Affaire The Supermen Lovers

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Les relations entre associés de société de production musicale peuvent être houleuses. En présence de suspicions sérieuses de dissimulation de recettes par le gérant, les autres associés sont en droit de saisir le Procureur de la république d’une plainte pour abus de biens sociaux. En l’absence de suites données à ladite plainte, l’artiste associé peut tout de même échapper à une condamnation en raison des pratiques opaques du gérant associé.   

Conditions de la plainte abusive

Seule la témérité ou la légèreté blâmable d’une plainte constitue une faute de nature à elle seule, à engager la responsabilité de son auteur, hormis même toute intention de nuire ou mauvaise foi du plaignant et l’oblige à réparer le préjudice en résultant. Il incombe cependant à celui contre qui il a été déposé plainte de démontrer le caractère fautif de la plainte.

Conflit entre associés  

Dans le cadre de sa plainte pour abus de biens sociaux, l’un des associés du groupe des Supermen Lovers a échappé à une condamnation pour procédure abusive. L’associé précisait que pendant plusieurs années, il ne s’était pas préoccupé du fonctionnement de la société, se reposant sur son gérant en qui il avait toute confiance, qu’il avait appris de manière fortuite que la société BMG France avait pendant plusieurs années versé d’importantes redevances à la société et ce sans qu’il en ait été informé ; il avait alors effectué des recherches et s’était rendu compte que « d’importants versements avaient été effectivement effectués au profit de la société qui ont ensuite été dilapidés à son insu ».  Le gérant n’avait pas déposé les comptes annuels de la société sur trois années et ne convoquaient pas systématiquement les autres associés en assemblée générale.

Périmètre de la plainte déposée 

La plainte portait sur trois catégories d’infraction pénales, l’abus de biens sociaux, le non établissement et la non présentation des comptes sociaux et le non-respect du droit d’information des associés. L’article L 241-1 du code de commerce (abrogé depuis) érige en délit puni d’une amende de 9 000 euros, le fait pour le gérant d’une SARL de ne pas, pour chaque exercice, dresser l’inventaire, établir les comptes annuels et un rapport de gestion ; l’article L 241-5 du code de commerce (en vigueur) punit d’une amende de 9 000 euros le fait pour les gérants notamment de ne pas procéder à la réunion de l’assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l’exercice.

Le motif invoqué pour justifier sa carence en tant que gérant, résidait dans son défaut de compétence sur le plan administratif et le fait que la société n’ait quasiment pas eu d’activité sur les années considérées de sorte qu’elle ne pouvait plus financer les services d’un expert-comptable. Il ne pouvait donc être reproché à l’artiste associé aucune témérité ou légèreté blâmable dans la dénonciation de ces infractions à la transparence et au droit à l’information des associés.

L’abus de biens sociaux est défini par l’article L. 241-3 4° du code de commerce par « le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ». 

En l’occurrence, il existait d’importants versements de la société BMG au profit de la société Lafessé , à titre de redevances (près de 400 000 euros). Ces versements n’avaient jamais été portés à sa connaissance de l’artiste associé. Ce dernier était donc  légitime à s’interroger sur le sort des rentrées d’argent dans la société.

Par ailleurs, le gérant, également compositeur avait signé des contrats d’artistes ayant vocation à rémunérer son travail de composition, or ces contrats rentraient dans la catégorie des contrats réglementés prévus par l’article L 223-19 du code de commerce ; ils ne pouvaient être qualifiés d’opérations courantes conclues à des conditions normales, de sorte que ces contrats auraient dû faire l’objet d’un rapport sur lequel l’assemblée générale aurait été amenée à se prononcer. La encore il ne saurait être reproché à l’associé d’avoir agi avec légèreté ou témérité ; la plainte déposée n’a pas été qualifiée de fautive. Téléchargez la décision

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