Accord sur l’obligation de recherche d’exploitation suivie des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles du 7 octobre 2016

Notez ce point juridique

Pour l’application de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, les parties signataires du présent accord,


Considérant que la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine a prévu une obligation de recherche d’exploitation suivie des œuvres audiovisuelles et renvoyé à la négociation interprofessionnelle la définition de son champ et des conditions de sa mise en œuvre,

Considérant que la concertation entre les organisations représentatives des auteurs et l’ensemble des secteurs d’activité concernés, menée sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée, a permis de confronter les vues de l’ensemble des acteurs,

Considérant que l’ensemble des ayants droit, dont les auteurs, est concerné par l’obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du CPI, le producteur a la faculté de recourir à la coopération de ceux-ci,

Adoptent les dispositions qui suivent :

Préambule

L’application du présent accord est sans préjudice :


(i) De l’application des règles relatives à la chronologie des médias ;


(ii) De la liberté d’un producteur et/ou d’un distributeur de consentir des exclusivités d’exploitation sur une œuvre en France et/ou à l’étranger ;


(iii) De la liberté d’un diffuseur d’acquérir les droits de diffusion et de diffuser les œuvres de son choix, dans le respect de sa liberté et responsabilité éditoriales.

I. – Champ d’application

Les œuvres couvertes par le présent accord sont les œuvres françaises cinématographiques et les œuvres françaises audiovisuelles patrimoniales pour lesquelles un contrat de production audiovisuelle est régi par le droit français.
Pour le présent accord, on entend par œuvres françaises les œuvres dont le producteur délégué est de nationalité française et dont la majorité du financement provient de personnes physiques ou morales de nationalité française et :

– par œuvres cinématographiques : les œuvres cinématographiques de longue durée ayant obtenu un visa d’exploitation définitif et les œuvres cinématographiques de courte durée ayant bénéficié des aides financières du CNC ou d’une collectivité territoriale et


– par œuvres audiovisuelles patrimoniales : les œuvres non cinématographiques appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant ayant bénéficié des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée ou d’une collectivité territoriale.

II. – Obligations du producteur


1. Conservation et mise aux normes techniques

Le producteur conserve en bon état les éléments ayant servi à la réalisation de l’œuvre dont la liste et les modalités de conservation figurent au contrat de production audiovisuelle, conformément à l’article L132-24 du code de la propriété intellectuelle.


Le producteur fait ses meilleurs efforts pour rendre l’œuvre disponible, dans des délais raisonnables en réponse à des demandes de cessionnaires ou mandataires potentiels, dans des formats et supports adaptés aux modes d’exploitation ciblés, en tenant compte des usages du marché et des évolutions technologiques.


La conservation pérenne des œuvres est un enjeu important à l’heure du numérique. Les parties concernées se réuniront, postérieurement à la signature du présent accord, pour échanger sur les bonnes pratiques en la matière et sur la prise en charge in fine des coûts afférents.

2. Droits

Les producteurs et les auteurs s’engagent à négocier de bonne foi, le cas échéant avec le concours des sociétés d’auteurs signataires du présent accord, afin de favoriser le renouvellement et/ou la renégociation des contrats conclus pour une durée limitée, dans des conditions permettant que les droits d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur sur l’œuvre ne soient pas dissociés artificiellement à des fins spéculatives.

3. Mise en œuvre de l’obligation de recherche d’exploitation suivie

L’obligation de recherche d’exploitation suivie est une obligation de moyens, qui appelle du producteur ses meilleurs efforts, dans les limites de l’article VI, pour permettre à l’œuvre d’être exploitée en France et/ou à l’étranger.
A cette fin, le producteur fait notamment ses meilleurs efforts pour, selon les cas :

– trouver des distributeurs ; ou
– trouver des opérateurs, ci-après dénommés « diffuseurs », pour exploiter l’œuvre, quel que soit le mode et le procédé d’exploitation, existant ou à venir, et notamment, sans que cette liste soit limitative :
– en salles de spectacles cinématographiques ;
– sur un service de télévision à vocation nationale ou locale ;
– sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public ;
– sur un service de média audiovisuel à la demande (SMAD), quel qu’il soit ;
– sur un service de communication en ligne,
– ou dans les réseaux non commerciaux et institutionnels (médiathèques, cinémathèques, festivals, ciné-clubs…) ; ou

– réaliser l’exploitation lui-même.

Le producteur veille à la bonne exécution des contrats qu’il noue avec les distributeurs et/ou les diffuseurs.

4. Information de l’auteur

Conformément à l’article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle, le producteur fournit au moins une fois par an à l’auteur, ou, à défaut, à son représentant expressément mandaté, un état des recettes provenant de l’exploitation de l’œuvre selon chaque mode d’exploitation.


A la demande écrite de l’auteur ou, à défaut, de son représentant expressément mandaté, le producteur fournit les informations relatives aux efforts qu’il a engagés et aux éventuels motifs qui l’empêchent de remplir son obligation de recherche d’exploitation suivie des œuvres.

III. – Engagements des distributeurs et des diffuseurs

Les diffuseurs concourent, par leurs acquisitions, à l’exploitation, et les distributeurs font leurs meilleurs efforts pour permettre au producteur de remplir son obligation de recherche d’exploitation suivie de l’œuvre.


A la demande écrite du producteur, les distributeurs fournissent les informations relatives aux exploitations effectuées ou, à défaut, aux démarches qu’ils ont entreprises à cette fin, afin de permettre au producteur de répondre aux demandes d’information de l’auteur.


A la demande écrite du producteur ou du distributeur, les diffuseurs fournissent les informations relatives aux diffusions ou mises à disposition du public effectuées.

IV. – Engagements des sociétés d’auteurs

Les sociétés d’auteurs signataires du présent accord s’engagent, chacune pour le répertoire qui la concerne, à poursuivre leur action tendant à permettre l’identification des auteurs ou de leurs ayants droit et, lorsqu’elles sont parties prenantes à la renégociation des contrats, à poursuivre leurs actions tendant à :

– favoriser l’accord entre les producteurs et les auteurs, ou leurs ayants droit,
– mettre en œuvre les moyens pour remédier aux difficultés de renégociation des contrats de production audiovisuelle, notamment en cas de succession vacante ou en cas de déshérence ;
– coopérer avec les producteurs afin que les droits des auteurs ne soient pas acquis par des tiers dans des conditions essentiellement spéculatives et de nature à bloquer l’exploitation des œuvres.

V. – Présomption

Les dispositions qui suivent s’appliquent sans préjudice de la faculté pour le producteur, à la demande de l’auteur ou, à défaut, de son représentant, dans les conditions prévues à l’article II. 4) et dans les limites de l’article VI, de prouver par tout moyen l’accomplissement de son obligation de recherche d’exploitation suivie énoncée à l’article II.


(a) Pendant un premier délai de cinq ans à compter de la 1re exploitation (sortie en salle ou 1re diffusion télévisuelle), l’obligation de recherche d’exploitation suivie est présumée respectée par le producteur si l’œuvre a fait l’objet d’une exploitation au cours des trois dernières années dans l’un des modes d’exploitation suivants :


1. En salles de spectacles cinématographiques en France, ou
2. Sur un service de télévision conventionné par le CSA, ou soumis à un cahier des charges, ou mentionné aux articles 45 et 45-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, et, le cas échéant, sur son service de télévision de rattrapage, ou sur un service de télévision en langue française, destiné au public français, diffusé depuis l’étranger et accessible sur tout le territoire, ou
3. Sur un ou plusieurs services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) accessibles en France ou dans un ou plusieurs pays de l’Espace économique européen dont la population cumulée est supérieure à 60 millions de personnes (service à l’acte, par abonnement, en téléchargement définitif…), à l’exclusion de services de télévision de rattrapage, par sa disponibilité pendant une période cumulée sur ce ou ces différents services d’au moins six mois consécutifs ou non, ou
4. Sur un ou plusieurs services de communication au public en ligne accessibles en France, par sa disponibilité pendant une période de présence cumulée sur ce ou ces différents services d’au moins six mois consécutifs ou non, ou
5. Sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public dans une édition disponible en France.


A l’expiration de ce premier délai de cinq ans, la période de trois ans prévue au paragraphe précédent est portée à cinq ans.

(b) L’obligation est également présumée respectée par le producteur si l’œuvre fait l’objet de contrats de mandat ou de cession de droits en cours d’exécution en vue d’une exploitation dans deux modes parmi ceux précités (1). Dans ce cas, l’exigence relative à la durée d’exploitation de six mois s’agissant des SMAD et des services de communication au public en ligne ne s’applique pas. A l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la première exploitation de l’œuvre, un mode parmi les deux peut viser l’étranger, étant entendu qu’un même mode visant la France et l’étranger compte pour deux modes.


Toutefois, un contrat de cession de droits pour un seul mode visant la France suffit s’agissant :

– des œuvres cinématographiques exploitées pour la première fois en salles il y a plus de huit ans ;
– des œuvres cinématographiques de courte durée ;
– des œuvres audiovisuelles.

(c) S’agissant des œuvres cinématographiques de courte durée et des œuvres cinématographiques muettes ainsi que des œuvres audiovisuelles relevant du documentaire de création ou de la captation de spectacle vivant diffusées pour la première fois à la télévision il y a plus de quinze ans les dispositions du présent article s’appliquent également dans le cas d’une exploitation dans des réseaux non commerciaux en France et/ou à l’étranger (médiathèques, festivals, cinémathèques, ciné-clubs…).

VI. – Limites de l’obligation

Le producteur ne peut être considéré comme ayant manqué à son obligation de rechercher une exploitation suivie lorsqu’il est confronté notamment à l’une des situations suivantes :

– obstacles juridiques liés notamment à l’impossibilité de renégocier les droits d’exploitation (ex. : refus de renégocier d’un ayant droit, impossibilité d’identifier ou de localiser un ayant droit malgré les démarches du producteur) ;
– difficultés techniques liées notamment à l’indisponibilité du matériel pour des raisons objectivement justifiées ;
– bilan coûts/recettes potentielles défavorable : notamment lorsque les efforts à réaliser sont sans perspectives de rentabilité, en dépit des soutiens financiers que le producteur est susceptible d’obtenir. Les parties conviennent de se réunir sur ce sujet dans l’année qui suit la signature de cet accord, conformément à l’avant-dernier alinéa du IX ;
– difficultés commerciales : notamment en l’absence de demande pour l’œuvre malgré les démarches du producteur auprès des distributeurs et des diffuseurs pour lui trouver un public.

VII. – Médiation

En vue de faciliter le règlement des difficultés et différends susceptibles de survenir à l’occasion de l’application du présent accord, les parties recommandent le recours à l’AMAPA, sur saisine de l’auteur ou du producteur, ou à toute autre structure de médiation retenue d’un commun accord entre l’auteur et le producteur, sous réserve que la structure intègre la dimension numérique de la recherche d’exploitation suivie des œuvres.


Les organisations signataires s’engagent à inciter leurs membres à recourir à la médiation, afin d’accompagner la mise en œuvre de l’obligation.


La médiation est ouverte aux auteurs et producteurs. Les distributeurs et diffuseurs peuvent être sollicités en tant que de besoin.

VIII. – Entrée en vigueur – durée – extension

Le présent accord prend effet à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension. Il est conclu pour une durée de trois ans tacitement reconductible par périodes de trois ans.


Les parties demandent l’extension, dès sa signature, du présent accord au ministre chargé de la culture en application des dispositions de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.


Il peut être dénoncé par chacun des signataires de l’accord. Cette dénonciation est signifiée aux autres parties, dans le respect d’un préavis de trois mois avant l’expiration de la période en cours, par lettre recommandée avec accusé de réception précisant les motifs pour lesquels cette dénonciation intervient.


Le présent accord s’applique aux œuvres couvertes par des contrats en cours. Toutefois, pour les œuvres ayant fait l’objet d’une première exploitation préalablement à la date d’entrée en vigueur du présent accord, les producteurs disposent d’un délai de vingt-quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de l’accord pour achever le processus de mise en œuvre de l’obligation de recherche d’exploitation suivie.

IX. – Suivi

Les parties conviennent de la nécessité de la mise en place d’un Observatoire de l’exploitation des œuvres audiovisuelles, afin d’accompagner la mise en œuvre de l’accord et d’évaluer ses effets sur l’exploitation des œuvres. Elles sollicitent le CNC pour en assurer la création et organiser sa mise en œuvre. L’observatoire sera chargé d’étudier notamment les questions suivantes :

– conservation et mise aux normes techniques des œuvres ;
– exploitation effective des œuvres entrant dans le champ de l’accord ;
– diversité et renouvellement de ces œuvres sur les différents modes d’exploitation, notamment en termes d’ancienneté, de genre et d’auteurs.

Sans préjudice de l’entrée en vigueur de l’accord, concernant les possibilités de restauration et de numérisation des œuvres audiovisuelles patrimoniales produites dans le passé, les parties concernées conviennent de se réunir afin de dresser, dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de cet accord, un bilan macroéconomique général des coûts et des recettes potentielles de ces œuvres au regard, notamment, du volume d’œuvres concernées et de l’état des possibilités techniques offertes aujourd’hui aux producteurs par les industries techniques.


Dix-huit mois après l’entrée en vigueur du présent accord, les parties se réuniront pour faire un premier bilan de sa mise en œuvre.

(1) Incluant les droits confiés à l’Agence du court métrage, pour les œuvres cinématographiques de courte durée.



Fait à Paris, le 3 octobre 2016.

Pour l’Association des Chaînes du Câble et du Satellite (ACCES)

Pour l’Association des Exportateurs de Films (ADEF)

Pour l’Association des Producteurs Indépendants (API)

Pour la Société Civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP)

En présence d’ARTE France

Pour CANAL PLUS

Pour les Distributeurs Indépendants Réunis Européens (DIRE)

En présence de la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM)

Pour la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF)

Pour la Fédération Nationale des Distributeurs de Films (FNDF)

Pour FRANCE TELEVISIONS

Pour M6

Pour Orange

Pour la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)

Pour le Syndicat des Agences de Presse Audiovisuelles (SATEV)

Pour la Société civile des auteurs multimédia (SCAM)

Pour le Syndicat des distributeurs indépendants (SDI)

Pour le Syndicat des entreprises de distribution de programmes audiovisuels (SEDPA)

Pour le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVAD)

Pour le Syndicat de l’Edition Vidéo Numérique (SEVN)

Pour SFR NUMERICABLE

Pour le Syndicat des Producteurs et Créateurs de Programmes Audiovisuels (SPECT)

Pour le Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI)

Pour le Syndicat des Producteurs de Films d’Animation (SPFA)

Pour la Société des Réalisateurs de Films (SRF)

Pour TF1

Pour l’Union de l’Edition Vidéographique et numérique Indépendante (UNEVI)

Pour l’Union des Producteurs de Cinéma (UPC)

Pour l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle (USPA)


Fait le 7 octobre 2016.


Audrey Azoulay

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