Affaire Quinta communications

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Action en comblement de passif

La société Quinta communications a été condamnée (plus de 2 millions d’euros) avec l’ancien dirigeant de fait de l’une des sociétés du groupe (LTC) pour faute de gestion. L’action en comblement de passif (près de 23 millions d’euros) initiée par le liquidateur judiciaire a abouti.  Attention : cette affaire est distincte de celles déjà jugées par la Cour de cassation sur le volet de l’action en concurrence déloyale menée contre le groupe Eclair, voir infra) et par les juridictions administratives sur la responsabilité de l’Etat.

Direction de fait retenue

Plusieurs fautes de gestion ont été retenues par les tribunaux. La juridiction a considéré que la société Quinta communications, actionnaire majoritaire, a eu un rôle prépondérant dans la direction de la société LTC et s’est immiscée dans sa gestion en étant l’interlocuteur des créanciers, des pouvoirs publics, des services fiscaux et en procédant à la signature de chèques importants au nom et pour le compte de la société LTC. La société Quinta communications a fait valoir en vain qu’elle avait tenté de sauver le groupe Quinta industries en sa qualité d’actionnaire et de garant financier par un apport financier et non par une substitution dans la gestion des filiales. La gestion de fait de la société Quinta communications a eu un impact déterminant sur certaines fautes de gestion.  La direction de fait d’une personne morale suppose de démontrer l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction.

Fautes de gestion en cause

Les juges ont retenu plusieurs fautes de gestion à l’encontre de la société Quinta communications et du dirigeant de la société LTC. En premier lieu, les juges ont retenu le retard fautif dans la date de déclaration de la cessation de paiement.  La société Quinta communications, actionnaire, n’avait pas respecté l’engagement pris dans le cadre d’une conciliation, d’apporter les fonds nécessaires pour éviter la création d’un nouveau passif. Or, l’ouverture d’une conciliation n’exonère pas les dirigeants de leur faute alors en outre que cette procédure ne les prive pas de l’exercice de leurs pouvoirs ni ne les dispense de leurs obligations. Cette faute de déclaration tardive de la cessation de paiement a contribué au creusement du passif de la société.  L’absence de déclaration de cessation des paiements pendant plus de deux mois ne peut s’analyser en une simple négligence eu égard aux difficultés financières et à l’endettement de la société connus de ses dirigeants.

L’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 décembre 2010, dispose que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. En l’absence de notion juridique de groupe antérieure à l’ordonnance du 12 mars 2014, chaque faute de gestion doit être appréciée au regard de chacune des sociétés et non du groupe.

En second lieu, le Tribunal a également retenu le non-respect du plan d’apurement accordé par l’administration fiscale ainsi que le non-paiement des cotisations fiscales et sociales (faute de gestion qui a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif alors au demeurant que l’actif n’a pas été renforcé dans le même temps).

En troisième lieu, les conventions de trésorerie existantes ont favorisé l’actionnaire majoritaire (Quinta communications). Ces accords ont favorisé la société Quinta communications en ce qu’ils lui ont permis de réduire son exposition financière au détriment de ses filiales. En d’autres termes, Quinta communications a organisé un désengagement financier au cours du second semestre 2011 en réduisant ses concours aux sociétés du groupe Quinta industries de plus de 5 millions d’euros et en faisant signer un protocole permettant de réduire son exposition financière de plus de 10 millions d’euros, alors que la décision de déposer la déclaration de cessation de paiement était imminente

Par ailleurs, la société Quinta communications a cédé à la société Quinta industries 58,27 % du capital social de la société Duranau au prix de 3 454 000 euros qui n’a pas été payé mais a donné lieu à une augmentation de capital par incorporation de cette créance. Or la société Duran qui faisait l’objet d’un plan de redressement avait un résultat net d’exploitation déficitaire et des capitaux propres étaient négatifs.  Ces pertes ont été financées par la société Quinta industries, grâce à la remontée des bénéfices des sociétés LTC via un compte courant.

Or le fait d’effectuer des avances qui conduisent à la ruine de la société holding et des filiales ayant effectué des apports constitue une faute de gestion.

Défaut d’anticipation du passage au numérique

Les juges ont également fait grief aux dirigeants de la société de ne pas avoir anticipé le passage au numérique alors que le fait que l’industrie photochimique soit condamnée à terme était connu depuis plusieurs années et que le chiffre d’affaires de LTC était en baisse constante depuis 2007. A ce titre, un rapport d’activité du CNC de 2011 avait déjà fait état du déclin de la filière photochimique au profit du numérique depuis de nombreuses années. Nonobstant les démarches entreprises par le dirigeant (rapprochement avec le groupe Eclair, partenariat en vue de la fabrication en Chine d’une caméra sous marque LTC, suppression de postes …), il a été jugé que la société n’avait pas anticipé suffisamment les effets de la crise technologique.

Sanction personnelle prononcée

Le dirigeant de fait de la société LTC a été condamné à une interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale, pour une durée de deux années.

Pour rappel, l’article L 653-1 du code de commerce pose que lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions de la faillite personnelle et des autres mesures d’interdictions sont aussi applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, et aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeant des personnes morales.

L’article L 653-8, alinéa 3, du code de commerce permet au tribunal de prononcer une interdiction de gérer une entreprise à l’encontre d’un dirigeant qui a omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Affaires connexes jugées

Plusieurs décisions de justice ont été prononcées dans le cadre de l’affaire Quinta communications.  Dans l’affaire opposant le groupe Eclair à Quinta communications, la Cour de cassation avait considéré que la politique de prix anormalement bas menée par le groupe Quinta était à l’origine de la désaffection des clients du groupe Eclair et qu’elle avait été accompagnée d’une politique de surenchère salariale destinée à débaucher un nombre important de salariés ayant des compétences essentielles, conduisant à une désorganisation du groupe Eclair (CC. ch. com., 8 octobre 2013, pourvoi n° 12-25296).

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a déclaré recevables près de 16 000 emails échangés entre les sociétés Quinta et Technicolor. Ces emails pourraient établir des faits de concurrence déloyale et déterminer pour quelles raisons la société Technicolor avait renoncé  à acquérir certains actifs du groupe Quinta, refus suivi d’une acquisition de ces mêmes actifs à un prix « dérisoire » par une filiale de la société Technicolor (CC. ch. com., 10  février 2015, n° de pourvoi 14-11909).

Sur le terrain de la responsabilité de la puissance publique, le dirigeant de la société Quinta communications, Tarak ben Ammar, reprochait au CNC d’avoir, en subventionnant le passage au numérique, ramené la durée de vie de l’argentique à deux ans, cette mutation s’étant effectuée à un rythme beaucoup plus rapide que celui qu’auraient permis les mécanismes du marché. Saisies de l’affaire, les juridictions administratives ont considéré que l’État français n’était pas responsable des pertes financières causées par le passage au cinéma numérique.

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