Action en revendication de propriété indivise

Notez ce point juridique

1. Attention à la prescription de l’action en nullité de la donation, qui est de deux ans après le décès. Il est recommandé de vérifier si cette action est toujours recevable avant d’engager une procédure en revendication de propriété.

2. Il est recommandé de bien distinguer entre l’action en nullité de la donation et l’action en revendication de la propriété. Assurez-vous que les fondements juridiques de votre action sont clairs et cohérents pour éviter tout rejet de la demande.

3. Pour établir la propriété sur une partie de la parcelle en question, il est essentiel de fournir des preuves tangibles et irréfutables. Veillez à ce que les documents présentés soient complets, cohérents et en conformité avec les dispositions légales pour renforcer votre argumentation.


L’affaire concerne un litige entre les héritiers de Mme [G] et de M. [S] concernant une parcelle de terrain objet d’une donation-partage faite par Mme [G] à ses petits-enfants. Les héritiers de M. [S] contestent le caractère propre de la parcelle et demandent sa réintégration dans l’actif de la succession de M. [S]. Le tribunal de première instance a rejeté leurs demandes, mais les héritiers ont fait appel. Les parties demandent à la cour de statuer sur la propriété de la parcelle et sur les indemnités à verser. L’affaire est en attente de délibéré après une audience collégiale.

Sur la recevabilité de l’action en revendication de la propriété :

Mme [V] [E] épouse [N] soutient in limine litis que l’action des appelants serait irrecevable au motif qu’en réalité, ils recherchent, au visa de l’article 1427 du code civil, l’annulation de la donation du 17 juillet 1998 mais contournent la difficulté tirée de la prescription de l’action depuis le 17 juillet 2000, soit deux années après le décès de Mme [G], action qu’elle rappelle au demeurant n’avoir pas été exercée par M. [S], ses héritiers ne pouvant avoir plus de droits que leur auteur et n’ayant pas qualité à agir.

En l’espèce, les appelants ne poursuivent pas la nullité de la donation-partage mais exercent une action en revendication portant sur une partie du terrain donné par Mme [G] à ses petits enfants :

Dès lors que la qualité des appelants d’héritiers de M. [S] n’est pas contestée, ceux-ci sont recevables à exercer une telle action pour revendiquer la propriété de la partie de parcelle donnée par Mme [G] qui n’en aurait pas été l’unique propriétaire sans qu’il soit nécessaire qu’ils recherchent la nullité de la totalité de la donation.

Sur le droit de propriété des appelants sur une partie de la parcelle C0 [Cadastre 13] :

Les appelants ne peuvent aujourd’hui soutenir le contraire de ce qu’ils avaient admis devant cette juridiction en n’interjetant pas appel de la décision rendue. Il s’impose dans ces conditions de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté l’action en revendication des consorts [S].

– [I] [S], [D] [S] et [O] [S] sont condamnés à verser une indemnité de 2 500 euros à [P] [E]
– [I] [S], [D] [S] et [O] [S] sont condamnés à verser une indemnité de 2 500 euros à [R] [E]
– [I] [S], [D] [S] et [O] [S] sont condamnés à verser une indemnité de 2 500 euros à [V] [E]


Réglementation applicable

– Article 1427 du code civil
– Article 2227 du code civil
Article 700 du code de procédure civile

Texte de l’article 1427 du code civil:
« La revendication est l’action par laquelle le propriétaire d’une chose demande qu’elle lui soit remise. Elle ne peut être exercée que par celui qui a la propriété de la chose au moment où il en est privé. »

Texte de l’article 2227 du code civil:
« L’action en revendication de la propriété est imprescriptible. »

Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, l’équité le commande, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Camille VALDES de la SCP KAPPELHOFF-LANCON-VALDES
– Me Samuel ANDRONIKOS
– Me Sandrine MORIN de la SCP ROCHER – MORIN
– Me Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS
– Me Marie RIGAL
– Me Sébastien BACH

Mots clefs associés

– Recevabilité de l’action en revendication de la propriété
– Action en nullité de la donation du 17 juillet 1998
– Prescription de l’action
– Qualité à agir des héritiers
– Action en revendication de la propriété indivise
– Imprescriptibilité de l’action en revendication
– Droit de propriété des appelants sur une partie de la parcelle
– Acte de donation-partage du 17 juillet 1998
– Propriété de la parcelle [Cadastre 13]
– Origine de propriété des parcelles
– Vente des parcelles
– Preuve de la propriété à partir des titres
– Jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux
– Rejet de l’action en revendication des consorts [S]
– Condamnation aux dépens d’appel
– Indemnités à verser aux parties concernées

– Recevabilité de l’action en revendication de la propriété: possibilité pour une personne de faire valoir son droit de propriété sur un bien
– Action en nullité de la donation du 17 juillet 1998: action visant à annuler une donation faite à une date spécifique
– Prescription de l’action: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Qualité à agir des héritiers: capacité des héritiers à agir en justice pour défendre leurs droits
– Action en revendication de la propriété indivise: action visant à revendiquer la propriété d’un bien détenu en copropriété
– Imprescriptibilité de l’action en revendication: action en revendication qui ne peut pas être soumise à un délai de prescription
– Droit de propriété des appelants sur une partie de la parcelle: droit des personnes faisant appel à la propriété d’une partie d’un bien foncier
– Acte de donation-partage du 17 juillet 1998: acte juridique par lequel une personne fait une donation de ses biens en les partageant entre les bénéficiaires
– Propriété de la parcelle [Cadastre 13]: droit de propriété sur une parcelle de terrain identifiée dans le cadastre
– Origine de propriété des parcelles: historique de la propriété des parcelles de terrain en question
– Vente des parcelles: transaction par laquelle les parcelles de terrain sont vendues à un acheteur
– Preuve de la propriété à partir des titres: présentation de documents officiels prouvant la propriété d’un bien
– Jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux: décision rendue par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans une affaire spécifique
– Rejet de l’action en revendication des consorts [S]: refus de reconnaître l’action en revendication des parties concernées
– Condamnation aux dépens d’appel: obligation de payer les frais de justice liés à l’appel
– Indemnités à verser aux parties concernées: montant à verser en compensation aux parties concernées dans le cadre d’une affaire judiciaire

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

————————–

ARRÊT DU : 14 MAI 2024

N° RG 21/00799 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L5ZB

[I] [S]

[D] [S] épouse [T]

[O] [S]

c/

[P] [M] [E]

[R] [E]

[V] [E] divorcée [N]

[U] [S] épouse [C]

Nature de la décision : AU FOND

29A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 novembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG n° 16/08404) suivant déclaration d’appel du 10 février 2021

APPELANTS :

[I] [S]

née le [Date naissance 15] 1964 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 22] – [Localité 19]

[D] [S] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1963 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 16] – [Localité 19]

[O] [S]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 29]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 26] – [Localité 21]

Représentés par Me Camille VALDES de la SCP KAPPELHOFF-LANCON-VALDES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Samuel ANDRONIKOS

INTIMÉS :

[P] [M] [E]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 18]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 23] – [Localité 18]

[R] [E]

né le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 31]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 24] – [Localité 20]

Représentés par Me Sandrine MORIN de la SCP ROCHER – MORIN, avocat au barreau de BORDEAUX

[V] [E] divorcée [N]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 30]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7] – [Localité 17]

Représentée par Me Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Marie RIGAL

[U] [S] épouse [C]

née le [Date naissance 11] 1938 à [Localité 32]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8] – [Localité 21]

Représentée par Me Sébastien BACH, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 mars 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [G] s’est mariée avec M. [Z] [S] le 30 septembre 1944, sans contrat de mariage. Aucun enfant n’est issu de cette union.

D’un premier mariage avec [M] [H], Mme [G] avait donné naissance à deux enfants, [K] et [P] [H], ce dernier décédé sans postérité.

D’un premier mariage avec [W] [A], M. [S] avait deux enfants, [U] et [J] [S].

Le 21 janvier 1947, Mme [X] [G] épouse [S] avait reçu de ses parents en donation-partage une parcelle de 2 077 m² située [Adresse 23], [Localité 18], cadastrée section B n° [Cadastre 25] p.

Le 18 juin 1952, les époux [S]/[G] avaient fait l’acquisition d’une parcelle contigue d’une surface de 2 077 m² cadastrée section A n° [Cadastre 25] p.

Ces deux parcelles ont été réunies sous une nouvelle dénomination cadastrale, CO [Cadastre 4].

Puis les époux [S]/[G] ont scindé ladite parcelle en deux parcelles cadastrées CO [Cadastre 9] (contenance : 1 604 m² ) et CO [Cadastre 10] (contenance : 2 594 m²) et cédé la parcelle CO [Cadastre 10] à M. [Y] le 10 septembre 1992.

La parcelle CO [Cadastre 9] a été par la suite scindée en deux parcelles CO [Cadastre 12] (contenance : 487 m²) et [Cadastre 13] (contenance : 1 128 m²) et la parcelle CO [Cadastre 12] a été vendue par eux le 21 février 1997 à [P] [E].

Enfin, le 17 juillet 1998, Mme [G] épouse [S] a donné la nue-propriété de la parcelle cadastrée CO [Cadastre 13], [Adresse 23] à [Localité 18], d’une superficie de 1 128 m², à ses petits-enfants issus de sa fille, M. [P] [E], M. [R] [E] et Mme [V] [E] épouse [N].

[P] [E], après versement d’une soulte à sa soeur et à son frère, est devenu l’unique propriétaire de cette parcelle.

Mme [X] [G] est décédée le [Date décès 14] 2005 et a laissé pour recueillir sa succession ses trois petits-enfants issus de sa fille prédécédée [K], M. [P] [E], M. [R] [E] et Mme [V] [E].

M. [Z] [S] est décédé le [Date décès 27] 2012 et a laissé pour recueillir sa succession ses trois petits-enfants issus de son fils prédécédé [J], Mme [I] [S], Mme [D] [S] et M. [O] [S] ainsi que sa fille, [U] [S] épouse [C].

Contestant le caractère propre de la parcelle objet de la donation, Mmes [I] et [D] [S] épouse [T] et M. [O] [S] ont, par actes d’huissier en date des 28, 29 juillet et 1er août 2016, assigné Ms. [P] et [R] [E], Mme [V] [E] épouse [N] et Mme [U] [S] épouse [C] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de prononcer la nullité de l’acte de donation-partage du 17 juillet 1998 pour procéder à la réintégration de la parcelle CO [Cadastre 13] d’une superficie de 307 m² dans l’actif de la succession de M. [Z] [S].

Par jugement en date du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– rejeté l’ensemble des demandes formées par Mme [I] [S], Mme [D] [S] et M. [O] [S],

– dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [I] [S], Mme [D] [S] et M. [O] [S] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Procédure d’appel :

Par déclaration d’appel en date du 10 février 2021, les consorts [S] ont formé appel du jugement de première instance en ce qu’il les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes, condamnés aux dépens et a rejeté leur demande au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 8 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d’expertise formée par les appelants et les a condamnés à payer à Mme [V] [E] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident.

Selon dernières conclusions en date du 7 octobre 2021, les appelants demandent à la cour de :

– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 5 novembre 2020 dans l’ensemble de ses dispositions,

Y faisant droit,

– débouter les consorts [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– dire et juger l’action des consorts [S] recevable et bien-fondée,

– dire et juger que la moitié de la parcelle CO [Cadastre 13] située sur la commune de [Localité 18] relève du bien acquis par les époux [S] le 18 juin 1952 conformément aux titres de propriété et au plan dressé par M. [L], géomètre expert,

– dire et juger que les consorts [S] sont propriétaires indivis du terrain anciennement commun indûment soustrait de l’actif de la succession de M. [Z] [S],

En conséquence,

– ordonner la réintégration dans l’actif de la succession de M. [Z] [S] de la fraction de la parcelle CO [Cadastre 13], située sur la commune de [Localité 18], qui a été indûment distraite de la communauté [S]-[G] au profit du patrimoine propre de Mme [X] [G] épouse [S],

– désigner un expert ayant pour mission de dresser un document d’arpentage faisant apparaître au plan cadastral une parcelle nouvelle correspondant à cette fraction indûment distraite et ce afin de permettre la matérialisation de cette restitution et la publication du jugement au service de la publicité foncière,

– dire que le jugement à intervenir vaudra titre de propriété pour l’indivision successorale [S] dans la proportion de ses droits et de ceux de M. [E],

– dire que le jugement à intervenir sera publié au bureau des hypothèques compétent pour valoir opposabilité aux tiers,

– condamner in solidum M. [P] [E], M. [R] [E] et Mme [V] [E] à payer à chacun de Mme [I] [S], Mme [D] [S] et M. [O] [S] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [P] [E], M. [R] [E] et Mme [V] [E] aux entiers dépens, lesquels profiteront à la S.C.P. Kappelhoff-Lançon, Thibaud, Valdés en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions en date du 2 août 2021, M. [P] [E] et M. [R] [E] demandent à la cour de :

– déclarer les appelants mal fondés en leur appel,

– confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 en ce qui a rejeté l’action en revendication des consorts [S],

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait que les consorts [S] rapportent la preuve qu’une partie de la parcelle CO [Cadastre 13], objet de la donation en date du 17 juillet 1998, appartenait en propre à Mme [S],

– juger que M. [P] [E] et M. [R] [E] ont acquis de bonne foi et par juste titre l’immeuble, objet de la donation-partage en date du 17 juillet 1998 et qu’ils en ont prescrit la propriété en application des dispositions de l’article 2272 alinéa 2 du code civil,

En conséquence et tout état de cause :

– débouter les consorts [S]-[T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner les consorts [S]-[T] in solidum à payer à M. [P] [E] et M. [R] [E] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions en date du 2 août 2021, Mme [V] [E] épouse [N] demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu le 5 novembre 2020 en ce qu’il a jugé les consorts [S] recevables en leur action,

Et statuant à nouveau,

– déclarer les consorts [S] irrecevables en leurs demandes faute de qualité à agir et du fait de la prescription de leur action,

– condamner les consorts [S] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– à défaut, confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 en ce qu’il a débouté les consorts [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En toute hypothèse,

– condamner les consorts [S] au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions en date du 27 juillet 2021, Mme [U] [S] épouse [C] demande à la cour de :

– constater qu’aucune demande n’est formulée à son encontre,

– constater qu’elle s’en remet à justice.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 19 mars 2024 et mise en délibéré au 14 mai 2024.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l’action en revendication de la propriété :

Mme [V] [E] épouse [N] soutient in limine litis que l’action des appelants serait irrecevable au motif qu’en réalité, ils recherchent, au visa de l’article 1427 du code civil, l’annulation de la donation du 17 juillet 1998 mais contournent la difficulté tirée de la prescription de l’action depuis le 17 juillet 2000, soit deux années après le décès de Mme [G], action qu’elle rappelle au demeurant n’avoir pas été exercée par M. [S], ses héritiers ne pouvant avoir plus de droits que leur auteur et n’ayant pas qualité à agir.

Elle affirme que la manoeuvre des appelants consistant à abandonner l’action initiale en nullité de la donation-partage au profit de l’action en revendication qu’ils exercent désormais, laquelle n’est pas prescrite au visa de l’article 2227 du code civil, a été suivie à tort par le tribunal au terme d’un raisonnement qu’elle qualifie d’erroné dès lors qu’il est patent à la lecture des conclusions des appelants, page 4, que leur action est uniquement fondée sur le caractère illégal de la donation. La revendication implique selon elle nécessairement l’annulation de l’acte qui aurait indûment transféré la propriété, cette action n’ayant une chance d’aboutir que si l’acte de donation était révoqué ou annulé.

Elle soutient qu’il appartenait ainsi au tribunal de requalifier l’action et partant à la cour, qui déclarera les appelants irrecevables en leur demande du fait du défaut de qualité à agir et de la prescription de leur action.

Les appelants répliquent que, s’il est vrai qu’ils avaient initié une action en nullité de l’acte de donation du 17 juillet 1998 au motif que Mme [G] avait outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, ils reconnaissent que cette action est prescrite et réservée à M. [S] mais soutiennent qu’ils sont eux-mêmes en droit d’agir en revendication de la propriété indivise du bien immobilier soustrait à l’actif successoral par les agissements de Mme [S].

Ils rappellent en effet que l’annulation de l’acte translatif de propriété n’est pas une condition de l’action en revendication, que tout héritier, même sans le concours des autres indivisaires, a le droit d’exercer une action en revendication de la propriété indivise à l’encontre du tiers détenteur d’un bien soustrait à l’actif de succession, et que le droit de propriété étant imprescriptible, leur action est en conséquence recevable.

Sur ce,

En l’espèce, les appelants ne poursuivent pas la nullité de la donation-partage mais exercent une action en revendication portant sur une partie du terrain donné par Mme [G] à ses petits enfants, dont ils considèrent qu’il n’appartenait pas à la donatrice en totalité mais en partie seulement, l’autre partie appartenant à la communauté [S]/[G].

Dès lors que la qualité des appelants d’héritiers de M. [S] n’est pas contestée, ceux-ci sont recevables à exercer une telle action pour revendiquer la propriété de la partie de parcelle donnée par Mme [G] qui n’en aurait pas été l’unique propriétaire sans qu’il soit nécessaire qu’ils recherchent la nullité de la totalité de la donation.

Cette action étant imprescriptible au visa de l’article 2227 du code civil, la demande en revendication de propriété est recevable et la décision sera confirmée de ce chef.

Sur le droit de propriété des appelants sur une partie de la parcelle C0 [Cadastre 13] :

Des écritures des parties et de leurs pièces régulièrement versées aux débats, il résulte que l’acte de donation-partage en date du 17 juillet 1998 indique expressément que la donation porte sur la nue-propriété de la parcelle située [Adresse 23] à [Localité 18], cadastrée section CO n° [Cadastre 13] pour 1 180 mètres carrés, ayant pour origine de propriété la donation-partage du 21 janvier 1947, ce qui implique que le bien donné constituait, pour le notaire, un propre de Mme [G].

En l’absence de toute action engagée de son vivant par M. [S] en nullité de cette donation, il s’en retire que celui-ci considérait de même que la parcelle restante était un propre de son épouse.

Les appelants ne démontrent pas que l’acte notarié susvisé serait affecté d’une erreur matérielle portant notamment sur la détermination du bien cédé, sa contenance ou son origine.

En effet, il est constant que Mme [G] était propriétaire d’une parcelle située [Adresse 23] à [Localité 18], d’une superficie de 2 077 m², au terme d’une donation-partage de ses parents en date du 21 janvier 1947 et qu’elle a donné en 1998 à ses petites enfants une parcelle d’une superficie inférieure.

Par ailleurs, il est tout aussi constant que la communauté [G]/[S] était elle-même propriétaire de la parcelle mitoyenne d’une superficie équivalente, au terme d’une acquisition réalisée le 18 juin 1952 (pièces 2 et 3 des appelants).

Il n’est pas contesté que la communauté [G]/[S] a vendu aux époux [Y] le 10 septembre 1992 partie de ces parcelles devenues à cette époque par remaniement du cadastre, la parcelle CO [Cadastre 4].

L’acte notarié versé aux débats en pièce 4 par les appelants précise que cette parcelle CO [Cadastre 4] a fait l’objet d’une division en deux parcelles numérotées CO [Cadastre 9] d’une superficie de 1 604 m² et CO [Cadastre 10] d’une superficie de 2 594 m².

La communauté [G]/[S] a vendu aux époux [Y] la parcelle numéro CO [Cadastre 10], les vendeurs restant propriétaires de la parcelle CO [Cadastre 9].

Cet acte précise que l’origine de propriété de la parcelle vendue est ‘partie en propre à Mme [S] pour lui avoir été attribuée aux termes d’un acte reçu par Me [B], notaire à [Localité 18] le 21 janvier 1947 contenant donation’ et ‘partie pour avoir été acquis par eux (M. et Mme [S]) au cours et pour le compte de leur communauté suivant acte reçu par Me [B], notaire, le 18 juin 1952″.

Mais cet acte ne précise nullement la part de chacun d’entre Mme [G] et la communauté [G]/[S].

Les appelants croient pouvoir cependant affirmer qu’il résulte des mentions manuscrites portées sur le procès-verbal d’arpentage n° 2563 T (pièce 5) tel que délivré par l’office notarial ayant concouru à l’acte, que la vente portait sur 1 300 m² appartenant en propre à Mme [S] et sur 1 294 m² du bien commun.

Cette pièce 5 est un procès-verbal de délimitation qui n’est pas daté et qui comporte un numéro d’ordre du document d’arpentage 2563 T, seul un plan cadastral faisant partie dudit document comme portant le même numéro, étant versé aux débats en pièce 18 des appelants.

Cependant, l’acte notarié du 10 septembre 1992 fait état d’un document d’arpentage dressé par M. [F], géomètre, le 8 juillet 1992, sous le numéro 2503 T, lequel document n’est pas non plus versé aux débats.

Par ailleurs, l’examen visuel de la pièce 5 permet de retenir la présence de deux écritures distinctes, la mention sur laquelle les appelants fondent leur démonstration, à savoir ‘Mme [S] = 1 300. Mr et Mme [S] = 1 294″ n’étant pas écrite de la même main que le reste du document ce qui lui ôte toute force probante quant à la répartition de la parcelle vendue en fonction de son origine, propre à Mme [G] ou commune aux deux époux [G]/[S].

Il en résulte que les appelants, partant d’un postulat dont ils n’ont jamais rapporté la preuve, échafaudent une hypothèse au terme de laquelle ‘en se référant aux superficies mentionnées dans le document susvisé’, il conviendrait d’en déduire que ‘la parcelle CO [Cadastre 9], de 1 604 m², contenait 805 m² appartenant à la communauté [S] (2 099 – 1 294) et 799 m² appartenant en propre à Mme [X] [S] (2 099 – 1 300)’.

D’autre part, l’acte de vente des époux [S]/[G] à M. [E] en date du 27 février 1997 portant sur la parcelle CO [Cadastre 12] stipule expressément que cette parcelle provient de la division de l’ancienne parcelle CO [Cadastre 9] et que l’origine de propriété en est ‘partie donation partage, du 21 janvier 1947″, ‘partie vente, du 28 juin 1952″.

Il en ressort que cette parcelle appartenait pour partie à la communauté, pour partie à Mme [G], sans qu’encore une fois, le notaire ait fait la part entre la superficie vendue appartenant à Mme [G] et celle appartenant à la communauté.

Suite à cette vente, il ne restait plus que la parcelle CO [Cadastre 13] de 1 128 m².

Persistant dans leur raisonnement, les appelants croient toutefois pouvoir retirer de leur pièce 19 que la parcelle [Cadastre 13] restante issue de la division de la parcelle CO [Cadastre 9] appartiendrait à la communauté [S] et soutiennent que, s’ils ne contestent pas que l’acte de 1997 mentionne que le bien vendu provient partie d’un propre de Mme [G], partie de la communauté [G]/[S], sans mentionner la clef de répartition entre les deux patrimoines, ‘néanmoins, même dans l’hypothèse peu vraisemblable dans laquelle Mme [X] [S] n’aurait aliéné dans le cadre de cette vente qu’un mètre carré provenant de son bien propre, la parcelle CO [Cadastre 13] contenait nécessairement au minimum 319 m² de terrain commun (805 – 486)’.

Mais il s’impose de relever que la pièce 19 des appelants comporte en réalité trois pièces distinctes : la première ressort d’un document d’arpentage de M. [F] du 28 mars 1995 et mentionne les noms de [S] sur la parcelle [Cadastre 13] et [E] sur la parcelle [Cadastre 12]. La seconde est datée du 16 janvier 1995 et consiste en un plan de masse des propriétés [S]-[E] mentionnant les noms de M. et Mme [S] sur la parcelle divisée en A pour 487 m² et B pour 1 128 m². Enfin, la troisième datée du 4 avril 1995 est un document intitulé ‘changements constatés, attribution des nouveaux numéros de plan et calcul des contenances’ mentionnant que la parcelle anciennement CO [Cadastre 9] de 1 604 m² est devenue CO [Cadastre 12] propriétaire [E] [P] pour 487 m² et CO [Cadastre 13] propriétaire [S] [Z] pour 1 128 m².

Il en résulte que ces trois documents sont parfaitement contradictoires quant au propriétaire de la parcelle CO [Cadastre 13].

Et d’autre part, il ne peut qu’être constaté que les appelants continuent à dérouler un raisonnement hypothétique sur la base d’une affirmation non établie au terme de laquelle la vente de 1992 aurait porté sur 1 300 m² appartenant en propre à Mme [G] et 1 294 à la communauté.

Les appelants échouent ainsi à démontrer par ce raisonnement que Mme [G] aurait donné une partie de bien commun à ses petits enfants.

D’autre part, s’agissant de la preuve de la propriété à partir des titres, il n’est pas soutenu que la réunion des fonds A [Cadastre 25] et B [Cadastre 25] aurait eu pour conséquence de mettre fin à la propriété de la communauté sur le terrain acquis en 1952.

Par ailleurs, les actes notariés de donation et de vente permettent certes de localiser les parcelles A et B [Cadastre 25] mais celles-ci ont été réunies puis subdivisées et aucun acte ultérieur ne précise la part du bien commun et du bien propre.

D’autre part, les pièces 15 et 16 des appelants ne permettent pas de retenir avec certitude que la parcelle CO [Cadastre 13] relève pour moitié du bien commun, les appelants de soutenir qu’il ‘suffit de regarder les pièces en question et le plan cadastral pour constater que la parcelle CO [Cadastre 13] est pour partie issue de l’ancienne parcelle A [Cadastre 25] » alors que la pièce 15 identifie les parcelles A et B [Cadastre 25] mais pas les subdivisions ultérieures.

Il convient d’ajouter que dans le cadre d’une instance distincte mais opposant les mêmes parties que dans le cadre du présent litige, soit [I], [D] et [O] [S] à [P] [E] et [U] [S] ainsi qu’à la SAS [28], un jugement a été rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 12 septembre 2017 qui constate que : ‘il n’est pas contesté que la parcelle sur laquelle a été consentie un contrat de location d’emplacement publicitaire par M. [P] [E] à la société SAS [28], ainsi qu’il ressort de l’acte de donation en date du 17 juillet 1988, appartenait en propre à Mme [X] [G] épouse [S], celle-ci ayant fait donation de nue-propriété à ses trois petits-enfants dont M. [P] [E] selon acte en date du 17 juillet 1998″.

Les appelants ne peuvent aujourd’hui soutenir le contraire de ce qu’ils avaient admis devant cette juridiction en n’interjetant pas appel de la décision rendue.

Il s’impose dans ces conditions de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté l’action en revendication des consorts [S].

Les appelants, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d’appel et à verser à [P] et [R] [E] une indemnité de 5 000 euros soit 2 500 euros chacun, sauf autre accord, et à [V] [E] une indemnité de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant après rapport fait à l’audience,

CONFIRME la décision déférée ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum [I] [S], [D] [S] et [O] [S] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE in solidum [I] [S], [D] [S] et [O] [S] à verser à [P] [E], [R] [E] et [V] [E] chacun une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 

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