Affaire Meilleurs Ouvriers de France : le conflit d’Intérêts

Notez ce point juridique

Faire état d’un risque de conflit d’intérêts relève de la liberté d’expression et ne tombe pas sous le coup de la diffamation.

1. Attention à la précision des faits allégués : Lorsqu’il s’agit d’une action en diffamation, il est recommandé de veiller à ce que les faits allégués soient suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de leur véracité. Il est essentiel de distinguer la diffamation de l’injure, qui se caractérise par des expressions outrageantes sans imputation de faits.

2. Il est recommandé de considérer les critères objectifs pour évaluer l’atteinte à l’honneur et à la considération : Lorsqu’il s’agit d’évaluer une allégation de diffamation, il est important de se baser sur des critères objectifs plutôt que sur des conceptions personnelles ou subjectives. L’appréciation de l’atteinte à l’honneur et à la considération doit se faire en fonction de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, en tenant compte du contexte dans lequel elle s’inscrit.

3. Attention à l’analyse du contexte et des éléments intrinsèques : Lorsqu’on examine des allégations de diffamation, il est recommandé de prendre en considération à la fois le contenu des propos et le contexte dans lequel ils sont exprimés. Il est essentiel d’analyser les éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause pour évaluer si les propos en question constituent effectivement une diffamation.


L’affaire concerne un différend entre le Comité d’organisation des expositions au travail (COET) et la Fédération Française des Fromagers (FFF) concernant l’organisation du concours « Un des Meilleurs Ouvriers de France » dans la classe fromager. Suite à des désaccords, le COET a décidé de dissoudre le jury de la classe fromager et de reporter les épreuves qualificatives du concours. M. [T], président de la commission MOF fromager de la FFF, a estimé que le communiqué du COET était diffamatoire et a assigné MM. [R] et [O] en justice. Le tribunal judiciaire de Lyon a rejeté les demandes de M. [T] et l’a condamné à payer des frais de procédure. M. [T] a fait appel de cette décision et demande à la cour de reconnaître la diffamation et de le dédommager pour son préjudice moral. MM. [O] et [R] demandent quant à eux la confirmation du jugement initial.

Introduction

L’affaire en question concerne une action en diffamation intentée par M. [T] contre le COET-MOF, représenté par MM. [O] et [R]. M. [T] estime que sa réputation et son honneur ont été atteints par un communiqué publié par le COET-MOF. Le jugement de première instance ayant validé l’assignation de M. [T], ce dernier a fait appel, tandis que les intimés demandent la confirmation du jugement.

Contexte de l’Affaire

M. [T] est président de la commission MOF fromager de la Fédération Française des Fromages de France (FFF). Il reproche au communiqué du COET-MOF de laisser entendre que la FFF chercherait à se substituer au COET-MOF, ce qui aurait conduit au report des épreuves du concours. Le communiqué mentionne également un risque de conflit d’intérêts lié à la participation de M. [T] en tant que jury et fournisseur de fromages pour le concours.

Arguments de M. [T]

M. [T] soutient que le communiqué porte atteinte à son honneur en insinuant une opposition illégitime de sa part et de la FFF à l’organisation du concours par le COET-MOF. Il conteste également le caractère probant des attestations produites par les intimés, les qualifiant de biaisées. De plus, il nie avoir créé le groupe Facebook « 100 MOF en colère ».

Défense des Intimés

MM. [O] et [R] argumentent que la diffamation nécessite l’allégation d’un fait précis affectant l’honneur, ce qui n’est pas le cas ici. Ils affirment que le communiqué se contente de relater des faits objectifs en réponse à un courriel de M. [T]. Ils soulignent que le terme « groupuscule » désigne la FFF en raison de son faible poids relatif et n’est pas dirigé spécifiquement contre M. [T].

Analyse Juridique

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation portant atteinte à l’honneur. La cour doit évaluer si les faits imputés sont suffisamment précis pour un débat contradictoire. En l’espèce, les deux premiers paragraphes du communiqué sont jugés exempts de toute allégation diffamatoire, tandis que les paragraphes suivants sont considérés comme des jugements de valeur.

Conflit d’Intérêts

La cour estime que la mention d’un risque de conflit d’intérêts, en raison de la double participation de M. [T] en tant que jury et fournisseur, est un jugement de valeur et non une diffamation. Les attestations produites par le comité justifient les préoccupations soulevées lors d’une réunion concernant le respect de la charte déontologique signée par M. [T].

Boycott des Épreuves

Le tribunal a retenu que le fait de mentionner un boycott des épreuves par la FFF et M. [T] n’est pas diffamatoire, étant donné les échanges de courriels entre les parties. Le terme « groupuscule » est également jugé comme un jugement de valeur et non une attaque personnelle contre M. [T].

Conclusion de la Cour

La cour conclut que le communiqué litigieux ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la réputation de M. [T]. Les jugements de valeur exprimés dans le communiqué ne constituent pas une diffamation. Par conséquent, les demandes de M. [T] sont rejetées et le jugement de première instance est confirmé.

Conséquences Financières

L’appelant, M. [T], est condamné à supporter les dépens de l’affaire. De plus, il est condamné à verser aux intimés une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de l’équité.

Implications de l’Affaire

Cette affaire souligne l’importance de distinguer entre diffamation et jugement de valeur dans les communications publiques. Elle met également en lumière les critères juridiques stricts nécessaires pour prouver une atteinte à l’honneur et à la réputation, ainsi que les implications financières pour les parties perdantes en appel.


Réglementation applicable

Voici la liste des articles des Codes cités dans le texte fourni, ainsi que le texte de chaque article cité :

– Article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 :
– Texte : « La diffamation est toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. »

– Article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 :
– Texte : « L’injure est définie comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. »

– Article 700 du code de procédure civile :
– Texte : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Ces articles sont les seuls explicitement mentionnés dans le texte fourni.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– SELARL BARRE AVOCAT
– Me Philippe BONTEMS
– Me Joel GAUTIER

Mots clefs associés

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 20/05073 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NEXD

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 01 septembre 2020

( chambre 9 cab 09 F)

RG : 18/06479

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 21 Mars 2024

APPELANT :

M. [N] [T]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la SELARL BARRE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 880

INTIMES :

M. [U] [O] en qualité de directeur de publication du site internet du COET-MOF

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe BONTEMS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : T.110

Et ayant pour avocat plaidant Me Joel GAUTIER, avocat au barreau de PARIS

M. [N] [R], en qualité de président du COET-MOF

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe BONTEMS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : T.110

Et ayant pour avocat plaidant Me Joel GAUTIER, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 12 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 21 Mars 2024

Audience présidée par Thierry GAUTHIER, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne WYON, président

– Julien SEITZ, conseiller

– Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 27 février 2018, le Comité d’organisation des expositions au travail (COET), organisateur du concours « Un des meilleurs ouvriers de France » (MOF) et dont M. [R] est le président et M. [O] le secrétaire général et directeur de publication du site internet, a publié sur ce site un communiqué indiquant sa décision de dissoudre le jury de la classe fromager et de retarder les épreuves qualitatives du concours diplômant qui devait se tenir le 19 mars 2018.

Ce communiqué indiquait ainsi :

« Mesdames, Messieurs,

(1) Le COET MOF est la seule organisation habilitée, par délégation de service public, à organiser le concours diplômant « Un des Meilleurs Ouvriers de France ». (2) Cette habilitation couvre l’ensemble des 230 métiers, dont celui des fromagers.

(3) Cela fait plus d’un an que le COET MOF explique à la Fédération Française des Fromagers (FFF) qu’elle ne peut se substituer au COET MOF. Cette situation a conduit à un premier report des épreuves prévues le 29 janvier 2018 pour une mise au point qui s’avérait nécessaire.

(4) Nous avons donc repris les discussions avec le président de classe [N] [T] et la FFF pour rappeler les règles de mise en ouvre du 26e concours et mettre en garde contre la mainmise d’une quelconque fédération sur le Concours.

(5) Pendant cette réunion le COET MOF, malgré les risques de conflit d’intérêt, a accepté de confirmer la fourniture exclusive des fromages pour les épreuves du concours par la société [T] SA.

(6) Après cet accord, nous avons fixé la date du 19 mars 2018 pour les épreuves qualificatives. La FFF, ayant procédé à un détournement d’objet en levant des fonds pour financer le concours et en faire profiter ses partenaires, a persévéré dans sa politique d’obstruction. La FFF et M. [N] [T] ont enfin boycotté les épreuves si le COET MOF restait l’organisateur du Concours.

(7) Le COET MOF est une association paritaire et indépendante, et par conséquent elle ne peut se laisser dicter son orientation par un groupuscule ne représentant jamais qu’eux-mêmes (la fourniture des fromages est à cet égard riche d’enseignement).

(8) Compte tenu de cette situation nous avons pris la décision de dissoudre le jury de la classe Fromager et de retarder les épreuves qualificatives du concours diplômant Un des Meilleurs Ouvriers de France qui ne pourront pas se tenir le 19 mars 2018.

(9) Par respect pour les candidats inscrits au 26 ème concours, les épreuves sont donc reportées mais le 26e concours Un des Meilleurs Ouvriers de France classe Fromager est maintenu.

(10) L’équipe du comité d’organisation du concours Un des Meilleurs Ouvriers de France. »

(Numérotation des paragraphes par la cour)

Estimant que ce communiqué portait atteinte à son honneur et le diffamait, M. [T], qui est président de la commission MOF fromager de la fédération française des fromages de France (FFF), a mis en demeure M. [O] de retirer ce communiqué.

Aucun accord n’ayant été trouvé, M. [T] a assigné le 23 mai 2018 MM. [R], auteur du communiqué, et [O], sur le fondement des articles 23, 29, alinéa 1er, 42, 43, 53 et 54 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

– rejeté le moyen tiré de l’annulation de l’assignation du 23 mai 2018 ;

– débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné M. [T] à payer à MM. [O] et [R] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné M. [T] aux entiers dépens de l’instance ;

– dit n’y avoir lieu à exécutoire provisoire.

Par déclaration transmise au greffe le 23 septembre 2020, M. [T] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions, n° 2, déposées le 11 octobre 2021, M. [T] demande à la cour de :

– constater que la prescription trimestrielle de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1991 sur la liberté de la presse a été régulièrement et valablement interrompue et lui donner acte qu’il entend poursuivre l’action initiée selon l’assignation délivrée le 23 mai 2018 et dénoncée à parquet le 1er juin 2018 ;

– dire et juger que les propos suivants, publiés sur le site internet du COET-MOF, le 17 février 2018 sont diffamatoires :

Le COET MOF est la seule organisation habilitée, par délégation de service public, à organiser le concours diplômant « Un des Meilleurs Ouvriers de France ». Cette habilitation couvre l’ensemble des 230 métiers, dont celui des fromagers.

Cela fait plus d’un an que le COET MOF explique à la Fédération Française des Fromagers (FFF) qu’elle ne peut se substituer au COET MOF. Cette situation a conduit à un premier report des épreuves prévues le 29 janvier 2018 pour une mise au point qui s’avérait nécessaire.

Nous avons donc repris les discussions avec le président de classe [N] [T] et la FFF pour rappeler les règles de mise en ouvre du 26e concours et mettre en garde contre la mainmise d’une quelconque fédération sur le Concours.

(…) le COET MOF, malgré les risques de conflit d’intérêt, a accepté de confirmer la fourniture exclusive des fromages pour les épreuves du concours par la société [T] SA.

(…) La FFF et M. [N] [T] ont enfin boycotté les épreuves si le COET MOF restait l’organisateur du Concours.

(…) ne peut se laisser dicter son orientation par un groupuscule ne représentant jamais qu’eux-mêmes (la fourniture des fromages est à cet égard riche d’enseignement). »

– déclarer les intimés responsables de faits de diffamation publique envers un particulier ;

– ordonner le retrait de l’article litigieux sur le site internet du COET-MOF ;

– dire et juger qu’à défaut de retrait dudit article, M. [O], en sa qualité de directeur de publication, sera condamné à lui payer la somme de 500 euros par jour de retard jusqu’au retrait effectif de l’article litigieux ;

– dire et juger que la liquidation de l’astreinte sera de la compétence du juge qui l’a prononcée ;

– condamner MM. [R] et [O] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– condamner MM. [R] et [O] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance;

– dire et juger que le dispositif de l’arrêt à intervenir sera diffusé sur le site internet du COET-MOF aux frais des intimés, dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle ledit arrêt sera devenu définitif, et ce, pendant un mois complet ;

– ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble des dispositions de la décision à intervenir, nonobstant appel (sic).

Dans ses conclusions en réponse déposées le 24 septembre 2021, MM. [O] et [R] demandent à la cour de :

– (à titre principal) confirmer en toutes ses dispositions le jugement et, constatant l’absence de diffamation, débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes ;

– à titre subsidiaire, constater l’exception de bonne foi et débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes ;

– en tout état de cause, condamner M. [T] à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens, avec distraction au profit de leur conseil, Me Bontems.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préalable, il convient de relever que la validité de l’assignation de M. [T] n’est plus discutée à hauteur d’appel, le jugement l’ayant admise et les intimés demandant la confirmation du jugement. Les demandes de M. [T] de ce chef sont sans objet.

Sur le bien-fondé de l’action en diffamation

À titre infirmatif, M. [T] estime qu’il a été porté atteinte à son honneur et à sa réputation par les faits précis mentionnés dans le communiqué publié par le COET-MOF.

Il indique qu’il est président de la commission MOF fromager de la fédération française des fromages de France (FFF), dont il fait partie, et que M. [R] est l’auteur du communiqué tandis que M. [O] est le directeur de publication du site.

Il reproche au communiqué de laisser entendre que la FFF entendrait se substituer au COET-MOF et que cette attitude aurait contraint celui-ci à reporter une première fois les épreuves. Il fait également grief au communiqué d’indiquer que le COET-MOF aurait dû rappeler les règles de mise en ‘uvre du concours à la FFF et à M. [T] et de mettre en garde les lecteurs contre une mainmise de leur part sur le concours.

Il fustige le communiqué de mentionner un risque de conflit d’intérêts qui résulterait de ce que sa société assurerait la fourniture des fromages pour les épreuves et de sa participation à l’organisation du concours en qualité de jury.

Il reproche encore au communiqué d’indiquer que la FFF et M. [T] auraient boycotté les épreuves du concours parce que le COET-MOF en serait le seul organisateur, incitant à croire à une opposition illégitime de sa part et de la FFF, refusant sans raison la désignation du COET-MOF pour l’organisation du concours.

Il reproche enfin au communiqué, qui mentionne à plusieurs reprises son nom, de le désigner avec le FFF, comme un groupuscule, terme de nature péjoratif.

Il en déduit qu’il a été porté atteinte à son honneur et sa considération.

Il conteste le caractère probant des attestations produites par les intimés, comme émanant de personnes ayant un lien d’intérêt avec eux.

Il conteste avoir créé le groupe Facebook « 100 MOF en colère ».

À titre confirmatif, MM. [O] et [R] font valoir que la diffamation nécessite l’allégation ou l’imputation d’un fait précis, de nature à affecter l’honneur ou la considération d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui doit avoir été énoncée sciemment.

Ils contestent que les propos tenus portent atteinte à l’honneur de l’appelant, le communiqué n’ayant relaté que des faits objectifs, en réponse au courriel qui avait été adressé par M. [T].

Ils considèrent que les trois premiers paragraphes du communiqués (« Le COET-MOF est la seule organisation…. mainmise d’une quelconque fédération sur le concours ») rappellent la mission exclusive et de service public du COET-MOF. Ils estiment que les deux premiers paragraphes ne comportent aucune allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de M. [T].

Ils font la même analyse des paragraphes suivants (« Pendant cette réunion…. riche d’enseignement »), estimant, comme le tribunal, qu’il est seulement porté un jugement de valeur et exprimé une opinion qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité.

Ils entendent rappeler que le communiqué fait suite à un courriel de M. [T] du 23 février 2018, dans lequel il menaçait de ne pas prendre part aux épreuves du concours.

Ils indiquent que si le comité a choisi de ne pas prendre la société de M. [T] pour fournir les fromages durant les épreuves, c’est pour éviter tout conflit d’intérêt et, ce, conformément à la charte déontologique, signée par M. [T] le 6 février 2018, comme président de classe, et du principe de neutralité qui en découle.

Ils font valoir à cet égard plusieurs témoignages.

Ils indiquent que le terme « groupuscule » désigne la fédération que M. [T] présidait, en raison du faible poids qu’elle avait en fonction des autres fédérations participantes au concours. S’ils admettent que ce terme peut avoir un sens péjoratif, ils indiquent qu’il ne visait pas nommément l’appelant.

Ils écartent toute pertinence à l’attestation produite en appel par leur adversaire (pièce n° 12 de l’appelant).

A titre subsidiaire, ils invoquent l’exception de bonne foi.

Sur ce,

L’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

Ce fait doit être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation d’une part, de l’injure définie selon le deuxième alinéa de l’article 29, comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur autorisé par le libre droit de critique dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.

Enfin, la diffamation qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

En l’espèce, à considérer pour les besoins de l’analyse que le communiqué litigieux – ci-dessus intégralement reproduit – comporte en son intégralité dix paragraphes, les passages particulièrement critiqués par l’appelant dans le dispositif de ses écritures concernent les paragraphes 1 à 4, et pour partie, les paragraphes 5 à 7.

Les deux premiers paragraphes du communiqué, qui font seulement état d’une présentation du comité, sont exempts de toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de l’appelant.

Ensuite, c’est par une appréciation et des motifs que la cour adopte, et qui ne sont pas remis en cause par les moyens de droit et de fait soulevés par l’appelant, que le tribunal a retenu que – en fonction de la numérotation des paragraphes retenue par la cour – les 3e et 4e paragraphes du communiqué se contentaient de relater le contexte sous un plan factuel, en rappelant en outre l’intention du comité de reprendre attache avec M. [T] et la FFF, sans comporter également d’allégation ou d’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de l’appelant.

Par ailleurs, M. [T] ne peut sérieusement objecter que le fait qu’il soit président du jury de la classe fromage du concours et que sa société, en même temps, fournisse les produits fromagers nécessaires au déroulement des épreuves le faisait intervenir à plusieurs titre dans celles-ci, et dédoublait l’intérêt qu’il pouvait y porter. Peu importe à cet égard que l’intérêt financier qu’en retirerait de sa société soit minime, comme il le prétend. Ainsi, c’est en portant un jugement de valeur, exclusif de toute diffamation, que le comité a qualifié cette situation de « risque de conflit d’intérêts ».

Au demeurant, et contrairement à ce que soutient l’appelant, les attestations que produit le comité (pièces n° 5 à 7) justifient suffisamment de ce que la situation de M. [T], pour les raisons précédemment évoquées, a suscité lors d’une réunion du comité des questions concernant le croisement de ces intérêts et du respect d’une charte déontologique dont les intimés soutiennent, sans être contredits, qu’elle existe et que M. [T] l’avait signée.

La seule évocation de cette situation ne porte aucune atteinte à la réputation ou l’honneur de l’appelant.

Enfin, c’est par des motifs que la cour adopte également que le tribunal a retenu qu’était dépourvu de caractère diffamatoire le fait que le comité ait indiqué que la FFF et M. [T] avaient boycotté les épreuves, au regard des échanges intervenus par ailleurs entre les parties (courriel adressé par M. [T] à M. [O] le 23 février 2018), et que le communiqué qualifie la fédération de groupuscule, ce qui n’était pas dirigé spécifiquement contre l’appelant et consistait en un jugement de valeur.

Dès lors, comme l’ont retenu les premiers juges, il n’est pas établi par l’appelant le caractère diffamatoire et l’atteinte à sa réparation et à son honneur dont il fait grief à l’égard du communiqué litigieux, qui, dans l’ensemble, ne faisait qu’émettre une opinion assise sur des jugements de valeur.

Les demandes de l’appelant seront, dès lors, rejetées et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

L’appelant, qui perd en son recours, en supportera les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit du conseil de son adversaire.

Par ailleurs, l’équité commande de le condamner à verser aux intimés la somme globale de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa demande sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

Condamne M. [T] à supporter les dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bontems, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [T] à payer à MM. [O] et [R] la somme globale de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles ;

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

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