Les salariés impliqués dans des faits de harcèlement d’un collègue ayant contribué à son suicide s’exposent à un licenciement.
Affaire KLM
En raison du suicide à son domicile d’un opérateur, la Société KLM a procédé à une seconde enquête interne pour déterminer si des facteurs d’ordre professionnel étaient en lien avec ce geste et quels moyens permettraient de détecter et prévenir une telle situation afin de compléter les mesures déjà existantes. Ces deux enquêtes ont permis d’identifier des salariés ayant contribué à des dessins et annotations manuscrites sur la photographie du journal interne stigmatisant leur collègue suicidé.
Licenciement pour cause réelle
Les salariés impliqués ont été licenciés pour cause réelle et sérieuse, en raison de leur comportement contraire au respect de la dignité des personnes, au bon climat de travail et aux règles de vie commune. Le licenciement a été confirmé.
Question de la prescription
Sur le volet procédural, la juridiction a conclu que les faits n’étaient pas prescrits. En application de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
En l’occurrence, d’une part, les faits fautifs reprochés au salarié n’ont pas à être nécessairement datés dans la lettre de licenciement et d’autre part, la prescription desdits faits ne court pas à compter de la date de leur commission mais à compter de la date où l’employeur a eu connaissance de l’étendue exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur ; peu important la date de leur survenance.
Par ailleurs, l’employeur n’a pu avoir connaissance de l’étendue et de l’ampleur des faits fautifs qu’au jour où les enquêtes ont été diligentées. La charte d’éthique et le règlement intérieur de l’établissement remis au salarié, prévoient expressément, pour la première, un paragraphe relatif au respect des personnes et pour le second, deux chapitres relatifs au harcèlement moral et à la violence au travail, un chapitre relatif aux sanctions disciplinaires outre un chapitre relatif aux droits de la défense. Il en résulte que toutes les dispositions du règlement intérieur ont été respectées dans le recueil des informations et le traitement de la procédure de sanction.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 31/10/2019
Dossier : N° RG 17/03462 – N° Portalis DBVV-V-B7B-GWHY
Nature affaire :
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
Société K L M
C/
F X
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 31 Octobre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 04 Septembre 2019, devant :
Madame DEL ARCO SALCEDO, Président
Madame DIXIMIER, Conseiller
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. K L M représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis.
[…]
Représentée par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU et Maître BELLONE de la SCP C2J, avocat au barreau de PARIS,
INTIME :
Monsieur F X
[…]
[…]
Représenté par Maître ETCHEVERRY de la SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 11 SEPTEMBRE 2017
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DAX
RG numéro : F 16/00160
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La Société K L M appartenant au Groupe K a pour activité la conception, la production, la vente et le soutien de turbines à gaz pour hélicoptères.
Elle applique la convention collective nationale de la métallurgie.
Le 02 janvier 2002, elle a embauché Monsieur X en qualité d’opérateur rectifieur au sein de la direction industrielle pour être affecté en son établissement de Tarnos.
Dans le dernier état des relations contractuelles, le salarié a occupé le poste de responsable qualité contrôleur, moyennant un salaire mensuel de 3634, 80€.
Les 30 juin et 1er juillet 2015, Madame Y, salariée de l’entreprise, a informé ses supérieurs qu’un exemplaire du journal interne ‘Turbonews’ comportant une photographie la représentant, accompagnée de propos écrits à la main et d’un dessin qu’elle considérait comme injurieux et portant atteinte à sa dignité, circulait notamment au sein de l’atelier ‘ Pales de Turbines.’
Le 07 juillet 2015, compte tenu des révélations de Madame Z et en application de l’accord groupe K du 04 juin 2013 sur la prévention et la protection des salariés contre les actes de violence au travail, la Société K L M a confié la réalisation d’une première enquête à une équipe pluridisciplinaire composée du directeur d’établissement, du médecin du travail, de deux représentants du CHSCT, de la responsable relations sociales de l’établissement, du
responsable RH opérationnel et d’un responsable opérationnel.
Quarante-sept salariés travaillant ou ayant travaillé au sein du Service Turbines de Pales ont été auditionnés entre le 10 juillet et le 28 septembre 2015, parmi lesquels Monsieur X auditionné le 24 juillet 2015, assisté d’un représentant du personnel.
En raison du suicide à son domicile d’un opérateur sur la ligne Pales de Turbines le samedi 11 juillet 2015, la Société K L M a procédé à une seconde enquête interne pour déterminer si des facteurs d’ordre professionnel étaient en lien avec ce geste et quels moyens permettraient de détecter et prévenir une telle situation afin de compléter les mesures déjà existantes.
Dans le cadre de cette seconde enquête menée par une nouvelle équipe pluridisciplinaire, cinquante et un salariés ont été auditionnés entre le 10 septembre et le 8 octobre 2015, parmi lesquels Monsieur X, qui a été entendu le 17 septembre 2015 assisté d’un représentant du personnel.
Ces deux enquêtes n’ont pas permis d’identifier l’auteur du dessin et des annotations manuscrites sur la photographie du journal interne mais ont révélé que plusieurs salariés de la ligne Pales de Turbines ou y ayant travaillé, dont Monsieur X, avaient un comportement contraire au respect de la dignité des personnes, au bon climat de travail et aux règles de vie commune.
Engageant des procédures disciplinaires à l’encontre des auteurs de ces agissements, la société K a convoqué Monsieur X le 16 novembre 2015, par lettre remise en main propre contre signature, à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 24 novembre suivant et dans l’attente a prononcé sa mise à pied conservatoire.
Le 02 décembre 2015, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Par jugement avant dire droit du 29 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Dax – saisi à la requête de Monsieur X le 4 mai 2016 – , a ordonné à la Société K L M de lui communiquer dans le respect du contradictoire:
— tous les comptes rendus des deux enquêtes diligentées par K L M en juillet et septembre 2015;
— l’identité de tous les témoins auditionnés entre le 10 juillet et le 28 septembre 2015 et entre le 10 septembre et le 08 octobre 2015.
Par jugement du 11 septembre 2017, le conseil des prud’hommes de Dax, Section Industrie, statuant en formation paritaire, après avoir constaté que l’employeur ne produisait pas les pièces demandées, a :
— dit que le licenciement de Monsieur X était abusif et sans cause réelle et sérieuse,
— condamné la SA K L M venant au droit de la SA Turbomeca à verser à Monsieur X :
— 45000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, sans cause réelle et sérieuse
— 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonné à la SA K L M venant aux droits de la SA Turbomeca de rembourser, au Pôle Emploi, les indemnités chômage versées à monsieur X dans la limite légale de six mois,
— débouté Monsieur X du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
— débouté K L M venant aux droits de la SA Turbomeca du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
— condamné K L M venant aux droits de la SA Turbomeca aux entiers dépens,
— ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 10 octobre 2017, la SA K L M a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 septembre 2017.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 décembre 2018.
***
Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 21 décembre 2018, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019 et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la Société K L M demande à la cour de :
— infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
— en conséquence :
— dire et juger bien fondé le licenciement de Monsieur X,
— débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,
— condamner Monsieur X à lui verser la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner Monsieur X aux entiers dépens;
— autoriser Maître Piault, Avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile
Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 23 novembre 2018, reprises oralement à l’audience du 4 septembre 2019 et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et Monsieur X demande à la cour de :
— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a dit et jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
— porter de 45000 € à 90000 € le montant de l’indemnité que la Société K L M sera condamnée à lui régler pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— condamner la Société K L M à lui régler la somme de 3000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI
I – SUR LA PRESCRIPTION :
En application de l’article L1332-4 du code du travail
‘ Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’
Il en résulte de façon constante :
— que d’une part, les faits fautifs reprochés au salarié n’ont pas à être nécessairement datés dans la lettre de licenciement,
— que d’autre part, la prescription desdits faits ne court pas à compter de la date de leur commission mais à compter de la date où l’employeur a eu connaissance de l’étendue exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur ; peu important la date de leur survenance.
Ainsi, en l’espèce, contrairement à ce que soutient Monsieur X, l’employeur n’avait pas à dater de façon précise dans la lettre de licenciement la date de commission des faits litigieux.
Par ailleurs, l’employeur n’a pu avoir connaissance de l’étendue et de l’ampleur des faits fautifs qu’au jour où les enquêtes ‘ diligentées pour la première le 7 juillet 2015, – soit 8 jours après la dénonciation d’une situation de souffrance au travail par une salariée auprès de son supérieur hiérarchique – et pour la seconde peu de temps après le suicide d’un salarié de K ‘ ont été clôturées respectivement les 9 et 13 novembre 2015.
Or dès le 16 novembre 2015, il a convoqué Monsieur X à un entretien préalable devant se tenir le 24 novembre 2015.
Il en résulte donc – en application des principes sus rappelés – que la prescription des faits fautifs n’était pas acquise au 16 novembre 2015.
En conséquence, il convient de débouter le salarié de toute prétention de ce chef.
II – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :
En application de l’article L1235-1 du code du travail, pris dans sa rédaction en vigueur du 7 août 2015 au 24 septembre 2017, applicable en l’espèce :
‘ … le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ….
Si un doute subsiste, il profite au salarié. ‘
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.
En l’espèce, la lettre du 2 décembre 2015 par laquelle l’employeur notifie à Monsieur X son licenciement pour cause réelle et sérieuse relève trois griefs à l’encontre du salarié, à savoir :
— un comportement inapproprié, des propos intimidants et dénigrants envers ses collègues de travail ;
— un comportement et une attitude gênant les autres salariés et troublant le bon ordre du service ;
— le non-respect des consignes et instructions de travail’: ‘ agissements répétés qui constituent notamment des infractions :
— A l’article 16 du règlement intérieur relatif à la prévention et sanctions en matière de harcèlement, de violence et de discrimination.
— Aux articles 4-1 et 4-2 du chapitre III du règlement intérieur relatif à la discipline et règles de vie commune.’
Pour démontrer la réalité des griefs, la société K L M verse aux débats:
— le règlement intérieur de l’établissement de Tarnos en date du 14 mai 2013,
— la charte d’éthique du groupe K,
— l’accord sur la prévention et la protection des salariés contre les actes de harcèlement et de violence au travail signé entre la direction générale du groupe K et trois organisations syndicales le 4 juin 2013,
— les convocations de l’équipe pluridisciplinaire aux enquêtes n° 1 et 2,
— les extraits de comptes rendus d’entretiens de salariés dans le cadre des enquêtes n° 1 et 2,
— la convocation et ordre du jour pour une réunion du CHSCT du 18 novembre 2015,
— l’attestation de Monsieur A,
— le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 27 octobre 2016,
— la déclaration d’accident du travail de Madame Y et le procès-verbal d’audition de son audition par la gendarmerie.
Monsieur X s’en défend en soutenant :
— que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l’atteinte portée aux dispositions de l’article 6 paragraphes 1 et 3 de la CEDH dans la mesure où il est fondé exclusivement sur le rapport de deux enquêtes internes dont le contenu est couvert par l’anonymat et dont il n’a eu connaissance qu’à la lecture de la lettre de licenciement, sans pouvoir s’en expliquer,
— qu’en raison de l’anonymat des témoignages, les juges ne peuvent assurer un contrôle effectif sur :
— l’absence de dérives que rend possible l’anonymat, en particulier les fausses accusations,
— la loyauté dans le recueil de la preuve,
— le respect des dispositions des articles 6§1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
— que quelles que soient les dispositions de l’accord invoqué par l’employeur, son application ne peut aboutir à la violation d’une norme supérieure telle que l’article 6 de la CEDH, d’autant que l’enquête n’a pas été diligentée de manière contradictoire et qu’il n’a jamais pu répondre aux accusations prétendument portées contre lui.
Il rajoute :
— que de façon déloyale la société K L M a détourné de leur finalité première les deux enquêtes internes afin d’utiliser leur contenu au soutien de tout autre objet, à savoir son licenciement,
— que même si ces deux enquêtes faisaient apparaître des agissements fautifs de sa part, l’employeur aurait dû déclencher une troisième enquête contradictoire, conformément au règlement intérieur,
— qu’aucun élément objectif, matériellement vérifiable et fiable ne peut être retenu contre lui,
— que ce qui importe n’est pas tant de savoir si les personnes qui ont porté des accusations à son encontre ont réellement dit ce qui est inscrit dans la lettre de licenciement mais surtout de savoir si ces accusations sont crédibles, si elles sont représentatives ou au contraire l’oeuvre d’une poignée de personnes qui, sous couvert d’anonymat, ont fait de fausses déclarations dans l’intention de lui nuire.
***
Cela étant, il est constant :
— que la charte d’éthique et le règlement intérieur de l’établissement de Tarnos que Monsieur X s’est vu remettre en copie lors de son embauche, prévoient expressément, pour la première, un paragraphe relatif au respect des personnes et pour le second, deux chapitres relatifs au harcèlement moral et à la violence au travail, un chapitre relatif aux sanctions disciplinaires outre un chapitre relatif aux droits de la défense,
— que l’accord sur la prévention et la protection des salariés contre les actes de harcèlement et de violence au travail signé entre la direction générale du groupe K et trois organisations syndicales le 4 juin 2013 a mis en place un protocole en sept points allant du déclenchement de l’enquête au prononcé de la sanction,
— que deux enquêtes internes ont été diligentées successivement au sein du service ; la première pour déterminer si des actes de violence au travail ou de harcèlement pouvaient éventuellement avoir été commis à l’encontre d’une salariée – pièce 10 – 1 du dossier de l’employeur – et la seconde pour évaluer le lien existant éventuellement entre le suicide d’un salarié et ses conditions de travail – pièce 10-4 du dossier de l’employeur -,
— que dans le cadre de ces investigations, 47 salariés lors de la première enquête et 51 salariés lors de la seconde travaillant ou ayant travaillé dans le service – dont Monsieur X – ont été entendus par des membres de la commission pluridisciplinaire composée notamment du directeur d’établissement, du médecin du travail, de deux représentants du CHSCT, du responsable RH opérationnel, de l’assistante sociale et d’un responsable opérationnel,
— que les conclusions de ces enquêtes mentionnent qu’un petit groupe de salariés – auquel Monsieur X appartient – a commis des agissements envers d’autres salariés, contraires au respect de la dignité des personnes et au bon climat du travail – pièces 31 et 32 du dossier de l’employeur – .
Il en résulte que contrairement à ce que soutient Monsieur X les dispositions du règlement intérieur et des accords K ont été respectées dans le recueil des informations et le traitement de la procédure.
1 – En effet, il a convoqué en entretien préalable et a pu s’expliquer sur les griefs développés à son encontre.
Contrairement à ce qu’il prétend, bien qu’il ait été assisté lors de cet entretien par un représentant du personnel, Monsieur B, il n’établit pas qu’il n’a pas été informé à ce moment – là de l’objet de l’entretien, des motifs pour lesquels son employeur envisageait de prononcer à son égard une mesure éventuelle de licenciement et des témoignages qui avaient été recueillis.
En tout état de cause, contrairement à ce qu’il prétend, à supposer même que certains des griefs figurant dans la lettre de licenciement ne lui aient pas été expressément révélés lors de l’entretien, ceci ne rend pas pour autant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il en va de même du contenu des témoignages.
2 – Par ailleurs, contrairement à ce qu’il avance les deux enquêtes et notamment les compte-rendus d’entretien des salariés entendus dans ce cadre constituent des éléments de preuve de la réalité des griefs.
En effet :
— l’ensemble des extraits des compte rendus d’entretien à la lecture complète desquels il est renvoyé – pièces 13-1 à 13-14 du dossier de l’employeur – énoncent notamment à titre d’exemples, sans que cela soit limitatif :
* pièce n°13-1 : « Quand l’interviewée est arrivée sur la ligne, Messieurs X, C,’ et D lui ont dit, à plusieurs moments différents, que « ’.X était un obsédé sexuel et pédophile, qu’il fallait s’en méfier. (‘) Les mêmes quatre ont caché à plusieurs reprises les cordons d’ordinateur de ». pour l’empêcher de travailler (souvent en nuit ou le samedi), rendant difficile l’action corrective puisque les autres services sont fermés à ces moments. Ils lui ont inversé à plusieurs reprises les touches de son clavier. »
* pièce n°13-7 : « Avec X et D, ce sont des pressions (si on dit « harcèlement », ils peuvent se retourner contre nous). J’étais au contrôle, je subissais. Ils ne faisaient que des bêtises comme par exemple, les verres d’eau (jusqu’en juillet 2015). Ils me traficotaient l’ordinateur. Je les ai vus faire des échanges de touches sur d’autres ordinateurs. Un jour, mon ordi était en panne, il manquait un câble.»
* pièce n°13-5 : « Monsieur X me traite de connasse et de salope. Je crains des représailles de la part de M V. X, M. D, M. C, si je parle. » « (‘) Il [Mr X] se caresse les pectoraux devant moi. C’est arrivé à plusieurs reprises. L’objectif pour lui est de me mettre mal à l’aise ou bien de m’énerver .»
* pièce n°13-11 : « on regardait une base installée avec M. X. J requiert de la concentration. J s’est mis à chanter et siffler de plus en plus fort, de manière intentionnelle, c’est juste pour faire chier les gars. C’est M. X qui sifflait. C’est lui qui fait la loi et qui continue».
* pièce n°13-14 : ‘ Monsieur F X m’a dit : ‘ on ne vous formera pas’. ‘Les raisons ‘ La rémunération ou qu’on leur vole leur activité, je ne sais pas trop ».’
Ce faisant, ils confirment la teneur des griefs reprochés au salarié par l’employeur.
Contrairement à ce que prétend Monsieur X, le fait que ces témoignages – dont le salarié ne conteste pas finalement les conditions de recueil par les délégués de la commission pluridisciplinaire – soient anonymisés et qu’il n’ait pas été informé de l’identité des attestants ne lui cause pas de préjudice dans la mesure où ils énoncent tous des faits suffisamment précis pour qu’il puisse en contester le bien – fondé et organiser sa défense.
D’ailleurs, le procès verbal d’huissier établi par Maître Cavalier, huissier de justice à Pau le 27 octobre 2016 confirme que ces témoignages ne sont pas totalement anonymes dans la mesure où l’auxiliaire de justice a constaté l’existence d’une exacte concordance entre les 27 extraits des compte rendus d’entretien mentionnés dans la lettre de licenciement et les originaux desdits compte – rendus datés et signés par les salariés concernés.
Cette anonymisation permet tout à la fois à l’employeur de recueillir des éléments tout en préservant les salariés déposants dont certains ont exprimé la crainte de subir des représailles.
De surcroît, contrairement à ce que soutient Monsieur X, les griefs ne sont pas fondés uniquement sur les comptes rendus anonymisés mais sont également étayés par :
— la plainte déposée par Madame Y auprès des gendarmes – pièce 37 du dossier de l’employeur – à la lecture complète de laquelle il est expressément renvoyé et qui décrit très précisément les conditions de travail difficiles dans l’atelier, créées notamment par Monsieur X, son comportement déplacé, notamment : ‘ .. Un autre collègue était avec nous également’; M. X F et M. D s’en prenaient régulièrement à lui en le traitant de ‘ PD ‘ ( sic ) ‘ ; ‘ … la pression était très lourde. … les autres ..subissaient la même chose que moi. ..’ ,
— la déclaration de maladie professionnelle faite par Madame Y au titre d’une ‘ anxio dépression réactionnelle ‘ – pièce 36-1 du dossier de l’employeur – ,
— la reconnaissance de ladite maladie à titre professionnel par la CPAM – pièce 36-2 du dossier de l’employeur ; éléments établissant le comportement difficile et inadapté de Monsieur X au sein de l’atelier contribuant à dégrader l’ambiance de travail et à générer chez une salariée une maladie professionnelle.
Or les 14 attestations produites par Monsieur X – pièce 5 de son dossier – ne permettent pas de remettre en cause ces éléments dans la mesure où :
— 4 d’entre elles – témoignages de Messieurs E, C, Serrano et Dufin – doivent être écartées des débats puisque leurs rédacteurs ont fait l’objet d’une procédure disciplinaire identique à celle de Monsieur X, fondée sur des faits similaires,
— les 10 autres sont imprécises quant aux dates et se bornent pour l’essentiel à louer les compétences’ professionnelles de Monsieur X qui n’ont jamais été contestées.
De même,
— ni les entretiens individuels professionnels de Monsieur X qui soulignent’ses qualités professionnelles, ni son évolution professionnelle très positive qui en est résultée, ne permettent d’établir qu’au – delà de ses compétences strictement professionnelles, il disposait de qualités humaines tout aussi affirmées qui excluaient tout reproche,
— ni les avis de grève lancés notamment pour le soutenir en cours de procédure ne démontrent l’inexistence des faits.
Enfin, contrairement à ses affirmations, Monsieur X ‘ qui veut trouver dans la jalousie que nourrirait ses collègues à son égard, compte- tenu de son ascension professionnelle rapide, le motif des déclarations à charge qu’ils auraient faites contre lui et qui, ce faisant, auraient profité de l’impunité que leur offrirait l’anonymat pour lui nuire ‘ ne démontre pas l’existence effective de comportements objectivement mus par de tels sentiments ou intentions.
En conséquence il convient de constater que le caractère réel et sérieux des faits reprochés à Monsieur X tenant à son comportement, à ses attitudes et à ses propos à l’égard de ses collègues est établi et est en totale contradiction avec les dispositions du règlement intérieur qu’il a signé et accepté lors de son embauche et de façon plus générale avec le comportement que tout individu doit avoir à l’égard d’autrui.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions et de dire que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par Monsieur X.
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Il n’apparaît pas inéquitable de condamner Monsieur X à verser à la société K une somme de 2000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 11 septembre 2017 par le conseil des prud’hommes de Dax,
- Statuant à nouveau,
- Juge que le licenciement de Monsieur F X est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- Déboute Monsieur F X de l’intégralité de ses demandes,
- Condamne Monsieur F X à verser à la Société K L M la somme de 2 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- Déboute Monsieur F X de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Monsieur F X aux dépens,
- Autorise Maître Piault, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,