En présence de plusieurs témoignages de salariés établissant une forme de harcèlement au travail par un supérieur hiérarchique, la direction se trouve dans l’obligation d’agir. Dans une affaire récente, plusieurs anciennes salariées d’une société d’édition ont, dans une missive commune, dénoncé le « comportement injurieux, humiliant et brutal » manifesté par un supérieur hiérarchique. Les explications des parties et les pièces produites mettaient en évidence un contexte de travail difficile et une situation de crise ayant conduit à une grève qui a cessé 10 jours plus tard par l’instauration d’un processus de médiation.
Sanction d’un management brutal
En application de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Un contexte social difficile associé au fait qu’un salarié se mette en arrêt de travail à plusieurs reprises pour « anxiété » ou « syndrome axio-dépressif » permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. En réponse, l’employeur ne peut être suivi lorsqu’il nie tous débordements verbaux et physiques de la part du supérieur hiérarchique et qu’il invoque des problèmes d’hygiène et de contrôle de la durée du travail auxquels il a dû faire face pour justifier les mises au point et rappels à l’ordre adressés aux salariés. En effet, l’exercice, en soi légitime, du pouvoir de direction ne peut justifier l’outrance et la violence des propos utilisés ainsi que des méthodes de management brutales et humiliantes.
Les juges ont donc retenu le harcèlement moral invoqué (10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la salariée victime).
Obligation de prévention / sécurité résultat
La violation de l’obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur a également été retenue (préjudice distinct du harcèlement moral, 3 000 euros de dommages et intérêts).
L’employeur est soumis à une obligation de prévention des actes de harcèlement moral. Aux termes de l’article L.1152-4 du code du travail, il doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. L’employeur doit aussi prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L.4121-1 du code du travail). Ces mesures comprennent : i) Des actions de prévention des risques professionnels ; ii) Des actions d’information et de formation ; iii) La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En l’espèce, la direction avait mis en place une réunion hebdomadaire ayant pour objectif de « débusquer les problèmes qui pointent, les bonnes nouvelles, les erreurs de fonctionnement, d’organisation, la répartition des tâches, ce qui se passe au sein du personnel, ses revendications ». La direction avait aussi confié à un cabinet de conseil en ressources humaines une évaluation des risques psychosociaux. Toutefois ces actions ont été engagées a posteriori après le déclenchement de la crise sociale au sein de l’entreprise. L’employeur doit pouvoir justifier d’avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avoir mis en oeuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
A ce titre, il est vivement conseillé à l’employeur de tenir un document unique d’évaluation des risques et d’organiser une visite de reprise pour les salariés à leur retour d’arrêt de travail pour maladie / dépression (au demeurant une obligation légale).