Affaire Le Béret français

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Accoler « français » à une marque est légal et ne rend pas ladite marque nécessairement descriptive. L’emploi de l’adjectif ‘français’ par des marques évoquant une spécificité française ne suffit pas à les priver de tout caractère distinctif pour les produits désignés, comme le démontrent par exemple l’enregistrement des marques ‘LE SLIP FRANCAIS’, ‘le BONNET FRANCAIS’ ou ‘LE MOUCHOIR FRANCAIS’.

Ces marques, comme la marque LE BERET FRANCAIS ne constituent pas non plus l’enregistrement d’un nom géographique, le mot ‘ français’ ne désignant pas un nom de lieu mais un adjectif qualificatif qui, accolé à un autre signe, permet l’enregistrement de la marque si elle répond par ailleurs aux conditions de distinctivité pour constituer une marque non descriptive ni générique pour les produits visés.

La validité de la marque « Le Béret français » (société LBF) a été admise pour les produits hors chapellerie (la marque verbale ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ a été enregistrée pour tous les produits visés dans la demande à l’exception de la ‘chapellerie’, suite à l’objection à enregistrement émise par l’INPI pour cette catégorie de produits) . En application de la méthode interprétative et au regard de la jurisprudence IP Translator de la CJUE et des principes de son application dégagés par l’INPI que :

— le fait de viser, lors du dépôt de la marque, l’intitulé général de la classe 25 ‘ Vêtements, chaussures, chapellerie’, ne peut être interprété comme une demande de protection de la marque pour l’ensemble des produits relevant de la classe concernée, dont font partie les bérets;

— la société LBF a entendu viser dans sa demande d’enregistrement non pas l’ensemble des

produits figurant dans la liste alphabétique de la classe 25 mais seulement certains d’entre eux;

— dès lors, le terme ‘Vêtement’ correspondant à un élément de l’intitulé général de la classe 25 tel que visé dans le libellé des produits couverts par la marque verbale ne recouvre pas les bérets;

— les articles de bonneterie ne se confondent pas avec les bérets et le terme de bonneterie ne renvoie ni directement à ces produits, ni à la méthode de fabrication de leur étoffe;

— la marque verbale n’est pas non plus descriptive des ‘vêtements en cuir ou imitation cuir ou en fourrures (vêtements)’, le béret restant dans l’esprit du public, un produit fabriqué en laine tricotée.

Distinctivité des marques

Pour rappel, l’article L711-2 ancien du code de la propriété intellectuelle applicable à l’espèce dispose: ‘Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif:

a) les signes ou dénominations qui dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service

b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service.’

Comme l’a noté le premier juge, ce texte doit être interprété à la lumière de la Directive européenne du 22 octobre 2008 dont il assure la transposition en droit français, cette directive étant aujourd’hui remplacée par la Directive UE 2015/2436 du 16 décembre 2015 transposée en droit français par l’ordonnance précitée du 13 novembre 2019.

Une marque est distinctive lorsqu’elle permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de

distinguer ce produit de celui des autres entreprises.

Un signe est distinctif lorsqu’il est arbitraire par rapport aux produits qu’il désigne, cet arbitraire excluant par nature le caractère descriptif du signe utilisé et d’autre part le caractère distinctif d’une marque doit s’apprécier au regard de tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble qui sont à rapprocher des produits et/ou services désignés au jour du dépôt et du public auquel les produits ou services s’adressent et non en fonction de l’activité effective au titre de laquelle les produits sont effectivement exploités par le titulaire de la marque.

Classification de Nice

Au regard de la classification de Nice applicable aux produits et services et en application de la jurisprudence IP Translator issue de l’arrêt rendu le 19 juin 2012 par la CJUE telle qu’appliquée par l’INPI pour les demandes d’enregistrement français, l’utilisation d’un intitulé général de classe suivi d’une mention de revendication de protection pour

l’ensemble des produits ou services de la classe en cause ne satisfait pas aux conditions exigées de précision et de clarté et le déposant qui souhaite viser l’intégralité des produits ou des services d’une classe de la classification de Nice doit, en conséquence, reprendre dans son libellé la liste alphabétique des produits ou service de la classe concernée telle que répertoriée par la classification en vigueur au moment du dépôt.

Enfin, une marque complexe doit être appréciée dans son ensemble et en l’espèce, l’élément verbal et l’élément figuratif qui composent la marque contestée sont d’égale importance dans la représentation du signe, sans domination de l’un par rapport à l’autre.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 MAI 2021

(Rédacteur : Roland POTEE, président,)

N° RG 18/01905 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KLVA

SAS Y

c/

A X

SARL LE BERET FRANCAIS

Nature de la décision : AU FOND

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 février 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 14/07511) suivant déclaration d’appel du 04 avril 2018

APPELANTE :

SAS Y, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social […]

représentée par Maître Thomas BAZALGETTE de la SARL AHBL AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jean-Christophe CHABAUD, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS :

A X

né le […] à […]

de nationalité Française

demeurant […]

SARL LE BERET FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentés par Maître Thibault LAFORCADE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Elisabeth LOGEAIS de la SCP UGGC AVOCATS,

avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2021 en audience publique, en double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Roland POTEE, président, chargé du rapport, et Vincent BRAUD, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

La SAS Y a été créée le 24 juillet 2012 à la suite du rachat par le groupe Cargo-Promodis de l’entreprise Y (anciennement Beatex, puis Beatex Prod), préalablement placée en liquidation judiciaire.

Elle a pour activité la fabrication de bérets et éléments coiffants ‘100 % made in France’ à Oloron Sainte-Marie (Béarn) et exploite notamment le logo ‘Y, le béret français depuis 1840’, lequel a fait l’objet d’un dépôt de marque communautaire le 13 février 2013 enregistré sous le numéro 11571387.

L’EURL Le Béret Francais (devenue SARL et ci après la société LBF ) a été créée le 27 novembre 2012 par M. A X, PDG du groupe Gouaix, lequel était également un des candidats à la reprise de l’entreprise Y.

Cette société commercialise des bérets fabriqués dans son usine implantée à Laas (Béarn), également présentés comme ‘100 % made in France’, qui sont vendus en France et à l’étranger notamment via son site internet www.leberetfrançais.com.

Dans le cadre de son activité, la société LBF a déposé à l’INPI les 6 août 2012 et 25 janvier 2013 la marque verbale française ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ n° 3939141 et la marque semi-figurative ‘LE BÉRET FRANCAIS’ n° 3978931 pour désigner les produits suivants :

— classe 25 : Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement);

foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France ;

— classe 26 : Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et oeillets, épingles et aguilles ; plantes et fleurs artificielles ; articles de mercerie (à l’exception des fils) ; passementerie ; perruques ; attaches ou fermetures pour vêtements ; articles décoratifs pour la chevelure ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France;

— classe 33 : Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France.

La marque verbale ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ a été enregistrée le 27 février 2015 pour tous les produits visés dans la demande à l’exception de la ‘chapellerie’, suite à l’objection à enregistrement émise par l’INPI pour cette catégorie de produits.

Le 24 février 2014, la société LBF a adressé à la société Y un courrier lui reprochant sa politique de communication et lui demandant de cesser toute assertion visant à prétendre être ‘le dernier fabricant de bérets intégralement fabriqués en France’.

En réponse, par courrier du 10 mars 2014, la société Y a enjoint la société LBF de retirer ses marques et ses noms de domaine et de modifier sans délai sa dénomination sociale, considérant qu’ils caractérisaient une appropriation abusive de l’expression ‘le béret français’.

Faute d’obtenir satisfaction, la société Y a, par actes des 27 juin et 3 juillet 2014, assigné M. X et la société LBF devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin de voir prononcer la nullité des marques verbale et semi-figurative ‘LE BÉRET FRANCAIS’ et sanctionner leurs agissements selon elle constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 20 février 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

— déclaré en conséquence irrecevables les conclusions et la pièce n° 55 signifiées le 22 novembre 2017 par la SAS Y,

— déclaré la SAS Y recevable à agir en nullité de la marque française verbale ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ n° 3939141 pour les produits ‘Vêtements ; bonneterie, vêtements en cuir ou en imitation du cuir ou en fourrure (vêtements)’ et de la marque française semi-figurative ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ n° 3978931 pour les produits ‘Vêtements ; chapellerie ; bonneterie, vêtements en cuir ou en imitation du cuir ou en fourrures (vêtements)’,

— débouté la SAS Y de ses demandes en nullité des marques verbale et semi-figurative ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ n° 3939141 et 3978931,

— dit qu’en réservant et exploitant les noms de domaine www.lemuseeduberet.com et www.lemuseeduberet.fr, l’EURL Le Béret Français a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SAS Y,

— fait interdiction à l’EURL Le Béret Français d’exploiter les noms de domaine www.lemuseeduberet.com et www.lemuseeduberet.fr dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent jugement,

— ordonné à l’EURL Le Béret Français de procéder dans le même délai à la radiation et à la désactivation des noms de domaine www.lemuseeduberet.com et www.lemuseeduberet.fr,

— passé ce délai, condamné l’EURL Le Béret Français à payer à la SAS Y une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois,

— condamné l’EURL Le Béret Français à payer à la SAS Y la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

— débouté la SAS Y du surplus de ses demandes,

— dit qu’en se présentant comme ‘l’unique’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’, la SAS Y a commis des actes de tromperie et de concurrence déloyale au préjudice de l’EURL Le Béret Français,

— fait interdiction à la SAS Y d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement,

— ordonné à la SAS Y de faire interdiction dans le même délai à ses partenaires commerciaux offrant ses produits à la vente, d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement,

— passé ce délai, condamné la SAS Y à payer à l’EURL Le Béret Français une astreinte provisoire de 600 € par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois,

— condamné la SAS Y à payer à l’EURL Le Béret Français la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

— rejeté les autres demandes de l’EURL Le Béret Français et M. A X,

— débouté les parties de leurs prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SAS Y aux dépens de l’instance, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

La société Y a relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 avril 2018.

Par dernières conclusions déposées le 15 mars 2021, la société Y demande à la cour de :

Vu les dispositions du Livre VII du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction applicable à la présente espèce,

Vu notamment les articles 1240 et 1241 (1382 et 1383) du code civil dans leur rédaction alors applicable) ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* débouté la SAS Y de ses demandes en nullité des marques verbale et semi-figurative

« LE BÉRET FRANÇAIS » n° 3 939 141 et 3 978 931,

* débouté la SAS Y du surplus de ses demandes notamment de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire,

Statuant à nouveau et rejetant toutes conclusions contraires comme étant particulièrement injustes et, en tout cas, mal fondées ;

Sur la validité des marques « LE BÉRET FRANÇAIS » n° 3 939 141 et 3 978 931

Principalement,

— prononcer la nullité de la marque française verbale LE BERET FRANÇAIS n° 3 939 141 pour tous les produits et tous les services visés dans son enregistrement ;

— prononcer la nullité de la marque française semi-figurative LE BERET FRANÇAIS n° 3 978 931 pour tous les produits et tous les services visés dans son enregistrement ;

En conséquence,

— ordonner la transcription de la décision à venir sur le Registre National des Marques aux frais de la société Le Béret Français et de M. A X ;

— condamner la société Le Béret Français et M. A X à retirer les marques annulées Le Béret Français n° 3939141 et 3978931 sur tous les produits concernés par la décision d’annulation et leurs conditionnements, notamment les bérets, et à supprimer à l’avenir tout usage et toute référence aux marques annulées ou tout signe similaire ou approchant dans leur communication et leurs papiers d’affaires, le tout sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir.

Subsidiairement,

— prononcer la déchéance des droits de M. A X sur la marque française verbale LE BERET FRANÇAIS n° 3 939 141 pour tous les produits et tous les services visés dans son enregistrement ;

— prononcer la déchéance des droits de M. A X sur la marque française semi-figurative LE BERET FRANÇAIS n° 3 978 931 pour tous les produits et tous les services visés dans son enregistrement ;

En conséquence,

— ordonner la transcription de la décision à venir sur le Registre National des Marques aux frais de la société Le Béret Français et de M. A X ;

— condamner la société Le Béret Français et M. A X à retirer les marques déchues Le Béret Français n° 3939141 et 3978931 sur tous les produits concernés par la décision de déchéance et leurs conditionnements, notamment les bérets, et à supprimer à l’avenir tout usage et toute référence aux marques déchues ou tout signe similaire ou approchant dans leur communication et leurs papiers d’affaires, le tout sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification de la décision à venir.

Sur la concurrence déloyale

Au principal,

— condamner in solidum les défendeurs à verser à la société Y une somme provisionnelle de 100.000 € en réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de concurrence déloyale,

— nommer un expert aux fins de chiffrer le préjudice économique subi par la société Y du fait de la concurrence déloyale des défendeurs, avec mission de :

* Prendre connaissance des éléments exposés dans les écritures judiciaires ainsi que des pièces visées,

* d’une manière générale donner à la juridiction toute information utile lui permettant de déterminer l’étendue du préjudice ou la créance éventuelle de Y au titre des actes dénoncés,

* décrire, évaluer et chiffrer le préjudice subi par la demanderesse et découlant des actes dénoncés dans l’ensemble de ses aspects et notamment du préjudice économique,

* évaluer et chiffrer le préjudice découlant des gains manqués par Y par suite des faits dénoncés,

* évaluer et chiffrer le préjudice subi au titre de l’alignement concurrentiel ;

* évaluer et chiffrer le préjudice subi au titre des dépenses supplémentaires engagées afin de minorer les effets négatifs de la concurrence constatée ;

* évaluer et chiffrer l’économie de frais dont ont indument bénéficié les défendeurs notamment pour lancer leur activité,

* évaluer et chiffrer les gains et bénéfices réalisés par les défendeurs depuis le lancement de leur activité,

En tout état de cause et pour l’accomplissement de la mission :

— dire que, par application de l’article 138 du Code de procédure civile, la décision de nomination vaudra autorisation pour l’expert de sommer tout tiers de bien vouloir délivrer une expédition ou la production de toute pièce dont l’une quelconque des parties entendrait faire état et qui serait détenue par ce tiers,

— condamner in solidum les défendeurs à payer provisionnellement à Y un montant correspondant à celui de la provision qui sera mise à sa charge pour les besoins de l’expertise ;

— condamner in solidum les défendeurs à payer à Y une indemnité complémentaire de 10 000 € au titre du préjudice moral.

— condamner in solidum la société LE BERET FRANÇAIS et M. X à cesser tout acte d’utilisation des termes ou signes «le béret français» que ce soit notamment à titre de dénomination sociale, d’enseigne, de logo, de slogan ou encore de marque ou de nom de domaine, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

— les condamner in solidum à publier sur leur site internet, aux frais avancés des défendeurs, tels extraits de la décision à intervenir qui seront sélectionnés par les demanderesses, et le cas échéant de la mention suivant laquelle par décision de justice les défendeurs ont été condamnés sur le fondement de la concurrence déloyale à cesser immédiatement tout agissement de nature à lui nuire sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour courant huit jours après signification de la décision à intervenir ;

— autoriser Y à faire publier aux frais avancés des défendeurs tel extrait de l’arrêt à intervenir dans tels revues ou journaux de son choix sans que le coût de ces publications n’excède la somme de 5.000 € HT ;

Sur les demandes reconventionnelles :

— infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a fait interdiction à la SAS Y d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement, ordonné à la SAS Y de faire interdiction dans le même délai à ses partenaires commerciaux offrant ses produits à la vente, d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement ; passé ce délai, condamné la SAS Y à payer à l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS une astreinte provisoire de 600 € par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois, et condamné la SAS Y à payer à l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau :

— débouter la société LE BERET FRANÇAIS et M. X de toutes leurs demandes reconventionnelles, fins et prétentions actuelles ou à venir,

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour de Bordeaux retenait une responsabilité

de la concluante :

— limiter la condamnation à une interdiction pendant trois années d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, sans mentionner le terme d’ « historique »,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* fait interdiction à l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS d’exploiter les noms de domaine www.lemuseeduberet.com et www.lemuseeduberet.fr dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent jugement, ordonné à l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS de procéder dans le même délai à la radiation et à la désactivation des noms de domaine www.lemuseeduberet.com et www.lemuseeduberet.fr, et passé ce délai condamné l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS à payer à la SAS Y une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois, et condamné à ce titre l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS à payer à la SAS Y la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

* rejeté les autres demandes de l’EURL LE BÉRET FRANÇAIS et de M. A X,

En tout état de cause,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Y aux dépens de l’instance a débouté les parties de leurs prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner in solidum M. X et la société LE BERET FRANÇAIS à verser à la société Y la somme de 12.000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement M. X et la société LE BERET FRANÇAIS aux entiers dépens dont distraction au profit de l’avocat constitué.

Par conclusions déposées le 8 mars 2021, M. A B et la société Le Béret Français demandent à la cour de :

Vu les articles L.711-1, L.711-2, L.711-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Vu l’article 1240 du code civil, ancien article 1382 du code civil ;

Vu notamment l’article L.121-1 du code de la consommation ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

Sur les demandes principales de la société Y

* dit et jugé que la marque verbale ‘Le Béret français’ n°3939141 est distinctive pour les produits ‘vêtements, bonneterie, vêtements en cuir ou en imitation du cuir ou en fourrures (vêtements)’,

* dit et jugé que la marque semi-figurative ‘Le Béret français’ n°3978931 est distinctive pour les produits ‘vêtements ; chapellerie ; bonneterie ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ou en fourrures (vêtements)’,

* dit et jugé que les marques verbale et semi-figurative ‘Le Béret français’ n°3939141 et 3978931 ne sont ni descriptives, ni trompeuses, ni déceptives,

* débouté la société Y de l’ensemble de ses demandes en nullité des marques verbale et figurative n°3939141 et 3978931,

* dit et jugé que la dénomination sociale ‘Le Béret français’, le nom de domaine et les marques éponymes ne caractérisent, par leur existence et leur utilisation, aucun acte de concurrence déloyale et de parasitisme préjudiciable à la société Y,

* débouté la société Y de ses demandes en nullité des marques ‘Le Béret français’ n°3939141 et 3978931 et de ses demandes en concurrence déloyale et de parasitisme,

* débouté la société Y de ses demandes de publication du jugement,

Sur les demandes reconventionnelles de la société Le Béret Français

* dit qu’en se présentant comme ‘l’unique’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’, la société Y a commis des actes de tromperie et de concurrence déloyale au préjudice de la société Le Béret Français,

* constaté que la communication de la société Y sur sa qualité de dernier ou de seul

fabricant de béret français est trompeuse et constitue un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Le Béret Français,

* fait interdiction à la société Y d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement,

* ordonné à la société Y de faire interdiction dans le même délai à ses partenaires commerciaux offrant ses produits à la vente, d’utiliser les expressions ‘l’unique fabricant de bérets français’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’ ou toute allégation de ce type, dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement,

* passé ce délai, condamné la société Y à payer à la société Le Béret Français une astreinte provisoire de 600 € par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois,

* condamné la société Y à payer à la société Le Béret Français la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts,

* condamné la société Y aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP UGGC & associés conformément à l’article 699 du CPC,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* autorisé la société Y à utiliser l’expression ‘le dernier fabricant historique de bérets français’,

* condamné la société Le Béret Français à payer la somme de 5.000 € à la société Y à raison de l’enregistrement des noms de domaine ‘lemuseeduberet.com’ et ‘lemuseeduberet.fr’,

* écarté la demande de dommages et intérêts de la société Le Béret Français à hauteur de 200.000 € au titre du préjudice commercial d’image et du préjudice moral qu’elle allègue,

Et statuant à nouveau,

— déclarer irrecevable la demande tendant à la déchéance alléguée des marques ‘Le Béret français’,

— rejeter toutes les demandes de la société Y,

— rejeter en particulier les demandes de la société Y de limiter l’interdiction de se présenter comme le seul ou le dernier fabricant de bérets en France, à une période de 3 ans,

— rejeter également la demande d’une expertise aux fins de chiffrer le dommage prétendument subi par la société Y,

— faire interdiction à la société Y, dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, d’utiliser les expressions:

* ‘l’unique’ ou ‘le seul’ ou ‘le dernier’ ou ‘le véritable’ fabricant de bérets français,

* ‘l’unique’ ou ‘le seul’ ou ‘le dernier’ ou ‘le véritable’ fabricant ‘historique’ de bérets français ou toute allégation similaire,

— ordonner à la société Y de faire interdiction à ses partenaires commerciaux d’utiliser

les expression précitées ou toute allégation similaire dans le délai de 3 mois à compter de la signification de l’arrêt,

— passé ce délai, condamner la société Y à payer à la société Le Béret Français une astreinte provisoire de 600 € par jour de retard et ce pendant un délai de 12 mois,

— condamner la société Y à payer à la société Le Béret Français la somme de 300.000 € à titre de dommages-intérêts,

— condamner la société Y à verser à la société Le Béret Français la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés notamment par des conclusions développées et systématiquement dénigrantes de la société LBF,

— condamner la société Y aux dépens de l’instance dont distraction au profit de l’avocat constitué.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 23 mars 2021 la clôture étant prononcée par ordonnance du 9 mars 2021.

Par conclusions de procédure déposées le 15 mars 2021, la société Y a sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture et subsidiairement le rejet des conclusions des intimés et des pièces adverses n°63-1, 64.1, 65, 66, 67 notifiées le 8 mars 2021.

Par conclusions de procédure du 17 mars 2021, les intimés ont demandé le rejet de la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et le rejet des conclusions et pièces adverses n° 80 et 80-1 notifiées le 15 mars 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rabat de l’ordonnance de clôture

Après annonce le 8 octobre 2020 par le conseiller de la mise en état de la fixation de l’affaire au 23 mars 2021 avec une clôture au 9 mars 2021, les intimés ont déposé leurs conclusions le 11 février 2021 et l’appelante y a répondu par conclusions du 3 mars 2021.

Les conclusions d’intimés notifiées le 8 mars 2021 sont recevables puisqu’antérieures à la clôture et prises dans un court délai, en réponse aux conclusions du 3 mars de l’appelante.

En revanche, les conclusions et pièces déposées par l’appelante le 15 mars 2021 sont irrecevables comme tardives, aucune cause grave ne justifiant leur remise après la clôture, les pièces n° 80 et 80-1 jointes à ces conclusions étant au surplus constituées par la retranscription d’une interview de M. X du 16 novembre 2013 et des extraits de presse de La république des Pyrénées de juillet 2012 et mai 2013 qui pouvaient être produits bien avant la clôture.

Seules seront donc prises en compte les dernières conclusions de l’appelante du 3 mars 2021 dont le dispositif est identique à celui des conclusions du 15 mars 2021 rappelé plus haut.

Sur la recevabilité des demandes de la société Y et le droit applicable

L’intérêt à agir de la société Y en nullité des marques litigieuses n’est plus contesté en appel de sorte que les développements de l’appelante sur ce point sont sans objet.

Les intimés évoquent en appel dans l’exposé de leur moyen en page 13 de leurs conclusions,

l’irrecevabilité des prétentions de la société Y relativement à la nullité des marques fondées sur les nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle issues de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 qui seraient inapplicables au litige.

Cependant, ils n’en tirent pas les conséquences dans le dispositif de leurs conclusions qui seul lie la cour puisque la société LBF et M. X ne demandent de déclarer irrecevable que la demande de l’appelante tenant à la déchéance des marques.

Cette demande est formée à titre subsidiaire et elle ne sera donc évoquée qu’en cas de rejet de la demande principale de nullité des marques.

Il y a lieu cependant de fixer le cadre légal et réglementaire applicable au présent litige compte tenu de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, postérieure au jugement entrepris, correspondant à la transposition en droit interne, de la Directive UE du 16 décembre 2015.

La plupart des nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle issues de l’ordonnance sont entrées en vigueur à la date de publication de son décret d’application du 9 décembre 2019, soit le 11 décembre 2019, en vertu de l’article 15 de l’ordonnance qui dispose, dans ses paragraphes I à IV:

‘A l’exception de son article 12, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur à la date d’entrée en vigueur du décret pris pour son application et au plus tard le 15 décembre 2019. Par dérogation à l’alinéa précédent, entrent en vigueur à compter du 1er avril 2020 : 1° Les dispositions des articles L. 716-1, L. 716-1-1, L. 716-5 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ; 2° Lorsqu’elles sont relatives à la mise en place devant l’Institut national de la propriété industrielle d’une procédure administrative permettant de demander la nullité ou la déchéance d’une marque, les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 714-3 et L. 714-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance. II. – Les juridictions qui au 1er avril 2020 sont saisies d’un litige en application des articles L. 716-2 et L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance, restent compétentes pour en connaître. III. – Les articles L. 716-2-3, L. 716-2-4, L. 716-4-3, L. 716-4-4 et L. 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente ordonnance, sont applicables aux instances introduites à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance. IV. – Les dispositions de la présente ordonnance ne s’appliquent pas aux demandes d’enregistrement de marque déposées antérieurement à son entrée en vigueur. Elles ne s’appliquent pas non plus à l’examen des enregistrements internationaux étendus à la France, dont les demandes d’extension ont été enregistrées par le Bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance’.

Aucune de ces dispositions ne prévoit l’application immédiate aux instances en cours des nouveaux textes du code de la propriété intellectuelle relatifs aux actions en nullité ou en déchéance, l’article 15 II de l’ordonnance se contentant de maintenir la compétence des juridictions saisies, au 1er avril 2020, d’un litige en application des articles L. 716-2 et L. 716-3 nouveaux, ce qui ne signifie nullement que les juridictions puissent appliquer à l’instance en cours ces nouveaux textes qui modifient le régime des actions en nullité et en déchéance en instaurant notamment une répartition des compétences entre l’INPI et le juge judiciaire selon le fondement de la nullité invoqué.

En conséquence, l’action en nullité des marques engagée par l’appelante reste bien régie par les anciennes dispositions du livre VII du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction applicable au litige antérieure à l’ordonnance de transposition et la cour statuera donc sur cette base, par requalification du fondement erroné visé par l’appelante, en application de l’article 12 du code de procédure civile.

Sur la nullité des marques

L’appelante demande l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande de nullité des marques litigieuses alors qu’en violation des textes anciens comme nouveaux du code de la propriété intellectuelle, les deux marques sont descriptives et non distinctives et qu’elles sont en outre trompeuses sur la qualité et la nature des produits couverts.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement sur ce point en affirmant le caractère distinctif et non descriptif ni déceptif de leurs marques.

I. Sur la distinctivité des marques

L’article L711-2 ancien du code de la propriété intellectuelle applicable à l’espèce dispose: ‘Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif:

a) les signes ou dénominations qui dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service

b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service.’

Comme l’a noté le premier juge, ce texte doit être interprété à la lumière de la Directive européenne du 22 octobre 2008 dont il assure la transposition en droit français, cette directive étant aujourd’hui remplacée par la Directive UE 2015/2436 du 16 décembre 2015 transposée en droit français par l’ordonnance précitée du 13 novembre 2019.

Une marque est distinctive lorsqu’elle permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de

distinguer ce produit de celui des autres entreprises.

Le tribunal doit ainsi être approuvé quand il note d’une part qu’un signe est distinctif lorsqu’il est arbitraire par rapport aux produits qu’il désigne, cet arbitraire excluant par nature le caractère descriptif du signe utilisé et d’autre part que le caractère distinctif d’une marque doit s’apprécier au regard de tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble qui sont à rapprocher des produits et/ou services désignés au jour du dépôt et du public auquel les produits ou services s’adressent et non en fonction de l’activité effective au titre de laquelle les produits sont effectivement exploités par le titulaire de la marque.

Enfin, au regard de la classification de Nice applicable aux produits et services et en application de la jurisprudence IP Translator issue de l’arrêt rendu le 19 juin 2012 par la CJCE telle qu’appliquée par l’INPI pour les demandes d’enregistrement français, l’utilisation d’un intitulé général de classe suivi d’une mention de revendication de protection pour l’ensemble des produits ou services de la classe en cause ne satisfait pas aux conditions exigées de précision et de clarté et le déposant qui souhaite viser l’intégralité des produits ou des services d’une classe de la classification de Nice doit, en conséquence, reprendre dans son libellé la liste alphabétique des produits ou service de la classe concernée telle que répertoriée par la classification en vigueur au moment du dépôt.

En considération de l’ensemble de ces éléments, il convient d’examiner successivement le caractère distinctif de chacune de deux marques

Sur la marque verbale ‘ LE BERET FRANCAIS’ n° 3939141

La marque verbale ‘LE BÉRET FRANÇAIS’ a été enregistrée le 27 février 2015 pour tous les produits visés dans la demande, à l’exception de la ‘chapellerie’, suite à l’objection à enregistrement émise par l’INPI pour cette catégorie de produits.

L’enregistrement couvre donc les produits suivants:

— classe 25 : Vêtements, chaussures, chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement); foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France ;

— classe 26 : Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et oeillets, épingles et aguilles ; plantes et fleurs artificielles ; articles de mercerie (à l’exception des fils) ; passementerie ; perruques ; attaches ou fermetures pour vêtements ; articles décoratifs pour la chevelure ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France;

— classe 33 : Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; tous ces produits étant originaires de France ou fabriqués en France.

La société Y fait valoir essentiellement que l’enregistrement couvre, exclusivement, des articles de l’habillement et de la parure (classe 25), des articles de mercerie et de passementerie qui en sont l’accessoire et le complément nécessaire (classe 26), ainsi que diverses boissons alcooliques et des spiritueux (classe 33) qui possèdent tous la caractéristique commune d’être issus d’une tradition de confection artisanale qui a fait la renommée de la France dans le monde entier.

Elle soutient que les deux marques ciblent ostensiblement un public essentiellement constitué de touristes étrangers, puisque constituées de l’accroche commerciale dominante « le béret français » qui est immédiatement et exclusivement perçue par le public ciblé comme un message promotionnel destiné à vanter la provenance ou la confection supposément française des produits couverts par l’enregistrement.

L’appelante indique que les éléments verbaux des marques critiquées portent sur un ensemble verbal constitué de la juxtaposition du nom commun « béret » qui est un couvre-chef typiquement français issu de la tradition béarnaise, précédé de l’article défini « le » et suivi de l’adjectif qualificatif « français », venant tous deux accentuer le lien entre une coiffe traditionnelle et sa provenance géographique.

Elle estime que :

— l’agencement de ces trois termes ne modifie pas leur perception informative et n’ajoute strictement rien au sens usuel et banal issu de leur simple association,

— prise dans sa globalité, la locution verbale banale réservée par les deux marques contestées véhicule un message informatif univoque, axé sur la provenance géographique des produits couverts par l’enregistrement et leur supposé lien avec une tradition de confection ancestrale censée être un gage de qualité.

— l’élément verbal des deux signes litigieux ne peut dès lors être compris du public de façon immédiate et exclusive que comme un message promotionnel et non comme une indication de provenance commerciale susceptible en tant que telle de discriminer les produits des intimés pour les distinguer, sans confusion possible, de produits concurrents issus de la même provenance géographique ou utilisant les mêmes techniques de confection traditionnelle.

Par ailleurs, l’appelante estime la marque litigieuse dépourvue de caractère distinctif extrinsèque justifiant également sa nullité pour l’ensemble des produits visés dans son dépôt puisque le béret relève de la catégorie générale « vêtements » c’est-à-dire « tout ce qui sert à couvrir le corps humain » selon la définition du dictionnaire, de la sous-catégorie « chapellerie» qui regroupe l’industrie et le commerce des chapeaux et de la catégorie hybride « bonneterie » qui désigne collectivement les articles de tricot ainsi que l’art et le métier du bonnetier qui est le fabricant ou le vendeur de bonnets ;

Les intimés font cependant valoir à juste titre, en premier lieu que l’emploi de l’adjectif ‘français’ par des marques évoquant une spécificité française ne suffit pas à les priver de tout caractère distinctif pour les produits désignés, comme le démontrent par exemple l’enregistrement des marques ‘LE SLIP FRANCAIS’, ‘le BONNET FRANCAIS’ ou ‘LE MOUCHOIR FRANCAIS’.

Ces marques, comme la marque LE BERET FRANCAIS ne constituent pas non plus l’enregistrement d’un nom géographique, le mot ‘ français’ ne désignant pas un nom de lieu mais un adjectif qualificatif qui, accolé à un autre signe, permet l’enregistrement de la marque si elle répond par ailleurs aux conditions de distinctivité pour constituer une marque non descriptive ni générique pour les produits visés.

En second lieu, comme le relèvent aussi les intimés, c’est à juste titre que le tribunal a d’abord constaté que la question de la distinctivité de la marque en cause n’était posée que pour les produits de la classe 25 ‘ Vêtements; bonneterie ; vêtements en cuir ou en imitation cuir ou en fourrures ( vêtements )’ puisque la marque verbale LE BERET FRANCAIS présente manifestement un caractère arbitraire pour tous les autres produits de la classe 25 et ceux des classes 26 et 33 qui n’ont aucun rapport avec les bérets.

Le débat porte donc essentiellement sur l’appartenance des bérets aux produits de la classe 25 visés dans l’enregistrement à l’INPI à savoir: ‘ Vêtements; bonneterie ; vêtements en cuir ou en imitation cuir ou en fourrures (vêtements)’.

Sur ce point, les débats d’appel ne permettent pas de remettre en cause l’exacte analyse du premier juge qui a considéré, à bon droit, en application de la méthode interprétative et au regard de la jurisprudence IP Translator précitée de la CJCE et des principes de son application dégagés par l’INPI que :

— le fait de viser, lors du dépôt de la marque, l’intitulé général de la classe 25 ‘ Vêtements, chaussures, chapellerie’, ne pouvait être interprété comme une demande de protection de la marque pour l’ensemble des produits relevant de la classe concernée, dont font partie les bérets;

— la société LBF a entendu viser dans sa demande d’enregistrement non pas l’ensemble des

produits figurant dans la liste alphabétique de la classe 25 mais seulement certains d’entre eux;

— dès lors, le terme ‘Vêtement’ correspondant à un élément de l’intitulé général de la classe 25 tel que visé dans le libellé des produits couverts par la marque verbale ne recouvre pas les bérets;

— les articles de bonneterie ne se confondent pas avec les bérets et le terme de bonneterie ne renvoie ni directement à ces produits, ni à la méthode de fabrication de leur étoffe;

— la marque verbale n’est pas non plus descriptive des ‘vêtements en cuir ou imitation cuir ou en fourrures (vêtements)’, le béret restant dans l’esprit du public, un produit fabriqué en laine tricotée.

Le rejet de la demande de nullité de la marque verbale litigieuse pour défaut de distinctivité doit en conséquence être confirmé.

Sur la marque semi-figurative LE BERET FRANCAIS n°3978931

Cette marque est composée des signes verbaux LE BERET FRANCAIS représentés en lettres blanches sur un fond noir en forme de disque, surmontées d’un dessin de couleur bleu, blanc rouge affectant la forme stylisée d’un béret équipé en son milieu d’une petite excroissance rouge en forme de queue surnommée ‘cabillou’.

Elle a été déposée le 25 janvier 2013 pour désigner les mêmes produits des classes 25,26 et 33 que ceux de la marque verbale précitée, auquel s’ajoutent ceux de la chapellerie en classe 25.

Les mêmes motifs de nullité que ceux examinés plus haut sont invoqués à l’égard de cette marque semi-figurative par l’appelante qui fait valoir en outre que si celle-ci comporte, outre les signes verbaux, un élément figuratif qui doit être considéré dans l’appréciation globale de sa distinctivité, cet élément figuratif n’est que la représentation d’un béret traditionnel, parfaitement reconnaissable, représenté aux couleurs du drapeau national et surmonté de son cabillou caractéristique, lequel est présenté par les intimés comme leur marque de fabrique alors que cet élément est à peine perceptible dans la marque semi-figurative, non seulement du fait de sa petite taille, mais également en raison de son caractère usuel et banal puisque tous les bérets traditionnels sont surmontés de ce même élément ornemental, issu de la tradition.

Cependant, c’est à juste raison que les intimés opposent à ces moyens le fait qu’en application de la méthode interprétative littérale du libellé des marques à l’enregistrement évoquée plus haut, le terme ‘chapellerie’ n’inclut pas les bérets, non visés dans la liste des produits pour lesquels l’enregistrement était demandé.

En second lieu, les développements qui précèdent relativement à la distinctivité de la marque verbale sont d’autant plus applicables à la marque semi-figurative que l’élément figuratif de cette marque en renforce la distinctivité par lui même et par la typographie particulière utilisée, l’appelante n’étant pas fondée à prétendre que l’adjonction de l’élément figuratif serait inopérante en ce qu’elle ne ferait que mettre en avant l’élément verbal, lui même dépourvu de caractère distinctif.

Le premier juge doit être approuvé sur ce point quand il rappelle qu’une marque complexe doit être appréciée dans son ensemble et qu’en l’espèce, l’élément verbal et l’élément figuratif qui composent la marque contestée sont d’égale importance dans la représentation du signe, sans domination de l’un par rapport à l’autre.

Il est aussi exact que la représentation du béret est très stylisée, que le ‘cabillou’ attire l’attention visuelle par sa couleur rouge tranchant sur le fond noir, élément caractéristique des bérets commercialisés par la société LBF et dont la couleur diffère toujours en tout cas de celle du béret.

C’est donc par une juste application du droit que le tribunal a aussi rejeté la demande de nullité de la marque semi-figurative fondée sur son absence de distinctivité en relevant d’ailleurs de manière pertinente que c’était justement le renforcement du caractère distinctif de la marque par son élément figuratif qui expliquait que l’INPI, contrairement à ce qu’il avait fait pour la marque verbale, avait accepté l’enregistrement pour la catégorie ‘chapellerie’ en considérant qu’elle recouvrait les bérets.

Il y a lieu d’ajouter que la société Y apparait mal venue d’invoquer le défaut de distinctivité de la marque semi-figurative ‘LE BERET FRANCAIS’ pour des motifs qui pourraient être retenus à l’encontre de sa marque semi-figurative ‘LA BOUTIQUE DU BERET’ dont elle a pourtant obtenu l’enregistrement en août 2020 pour les produits des classes 24, 25 et 26, et notamment les produits de chapellerie en classe 25, l’appelante indiquant elle même dans ses écritures que cette marque présente les mêmes vices congénitaux que ceux affectant les deux enregistrements critiqués.

II. Sur la déceptivité des marques

La société Y soutient que les marques contestées sont trompeuses tant par l’utilisation de l’adjectif ‘ français’ que par la reprise des couleurs du drapeau national dans la marque semi-figurative, l’expression banale ‘ le béret français’ suggérant que les produits vendus sous ces deux marques ont reçu la caution d’un organisme officiel de certification ou de contrôle.

Elle estime que les deux marques sont aussi déceptives et susceptibles d’induire le public en erreur sur la nature même des produits couverts par l’enregistrement puisque elles comportent toutes deux le nom propre « béret » alors que le libellé des produits couverts par l’enregistrement ne vise pas le produit béret auquel le public peut légitimement s’attendre, mais des produits nettement différents, comme les chemises, les chaussures et les sous-vêtements de la classe 25, les dentelles, broderies et articles de mercerie en classe 26 ou les cidres, vins et spiritueux de la classe 33.

L’appelante considère ainsi que ces deux signes sont déceptifs car susceptibles de tromper le public sur la nature et la qualité des produits couverts par leurs enregistrement, en violation de l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que : ‘ Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :’ c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.’

Les intimés contestent que leurs marques puissent tromper le consommateur en lui laissant croire que les produits désignés seraient officiels et ils rejettent aussi tout risque de tromperie sur la nature des produits couverts par l’enregistrement.

La cour constate qu’il n’existe aucune instance officielle de contrôle ou de certification dans le domaine des bérets et elle considère que le seul emploi de l’adjectif ‘français’, pas plus qu’il n’est susceptible à lui seul de priver la marque de son caractère distinctif, n’est de nature à induire le consommateur moyen en erreur sur l’existence d’une garantie officielle du produit.

Il en est de même pour l’emploi des couleurs du drapeau français dans la marque semi-figurative compte tenu de l’agencement de ces couleurs dans une présentation stylisée éloignée de celle du drapeau national, à l’instar des nombreuses marques enregistrées comportant les couleurs françaises comme ‘LE SLIP FRANCAIS’.

Le béret constituant un produit typiquement français qui vise un public de touristes français et étrangers, le jugement qui retient que le terme ‘français’ renvoie dans l’esprit du public à une spécificité nationale et non à une garantie officielle que rien ne vient conforter, mérite approbation;

Pour ce qui concerne la nature des produits couverts par l’enregistrement, le fait que la société LBF commercialise des bérets, au côté des autres produits visés, sous la marque LE BERET FRANCAIS n’est pas non plus de nature à induire en erreur le consommateur qui peut effectivement se procurer des bérets parmi les divers produits proposés par la société LE BERET FRANCAIS sous ses marques éponymes.

Par conséquent, le rejet des demandes de nullité formées par la société Y sera confirmé.

Sur la demande de déchéance

L’appelante demande le prononcé de la déchéance des droits de M. X sur les deux marques litigieuses pour tous les produits et services visés dans l’enregistrement en application des dispositions de l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, en raison d’un défaut d’usage sérieux des produits couverts pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Sur la recevabilité de la demande

Les intimés soulèvent l’irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel d’une part en vertu du nouvel article L716-5. I.2° du code de la propriété intellectuelle qui attribue à l’INPI la compétence exclusive à compter du 1er avril 2020 pour statuer sur les demandes de déchéances et d’autre part sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, la société Y n’ayant présenté cette demande pour la première fois qu’en appel et après le dépôt de ses premières conclusions d’appelante.

S’agissant de l’irrecevabilité invoquée au titre des nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle, la société Y fait valoir à juste titre que si sa demande en déchéance n’a été formée que par conclusions du 29 juin 2020, soit à une date postérieure au 1er avril 2020, la cour reste compétente pour en connaître, s’agissant d’une demande formée à titre subsidiaire à une action principale en nullité portant sur les mêmes enregistrements de marque et sur des faits connexes de concurrence déloyale.

En effet, le 1° du paragraphe II du nouvel article L716-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les tribunaux judiciaires sont exclusivement compétents lorsque des demandes en nullité ou en déchéance sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l’occasion d’une action en concurrence déloyale, comme c’est le cas en l’espèce.

S’agissant de l’irrecevabilité tirée des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, l’appelante fait valoir pour s’y opposer que sa demande de déchéance tend aux mêmes fins que la demande principale en nullité puisqu’il s’agit d’invalider les enregistrements contestés et, en tout cas que cette demande est née de l’évolution du litige puisque le délai quinquennal de déchéance des deux marques n’était pas expiré en première instance et qu’aucune action n’était donc possible de ce chef devant le premier juge.

L’article 567 du code de procédure civile dispose: ‘ Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.’

L’appelante qui n’a pas formé de demande de déchéance des marques devant le premier juge, n’est pas fondée à soutenir qu’une telle demande tend aux mêmes fins que ses demandes de nullité alors que celles-ci ont un objet, un effet et un régime différents de ceux de la déchéance.

L’article 564 du code de procédure civile dispose: ‘ A peine d’irrecevabilité d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.

Il est exact, comme le soutient l’appelante, que dans la mesure où l’action en déchéance est soumise un délai de cinq ans à compter de son enregistrement, son action en déchéance de la marque verbale n°3939141 enregistrée le 27 février 2015 ne pouvait pas être formée avant le 28 février 2020 et que l’écoulement de ce délai constitue bien un fait survenu postérieurement à la procédure de première instance et à sa déclaration d’appel de sorte que la demande est recevable.

En revanche, s’agissant de la marque semi-figurative n°3978931 enregistrée le 24 mai 2013, le délai pour agir commençait à courir le 25 mai 2018 de sorte que la demande de déchéance pouvait être formée dans le cadre de la présente instance, après la déclaration d’appel de l’appelante datée du 4 avril 2018, par ses premières conclusions d’appelante jusqu’au 4 juillet 2018 conformément aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile qui imposent à l’appelant de présenter, dans ses premières conclusions, l’ensemble de ses prétentions sur le fond.

La demande de déchéance de cette marque est donc irrecevable puisqu’elle a été formée pour la première fois par conclusions du 29 juin 2020, postérieurement au dépôt des premières conclusions d’appelante du 3 juillet 2018, comme le relèvent les intimés.

Par ailleurs, la société Y fait valoir son intérêt à agir en déchéance en ce qu’elle a intérêt à faire cesser le monopole des intimés sur les marques en cause, de nature à constituer une entrave à l’exploitation de son activité économique.

Les intimés ne font valoir aucune contestation sur ce point de sorte que l’intérêt à agir de l’appelante doit être admis au seul titre de la déchéance de la marque verbale pour laquelle son action est recevable.

Sur le fond

L’appelante soutient que les intimés ne démontrent pas l’usage de chacune des marques contestées pour chacun des produits couverts par leurs enregistrements, qui soit conforme à leur fonction essentielle, les pièces versées aux débats ne témoignant que d’un usage des signes à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d’enseigne, mais pas à titre de marque, c’est-à-dire pour désigner des produits couverts par l’enregistrement, et au surplus, elle fait valoir que cet usage n’est pas démontré sur toute la période concernée.

Les intimés ne font valoir aucun moyen opposant sur le fond de la demande.

Selon les termes de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable au litige antérieure à l’ordonnance du 13 novembre 2019 : ‘ Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. [‘] ‘

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, ce qui suppose l’utilisation de la marque sur le marché pour désigner chacun des produits ou services couverts par son enregistrement ( Com 29 janvier 2013 et CJCE 11 mars 2003 Ansul ).

En l’espèce, la cour constate qu’aucune pièce produite par les intimés ne démontre d’usage sérieux, ni même simplement d’usage de la marque verbale LE BERET FRANCAIS depuis son enregistrement, les seules pièces produites étant relatives aux produits commercialisés sous la marque semi-figurative LE BERET FRANCAIS ( pièces n° 36 bis, 64, 64-1).

Il sera donc fait droit à, la demande de déchéance de la seule marque verbale dans les termes du dispositif avec ses conséquences de droit.

Sur la concurrence déloyale

A l’appui de sa demande fondée sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire imputés aux intimés, la société Y invoque:

— la violation des engagements souscrits par M. X en tant que repreneur potentiel de l’entreprise Y suite à sa liquidation judiciaire, par le débauchage de salariés et le détournement d’informations privilégiées permettant à la société LBF d’avoir choisi le même fournisseur de laine, les mêmes machines à tricoter, la même forme de béret et les mêmes présentoirs que la société Y,

— l’usage fautif des termes ‘LE BERET FRANCAIS’ destiné à faire barrage à la société Y dont l’aspect fabrication française des bérets est la base de sa stratégie commerciale et qui profite par parasitisme aux intimés qui, en s’appropriant cette qualité essentielle, procèdent à un dénigrement indirect de l’appelante

— l’utilisation des noms de domaine le museeduberet.com et lemuseeduberet.fr permettant le détournement de clientèle de la société appelante titulaire du nom de domaine antérieur museeduberet.com.

Sur ce dernier point, les intimés contestent que cette utilisation ait eu pour effet un détournement de clientèle mais ils indiquent qu’en tout état de cause, les noms de domaine litigieux n’ont pas été renouvelés suite au jugement entrepris dont ils demandent l’infirmation au titre de dommages et intérêts alloués de ce chef à la société Y.

Le premier juge a cependant constaté à juste titre et par d’exacts motifs que la réservation des noms de domaine litigieux avait été faite par la société LBF aux seules fins de détourner les clients potentiels de la société Y qui étaient redirigés sur le site marchand www.leberetfrançais.com lorsqu’ils souhaitaient se renseigner sur le musée du béret que l’appelante exploite à Nay (64800).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu ces faits de concurrence déloyale et

prononcé les interdiction, injonction et condamnation aux dommages et intérêts justifiés figurant au dispositif de la décision entreprise.

S’agissant de l’usage de l’expression LE BERET FRANCAIS, le tribunal doit aussi être approuvé lorsqu’il écarte son caractère fautif par les intimés qui soulignent à juste titre que la société Y ne peut revendiquer ni un monopole sur cette expression ni de droit antérieur quand la société LBF a commencé à l’utiliser et qu’aucun dénigrement ne peut résulter du seul usage commercial de sa marque et de sa dénomination sociale, sans acte positif destiné à jeter le discrédit sur les produits de sa concurrente.

Pour ce qui concerne le grief de violation des engagements souscrits en qualité de repreneur et de détournement d’informations privilégiées, il n’est pas établi que la procédure de reprise de l’entreprise Y ait permis aux intimés d’accéder à des savoir-faire particuliers qu’ils auraient copiés ou utilisés de manières déloyale.

Il résulte en effet des pièces soumises à la cour que :

— la société reprise ne possédait aucun brevet d’invention,

— la société LBF a mis en place des techniques de fabrication différentes de celles de la société Y avec des machines à tricoter spécifiques utilisées avec l’aide d’un expert reconnu en la matière qui, s’il travaille également pour la société Y, n’est pas pour autant à son service exclusif;

— les fournisseurs de laine spécialisés, peu nombreux et bien connus des opérateurs, ne sont pas non plus leurs fournisseurs exclusifs et la société LBF ne peut se voir reprocher de se fournir auprès de la même société que l’appelante, ni d’ailleurs de démarcher souvent les mêmes clients de la société Y qui ne dispose pas sur ceux ci d’un droit privatif et n’établit pas de ce fait de captation de clientèle;

— la société propose un béret de taille unique, seulement en laine et de différentes couleurs avec son cabillou rouge ou de couleur distincte, vendu environ 40 € alors que la société Y offre plusieurs tailles de béret et en plusieurs matières à des prix nettement plus élevés qui la positionnent sur un créneau de produits de luxe.

— la société appelante ne justifie d’aucune antériorité ni de droits exclusifs sur les présentoirs à béret fabriqués par la société AVSEC MECA qui fournit également la société LBF, ces présentoirs étant en outre trés banals et en tout cas, identifiés pour chaque marque par des pastilles très apparentes qui les surmontent, excluant le risque de confusion entre les produits.

S’agissant du débauchage de salariés que la société Y reproche à la société LBF en référence au recrutement des époux Z, salariés anciens et expérimentés qui ont démissionné ensemble de la société Y en novembre 2012, il convient de rappeler que le débauchage ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que s’il est fautif, par exemple s’il est réalisé en violation d’une clause de non concurrence imposée au salarié et s’il a eu pour effet de déstabiliser ou de désorganiser l’entreprise concernée.

En l’espèce, la société appelante ne prétend ni ne justifie que le départ de ces deux salariés embauchés par la concurrence ait entraîné de telles conséquences et elle ne fait état d’aucune clause de non concurrence la liant aux époux Z.

Le jugement qui a retenu et sanctionné les seuls actes de concurrence déloyale relatifs aux noms de domaines précités et a rejeté le surplus des demande sera en conséquence confirmé,

ce qui rend sans objet la demande d’expertise formée d’ailleurs par la société Y pour la première fois en appel.

Sur les demandes de la société LBF

La société Y fait grief au premier juge d’avoir considéré qu’en se présentant comme ‘l’unique’ ou ‘le dernier fabricant de bérets français’, elle a commis des actes de tromperie et de concurrence déloyale au préjudice de la société LBF et de lui avoir fait interdiction sous astreinte, directement ou par l’intermédiaire de ses partenaires commerciaux offrant ses produits à la vente, d’utiliser ces expressions ou toute allégation de ce type.

Elle estime que l’usage de ces expressions n’est pas nécessairement fautif, notamment compte tenu du contexte concurrentiel qui l’oppose aux intimés, qu’elle ne peut être tenu en outre pour les écrits ou propos tenus par des tiers non préposés et elle demande, à défaut d’infirmation totale du jugement sur les interdictions prononcées et sur les dommages et intérêts alloués à la société LBF, de limiter les interdictions prononcées à trois années.

La société LBF demande pour sa part à la cour d’étendre l’interdiction prononcée aux expressions ‘le seul’ ou ‘le véritable ‘ fabricant de bérets français et de porter à 300.000 € le montant de dommages et intérêts alloués par le tribunal, compte tenu de la réalité de son préjudice financier et commercial et de la persistance du comportement de l’appelante après le jugement..

Elle demande aussi l’infirmation du jugement en ce qu’il a autorisé la société Y à utiliser l’expression ‘ le dernier fabricant historique de bérets français’, cette expression étant selon elle trompeuse voire mensongère.

Toutefois, c’est au terme d’un rappel historique non remis en cause par les débats d’appel que le premier juge a dit que la société Y était bien légitime à se présenter comme le dernier fabricant historique de bérets français au regard de l’ancienneté de l’entreprise Y créée en 1840 et de la continuité de son activité sous ce nom commercial jusqu’à sa reprise par l’appelante dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

De même, le tribunal mérite approbation quand il constate qu’en se présentant régulièrement dans sa communication commerciale et dans les médias comme le seul ou le dernier fabricant de bérets français, comme si la société LBF n’existait pas, l’appelante lui a causé un préjudice commercial certain qui doit être réparé par l’octroi de dommages et intérêts qui seront portés à 20.000 € en raison de la poursuite par la société Y de l’utilisation des expressions litigieuses depuis la décision entreprise.

L’appelante qui contrôle visiblement de près sa communication sur ce point, ne peut en effet se retrancher derrière des formules journalistiques la présentant sans son aval comme le seul et dernier fabricant de bérets français alors qu’elle est manifestement à l’origine des informations diffusées dans les médias à l’occasion des interviews accordés par ses dirigeants à la presse écrite, audiovisuelle et en ligne, telles que celles diffusées le 8 septembre 2020 dans le Parisien ou le 23 janvier 2021 dans le guide des joailliers où la société Y reste présentée de manière erronée comme ‘ la dernière usine de bérets 100% made in France’ ou ‘la dernière fabrique de bérets en France’ ( pièces 45-1 et 45-5 des intimés).

Le tribunal ayant déjà précisé que l’interdiction d’utiliser les expressions ‘unique’ ou ‘dernier ‘ fabricant de bérets français s’entendait aussi de toute allégation de ce type, il n’est pas utile d’ajouter à cette liste d’autres expressions similaires, comme ‘véritable’ ou ‘authentique’, qui sont incluses dans cette même catégorie.

Par ailleurs, aucune circonstance ne justifie la limitation temporelle de cette interdiction tant qu’elle restera pertinente.

L’appelante qui succombe pour l’essentiel de ses demandes, supportera les dépens et versera aux intimés ensemble, une indemnité de 10.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture;

Rejette des débats les conclusions et pièces n° 80 et 80-1 déposées par l’appelante le 15 mars 2021;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la SAS Y à payer à l’EURL Le Béret Français la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau dans cette limite;

Condamne la SAS Y à payer à la SARL Le Béret Français la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant;

Déclare irrecevable la demande en déchéance de la marque semi-figurative LE BERET FRANCAIS n°3978931 enregistrée le 24 mai 2013;

Déclare recevable la demande en déchéance de la marque verbale LE BERET FRANCAIS n°3939141 enregistrée le 27 février 2015;

Prononce la déchéance des droits de M. A X sur la marque française verbale LE BERET FRANÇAIS n° 3939141 pour tous les produits et services visés dans son enregistrement ;

Ordonne la transcription de la présente décision sur le Registre National des Marques aux frais de M. A X ;

Condamne in solidum la société Le Béret Français et M. A X à retirer la marque verbale déchue LE BERET FRANCAIS n° 3939141 sur tous les produits concernés par la décision de déchéance et leurs conditionnements et à supprimer à l’avenir tout usage et toute référence à la marque déchue dans leur communication et leurs papiers d’affaires, le tout sous astreinte provisoire de 600 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt;

Rejette les demandes contraires ou plus amples;

Condamne la SAS Y à payer à M. X et à la SARL Le Béret Français une indemnité de 10.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SAS Y aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés directement par le conseil des intimés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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