023,70 euros au titre des congés payés afférents au préavis, * 6 955,32 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, * 11 747,40 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied, En conséquence, Et statuant à nouveau — condamner la société Milleis Patrimoine à lui verser les sommes suivantes : * 61 422,24 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1235-5 du code du travail ; * 15 355,56 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice causé par les conditions brutales et vexatoires du licenciement sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; * 1 174,74 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur mise à pied ; — ordonner le report du point de départ des intérêts à la date de réception du courrier de mise en demeure, soit au 17 mars 2016 sur le fondement de l’article 1153 du code civil ; — ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil ; — ordonner à la société Milleis patrimoine de verser à M. X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner la société Milleis patrimoine aux entiers dépens. L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2021. MOTIVATION Sur le respect des délais de la procédure disciplinaire La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée dans les termes suivants : « Monsieur, Par courrier recommandé avec accusé réception en date du 28 septembre 2015, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pouvant conduire à une éventuelle mesure de licenciement. Dans le cadre de l’enquête conduite sur les faits reprochés, des faits nouveaux nous ont obligé à vous signifier une mise à pied à effet immédiat en date du 5 octobre 2015, courrier qui vous a été remis en mains propres par Madame I J, votre directeur de groupe. Vous nous avez demandé par courriel en date du 5 octobre de modifier la date de l’entretien souhaitant être accompagné par une personne de l’entreprise non disponible à la première date et heure fixées. Nous avons accepté votre demande et reporté l’entretien le même jour à 15h30. Ce que nous vous avons signifié par l’envoi d’un nouveau courrier recommandé avec accusé réception en date du 6 octobre 2015. Cet entretien s’est déroulé le vendredi 16 octobre 2015 à 15 heures 30 en présence de Monsieur O P Q, directeur commercial de la région Est de Madame K L-Le Dû, responsable des ressources humaines de la direction commerciale. Vous étiez assisté par Madame M N. Nous vous avons exposé les griefs reprochés et nous vous avons invité à nous fournir toute explication utile. En premier lieu, nous vous avons reproché d’avoir adressé à l’un de nos clients, Monsieur Y, un email totalement inacceptable tant sur la forme que sur le fond en date du 19 décembre 2013. Vos managers ont été avisés de ce mail en date du 18 septembre 2015 par notre service Réclamations. En effet, Monsieur Y a adressé en date du 16 juin 2015 un courrier de réclamation aux termes duquel il fait part de son mécontentent quant à la relation commerciale qu’il entretient avec vous. Il a joint le message que vous lui aviez adressé, qui indique: « Nous souhaitons interrompre toute relation commerciale avec vous. Pour la prochaine fois, je vous remercie de garder vos remarques désobligeantes pour vous. D’autre part et au nom de tous les français, si vous n’êtes pas satisfait de ce que la France vous offre, vous pouvez retourner chez vous!! Pour finir, je vous recommande d’étudier le français afin de vous faire comprendre ». Ce type de message à connotation raciste, ce client étant d’origine suédoise, porte gravement atteinte à la dignité de la personne visée et à l’image de l’entreprise, outre qu’il est en opposition totale avec la satisfaction et la qualité de service Premier que nous entendons donner à nos clients et avec les valeurs de respect prônées par le Groupe Barclays. Notre client a d’ailleurs, à juste titre, menacé de porter plainte auprès du Défenseur des droits de la République et auprès des organismes de défense des consommateurs, entraînant ainsi un risque réputationnel pour notre entreprise. Vous nous avez répondu avoir été exaspéré par l’insistance du client à ne pas comprendre, client que vous aviez récupéré du portefeuille de Madame Z. Vous avez toutefois reconnu «y avoir été un peu fort » et affirmé que le message n’apportait rien de constructif et que vous ne referiez pas aujourd’hui ce type d’erreurs ayant gagné en maturité et en expérience. Compte tenu de la teneur du message, nous avons été amenés à vérifier que le message était bien parti de votre boîte professionnelle (ce qui a bien été confirmé par nos services informatiques). En investigant, nous avons alors découvert qu’étaient stockées sur votrue serveur « H » des données personnelles afférents à des clients (452 dossiers pour 3 259 fichiers clients). La teneur des remarques contenues dans ces fiches clients (qu’ils soient ou non Barclays) est consternante. A titre d’exemple, vous écrivez: « couple de blacks », « madame est active dans la philosophie du bouddhisme », « madame est malade hypo tiroidien », « madame a une sclérose en plaque », « couple homo », « ils ne déclarent pas l’ISF ». Les propos tenus sont insultants, injurieux, discriminatoires et contreviennent clairement aux directives de la CNIL. Les commentaires contiennent en effet des informations d’ordre politique, religieux, médical, sexuel, voire intime sur des clients ou prospects, ou des personnes qui ne sont pas identifiées dans nos bases de données. Vous nous avez indiqué que vous aviez récupéré, ces informations de votre ancien employeur, la BNP, sans être vous-même à l’origine de ces écrits. Il n’en demeure pas moins vrai que vous êtes directement responsable des données enregistrées sur votre serveur et que celles-ci sont contraires aux directives CNIL, concernant la préservation des données individuelles et à nos règles internes concernant la sécurité de données clients. Nous vous rappelons en outre qu’en application des articles 226-24 et 226-17 du Code Pénal combinés, le fait pour une personne morale de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans mettre en oeuvre les mesures prescrites à l’article 34 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 est puni d’une peine d’amende pouvant atteindre 1 500 000 euros. Outre la violation des dispositions légales précitées, ce stockage d’informations est également contraire à nos règles déontologiques et nous avons dû faire procéder à leur destruction immédiate sous contrôle d’huissier de justice. En dernier lieu, notre direction informatique à mis à jour des mails sortants de votre boîte professionnelle vers la messagerie personnelle de certains de vos clients. Il s’agit d’une violation flagrante de votre obligation de discrétion, de loyauté et de confidentialité ainsi que du règlement intérieur, du code de bonne conduite en vigueur dans l’entreprise et communiqué annuellement, du document intitulé « sécurité informatique, les consignes à respecter », du document intitulé « consignes du groupe pour la sécurité et la prévention de la fraude », du document intitulé « les grands principes à connaître en matière de règles de conduite juridique ». Les seuls intitulés « arbitrage- versement complémentaire » de Monsieur A, « Arbitrage Barclays equity euro » de Monsieur B, « Offre de prêt SCPI » de Monsieur C, « Attestation relevé de situation du contrat 31 005009 001 » de Monsieur D, « demande de justificatif du solde du 31 08 2015 » Madame E), permettent clairement d’établir que vous avez transmis à l’extérieur des données appartenant à l’entreprise ainsi que des données clients vers une messagerie non sécurisée. Vous avez reconnu envoyer ce type de messages à vos clients pour gagner en rapidité. L’ensemble des éléments que vous avez avancés lors de l’entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation de la situation. L’accumulation des éléments qui vous sont reprochés, constitue des éléments fautifs de nature grave. Ainsi, nous vous signifions votre licenciement pour autre grave, privatif d’indemnités de licenciement et de préavis. Il prend effet immédiatement.(…)’. – sur la prescription des faits La société appelante soutient que, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, les faits reprochés à M. X n’étaient pas prescrits. Elle fait valoir qu’elle a eu connaissance au mois de septembre 2015 de la réalité, de la nature et de l’étendue des faits commis par M. X à la réception des conclusions de l’enquête interne et que dès lors la convocation du salarié à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement le 28 septembre 2015 est intervenue dans le délai de deux mois fixé par la loi et que les faits fautifs justifiant le licenciement n’étaient donc pas prescrits. M. X ne soutient pas de moyen à ce titre. Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il appartient à l’employeur d’établir que sa connaissance exacte de la réalité de la nature et de l’ampleur des faits est postérieure à la date des faits en eux-mêmes. En l’espèce, les premiers faits reprochés au salarié sont fondés sur la plainte d’un client adressée à la société le 16 juin 2015. Ces premiers faits qui ont donné lieu à la convocation du salarié en vue d’une éventuelle procédure de licenciement le 28 septembre 2015 étaient donc prescrits au jour de l’engagement des poursuites disciplinaires. Il appartient dès lors à la société Milleis patrimoine de rapporter la preuve de ce qu’elle a eu une connaissance exacte de la réalité de la nature et de l’ampleur des faits postérieurement au 16 juin 2015. Il est établi que le 19 décembre 2013, M. X a adressé un mail à un client mécontent, M. Y, en utilisant des termes qui selon son employeur sont racistes et de nature à nuire à l’image de l’entreprise. Le client a adressé une réclamation au service qualité client le 27 mars 2015 en sollicitant la clôture de son compte et en joignant le mail adressé par M. X le 19 décembre 2013 sans qu’il soit justifié d’une suite donnée à ce courrier. Le client a réitéré sa plainte le 16 juin 2015 mais en l’adressant cette fois au service client ‘à l’attention de M. Le Président directeur général’ et M. Y a doublé son courrier d’un envoi au médiateur de la fédération bancaire. Le 7 juillet 2015, la société Barclays a répondu à M. Y en indiquant qu’une enquête était en cours et que le service du médiateur l’avait avertie de l’ ouverture d’un dossier sur cette plainte. Le 23 juillet 2015, M. Y a fait savoir à la Banque qu’il n’était pas satisfait de sa réponse concernant les termes employés par M. X et la société lui a répondu que la sanction serait adaptée aux résultats de l’enquête en cours. Suite à l’envoi de la réclamation au directeur régional le 17 septembre 2015, l’assistant du vice président a lancé les investigations par un mail du 24 septembre 2015 ce qui a donné lieu à un rapport le jour même avec l’annonce de conclusions pour le 25 septembre 2015. Il ressort des éléments produits par la société appelante que la banque a annoncé à deux reprises à M. Y, client mécontent, que l’enquête avait débuté dès la réception de sa plainte le 16 juin 2015 et que les services du médiateur l’avait avisée de l’ouverture d’un dossier le 8 juillet 2015 alors que selon les courriels internes produits les instructions pour démarrer une enquête – qui aboutira au terme d’une seule journée d’investigation -ont été données le 24 septembre 2015 sans que l’appelante s’explique sur le suivi de la première enquête et sur les raisons du retard entre son annonce et sa mise en place. Ces éléments ne permettent donc pas de connaître le déroulement réel de l’enquête et en conséquence de connaître les circonstances dans lesquelles la banque a eu une connaissance exacte de la réalité de la nature et de l’ampleur des faits postérieurement au 16 juin 2015. A défaut pour l’employeur de rapporter cette preuve qui lui incombe, il convient d’écarter le report du point de départ de la prescription et de retenir que les premiers faits invoqués au soutien du licenciement étaient prescrits au jour de l’engagement de la procédure. Il est en revanche établi que les faits concernant le fichier client et l’envoi de mails en dehors des règles de confidentialité et de sécurité ont été découverts suite aux investigations menées à compter du 24 septembre 2015 et dès lors ces faits ne pouvaient pas être prescrits au 28 septembre 2015. – sur la régularité de la procédure de licenciement M. X fait valoir qu’ayant été convoqué à un entretien préalable fixé au 16 octobre 2015 son licenciement aurait dû lui être notifié avant le 16 novembre 2015 alors que la société Milleis patrimoine lui a adressé le 14 décembre 2015, soit postérieurement au terme du délai légal, un courrier lui indiquant qu’une lettre de licenciement – qui avait été égarée et dont elle joignait une copie – lui avait été adressée le 3 novembre 2015. Son licenciement ne lui a donc pas été notifié dans le délai d’un mois suite à la date de l’entretien préalable et il est dès lors selon le salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse. La société Milleis patrimoine soutient que suite à l’entretien préalable du 16 octobre 2015, elle a notifié à M. X son licenciement par une lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 3 novembre 2015 dans le respect du délai légal d’un mois. Elle fait valoir la perte de cette lettre par les services postaux et qu’en conséquence le défaut de notification ne lui étant pas imputable l’envoi du 3 novembre doit selon elle être retenu comme valant notification de la sanction dans le délai d’un mois suivant la convocation à l’entretien préalable. Aux termes de l’article L. 1332-2 dernier alinéa du code du travail la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrable, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé. La société Milleis patrimoine justifie de l’envoi d’une lettre de licenciement par un courrier recommandé avec accusé de réception le 3 novembre 2015 et elle produit un courrier de la poste certifiant la prise en charge de ce courrier puis sa perte par les services postaux. Par courrier du 10 décembre 2015, la société Milleis patrimoine a adressé à M. X un double de la lettre du 3 Novembre 2015. La société a donc respecté les dispositions légales quant au délai légal maximum entre l’entretien préalable et l’envoi de la sanction et le défaut de réception de la lettre de licenciement, n’étant pas de son fait, ne peut lui être imputé. Les délais de la procédure ayant été respectés, il convient d’examiner les griefs retenus à l’appui du licenciement. Sur la faute grave La société Milleis patrimoine motive le licenciement de M. X au moyen des deux griefs suivants : — le stockage dans l’ordinateur professionnel de M. X de fichiers informatiques comportant des données personnelles des clients et prospects dans des termes injurieux ou discriminatoires en violation des règles internes et légales. La société soutient avoir eu accès à ces données dans des conditions respectueuses de la vie privée du salarié et elle soutient également en rapporter la preuve au moyen d’un constat d’huissier. Elle fait valoir que les annotations de M. X sur ses clients étaient contraires aux interdictions posées par les délibérations de la commission nationale de l’informatique et des libertés dite Cnil ainsi qu’à la charte informatique de la société et à la charte du conseiller financier Barclays patrimoine ainsi qu’à son règlement intérieur. Elle fait aussi valoir que de telles annotations sont sanctionnées pénalement à l’article 226-19 du code pénal ; — l’envoi par M. X de messages électroniques non sécurisés en violation des règles internes de la société Barclays qui fait valoir que sa qualité d’établissement bancaire la soumet à une obligation de sécurité renforcée ce dont le salarié avait été informé ; l’appelante soutient encore que le salarié ne peut justifier la violation de cette obligation en faisant état de la demande de ses clients qui lui auraient ainsi donner l’autorisation d’user de modes de communication plus rapides. M. X fait valoir que les données ont été récupérées sur un fichier personnel auquel la société n’aurait pas dû accéder et qu’il n’est pas justifié de circonstances permettant de se dispenser de sa présence au jour du constat d’huissier qui au surplus selon M. X ne rapporte ni la preuve des faits qui lui sont reprochés ni leur imputabilité. Il ajoute que les propos ne sont ni injurieux, ni insultants ni discriminatoires et que pour la très grande majorité il ne les a pas rédigés. Il fait valoir qu’il s’agit d’un fichier prospect qu’il a importé avant son embauche par Milleis patrimoine alors qu’il ignorait les règles imposées par la Cnil. Il invoque au sujet des messages électroniques des dysfonctionnements de la messagerie interne et le fait qu’il n’a fait que répondre aux demandes de quelques clients afin de les satisfaire. Il soutient enfin que la cause réelle de son licenciement est d’ordre économique. Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve. La société Milleis patrimoine produit un constat d’huissier dressé le 9 octobre 2015 qui établit que l’huissier a assisté aux opérations de recherche informatique effectuées par M. F présenté comme ingénieur support sans que son lien avec la société Barclays Bank soit précisé, et il est noté en page 6 du procès-verbal ‘parmi ces résultats dont M. F m’a déclaré qu’il s’agissait des fichiers de sauvegarde de Monsieur X enregistrés automatiquement sur le serveur central en exécution des protocoles de sécurité internes, j’ai constaté qu’il sélectionnait le dossier intitulé ‘mes documents’ se trouvant à l’adresse système ‘//bapaBP-Admin-Users /ZZ$MigreSurNetapp-Bqesmg:mes documents’. Les autres captures d’écran qui sont des sous-dossiers du dossier intitulé ‘documents’ proviennent de cette première capture. Les constatations relatives au fichier litigieux qui sont contestées par M. X dans leur contenu, leur origine et leur datation reposent en conséquence sur les déclarations d’un tiers dont le lien avec l’entreprise requérante n’est pas précisé et non sur les constatations d’un huissier de justice. Ce procès-verbal ne peut donc être retenu comme un élément probant de l’existence de fichiers illicites contenus dans l’ordinateur de M. X. A défaut de cette preuve, le grief tenant à la mise en place et à la conservation de fichiers illicites n’est donc pas établi par la société Milleis patrimoine et il doit être écarté. L’envoi de messages et de documents confidentiels par des systèmes non sécurisés est reconnu par M. X qui justifie ces faits en soutenant qu’il n’a fait que répondre à la demande des clients. Ces envois ont existé au moins à 25 occasions et il est établi que M. X a suivi des entraînements notamment au mois de décembre 2011 et septembre 2015 portant sur la protection des données et il est aussi établi que la société Barclays a communiqué sur l’interdiction de transmettre au client des données personnelles le concernant par un moyen non sécurisé tel que l’email. Le grief tenant aux envois non sécurisés est donc établi. Toutefois en tenant compte des demandes des clients dont la preuve est rapportée par les attestations produites aux débats, la cour retient que ce grief n’est pas suffisamment sérieux pour justifier le licenciement de M. X. Dès lors le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse et le jugement est confirmé de ce fait. Sur les demandes – au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse Il convient de condamner la société Milleis Patrimoine à payer à M. X au titre des indemnités de rupture en application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail sur la base de la moyenne de salaire revendiquée par le salarié et dont il est justifié les sommes suivantes : * 10 237,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, * 1 023,70 euros au titre des congés payés afférents au préavis, * 6 955,32 euros à titre d’indemnité légale de licenciement. La mise à pied à titre conservatoire n’étant plus fondée au titre de la faute que la cour ne retient pas comme motif sérieux de licenciement, il convient également de condamner la société à payer à M. X la somme de 11 747,40 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied. La cour relève que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande d’indemnités de congés payés afférents à ce rappel de salaire et elle ajoute en conséquence la condamnation à une indemnité de congés payés afférents à hauteur de 1 174,74 euros. Le jugement est confirmé de ces chefs et il y est ajouté une condamnation au titre de l’indemnité de congés payés afférents au salaire sur la période de mise à pied. Sur le fondement des dispositions applicables de l’article L. 1235-3 du code du travail, en tenant compte de l’absence de justificatifs sur le retour à l’emploi de M. X et au regard de son âge de 39 ans au jour de la rupture et de sa qualification il convient de condamner la société Milleis patrimoine à lui payer la somme de 30 711,12 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef. – au titre des conditions brutales et vexatoires du licenciement M. X sollicite des dommages et intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires de son licenciement au motif qu’il n’existait aucun motif de rupture. La société Milleis patrimoine s’oppose à cette demande. La cour rappelle que l’un des trois griefs opposés au salarié a été retenu comme réel mais insuffisamment sérieux et que par ailleurs M. X ne justifie d’aucun préjudice distinct. M. X est débouté de cette demande et le jugement est confirmé à ce titre. Sur le remboursement des prestations chômage à Pôle emploi Conformément aux dispositions de l’article. L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. X du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités. Sur les intérêts de retard M. X sollicite le report du point de départ des intérêts à la réception du courrier de mise en demeure de son conseil soit le 17 mars 2016 sur le fondement de l’article 1153 du code civil ainsi que la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil. Aux termes des articles L. 1231-6 et L. 1231-7 du code civil 1er alinéa, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure et en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. En l’espèce, l’accusé réception du courrier de mise en demeure du 15 mars 2016 ne faisant pas apparaître de date de réception, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit en l’espèce le 30 mai 2016 conformément aux dispositions de l’article R. 1452-5 du code du travail et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal en cas de confirmation pure et simple à compter du jugement et dans les autres cas à compter du présent arrêt. En application des dispositions de l’article L. 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt. Sur les dépens et l’indemnité au titre des frais irrépétibles Partie perdante, la société Milleis patrimoine sera condamnée au paiement des dépens. La société Milleis patrimoine sera également condamnée à payer à M. X la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et elle sera déboutée de sa demande à ce titre. PAR CES MOTIFS La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE la société Milleis patrimoine à payer à M. G X la somme de 1 174,74 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur mise à pied, DIT que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit en l’espèce le 30 mai 2016 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal en cas de confirmation pure et simple à compter du jugement et dans les autres cas à compter du présent arrêt, ORDONNE à la société Milleis patrimoine de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. G X du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités. CONDAMNE la société Milleis patrimoine à payer à M. G X la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires, CONDAMNE la société Milleis patrimoine aux dépens d’appel. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE |
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