Attention à bien procéder non seulement à une recherche d’antériorité avant le dépôt d’une marque mais également à une recherche de dénomination sociale. Les juges ont prononcé la nullité de la marque Arkena déposée par la société TDF, l’atteinte aux droits de la dénomination sociale de la société Arkena Capital était caractérisée. Au regard de la similarité des services en cause, l’existence d’un risque de confusion était également établie. Les agissements de la société TDF ont nécessairement porté atteinte au caractère distinctif de la dénomination sociale de l’intimée et brouillé l’image qui y est associée (10.000 euros de préjudice).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
ARRÊT DU 26 mars 2019
Pôle 5 – Chambre 1
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/15418 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B34AO Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 15/16360
APPELANTES SASU ARKENA Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 402 433 155 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, agissant tant pour son propre compte que comme venant aux droits de la société SMARTJOG suite à une transmission universelle de patrimoine […] 75007 PARIS Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Me Frédérique B et Me Maureen T substituant Me Géraldine A de l’AARPI BIRD & BIRD, avocats au barreau de LYON
SASU TDF Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 342 404 399 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège […] 92120 MONTROUGE Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Assistée de Me Frédérique B et Me Maureen T substituant Me Géraldine A de l’AARPI BIRD & BIRD, avocats au barreau de LYON
INTIMÉE SAS ARKENA CAPITAL Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 532 613 288 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 75116 PARIS Représentée et assistée de Me Alexandre B, avocat au barreau de PARIS, toque : D1517
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DOUILLET, conseillère et Monsieur François THOMAS, conseiller, chargé d’instruire l’affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. David PEYRON, Président Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère M. François THOMAS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme K A
ARRÊT : Contradictoire, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. signé par David PEYRON, président, et par K A, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
La société ARKENA CAPITAL, ayant pour nom commercial ARKENA, a été immatriculée le 26 mai 2011 au registre du commerce et des sociétés du greffe du tribunal de commerce de Paris.
Son immatriculation indique qu’elle a notamment l’activité de holding, elle revendique dans ses statuts avoir entre autres pour objet ‘la fourniture de services à ses filiales et/ou participations françaises ou étrangères, et en particulier à titre non limitatif, de services en rapport avec le marketing, la gestion, les systèmes d’information, l’internet, les télécommunications, les médias, le financement ou l’organisation’.
La société TDF ayant pour nom commercial TDF, TELEDIFFUSION DE FRANCE (ci-après, TDF) revendique être un acteur majeur dans le domaine des télécommunications et de l’audiovisuel.
La société COGNAC-JAY IMAGE, immatriculée le 5 octobre 1995, est une filiale de la société TDF ayant pour activité la post-production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision et indique fournir des prestations techniques audiovisuelles à toutes sociétés. Elle a modifié sa dénomination sociale le 10 avril 2014 pour ARKENA.
La société SMARTJOG, acquise en 2007 par la société TDF, intervenait dans le domaine des services cloud d’échanges et de gestion de fichiers multimédia.
Le 20 janvier 2014, la société TDF a diffusé un communiqué de presse annonçant le lancement d’une nouvelle entité européenne de services médias sous le nom d’ARKENA rassemblant ses filiales intervenant dans ce domaine.
La société ARKENA CAPITAL indique avoir alors découvert que la société TDF avait déposé le 3 octobre 2013 la marque française ARKENA n°13 4 036 921 pour les classes 9, 35, 38, 41 et 42.
Considérant que cette nouvelle dénomination et ce dépôt portaient atteinte à ses droits antérieurs, la société ARKENA CAPITAL a adressé le 30 avril 2014 une lettre à la société TDF la mettant en demeure de renoncer à ses droits sur l’enregistrement de cette marque.
La société ARKENA CAPITAL avait antérieurement, le 22 avril 2014, déposé une demande d’enregistrement de la marque communautaire ARKENA n°12 807 376 en classes 9, 38 et 42 ; la société TDF s’est opposée le 11 mars 2015 à l’enregistrement de cette marque.
Par acte des 29 et 30 octobre et 3 novembre 2015, la société ARKENA CAPITAL a assigné les sociétés TDF, SMARTJOG et ARKENA devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- prononcé la nullité de la marque ARKENA enregistrée par la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE sous le n° 13 4 036 921 pour tous les produits et services visés dans l’enregistrement, en ce qu’elle porte atteinte aux droits antérieurs de dénomination sociale et nom commercial de la SAS ARKENA CAPITAL, •ordonné la transmission du jugement, une fois devenu définitif, aux services de l’INPI pour transcription dans ses registres, à la requête de la partie la plus diligente, • ordonné à la SASU ARKENA de modifier sa dénomination sociale et son nom commercial du Registre du Commerce et des Sociétés sous une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, dans le délai de quatre mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois, • ordonné à la SASU ARKENA le transfert des noms de domaine ‘arkena.com’ et ‘arkena.fr’ au profit de la SAS ARKENA CAPITAL sous astreinte de 300 euros par jour de retard, dans le délai de quatre mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois, • fait interdiction aux sociétés TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE, SMART JOG et ARKENA de faire usage de la dénomination ARKENA dans un délai de trois mois sous une astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, passé un délai de six mois de la signification du jugement et ce pendant un délai de six mois, • dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées, • débouté la SAS ARKENA CAPITAL de ses demandes indemnitaires, • débouté la SAS ARKENA CAPITAL de se demande de publicité du jugement, • condamné in solidum les sociétés TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE, SMART JOG et ARKENA à payer à la SAS ARKENA CAPITAL une somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, • condamné les sociétés TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE, SMART JOG et ARKENA aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Alexandre B, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, •dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration d’appel du 27 juillet 2017, les sociétés ARKENA et TDF ont fait appel de ce jugement.
Par conclusions du 17 décembre 2018, elles demandent à la cour de : • confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 29 juin 2017 en ce qu’il a débouté la société ARKENA CAPITAL de sa demande en concurrence parasitaire et débouter de ses demandes indemnitaires, • infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
À titre principal,
- juger que la société ARKENA CAPITAL ne jouit pas de droit opposable sur le signe ARKENA à titre de nom commercial, •juger que la société ARKENA CAPITAL ne justifie pas sur le signe ARKENA d’un nom commercial bénéficiant d’une connaissance sur l’ensemble du territoire national •juger que la société ARKENA CAPITAL ne rapporte pas la preuve de l’exercice réel et effectif d’une activité identique ou similaire aux sociétés ARKENA (agissant pour son compte et venant aux droits de SMARTJOG à la suite de sa transmission universelle de patrimoine) et TDF •juger que les sociétés ARKENA (agissant pour son compte et venant aux droits de SMARTJOG à la suite de sa transmission universelle de patrimoine) et TDF s’adressent à une clientèle distincte de celle de la société ARKENA CAPITAL
En conséquence,
- juger qu’il n’existe pas de risque de confusion entre la société ARKENA CAPITAL et les sociétés TDF et ARKENA (agissant pour son compte et venant aux droits de SMARTJOG à la suite de sa transmission universelle de patrimoine), •débouter la société ARKENA CAPITAL de sa demande en concurrence déloyale, •débouter la société ARKENA CAPITAL de sa demande en nullité de la marque française ARKENA n°4036921 de la société TDF
À titre subsidiaire,
- juger que la société ARKENA CAPITAL ne subit pas de préjudice matériel et moral, •juger que la société ARKENA CAPITAL ne rapporte pas la preuve de l’existence et de l’étendue de son préjudice,
En conséquence,
• débouter la société ARKENA CAPITAL de l’intégralité de ses demandes indemnitaires, • débouter la société ARKENA CAPITAL de l’intégralité de ses demandes, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires,
En tout état de cause,
- condamner la société ARKENA CAPITAL à verser aux sociétés TDF et ARKENA chacune la somme de 40.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, •condamner la société ARKENA CAPITAL aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Edmond FROMANTIN en application de l’article 699 du code de procédure.
Par conclusions du 3 décembre 2018, la société ARKENA CAPITAL demande à la cour de : • confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 juin 2017 en ce qu’il a : • / prononcé la nullité de la marque ARKENA enregistrée par la SASU TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE sous le n° 13 4 036 921 pour tous les produits et services visés dans l’enregistrement, en ce qu’elle porte atteinte aux droits antérieurs de dénomination sociale et du nom commercial de la société intimée ARKENA CAPITAL, • / ordonné à la SASU ARKENA de modifier sa dénomination sociale et son nom commercial du Registre du Commerce et des Sociétés sous une astreinte provisoire de 300 € par jour de retard, • / ordonné à la SASU ARKENA le transfert des noms de domaine ‘arkena.com’ et ‘arkena.fr’ au profit de la SAS ARKENA CAPITAL sous astreinte de 300 € par jour de retard,
- fait interdiction aux sociétés appelantes TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE et ARKENA de faire usage de la dénomination ARKENA sous une astreinte provisoire de 100 € par infraction constatée, • / condamné in solidum les sociétés appelantes TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE et ARKENA à payer à la société ARKENA CAPITAL une somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, • / condamné les sociétés appelantes TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE et ARKENA aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Alexandre B, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, • – infirmer le jugement déféré en ce qu’il a : • / fixé des délais de quatre et six mois, à compter de la signification du jugement, à partir desquels les inexécutions et les infractions constatées font courir les astreintes, • / débouté la SAS ARKENA CAPITAL de ses demandes indemnitaires en réparation du gain manqué et du préjudice commercial et moral subi, • / débouté la SAS ARKENA CAPITAL de sa demande de publicité du jugement
STATUANT À NOUVEAU
- juger la société ARKENA CAPITAL recevable et bien fondée en toutes ses demandes, •juger que compte tenu de l’ancienneté du litige, les délais à partir desquels les inexécutions et les infractions constatées font courir les astreintes seront portés à huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, •juger que les agissements déloyaux des appelantes causent à la société intimée ARKENA CAPITAL un préjudice moral, commercial et financier, ouvrant droit à réparation, •juger qu’afin de rétablir la réputation de l’intimée ainsi que la vérité dans l’opinion de sa clientèle, il y a lieu de faire droit à ses prétentions relatives à la publication de l’arrêt à intervenir aux frais des sociétés appelantes,
En conséquence, • faire interdiction aux sociétés TDF et ARKENA, de poursuivre l’exploitation de la dénomination ARKENA, à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir, • dire que la Cour se réserve la liquidation des astreintes prononcées, • prononcer la nullité de la marque ARKENA n° 13 4 036 921 en ce qu’elle porte atteinte aux droits antérieurs de dénomination sociale et de nom commercial de la société ARKENA CAPITAL, •ordonner la transmission de l’arrêt à intervenir aux services de l’INPI pour transcription dans ses registres,
- ordonner à la société ARKENA de modifier sa dénomination sociale et son nom commercial du Registre du Commerce et des Sociétés sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir, • ordonner le transfert des noms de domaine arkena.com et arkena.fr au profit de la société ARKENA CAPITAL sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir, • condamner conjointement et solidairement les sociétés TDF et ARKENA à payer à la société intimée ARKENA CAPITAL la somme de 10 000 000 d’euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte subie et du gain manqué, sauf à parfaire, • condamner la société TDF à payer à la société ARKENA CAPITAL la somme de 280 000 euros, sauf à parfaire, en réparation de ses atteintes constituées par le dépôt et l’usage de la marque « arkena » d’une part, outre celle de 70 000 euros en réparation du préjudice moral porté à la société intimée, • ordonner la publication de l’arrêt à intervenir à titre de dommages et intérêts complémentaires, et au moins par extraits, sur le site Internet de la société TDF et dans cinq journaux, français ou étrangers, au choix de la société ARKENA CAPITAL et aux frais des sociétés TDF et ARKENA dans la limite de la somme de 8 000 euros hors taxes par insertion, • condamner conjointement et solidairement les sociétés TDF et ARKENA à payer à l’intimée la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, • condamner les sociétés TDF et ARKENA aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître B, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2019.
MOTIVATION
Sur les pièces versées par la société ARKENA CAPITAL Les appelantes soutiennent que les pièces de l’intimée sont pour la plupart impropres à rapporter la preuve des faits allégués, étant postérieures au dépôt de la marque ARKENA, comme aux dates à partir desquelles elles ont commencé à utiliser ARKENA à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial et enseigne. Elles ajoutent que les pièces non datées ne peuvent établir l’usage du signe ARKENA par l’intimée avant le dépôt de la marque.
La société ARKENA CAPITAL expose que les pièces postérieures au dépôt de la marque en cause tendent à démontrer la persistance et le maintien de l’usage sérieux du signe ARKENA à titre de dénomination sociale et de nom commercial. Elle conteste le bien-fondé de la
demande relative aux pièces non datées, et de celle tendant à voir écarter sa pièce 24.
Sur ce
Si une pièce postérieure au dépôt d’une marque peut difficilement permettre de justifier d’un usage du signe correspondant à la marque avant le dépôt, son caractère postérieur ne constitue cependant pas, en soi, une cause d’irrecevabilité.
Il en est de même de pièces non datées, les appelantes ne justifiant du reste pas du grief que leur causerait la communication de ces pièces, dont l’appréciation de la force probante revient à la cour.
Sur les droits opposables
Les appelantes contestent l’existence d’un droit antérieur de la société ARKENA CAPITAL sur le signe ARKENA à titre de nom commercial, s’agissant d’un droit d’occupation qui s’acquiert par l’usage et non par l’inscription au registre du commerce et des sociétés, et l’usage antérieur devant être public, continu et non-équivoque.
Elles ajoutent qu’il doit s’agir d’un usage public, significatif, qui se manifeste dans les rapports avec la clientèle, doit servir à identifier la personne morale et doit intervenir sur le territoire français, ce que ne démontrent pas les pièces versées par l’intimée. Elles insistent sur le caractère inopérant des pièces faisant état de l’usage du signe Arkena à titre de marque, et sur le fait que le nom commercial doit bénéficier d’un rayonnement national pour pouvoir être opposé utilement à une marque postérieure.
La société ARKENA CAPITAL fait état de l’antériorité de sa dénomination sociale ARKENA CAPITAL, le plus souvent utilisée sous sa forme abrégée ARKENA, et dont la seule adoption dans l’acte constitutif de l’entreprise justifie sa protection dès son enregistrement.
Sur ce
L’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que
Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) À une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b) À une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public;…
L’article L714-3 du même code précise que
‘ Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L711-1 à L711-4.
Aux termes de ces textes, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
L’indisponibilité d’un signe résultant d’une dénomination sociale antérieure s’apprécie au regard du risque de confusion impliquant l’examen des produits ou services désignés au dépôt de la marque postérieure.
Le droit sur une dénomination sociale s’acquiert par son adoption par la personne morale dans l’acte qui la constitue, soit généralement ses statuts.
En l’espèce, la société ARKENA CAPITAL a été immatriculée au RCS du tribunal de commerce de Paris le 26 mai 2011.
L’article 3 de ses statuts, consacré à sa dénomination sociale, prévoit en outre :
‘la société prend la dénomination de ‘la société ARKENA CAPITAL’ Dans le cadre de certaines opérations commerciales, la société pourra prendre la dénomination de : ARKENA..:.
L’immatriculation de cette société avec comme dénomination sociale ARKENA CAPITAL au RCS du tribunal de commerce de Paris est donc intervenue antérieurement à l’enregistrement de la marque française ARKENA n°13 4 036 921 pour les classes 9, 35, 38, 41 et 42, effectué le 3 octobre 2013 par la société TDF, de sorte que la société ARKENA CAPITAL bénéficie de droits antérieurs opposables aux appelantes sur sa dénomination sociale.
Sur le risque de confusion
Les appelantes soutiennent que l’existence d’un risque de confusion nécessite la preuve de l’exercice réel et effectif d’une activité antérieure, identique ou similaire, sous un signe identique ou similaire, et qu’il convient de tenir compte de l’activité effectivement exercée par l’entreprise lors du dépôt de la marque.
Elles dénoncent l’absence d’activité effective de la société ARKENA CAPITAL, qui ne justifie pas des démarches nécessaires pour exercer une activité identique ou similaire aux leurs, ou aux produits visés par la marque ARKENA. Ainsi, la société ARKENA CAPITAL ne justifierait pas de sa déclaration auprès de l’ARCEP, nécessaire pour l’activité de prestataire de service technique en tant qu’opérateur de communications électroniques, et n’aurait pas cette activité contrairement aux appelantes ; la société ARKENA CAPITAL ne bénéficierait pas non plus des moyens humains et techniques pour de telles fonctions.
Elles soutiennent que l’intimée ne justifie pas avoir exercé réellement une activité identique aux leurs, que les pièces qu’elle produit ne le démontrent pas, des offres commerciales ou des accords de confidentialité étant insusceptibles de rapporter la preuve de l’exercice effectif d’une quelconque activité. Elles contestent la crédibilité des pièces produites par l’intimée.
La société ARKENA CAPITAL déclare intervenir sur le même secteur professionnel que les appelantes, étant toutes présentes dans le domaine de la préparation, la gestion, la distribution de contenus audiovisuels et numériques, et qu’elles ont les mêmes relations d’affaires, leurs employés respectifs ayant de nombreuses relations professionnelles communes, ce qui établit la réalité d’un risque de confusion.
Elle détaille les clients et partenaires communs, et revendique avoir une activité de prestataire de services dans le domaine des média et de l’audiovisuel comme les appelantes, activité pour laquelle elle a recours à des partenaires extérieurs. Elle conteste toute obligation d’inscription à l’ARCEP lui incombant, et indique disposer de locaux dédiés à ses installations techniques.
Sur ce
Sur la réalité de l’activité de la société ARKENA CAPITAL
S’agissant de l’effectivité de l’activité de la société ARKENA CAPITAL, il résulte de la plaquette de présentation de cette société qu’elle revendique fournir aux créateurs de contenu ainsi qu’aux opérateurs télécom et aux marques et entreprises média, des outils et une expertise client, et ce depuis l’année 2011, date de sa création telle qu’elle figure sur son Kbis.
Le 22 août 2013, un certificat de conformité CE a été délivré à la ‘société ARKENA CAPITAL’ pour l’un de ses produits, un terminal de streaming présenté sous la marque ARKENA.
Est aussi versée une plaquette de présentation du terminal numérique de streaming Arkena, portant la mention ‘printemps 2013’, sur laquelle figure la dénomination sociale ARKENA en première page et ARKENA CAPITAL aux 2e et dernière pages ; néanmoins, les appelantes soutiennent que ce terminal n’a jamais été commercialisé, et la société ARKENA CAPITAL ne justifie pas du contraire.
La société ARKENA CAPITAL a conclu le 6 juin 2011 un ‘contrat de prestation de prestation de conseil & d’accompagnement et de services techniques & d’infrastructure avec la société Ultramarine communication, dans lequel il est fait usage du signe ARKENA pour désigner l’intimée. Par ce contrat, l’intimée s’engageait à apporter des prestations de services techniques et d’infrastructures au profit d’un service de télévision locale diffusée par la voie hertzienne. Bien qu’un autre projet ait été retenu par le CSA, la signature préalable de ce contrat tend néanmoins à démontrer l’effectivité de l’exercice de l’activité de la société ARKENA CAPITAL qui a assisté la société Ultramarine communication (UMC) dans la préparation et lors de la présentation de son projet devant le CSA ; l’absence d’exécution intégrale du contrat est due à la décision du CSA de ne pas retenir le projet en cause, le contrat prévoyant expressément qu’il se termine de plein droit en ce cas. Le fait que le président de l’intimée détienne des parts de la société Ultramarine Communications ne saurait suffire à remettre en cause la réalité de cette prestation.
Il sera en outre relevé que l’annexe B de ce contrat indiquait que ‘UMC reconnaît le savoir-faire et l’expertise d’Arkena qui dispose en propre ou à travers son réseau de partenaires de l’ensemble des moyens techniques, des infrastructures et des compétences technologiques nécessaires…’ et que le préambule du contrat de prestation de services techniques signé entre les mêmes sociétés les 7 et 14 octobre 2014 indique que la société ARKENA ‘a accompagné la réflexion des dirigeants et a été mandatée par UMC dès le mois de juillet 2013 soit avant le dépôt de la marque.
La société Espace FM 98.8 a adressé le 21 janvier 2013 à ‘ARKENA CAPITAL’ une lettre sollicitant une proposition additionnelle pour l’installation et l’infogérance d’un serveur sur le territoire américain, afin d’assurer la rediffusion du flux audio.
Ce courrier révèle, même s’il n’est pas justifié que l’intimée y a répondu ou exécuté les prestations en cause, qu’elle intervenait de manière effective dans ce domaine, puisqu’y est fait référence à un précédent devis de cette société du 21 décembre 2012 révisé le 27 décembre 2012, et qu’elle négociait la conclusion de prestations avec une société de radio. Il établit en outre que la société ARKENA CAPITAL utilisait alors sa dénomination sociale dans ses relations d’affaires avec d’autres sociétés implantées en France.
L’envoi par la société France télévisions à la société ARKENA CAPITAL, le 24 janvier 2012, d’un courrier faisant état d’un rendez- vous le 5 janvier et de discussions en vue d’un contrat portant sur l’acquisition et le traitement des flux vidéo des stations Outre-mer première au sein de la plate-forme technique de l’intimée de Choisy le Roi, et sur la fourniture d’un service clé-en-main de distribution en direct sur internet desdites chaînes dans les départements et territoires, montre que l’intimée proposait alors des prestations techniques à la société France télévisions.
Si les appelantes contestent la crédibilité de cette pièce en se fondant sur deux courriels de messieurs D et S, respectivement directeur technique de France télévisions Éditions numériques et directeur des moyens et du développement outre-mer 1re et France Ô au sein de France télévisions, le premier indiquant n’avoir pas connaissance de la société ARKENA CAPITAL et le second que la diffusion est assurée par France télévisions Éditions numériques, il ressort des éléments produits que ce courrier est intervenu à un moment où la mise en place de la société France télévisions Éditions numériques était en cours, et qu’il était alors fait un recours massif à la sous-traitance. Enfin, outre que la cour observe que ces deux courriels ne répondent pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, celui de Monsieur D confirme que ce courrier provient bien de la société France télévisions, et de sa direction outre-mer, qui entretenait ainsi alors des relations d’affaires avec la société ARKENA CAPITAL.
Est aussi produit un devis adressé à ARKENA CAPITAL le 9 juin 2011 par la société Save Diffusion, implantée à Saint-Etienne, pour la fourniture d’un logiciel pour un montant de plus de 12.000 euros.
Les signatures d’accords de pourparlers par la société ARKENA CAPITAL avec la société française Turbo Soft France le 5 juin 2012 d’une part, avec la société hongroise Dension Audio System en juillet 2013 d’autre part, témoignent de l’utilisation de sa dénomination commerciale dans des relations d’affaires, ce que confirme du reste l’attestation du gérant de la société Turbo Soft France.
La lettre du 17 juillet 2013 de la société ETM ‘Ella & moi’ le corrobore également, comme les courriers des 11 septembre 2013 de la société Virginia Immobilier et 30 septembre 2013 de la société American Goods, et le fait que ces courriers mentionnent que les services proposés étaient en phase pilote ou d’expérimentation ne saurait affecter la réalité de l’activité de l’intimée dans la vie des affaires.
Ces pièces établissent que la société ARKENA CAPITAL avait, avant le dépôt de la marque ARKENA, une activité effective notamment dans l’audiovisuel et offrait des services techniques aux opérateurs de ce domaine, en utilisant sa dénomination sociale ARKENA CAPITAL.
Sur les services et produits proposés
L’accord de confidentialité conclu entre l’intimée et la société TURBO Soft France le 5 juin 2012 portait sur la conception et le développement d’un terminal de streaming de contenu multimédia, audio et vidéo, diffusé sur le réseau internet, celui conclu les 10 et 23 juillet 2013 avec la société Dension Audio Systems sur le développement d’un dispositif de streaming en direct d’une radio internet.
Ces accords correspondent aux ‘appareils pour l’émission, l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images ; … terminaux permettant l’accès à plusieurs médias expressément visés en classe 9 par la marque en cause.
De tels accords de confidentialité caractérisent le fait que l’intimée proposait, dans la vie des affaires, d’élaborer de tels produits, ce que confirment les courriers reçus par cette société les 17 juillet, 11 et 30 septembre 2013 des sociétés Ella & moi, Virginia Immobilier et American Goods.
Le service de ‘surveillance de signaux, d’images et d’informations traitées par ordinateurs ou par appareils de télécommunications de la classe 35, visé par la marque en cause, entre dans la proposition de l’intimée à la société France télévisions dont le courrier du 24 janvier 2012 a pour objet ‘acquisition, traitement & distribution sur le réseau IP des flux vidéo des 9 stations Outre-mer 1re’.
Le courrier du 21 juin 2013 de la société Espace FM 98.8, portant sur la proposition par l’intimée d’un serveur à des fins de transmission de programmes et de diffusion d’un flux audio, indique que la société ARKENA CAPITAL proposait de mettre en œuvre un tel service, correspondant à ceux de ‘diffusion, transmission de programmes radiophoniques ou télévisés’ ou de ‘émissions radiophoniques, télévisées, web radios, podcast’ de la classe 38 visé par l’enregistrement de la marque.
L’accord de confidentialité conclu avec la société Dension Audio Systems, portant notamment sur la fourniture de récepteurs et lecteurs média audio et vidéo et pour des solutions de streaming pour webradio et la diffusion de contenus de vidéo à la demande, la lettre de la société Ella & moi du 17 juillet 2013 sollicitant l’intimée sur sa proposition d’une radio d’enseigne personnalisée, justifient que celle- ci proposait ainsi à ses partenaires des services correspondant à ‘montage de programmes de radiodiffusion ou de télévision, montage de bandes vidéo, édition et publication de supports multimédia Edition de vidéo à la demande (VOD)’ comme d’ ‘Émission de télévision, émissions radiophoniques… ‘ figurant parmi les services visés en classe 41 par la marque ARKENA déposée postérieurement.
Enfin, le contrat conclu en juin 2011 avec la société Ultramarine Communication révèle que, même s’il n’a pas été intégralement exécuté, l’intimée lui a fourni une prestation correspondant à ‘services d’aide (conseil) technique à l’exploitation et la supervision des réseaux informatiques et de télédiffusion de la classe 42 également visé par la marque ARKENA.
Aussi, la société ARKENA CAPITAL a proposé des services identiques ou similaires à ceux visés dans chacune des classes de produits et services pour lesquels la marque postérieure ARKENA a été déposée.
Sur les démarches administratives et infrastructures techniques
Les appelantes font état notamment de la nécessité, pour toute opération de communication électronique, de procéder à son enregistrement auprès de l’ARCEP, selon l’article L33-1 du code des postes et des communications électroniques, selon lequel, notamment, ‘L’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes’…
Pour autant, l’intimée justifie que l’activité de conseil, d’assistance à la maîtrise d’ouvrage ou de prestation de services dans le secteur des télécommunications ne rend pas obligatoire d’être déclaré en tant qu’opérateur de communications électronique auprès de l’ARCEP, cette Autorité précisant que doivent être déclarées ‘les activités correspondant à soit l’établissement et l’exploitation de réseaux ouverts au public tels que les réseaux d’accès ou les réseaux de collecte, tant hertziens que filaires… , soit la fourniture au public de communications électroniques (services téléphoniques fixe ou mobile, accès fixe ou mobile à internet, transmission de données…).’
Si les appelantes soutiennent que les fournisseurs de services réseaux et de télécommunication intervenant par internet ‘sont également le plus souvent des LIR’ (Local internet Registry, ou registre internet local), cette affirmation imprécise est contestée par la société ARKENA CAPITAL qui établit que la société Hexaglobe, concurrente des appelantes comme de l’intimée pour être spécialisée dans les technologies de l’information et des télécommunications à destination des métiers de l’audiovisuel, ne figure pas non plus sur la liste des LIR.
Par conséquent, les appelantes ne justifient pas que l’absence de déclaration de l’intimée auprès de l’ARCEP révèle que cette société n’exerce pas une activité similaire ou identique aux leurs ou aux produits et services désignés par la marque ARKENA.
S’agissant des locaux techniques dont dispose l’intimée, le contrat de prestation de conseil & d’accompagnement et de services techniques & d’infrastructure’ qu’elle a conclu le 6 juin 2011 avec la société
Ultramarine communication mentionne que le centre opérationnel d’Arkena se situe à Choisy le Roi, et le courrier de la société France Télévision du 24 janvier 2012 vise aussi expressément la plate-forme technique de l’intimée se trouvant à Choisy le Roi.
Cette présence est également attestée par les courriels relatifs à l’assurance des locaux par l’intimée en mai 2011, la volonté exprimée par celle-ci de se maintenir sur place en octobre 2012, ou l’état des lieux du 14 juin 2013 mentionnant la présence sur la toiture de trois paraboles lui appartenant. Il est enfin justifié de la signature d’un contrat de bail professionnel pour ces locaux sis à Choisy le Roi, contrat prenant effet le 1er avril 2016 pour une durée de 9 années.
Aussi, les appelantes échouent à établir que l’intimée ne dispose pas d’infrastructures adéquates pour exercer une activité similaire ou identique aux leurs, et ne peuvent se fonder ni sur l’état des lieux sommaire versé par l’intimée pour en déduire que les locaux sont inadaptés à une telle activité, ni sur l’attestation d’un agent de recherche privé, laquelle est dénuée d’intérêt puisqu’il résulte des pièces que l’intimée dispose bien de locaux à Choisy le Roi.
Les signes en cause, ARKENA CAPITAL s’agissant de la dénomination sociale de l’intimée, ARKENA s’agissant de la marque querellée, sont visuellement proches, car ils partagent le signe ARKENA placé en tête et correspondant à la marque, même si la dénomination sociale est plus longue du fait de la présence du signe CAPITAL.
Phonétiquement, ils ont en commun les trois premières syllabes constituant la marque, qui sont placées en attaque, la dénomination sociale étant rallongée des trois syllabes de CAPITAL.
Conceptuellement, l’élément dominant est le signe commun ARKENA, car il est parfaitement distinctif pour les services en cause, alors que le terme CAPITAL est des plus courants dans les relations d’affaires et la désignation de société.
Il résulte de ce qui précède que les signes en cause présentent une proximité certaine, la marque étant identique au premier élément de la dénomination sociale de l’intimée.
Les appelants ne peuvent utilement faire état d’une marque ARKENA antérieure, s’agissant d’une marque danoise sans effet en France.
Au vu de ce qui précède, l’existence d’un risque de confusion est établie, et est au surplus confirmé par le nombre important de relations d’affaires communes entre le président de la société ARKENA CAPITAL et les salariés de la société ARKENA sur les messageries sociales professionnelles.
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la marque ARKENA n°13 4 036 921 déposée le 3 octobre 2013 pour les classes 9, 35, 38, 41 et 42, par la société TDF, l’atteinte aux droits de l’intimée sur sa dénomination sociale étant caractérisée.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Le tribunal a estimé que le fait de nommer ‘groupe ARKENA’ le groupe de sociétés liées à TDF et de communiquer sous ce nom, comme de prendre ARKENA comme dénomination sociale de l’ancienne société COGNAC-JAY IMAGE, de réserver et d’utiliser les noms de domaine arkena.fr et arkena.com, devaient être considérés comme fautifs. Il a en conséquence interdit à ces sociétés de poursuivre de telles utilisations, et a ordonné le transfert des noms de domaine.
Il a aussi considéré que l’intention de nuire à l’intimée et/ou la volonté de se placer dans son sillage n’était pas démontrée, et qu’il n’était pas davantage établi que le préjudice spécifique subi par cette société en lien avec ces agissements n’était pas réparé par les mesures d’interdiction prononcées et la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles.
Si les sociétés appelantes font état de leur absence de comportement fautif, les dispositions du code civil qui fondent l’action en concurrence déloyale ne requièrent pas la constatation d’un élément intentionnel, une telle action pouvant être retenue alors qu’elle repose sur une faute non intentionnelle.
L’intimée ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice particulier qui lui aurait été causé par les appelantes.
Ainsi, elle ne verse pas d’élément justifiant l’existence d’un trouble commercial induit par le comportement des appelantes, ni que certains clients se seraient détournés de ses services au profit de celles-ci ; les faits se rapportant à un salon se tenant à l’étranger ne peuvent révéler un préjudice subi en France ; de même la retranscription d’un ‘chat’ dépourvu de garantie de stabilité quant à son contenu (pièce 36 intimée) ne peut pas plus démontrer l’existence d’une confusion qu’un courriel du dirigeant d’une société tierce refusant de signer un accord de confidentialité avec l’intimée (sa pièce 70).
La mention dans un accord de non-divulgation qu’une entreprise avait confondu ARKENA et ARKENA CAPITAL ne saurait, à elle seule, établir cette confusion, et les autres pièces versées ne présentent pas d’assurance quant à la permanence de leur stabilité ou ne démontrent pas avec certitude une telle confusion.
L’intimée ne peut utilement invoquer l’article L121-2 du code de la consommation, dont les conditions d’application requièrent l’existence d’une confusion avec un bien ou un service.
Elle ne justifie pas d’une atteinte à sa réputation commerciale, ni n’établit avoir été gênée pour développer ses activités auprès de sa clientèle.
Au surplus, elle ne peut sérieusement se fonder sur le chiffre d’affaires de la société appelante ARKENA et soutenir que celle-ci aurait dû lui verser un pourcentage de son chiffre d’affaires en contrepartie de l’utilisation du signe ARKENA, pour en déduire qu’elle aurait dû percevoir la somme de 2 millions d’euros en 2014, et solliciter le versement de 10 millions d’euros pour les années 2014 à 2018, un tel préjudice n’étant ni direct ni certain.
Il en est de même de la demande tendant à voir les appelantes condamner lui verser la réparation d’un préjudice distinct causé par la réitération par les appelantes du non-respect des règles de concurrence, au vu des développements précédents sur l’application du code de la consommation, et sans caractériser une telle réitération ni la distinguer des autres griefs avancés.
Pour autant, les agissements de la société TDF ont nécessairement porté atteinte au caractère distinctif de la dénomination sociale de l’intimée et brouillé l’image qui y est associée, ce dont il convient d’indemniser le préjudice moral ainsi causé en condamnant la société TDF à lui verser la somme de 10.000 euros.
Au vu de ce qui précède, il convient pour le reste de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société ARKENA CAPITAL de ses autres demandes en réparation de son préjudice, ainsi que dans les mesures d’interdiction et de transfert de nom de domaine.
Une mesure de publicité n’étant pas justifiée, son refus sera également confirmé.
Sur les autres demandes
Les sociétés appelantes succombant au principal, elles seront condamnées au paiement des dépens. Il convient également de les condamner in solidum au versement à la société ARKENA CAPITAL de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf s’agissant du préjudice moral subi par la société ARKENA CAPITAL,
y ajoutant,
Condamne la société TDF à payer à la société ARKENA CAPITAL la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne in solidum les sociétés TDF et ARKENA à payer à l’intimée la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés TDF et ARKENA aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître B, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.