Un accord de confidentialité pour couvrir des faits de plagiat est parfaitement valide. Une clause contractuelle limitant la liberté d’expression d’une partie à un accord transactionnel est valide si elle est nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d’autrui et proportionnée au but recherché.
La solution juridique apportée à cette affaire est la suivante :
1. Sur la recevabilité de l’action : La cour confirme la décision du tribunal en déclarant recevable l’action de M. [K] sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et non sur celui de la loi sur la presse de 1881.
2. Sur la validité de la clause de confidentialité : La cour confirme la validité de la clause de confidentialité contenue dans le protocole du 26 mars 2018, considérant qu’elle est nécessaire à la protection de la réputation des parties et proportionnée au but recherché.
3. Sur la résiliation judiciaire du protocole transactionnel : La cour approuve la décision du tribunal en prononçant la résiliation judiciaire du protocole d’accord du 26 mars 2018 aux torts exclusifs de M. [D], en raison de ses manquements graves à l’obligation de confidentialité.
4. Sur la réparation du préjudice : La cour confirme la condamnation de M. [D] à verser à M. [K] une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé par les divulgations dénigrantes et portant atteinte à son image.
5. Sur la procédure abusive : La cour rejette la demande de la société Au Diable [Localité 10] de condamnation au paiement d’une somme de 3 000 euros pour procédure abusive, considérant qu’aucun abus n’est constitué à son encontre.
En conclusion, la cour confirme la décision du tribunal sur l’ensemble des points soulevés dans cette affaire.
L’affaire concerne un litige entre le journaliste [P] [K] et l’écrivain [N] [D] concernant des accusations de plagiat. En 2017, [N] [D] a publié un recueil de nouvelles contenant des textes que [P] [K] prétend être les siens. Un accord transactionnel a été conclu entre [P] [K] et les éditions de La Martinière, mais [N] [D] a ensuite publié un ouvrage révélant les détails de cet accord. Suite à cela, un nouveau protocole a été signé, mais [P] [K] a ensuite demandé la résiliation de cet accord en justice. Le tribunal a statué en faveur de [P] [K], condamnant [N] [D] à payer des dommages et intérêts. Les parties ont fait appel de cette décision, et l’affaire est en attente de jugement.
La diffusion des propos sur un litige de plagiat couvert par un accord trancactionnel, dans le cadre d’interviews sur Europe 1 à deux reprises, de façon notoire s’agissant d’une heure et d’une station de grande écoute réunissant des milliers d’auditeurs, cause nécessairement un préjudice moral à l’intéressé, qui a pu légitimement se sentir sali et calomnié par un ancien ami violant ainsi l’obligation de confidentialité à laquelle il s’était engagé, en même temps qu’impuissant et réduit au silence, la conclusion des deux protocoles n’ayant pas permis d’empêcher les divulgations litigieuses dénigrantes et portant atteinte à son image, et ce d’autant plus que l’intéressé exerce son métier de journaliste dans le milieu restreint de la culture.
Ce préjudice doit être justement réparé par la somme de 15 000 euros
Il est acquis qu’une clause contractuelle limitant la liberté d’expression d’une partie à un accord transactionnel est valide si elle est nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d’autrui et proportionnée au but recherché.
En l’espèce, l’article 3 du protocole litigieux stipule les engagements réciproques des parties de ne divulguer aucune information non publique concernant leur différend et de s’interdire de faire toute allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature dudit protocole.
Ainsi que l’a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, cette clause ne constitue pas une atteinte injustifiée et disproportionnée par rapport au but recherché. En effet, les faits concernés par la clause litigieuse, que ces dernières se sont engagées à ne pas évoquer, sont précisément déterminés et ce afin d’éviter toute atteinte à la réputation tant d'[P] [K] que de [N] [D].
[N] [D] ne peut donc invoquer, à la seule fin de se libérer des obligations auxquelles il a librement accepté de se soumettre, la nullité de l’article 3 susvisé par lequel il s’est engagé à ne faire aucune allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature du protocole du 26 mars 2018, et ce d’autant plus que l’article 7 stipule que les parties étaient assistées de leurs conseils respectifs et ont disposé d’un délai de réflexion suffisant pour l’étude, la négociation et la signature de cette transaction.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré valide l’article 3 du protocole du 26 mars 2018.
C’est par des motifs pertinents adoptés par cour que le tribunal, après avoir cité expressément des extraits de l’entretien que M. [D] a accordé au magazine LFC du mois d’avril 2018, a relevé que [N] [D] évoque un litige très tôt étouffé par la conclusion d’un arrangement avec les éditions La Martinière, faits visés au préambule du protocole du 26 mars 2018 ainsi que dans l’article 3 alinéa 1er dudit protocole, de sorte que la divulgation d’informations non publiques sur le différend opposant [P] [K] et [N] [D], et donc la violation en résultant par M. [D] de son engagement de ne divulguer aucune information non publique, est caractérisée.
Le tribunal a ensuite cité expressément les propos tenus lors de l’entretien accordé par M. [D] à [I] [B], animateur de l’émission « Ceci dit » diffusée le 28 avril 2018 sur Europe 1, dont il ressort que [N] [D] a de nouveau évoqué le différend qui l’oppose à M. [D], le tribunal ayant justement relevé par des motifs que la cour adopte que le recours au verbe « imaginons », qui sous prétexte de fiction le conduit à relater les faits à l’origine de ce différend tout en précisant plus tard dans l’émission que tous les faits le concernant et figurant dans son ouvrage sont authentiques, ne peut suffire à l’exonérer des obligations auxquelles il était soumis aux termes du protocole du 26 mars 2018.
Enfin, le tribunal a également expressément cité des extraits de l’entretien de M. [D] avec [T] [A], animateur de l’émission « Social Club », diffusée le 7 juin 2018 sur Europe 1, dont il résulte que [N] [D] évoque en le qualifiant de chantage le différend ayant opposé [P] [K] aux éditions La Martinière à l’occasion de la sortie de son précédent ouvrage, et le plagiat auquel il se serait livré et dont il a choisi de parler, ces éléments constituant à nouveau une violation délibérée de l’interdiction de faire toute allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature du protocole du 26 mars 2018, de sorte que les manquements contractuels reprochés à [N] [D] sont caractérisés.
La cour considère que la répétition de ces propos tenus délibérément immédiatement après la signature de l’accord conclu entre M. [D], les éditions Au Diable [Localité 10] et [P] [K], dans le cadre d’une campagne de presse du livre ‘Dos au mur’ et sur des stations de grande écoute, traduit la volonté manifeste de l’écrivain d’évoquer les faits litigieux, et ce en violation de la clause de confidentialité à laquelle il s’était engagé. Le jugement doit être approuvé en ce qu’il a retenu que ces manquements sont suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire, aux torts exclusifs de [N] [D] du protocole d’accord du 26 mars 2018.
La demande de la société Au Diable [Localité 10], formée à titre subsidiaire, de restitution de la somme de 7 500 euros payée à [P] [K] en exécution du protocole, doit être rejetée, aucune faute n’étant imputable à [P] [K] qui a exécuté l’ensemble des obligations mises à sa charge en contrepartie de l’indemnisation reçue. Le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité de l’action
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
M. [D] soutient que le préjudice à réparer consiste en une atteinte à l’honneur et à la considération ou à des propos prétendument injurieux ; que c’est donc exclusivement la loi du 29 juillet 1881 qui peut servir de fondement aux demandes tendant à mettre en jeu de la responsabilité de [N] [D] et non l’application du droit commun de la responsabilité contractuelle.
La société Au Diable [Localité 10] soutient que l’action initiée par M. [K] est fondée sur la responsabilité contractuelle alors qu’elle n’a pour objectif que d’obtenir l’indemnisation d’une atteinte à son honneur ne pouvant faire l’objet d’une réparation sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun mais uniquement au visa des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
M. [K] demande l’approbation du jugement sur ce point.
C’est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a jugé qu’il ressort des écritures d'[P] [K] que son action a pour objectif la résiliation judiciaire du protocole litigieux du 26 mars 2018 pour inexécution fautive notamment de l’obligation de confidentialité prévue à l’article 3, et non pas la réparation de faits portant atteinte à son honneur, déjà obtenue par la conclusion dudit protocole. Le tribunal en a justement déduit que M. [K] est donc recevable à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Le tribunal a par ailleurs pertinemment retenu que les articles 5 et 6 du protocole, qui mettent un terme aux actions susceptibles d’être engagées au titre des faits opposant les parties antérieurement à sa signature et relatifs à la publication du livre « Dos au mur », ne font pas obstacle à ce que, en cas d’inexécution des dispositions du protocole par l’une de parties, en l’espèce M. [D], la résiliation judiciaire dudit protocole soit demandée en justice du fait de son inexécution fautive nécessairement fondée sur un manquement postérieur.
Le tribunal a également ajouté par des motifs que la cour adopte, que la renonciation à toute réclamation ou action contenue dans le protocole du 26 mars 2018 ne peut interdire à [P] [K] d’assigner la maison d’édition Au Diable [Localité 10] en intervention forcée, et ce dans le seul objectif de lui rendre opposable le jugement, et qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer irrecevable l’action engagée par [P] [K] de ce chef.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action de M. [K].
Sur la validité de la clause de confidentialité
M. [D] soutient en substance que la clause de confidentialité contenue à l’article 3 du protocole du 26 mars 2018 restreint totalement sa liberté d’expression sans limitation dans le temps, alors même que les engagements perpétuels sont prohibés ; que la liberté d’expression ne peut faire l’objet de restrictions totales et illimitées ; que cette clause doit être annulée et l’ensemble des demandes de M. [K] rejetées.
M. [K] fait valoir que la clause de confidentialité du protocole avait pour objet de permettre l’exploitation paisible de l’ouvrage en lui interdisant de s’exprimer sur la contrefaçon dont il avait été victime ; que c’est de mauvaise foi que M. [D] soulève la nullité d’une clause stipulée à sa demande, et à son profit, à seule fin de conférer à ses turpitudes une impunité que rien ne justifie.
Il est acquis qu’une clause contractuelle limitant la liberté d’expression d’une partie à un accord transactionnel est valide si elle est nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d’autrui et proportionnée au but recherché.
En l’espèce, l’article 3 du protocole litigieux stipule les engagements réciproques des parties de ne divulguer aucune information non publique concernant leur différend et de s’interdire de faire
– [P] [K] : 15 000 euros en réparation de son préjudice moral
– [N] [D] : 5 000 euros au titre des dépens d’appel et de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Article 455 du code de procédure civile
– Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
– Article 3 du protocole du 26 mars 2018
– Article 5 du protocole du 26 mars 2018
– Article 6 du protocole du 26 mars 2018
– Article 7 du protocole du 26 mars 2018
– Article 1 du protocole du 26 mars 2018
– Loi sur la presse de 1881
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Guillaume DAUCHEL
– Me Franck BENALLOUL
– Me Vincent TOLEDANO
– Me Frédérique ETEVENARD
– Me Jean-Michel RAYNAUD
– Me Michel MOREY
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Recevabilité de l’action
– Responsabilité contractuelle
– Clause de confidentialité
– Validité de la clause
– Résiliation judiciaire du protocole transactionnel
– Manquements contractuels
– Réparation du préjudice
– Préjudice moral
– Procédure abusive
– Motifs de la décision : raisons ou justifications sur lesquelles une décision juridique est basée
– Recevabilité de l’action : possibilité pour une action en justice d’être examinée par un tribunal
– Responsabilité contractuelle : obligation pour une partie à un contrat de répondre de ses engagements contractuels
– Clause de confidentialité : disposition contractuelle visant à protéger la confidentialité des informations échangées entre les parties
– Validité de la clause : conformité d’une clause contractuelle aux règles de droit en vigueur
– Résiliation judiciaire du protocole transactionnel : annulation d’un accord conclu entre les parties par décision de justice
– Manquements contractuels : non-respect des obligations prévues dans un contrat
– Réparation du préjudice : indemnisation des dommages subis par une partie à la suite d’un préjudice causé par une autre partie
– Préjudice moral : atteinte aux droits personnels ou à la dignité d’une personne entraînant un préjudice moral
– Procédure abusive : utilisation déloyale ou excessive des voies de recours judiciaires.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 03 AVRIL 2024
(n°047/2024, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 20/11921 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH7C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 3ème section – RG n° 18/06885
APPELANT
Monsieur [N] [D]
Né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 8] (27)
De nationalité française
Ecrivain
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
Assisté de Me Franck BENALLOUL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [P] [K]
Né le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 7] (92)
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté et assisté de Me Vincent TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0859
S.A.R.L. AU DIABLE [Localité 10]
Société au capital de 414 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NIMES sous le numéro 431 359 033
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée de Me Jean-Michel RAYNAUD de la SELARL RAYNAUD AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 145 substituant Me Michel MOREY du cabinet MDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
[P] [K] se présente comme journaliste. Alors collaborateur du magazine « Les Inrocks », il a fait la connaissance en novembre 2014, pour les besoins d’un entretien de la série « Portrait de nuit » dont il était l’auteur, de l’écrivain [N] [D] avec lequel il est devenu ami.
La société Au Diable [Localité 10] se présente comme une maison d’édition indépendante, pop et urbaine, créée en 2000.
Le 13 avril 2017, [N] [D] a publié aux éditions de La Martinière un recueil de nouvelles intitulé « Des nouvelles de l’amour ». M. [K] a considéré que l’ouvrage reproduisait quatre nouvelles dont il était l’auteur. Un protocole transactionnel, non daté, a été conclu entre [P] [K] et les éditions de La Martinière, qui ont accepté de l’indemniser sous la forme d’un contrat d’édition et d’adaptation d’une de ses ‘uvres en contrepartie de sa renonciation à poursuivre [N] [D] en contrefaçon.
Aux termes de cet accord, les parties s’obligeaient « à observer la parfaite confidentialité et à tenir sous le silence le plus absolu la présente transaction et tous les éléments s’y rapportant.
Ainsi, elles ne pourront, notamment, commenter, divulguer ou faire divulguer en aucune manière et auprès de quiconque, personnes physiques et morales, tout ou partie des faits et considérations qui ont conduit à la conclusion de la présente transaction, ainsi qu’à la teneur et aux conditions de cette dernière, sauf sur réquisitions des administrations concernées pour faire valoir ses droits devant la juridiction compétente en cas d’inexécution du présent protocole.
A défaut d’observer la parfaite confidentialité ci-dessus visée, la partie qui enfreindra celle-ci devra indemniser l’autre partie pour tout préjudice, perte ou dommage direct ou indirect en résultant, sans que ceci puisse remettre en cause l’accord conclu sur la publication de l’ouvrage objet des présentes ».
En mars 2018, [N] [D] a publié, cette fois aux éditions Au Diable [Localité 10], un ouvrage intitulé « Dos au mur » dont la quatrième de couverture mentionne « Plagiaire, menteur, infidèle, [N] [D], dos au mur, avoue tout », relatant sous la forme d’un roman d’auto-fiction ce qu'[P] [K] estime être l’ensemble des faits ayant conduit à la transaction susvisée.
Après courrier adressé avant la sortie de cet ouvrage le 26 février 2018 par le conseil d'[P] [K] aux éditions Au Diable [Localité 10] indiquant que serait poursuivie au plan judiciaire la réparation du préjudice qui résulterait de la divulgation des faits que [N] [D] avait pris l’engagement de ne pas révéler, un protocole transactionnel a été signé par les éditions Au Diable [Localité 10], [N] [D] et [P] [K] le 26 mars 2018, par lequel ce dernier a renoncé à son action en contrepartie d’une indemnisation amiable d’un montant de 7 500 euros versée par les éditions Au Diable [Localité 10].
Aux termes de l’article 3 de ce protocole, « Les parties déclarent n’avoir tenu informé aucun tiers des faits relatés dans l’exposé du présent protocole et s’engagent à ne divulguer aucune information non publique concernant leur différend et le présent accord. Elles s’interdisent réciproquement toute action ou propos qui, directement ou indirectement, pourrait nuire à leurs intérêts et/ou à leur réputation. Plus largement, il est expressément convenu que [N] [D] et [P] [K] s’interdisent de la façon la plus stricte de faire toute allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature du présent protocole ».
Dans un entretien accordé au magazine en ligne LFC n° 8 daté d’avril 2018, [N] [D] a évoqué l’accord transactionnel conclu en 2017 avec les éditions de La Martinière ; puis, lors de l’émission « Ceci dit », le 28 avril 2018 sur Europe 1, interrogé par [I] [B] dans le cadre de la promotion de son ouvrage, il s’est exprimé sur le litige l’opposant à [P] [K], ainsi qu’au cours de l’émission « Social Club » présentée par [T] [A] le 7 juin 2018, également sur Europe 1.
Par acte du 12 juin 2018, [P] [K] a assigné [N] [D] devant le tribunal judiciaire de Paris en résiliation du protocole d’accord du 26 mars 2018 puis, par acte du 1er février 2019, la société Au Diable [Localité 10] en intervention forcée, les procédures ayant été jointes le 2 avril 2019.
Par jugement rendu le 3 juillet 2020, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré [P] [K] recevable en son action ;
– dit le présent jugement opposable à la SARL Au Diable [Localité 10] ;
– déclaré valide l’article 3 du protocole du 26 mars 2018 ;
– prononcé la résiliation judiciaire du protocole du 26 mars 2018 aux torts de [N] [D] ;
– condamné [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– débouté la SARL Au Diable [Localité 10] de sa demande de restitution de la somme de 7.500 euros versée à [P] [K] en exécution du protocole du 26 mars 2018 ;
– débouté la SARL Au Diable [Localité 10] de sa demande en procédure abusive ;
– condamné [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que la SARL Au Diable [Localité 10] conservera la charge des frais qu’elle a exposés au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [N] [D] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Vincent Toledano en application de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
M. [D] a interjeté appel de ce jugement le 10 août 2020.
Par jugement rectificatif du 14 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris :
-Constate l’erreur matérielle affectant la décision prononcée le 3 juillet 2020,
-Dit que dans le dispositif la phrase suivante : « Condamne [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile » sera remplacée par la phrase suivante : « Condamne [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile »,
-Dit que la mention de la décision rectificative sera portée sur la minute et les expéditions du jugement.
M. [N] [D] a formé appel du jugement rectificatif.
Selon ordonnance de jonction du 27 janvier 2021, les procédures ont été jointes.
Le 21 décembre 2022, l’affaire initialement distribuée pôle 2 chambre 7 a été redistribuée au pôle 5 chambre 1. Par avis du 7 février 2023, l’affaire a été fixée pour être plaidée au 14 février 2024.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 21 avril 2021, M. [D], appelant, demande à la cour de :
Vu l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
Vu l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme,
Vu les articles 1103 et suivants, 1205 et suivants, 1224 et suivants, 1353 et suivants, 2044 et suivants du Code Civil,
Vu les pièces communiquées,
– d’infirmer les jugements dont appel en ce qu’ils ont :
déclaré [P] [K] recevable en son action ;
déclaré valide l’article 3 du protocole du 26 mars 2018 ;
prononcé résiliation judiciaire du protocole du 26 mars 2018 aux torts de [N] [D]
condamné [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
condamné [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné [N] [D] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Vincent Toledano en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
– juger irrecevables et mal fondées les demandes de M. [K] en ce qu’elles tendent à réparer toute atteinte portée à son honneur ou à sa considération et ne pouvaient être fondées que sur les dispositions de la loi de 1881
– débouter M. [P] [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
– condamner M. [P] [K] à verser à m. [N] [D] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code civil ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions numérotées 1, transmises le 2 février 2021, la société Au Diable [Localité 10], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Vu le jugement rendu le 3 juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de PARIS,
Vu le jugement en rectification d’erreur matérielle rendu le 14 août 2020 par le
Tribunal Judiciaire de PARIS,
Vu les articles 1103 et suivants, 1224, 1353 et 2044 et suivants du Code Civil,
Vu l’article 32-1 du Code de Procédure Civile,
Vu les pièces du dossier,
A titre principal
– réformer le jugement rendu le 3 juillet 2020 et le jugement en rectification d’erreur matérielle rendue le 14 août 2020 par le Tribunal Judiciaire de PARIS en ce qu’ils ont :
déclaré Monsieur [P] [K] recevable en son action,
prononcé la résiliation judiciaire du protocole d’accord du 26 mars 2018 aux torts de Monsieur [N] [D],
condamné Monsieur [N] [D] au paiement à Monsieur [P] [K] de la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
condamné Monsieur [N] [D] au paiement à Monsieur [P] [K] de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
condamné Monsieur [N] [D] aux dépens, dont distraction au profit de Me Vincent Toledano, par application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile,
débouté la société Au Diable [Localité 10] de sa demande formulée à titre subsidiaire, en cas de résiliation judiciaire du protocole d’accord du 26 mars 2018, de restitution de la somme de 7.500 euros payée à Monsieur [P] [K] en exécution de celui-ci.
débouté la société Au Diable [Localité 10] de sa demande de condamnation de Monsieur [P] [K] en paiement d’une somme de 3.000 euros du fait de la procédure abusive initiée à son encontre.
Y ajoutant,
– prendre acte de ce que la société Au Diable [Localité 10] entend faire sienne l’argumentation en appel de Monsieur [N] [D].
– débouter Monsieur [P] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Au Diable [Localité 10].
A titre subsidiaire et reconventionnellement,
– condamner Monsieur [P] [K] au paiement à la société Au Diable [Localité 10] de la somme de 7.500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir.
En tout état de cause
– condamner Monsieur [P] [K] au paiement à la société Au Diable [Localité 10] de la somme de 3.000 € du fait de la procédure manifestement abusive initiée à son encontre.
– condamner Monsieur [P] [K] au paiement à la société Au Diable [Localité 10] de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– condamner Monsieur [P] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard, Avocat, au visa de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses uniques conclusions numérotées 1, transmises le 8 février 2021, M. [K], intimé et appelant incident, demande à la cour de :
Vu l’article 1104 du code civil
– débouter [N] [D] et les éditions Au Diable [Localité 10] de toutes leurs demandes ;
– confirmer les jugements entrepris sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts ;
– réformer de ce chef les jugements entrepris et condamner [N] [D] à verser à [P] [K], à titre de dommages et intérêts, la somme de 15 000 € ;
– à titre subsidiaire, condamner [N] [D] à garantir [P] [K] contre toute condamnation mise à sa charge au bénéfice des éditions Au Diable [Localité 10] ;
– condamner [N] [D] à verser à [P] [K], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 6 000 € ; et aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la recevabilité de l’action
M. [D] soutient que le préjudice à réparer consiste en une atteinte à l’honneur et à la considération ou à des propos prétendument injurieux ; que c’est donc exclusivement la loi du 29 juillet 1881 qui peut servir de fondement aux demandes tendant à mettre en jeu de la responsabilité de [N] [D] et non l’application du droit commun de la responsabilité contractuelle.
La société Au Diable [Localité 10] soutient que l’action initiée par M. [K] est fondée sur la responsabilité contractuelle alors qu’elle n’a pour objectif que d’obtenir l’indemnisation d’une atteinte à son honneur ne pouvant faire l’objet d’une réparation sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun mais uniquement au visa des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
M. [K] demande l’approbation du jugement sur ce point.
Sur ce,
C’est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a jugé qu’il ressort des écritures d'[P] [K] que son action a pour objectif la résiliation judiciaire du protocole litigieux du 26 mars 2018 pour inexécution fautive notamment de l’obligation de confidentialité prévue à l’article 3, et non pas la réparation de faits portant atteinte à son honneur, déjà obtenue par la conclusion dudit protocole. Le tribunal en a justement déduit que M. [K] est donc recevable à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Le tribunal a par ailleurs pertinemment retenu que les articles 5 et 6 du protocole, qui mettent un terme aux actions susceptibles d’être engagées au titre des faits opposant les parties antérieurement à sa signature et relatifs à la publication du livre « Dos au mur », ne font pas obstacle à ce que, en cas d’inexécution des dispositions du protocole par l’une de parties, en l’espèce M. [D], la résiliation judiciaire dudit protocole soit demandée en justice du fait de son inexécution fautive nécessairement fondée sur un manquement postérieur.
Le tribunal a également ajouté par des motifs que la cour adopte, que la renonciation à toute réclamation ou action contenue dans le protocole du 26 mars 2018 ne peut interdire à [P] [K] d’assigner la maison d’édition Au Diable [Localité 10] en intervention forcée, et ce dans le seul objectif de lui rendre opposable le jugement, et qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer irrecevable l’action engagée par [P] [K] de ce chef.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action de M. [K].
Sur la validité de la clause de confidentialité
M. [D] soutient en substance que la clause de confidentialité contenue à l’article 3 du protocole du 26 mars 2018 restreint totalement sa liberté d’expression sans limitation dans le temps, alors même que les engagements perpétuels sont prohibés ; que la liberté d’expression ne peut faire l’objet de restrictions totales et illimitées ; que cette clause doit être annulée et l’ensemble des demandes de M. [K] rejetées.
M. [K] fait valoir que la clause de confidentialité du protocole avait pour objet de permettre l’exploitation paisible de l’ouvrage en lui interdisant de s’exprimer sur la contrefaçon dont il avait été victime ; que c’est de mauvaise foi que M. [D] soulève la nullité d’une clause stipulée à sa demande, et à son profit, à seule fin de conférer à ses turpitudes une impunité que rien ne justifie.
Sur ce,
Il est acquis qu’une clause contractuelle limitant la liberté d’expression d’une partie à un accord transactionnel est valide si elle est nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d’autrui et proportionnée au but recherché.
En l’espèce, l’article 3 du protocole litigieux stipule les engagements réciproques des parties de ne divulguer aucune information non publique concernant leur différend et de s’interdire de faire toute allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature dudit protocole.
Ainsi que l’a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, cette clause ne constitue pas une atteinte injustifiée et disproportionnée par rapport au but recherché. En effet, les faits concernés par la clause litigieuse, que ces dernières se sont engagées à ne pas évoquer, sont précisément déterminés et ce afin d’éviter toute atteinte à la réputation tant d'[P] [K] que de [N] [D].
[N] [D] ne peut donc invoquer, à la seule fin de se libérer des obligations auxquelles il a librement accepté de se soumettre, la nullité de l’article 3 susvisé par lequel il s’est engagé à ne faire aucune allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature du protocole du 26 mars 2018, et ce d’autant plus que l’article 7 stipule que les parties étaient assistées de leurs conseils respectifs et ont disposé d’un délai de réflexion suffisant pour l’étude, la négociation et la signature de cette transaction.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré valide l’article 3 du protocole du 26 mars 2018.
Sur la résiliation judiciaire du protocole transactionnel
M. [D] soutient que l’accord transactionnel conclu le 26 mars 2018 avait pour objet principal de dédommager M. [K] du préjudice qu’il estimait subir du fait de la publication de l’ouvrage « Dos au mur », moyennant le versement de la somme de 7 500 € en contrepartie de sa renonciation à toute action ayant pour objet direct ou indirect l’ensemble des faits relatés dans le présent protocole ; qu’en signant ce protocole M. [K] admettait que l’ouvrage restait commercialisé et connu du public ; qu’il n’a pas violé les dispositions de l’article 3 du protocole transactionnel ; que les propos qu’il a tenus dans le magazine LFC ne divulguent aucune information non publique qui ne soit pas contenue dans l’ouvrage « Dos au mur » ; que les propos extraits de l’interview accordée à Europe 1 se rapportent aux faits mêmes objets du récit « Dos au mur » pour lesquels il n’avait aucune obligation de confidentialité sauf à lui interdire de s’exprimer de manière générale sur cet ouvrage ; que dans ses propos extraits de l’autre interview accordée à Europe 1, M. [K] n’est pas identifié ni identifiable ; qu’il n’est pas fait allusion à M. [K] en tant que « maître chanteur » ; qu’il s’agit d’une réponse maladroite à la question posée par l’animateur ; qu’il ne s’agit pas de manquements suffisamment graves pour entraîner l’anéantissement de la transaction ; qu’il a simplement répondu aux sollicitations de certains critiques suite à la parution de l’ouvrage.
M. [K] soutient que M. [D] a livré complaisamment des récits dénigrants de leur amitié perdue, faisant fi de ses engagements ; que l’entretien accordé à M. [B] sur Europe 1, radio de grande écoute, viole délibérément l’obligation contractée par M. [D] d’avoir à respecter la confidentialité la plus grande sur les faits relatifs au différend les opposant et l’interdiction d’y faire « toute référence ou allusion » ; que dans l’entretien accordé à M. [A] sur Europe 1, le fait pour M. [D] d’acquiescer à l’assimilation de M. [K] à un maître chanteur, en présentant le plagiat dont il a été victime comme un simple accès de « paresse » caractérise une nouvelle violation grave de ses obligations.
La société Au Diable [Localité 10] fait valoir qu’aucune faute d’une gravité suffisante ne saurait être reprochée à M. [D] de nature à justifier la résiliation du protocole d’accord aux torts exclusifs de ce dernier ; qu’elle a pleinement exécuté l’obligation qui lui incombait sur le fondement de l’article 1, à savoir le versement de la somme de 7.500 euros net à M. [P] [K].
Sur ce,
C’est par des motifs pertinents adoptés par cour que le tribunal, après avoir cité expressément des extraits de l’entretien que M. [D] a accordé au magazine LFC du mois d’avril 2018, a relevé que [N] [D] évoque un litige très tôt étouffé par la conclusion d’un arrangement avec les éditions La Martinière, faits visés au préambule du protocole du 26 mars 2018 ainsi que dans l’article 3 alinéa 1er dudit protocole, de sorte que la divulgation d’informations non publiques sur le différend opposant [P] [K] et [N] [D], et donc la violation en résultant par M. [D] de son engagement de ne divulguer aucune information non publique, est caractérisée.
Le tribunal a ensuite cité expressément les propos tenus lors de l’entretien accordé par M. [D] à [I] [B], animateur de l’émission « Ceci dit » diffusée le 28 avril 2018 sur Europe 1, dont il ressort que [N] [D] a de nouveau évoqué le différend qui l’oppose à M. [D], le tribunal ayant justement relevé par des motifs que la cour adopte que le recours au verbe « imaginons », qui sous prétexte de fiction le conduit à relater les faits à l’origine de ce différend tout en précisant plus tard dans l’émission que tous les faits le concernant et figurant dans son ouvrage sont authentiques, ne peut suffire à l’exonérer des obligations auxquelles il était soumis aux termes du protocole du 26 mars 2018.
Enfin, le tribunal a également expressément cité des extraits de l’entretien de M. [D] avec [T] [A], animateur de l’émission « Social Club », diffusée le 7 juin 2018 sur Europe 1, dont il résulte que [N] [D] évoque en le qualifiant de chantage le différend ayant opposé [P] [K] aux éditions La Martinière à l’occasion de la sortie de son précédent ouvrage, et le plagiat auquel il se serait livré et dont il a choisi de parler, ces éléments constituant à nouveau une violation délibérée de l’interdiction de faire toute allusion ou référence aux faits ayant donné lieu à la signature du protocole du 26 mars 2018, de sorte que les manquements contractuels reprochés à [N] [D] sont caractérisés.
La cour considère que la répétition de ces propos tenus délibérément immédiatement après la signature de l’accord conclu entre M. [D], les éditions Au Diable [Localité 10] et [P] [K], dans le cadre d’une campagne de presse du livre ‘Dos au mur’ et sur des stations de grande écoute, traduit la volonté manifeste de l’écrivain d’évoquer les faits litigieux, et ce en violation de la clause de confidentialité à laquelle il s’était engagé. Le jugement doit être approuvé en ce qu’il a retenu que ces manquements sont suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire, aux torts exclusifs de [N] [D] du protocole d’accord du 26 mars 2018.
La demande de la société Au Diable [Localité 10], formée à titre subsidiaire, de restitution de la somme de 7 500 euros payée à [P] [K] en exécution du protocole, doit être rejetée, aucune faute n’étant imputable à [P] [K] qui a exécuté l’ensemble des obligations mises à sa charge en contrepartie de l’indemnisation reçue. Le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.
Sur la réparation du préjudice
M. [D] soutient que M. [K] ne peut demander la réparation d’un préjudice déjà indemnisé par l’indemnité versée dans le cadre du protocole ; qu’il est irrecevable à solliciter la réparation d’une atteinte à son honneur ou à sa considération faute d’avoir agi sur le terrain de la loi sur la presse de 1881 ; qu’en l’absence de désignation claire de M. [K] dans les propos incriminés, seul l’entourage direct de ce dernier était susceptible de l’identifier de sorte qu’il n’est justifié d’aucun préjudice, le fait que soit diffusée l’information selon laquelle M. [K] a été plagié par M. [D] ne constituant en rien un propos dénigrant.
M. [K] fait valoir que, de parfaite mauvaise foi, M. [D] a violé son obligation de respecter une stricte confidentialité, à des fins lucratives pour vendre son livre ; que ces atteintes graves ont été réitérées sur une station de grande écoute ; que cela l’a plongé dans état d’abattement dont ses proches témoignent ; qu’il est fondé à solliciter au titre du préjudice moral avéré résulté de la violation délibérée par M. [D] de son engagement de confidentialité, une réparation qui ne saurait être inférieure à la somme de 15 000 euros.
Sur ce,
La diffusion des propos de [N] [D], dans le cadre d’interviews sur Europe 1 à deux reprises, de façon notoire s’agissant d’une heure et d’une station de grande écoute réunissant des milliers d’auditeurs, a causé un préjudice moral à [P] [K], qui a pu légitimement se sentir sali et calomnié par un ancien ami violant ainsi l’obligation de confidentialité à laquelle il s’était engagé, en même temps qu’impuissant et réduit au silence, la conclusion des deux protocoles n’ayant pas permis d’empêcher les divulgations litigieuses dénigrantes et portant atteinte à son image, et ce d’autant plus que M. [K] exerce son métier de journaliste dans le milieu restreint de la culture.
Ce préjudice doit être justement réparé par la somme de 15 000 euros. Le jugement sera confirmé sur la condamnation et infirmé sur le quantum.
Sur la procédure abusive
La société Au Diable [Localité 10] soutient que la procédure initiée à son encontre par M. [K] est abusive et que cette dernière est bien fondée à solliciter sa condamnation au paiement d’un montant de 3.000 euros.
Sur ce,
Aucun abus n’est constitué à l’égard de la société Au Diable [Localité 10] qu'[P] [K] a légitimement mise dans la cause pour lui rendre le jugement opposable, sans former aucune demande à son encontre. 1Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement du 3 juillet 2020, sauf sur le quantum alloué en réparation du préjudice moral, et le jugement rectificatif du 14 août 2020,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne [N] [D] à payer à [P] [K] la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Condamne [N] [D] aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à verser à ce titre la somme de 5 000 euros à [P] [K], et déboute la société Au Diable [Localité 10] et [N] [D] de leurs demandes sur ce fondement.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE