L’abus de dépendance économique ne doit pas être confondu avec l’abus de position dominante. Au sens de l’article L. 420-2 du Code de commerce est prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, « l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442-6 ou en accords de gamme. »
La preuve de l’abus se fait en deux temps : i) preuve de l’état de dépendance économique d’une entreprise à l’égard d’une autre et, ii) preuve de l’abus commis par cette dernière.
L’Etat de dépendance économique
Il résulte notamment de la décision AC 07‑D‑14 que la dépendance économique, au sens de l’article L. 420- 2, alinéa 2, du Code de commerce, résulte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de la part de marché du fournisseur, de l’importance de la part de fournisseur dans le chiffre d’affaires du revendeur,à condition toutefois que cette part ne résulte pas d’un choix délibéré de politique commerciale de l’entreprise cliente, enfin, de la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalent ; ces conditions doivent être simultanément vérifiées pour entraîner la qualification d’état de dépendance économique.
L’état de dépendance implique notamment l’impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées (la substitution).
L’Autorité de la concurrence a ainsi jugé que les éditeurs de chaînes hertziennes terrestres analogiques étaient en situation de dépendance économique vis-à-vis de TDF (Décision 07‑D‑30), aucun diffuseur technique n’étant en mesure d’offrir une solution alternative à celle de TDF.
Compétence de l’Autorité de la Concurrence
L’Autorité de la concurrence peut, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique, enjoindre, par décision motivée, à l’entreprise en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est réalisée la concentration de la puissance économique qui a permis les abus même si ces actes ont fait l’objet de la procédure prévue au présent titre.
Application en matière audiovisuelle
Comme rappelé par la Cour d’appel de Paris (Décision n° 1112), l’exploitation abusive d’un état de dépendance économique (ou abus de dépendance économique), notamment dans le secteur de la coproduction audiovisuelle, est une pratique prohibée qui peut justifier une action en nullité des contrats de coproduction.
Dans cette affaire, certains contrats de coproduction et de production exécutive conclus entre la société FRANCE 3 et les sociétés DELTA IMAGE et VISION AGE ont été annulés sur la base d’un abus de dépendance économique de la société France 3. Dans ces contrats, la société FRANCE 3 facturait à la production des moyens techniques et la mise à disposition de personnel pour un montant rigoureusement égal à son apport dans la coproduction (parts producteur et parts antenne réunies).
L’abus de dépendance économique de la société FRANCE 3 a été admis au regard des éléments suivants :
– la société FRANCE 3 dispose d’une position de prédilection sur le marché des documentaires litigieux (à vocation régionale, écologique et animalier) notamment au regard du nombre d’heures que la chaîne diffuse ;
– les parties étaient en relations d’affaires depuis plus de dix ans et ont coproduit ensemble plusieurs documentaires sur la pêche ;
– la société VISION AGE réalisait, depuis l’année 1994, 95% de son chiffre d’affaires grâce à ses coproductions avec la société FRANCE 3 ;
– les coûts de coproduction de la série n’ont pas fait l’objet d’une véritable négociation entre les parties. Ils étaient fixés unilatéralement par la société FRANCE 3. Cette dernière présentait des factures de moyens techniques et humains définitives, sans possibilité pour la société VISION AGE de bénéficier d’une éventuelle diminution de ces coûts (coûts correspondant exactement à la valeur de l’apport de la société FRANCE 3 à la coproduction) ;
– le fait que la société FRANCE 3 fixe unilatéralement les coûts de la production, une fois celle-ci déjà réalisée et diffusée, lui permettait de se prémunir contre toute perte, et de garantir son investissement ;
La société FRANCE 3 avait donc imposé sa volonté unilatérale, au mépris de toute négociation contractuelle.
A noter que s’il était possible de régulariser a posteriori les contrats litigieux, la société VISION AGE dans sa position, ne pouvait refuser de signer ces contrats pour rentrer dans ses investissements. Outre la nullité des contrats de coproduction concernés, la société FRANCE 3 a été condamnée à restituer la somme de 546 438 euros pour les sommes indûment perçues au titre de l’abus de dépendance économique.
De façon générale, en matière audiovisuelle ou de radiodiffusion, l’existence de clauses d’exclusivité ne sont pas susceptibles, à elles seules, de caractériser une entente prohibée ou un abus de dépendance économique.
Il a été jugé dans un litige opposant la société Vortex à la société Sud Bretagne (CA de Paris, 18 septembre 2001, n° 2001/02157) qu’en vertu des dispositions des articles L 420-1 et L420-2 du Code de commerce, le Conseil de le concurrence a exactement retenu que n’est pas constitutive d’un abus de dépendance économique sur les marchés de la fourniture de programmes radiophoniques, de radiodiffusion locale et commercialisation d’espaces publicitaires, la situation dans laquelle se trouve une société de radiodiffusion locale, ayant conclu un contrat d’affiliation sur une zone délimitée avec une société exploitant un programme radiophonique national, à la suite du refus de cette dernière d’autoriser son cocontractant à utiliser une zone différente de celle faisant l’objet dudit contrat d’affiliation.