Obligation de conciliation préalable : un préalable incontournable à la saisine du juge

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Obligation de conciliation préalable : un préalable incontournable à la saisine du juge

L’Essentiel : Dans cette affaire, un groupe de demandeurs, composé d’associés, a assigné un dirigeant d’entreprise et la société à laquelle ils appartenaient. Ils cherchaient l’annulation d’une clause statutaire jugée illicite, ainsi que le paiement de sommes et de dommages-intérêts pour préjudices subis. En réponse, la société a demandé la condamnation des demandeurs à verser 2.000 euros pour couvrir les frais de justice, arguant du non-respect des procédures de conciliation. Le tribunal a finalement conclu que les demandeurs n’avaient pas respecté l’obligation de conciliation préalable, déclarant leurs demandes irrecevables et les condamnant aux dépens.

Résumé de l’Affaire

Dans cette affaire, un groupe de demandeurs, composé d’un associé, d’une associée, d’une autre associée et d’une quatrième associée, a assigné un dirigeant d’entreprise et la société à laquelle ils appartenaient. Leur objectif était d’obtenir l’annulation d’une clause statutaire qu’ils considéraient comme illicite, ainsi que le paiement de sommes et de dommages-intérêts pour les préjudices subis.

Demandes de la Société

En réponse, la société a demandé la condamnation des demandeurs à lui verser une somme de 2.000 euros pour couvrir les frais de justice, tout en arguant que les demandeurs n’avaient pas respecté les procédures de conciliation préalable stipulées dans les statuts et les conventions d’apport en industrie. La société a également soulevé des exceptions de procédure, affirmant que les demandes des demandeurs étaient irrecevables en raison de divers manquements.

Arguments du Dirigeant d’Entreprise

Le dirigeant d’entreprise a soutenu que les procédures de conciliation n’avaient pas été respectées et que les réunions disciplinaires qui avaient eu lieu ne pouvaient pas être considérées comme une tentative de conciliation. Il a également demandé que les demandes des associés soient déclarées irrecevables pour les mêmes raisons que celles avancées par la société.

Réponse des Demandeurs

Les demandeurs ont contesté les exceptions soulevées par le dirigeant et la société, affirmant avoir tenté de concilier avant d’intenter leur action en justice. Ils ont également demandé à être indemnisés pour les frais engagés dans le cadre de cette procédure.

Décision du Tribunal

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties et a conclu que les demandeurs n’avaient pas respecté l’obligation de tenter une conciliation préalable avant de saisir le juge. En conséquence, il a déclaré les demandes des associés irrecevables et a condamné ces derniers aux dépens, tout en déboutant le dirigeant et la société de leurs demandes d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences du non-respect des clauses de conciliation préalable ?

Le non-respect des clauses de conciliation préalable a pour conséquence de rendre irrecevables les demandes des parties qui n’ont pas respecté cette obligation.

En effet, selon l’article 789 du code de procédure civile, « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. »

De plus, l’article 122 du même code précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir.

Ainsi, dans le cas présent, les demandeurs, en l’occurrence un acheteur, une associée, une autre associée et une quatrième associée, n’ayant pas mis en œuvre la procédure de conciliation prévue par les articles 08 des conventions d’apport en industrie et 37 des statuts de la société, se voient déclarés irrecevables en leurs demandes.

Quelles sont les obligations contractuelles en matière de conciliation ?

Les obligations contractuelles en matière de conciliation sont clairement définies dans les statuts de la société et les conventions d’apport en industrie.

L’article 08 de la convention d’apport en industrie stipule que « En cas de difficultés soulevées, soit par l’exécution, soit par l’interprétation, des présentes, soumises au droit français, les parties s’efforceront préalablement à toute action contentieuse de rechercher une solution amiable et pour ce faire soumettre leur différend à deux conciliateurs qu’elles désigneront chacune respectivement. »

De plus, l’article 37 des statuts de la société impose que « tout différend qui surviendrait entre un ou plusieurs associés et/ou la société, découlant des statuts ou en relation avec ceux-ci, doit faire l’objet, avant tout recours contentieux, d’une tentative de conciliation. »

Ces articles montrent que les parties ont convenu d’une procédure de conciliation obligatoire avant de saisir le juge, ce qui constitue une obligation contractuelle à respecter.

Comment se manifeste le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ?

Le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle se manifeste par l’interdiction pour un créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir des règles de la responsabilité délictuelle contre le débiteur de cette obligation.

Ce principe est fondamental en droit civil et est souvent appliqué dans les litiges où les parties tentent de cumuler des demandes fondées sur des bases contractuelles et délictuelles.

Dans le cas présent, la société [9] a soutenu que les demandeurs ne pouvaient pas valablement rechercher la responsabilité délictuelle de la société en raison de l’existence d’une relation contractuelle.

Cela signifie que les demandeurs, en tant qu’associés, ne peuvent pas revendiquer des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle alors qu’ils ont des obligations contractuelles envers la société.

Quelles sont les implications des articles 700 et 696 du code de procédure civile ?

Les articles 700 et 696 du code de procédure civile ont des implications importantes concernant les dépens et les frais de justice.

L’article 700 dispose que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Cela signifie que la partie perdante peut être condamnée à payer les frais de l’autre partie, ce qui est une mesure d’équité.

L’article 696, quant à lui, précise que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans le cas présent, les demandeurs ayant succombé, ils sont condamnés aux dépens, ce qui illustre l’application de ces articles dans le cadre de la décision judiciaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’EVRY

3ème Chambre

N° RG 24/01077 – N° Portalis DB3Q-W-B7H-PX3W
NAC : 36C

CCCRFE et CCC délivrées le :
à
Maître Gabriel DUMENIL
Maître Jonathan QUADERI
Maître Vincent GUILLOT-TRILLER
ORDONNANCE

Ordonnance rendue le quatre Février deux mil vingt cinq par Clément MAZOYER, Juge de la mise en état assisté de Tiphaine MONTAUBAN, Greffière dans l’instance N° RG 24/01077 – N° Portalis DB3Q-W-B7H-PX3W ;

ENTRE :

Madame [J] [Y],
demeurant [Adresse 6]

représentée par Maître Gabriel DUMENIL de la SELEURL SELARL GABRIEL DUMENIL, avocats au barreau de PARIS plaidant

Madame [A] [W] [D],
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Gabriel DUMENIL de la SELEURL SELARL GABRIEL DUMENIL, avocats au barreau de PARIS plaidant

Madame [I] [T],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Gabriel DUMENIL de la SELEURL SELARL GABRIEL DUMENIL, avocats au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [C] [F], demeurant [Adresse 5]
[Localité 8]

représenté par Maître Gabriel DUMENIL de la SELEURL SELARL GABRIEL DUMENIL, avocats au barreau de PARIS plaidant

DEMANDEURS

ET :

La S.E.L.A.R.L. [9],
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Jonathan QUADERI, avocat au barreau de PARIS plaidant

Monsieur [N] [G], né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Vincent GUILLOT-TRILLER de l’AARPI GUILLOT SANCHEZ AARPI, avocats au barreau de PARIS plaidant

DEFENDEURS

/

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit de commissaire de justice du 11 décembre 2023, Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] ont assigné Monsieur [N] [G] et la société [9], dont ils étaient associés, afin d’obtenir l’annulation d’une clause statutaire jugée illicite, outre le paiement de sommes et dommages-intérêts au titre des préjudices revendiqués.

Par conclusions d’incident du 03 janvier 2025, la société [9] sollicite, outre la condamnation de Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, de voir déclarer irrecevables ces derniers en leurs demandes en raison :

– du défaut de mise en œuvre effective par les demandeurs au principal de la phase de conciliation en violation des clauses de conciliation préalable prévues par les statuts et les conventions d’apports en industrie,

– du défaut de soumission par les demandeurs au principal de « cas de difficultés » à une phase de conciliation en violation des clauses de conciliation préalable prévues par les statuts et les conventions d’apports en industrie,

– de la violation du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle,

– du caractère indéterminable des prétentions de condamnation solidaire et de l’absence de ventilation des fondements juridiques et préjudices y afférents de la part des demandeurs au principal.

Au soutien de ses demandes, la société [9] fait valoir que :

-au visa des articles 32, 122, 124 et 789 du code de procédure civile que les procédures de conciliations préalables obligatoires prévues par les articles 08 des conventions d’apport en industrie et 37 des statuts de la société n’ont pas été mises en œuvre si bien que les demandeurs au principal n’ont pas rempli leur obligation contractuelle et doivent être déclarés irrecevables en leurs demandes,

-Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] ne sont pas recevables à demander directement au tribunal judiciaire la condamnation de la société à des demandes indemnitaires et financières portant sur des pertes et/ou privations de rémunération, des montants non restitués d’aide forfaitaire versés par la CPAM, des sommes qui auraient été indûment prélevées sur leurs derniers montants de rémunération technique au titre de soins dentaires facturés impayés, de versement d’une fraction des bénéfices des exercices sociaux 2022 et 2023 de la société ainsi qu’en réparation d’un préjudice moral,

-en application du principe de non-cumul des responsabilité contractuelle et délictuelle il est interdit au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle, si bien que les demandeurs au principal ne pouvaient valablement rechercher d’emblée la responsabilité délictuelle de la société à ce titre,
-leur développement et prétention de réparation de « perte de rémunération » dont les préjudices et les fondements juridiques y afférents auraient dû être ventilés font obstacle à toute corrélation entre chacun de leur montant réclamé et chaque violation statutaire et faute dont ils se plaignent et rend leurs demandes à ce titre indéterminées et indéterminables.

Par conclusions d’incident du 05 janvier 2025, Monsieur [N] [G] demande de voir juger irrecevables les demandes formulées par Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] pour les mêmes raisons qu’évoquées par la société [9], et de les voir condamner à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de statuer sur les dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [N] [G] expose que :

-les procédures de conciliations préalables obligatoires prévues par l’article 37 des statuts et l’article 8 des conventions d’apport en industrie n’ont pas été respectées,

-les diverses réunions disciplinaires ne peuvent être regardées comme ayant satisfait à cette obligation de conciliation, ces dernières s’étant tenues postérieurement à la délivrance de l’assignation et sans aborder les griefs formulés,

-le fait de ne pas soumettre à un conciliateur l’ensemble des prétentions visées au titre de la procédure engagée et notamment chacun des cas de difficultés objet du litige constitue également une fin de non-recevoir,

Par conclusions en réponse à incident du 23 décembre 2024, Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] sollicitent de débouter Monsieur [N] [G] et la société [9] des exceptions de procédure soulevées à titre d’incident, de se déclarer incompétent pour connaître du moyen pris de la violation du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et du moyen pris du caractère indéterminable des prétentions de condamnation solidaire et de l’absence de ventilation des fondements juridiques et préjudices, et reconventionnellement de les condamner solidairement à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de leur défense à incident, Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] estiment que :

-ils justifient de la réalisation d’une tentative préalable de conciliation, et ont tout mis en œuvre pour que puisse se tenir une tentative de conciliation, et ont ainsi rempli leurs obligations contractuelles stipulées aux article 08 des conventions d’apport en industrie et 37 des statuts de la société, lesquelles constituent en tout état de cause des clauses de style au caractère elliptique et non-contraignant,

– les moyens pris de la violation du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et du caractère indéterminable des prétentions de condamnation solidaire et de l’absence de ventilation des fondements juridiques et préjudices constituent des moyens de défense au fond et non pas une fin de non-recevoir.

L’incident a été examiné à l’audience du 07 janvier 2025 et mis en délibéré au 04 février 2025.

* * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la violation de l’absence de tentative deconciliation préalable

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. ».

L’article 122 du même code dispose que, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 124 du même code ajoute également que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

L’article 126 du même code précise enfin que, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l’espèce, il convient de rappeler que Monsieur [N] [G] et la société [9] soutiennent que les procédures de conciliations préalables obligatoires prévues par les articles 08 des conventions d’apport en industrie et 37 des statuts de la société n’auraient pas été mises en œuvre par Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] si bien que les demandeurs au principal n’auraient pas rempli leurs obligations contractuelles et doivent être déclarés irrecevables en leurs demandes.

À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 08 de la convention d’apport en industrie prévoit les éléments suivants :
« Contestation – litige – Conciliation
En cas de difficultés soulevées, soit par l’exécution, soit part l’interprétation, des présentes, soumises au droit français, les parties s’efforceront préalablement à toute action contentieuse de rechercher une solution amiable et pour ce faire soumettre leur différend à deux conciliateurs qu’elles désigneront chacune respectivement.
Ceux-ci s’efforceront de trouver une solution amiable dans un délai maximum de deux mois à compter de la désignation du dernier d’entre eux.
Faute par l’une des parties de désigner un conciliateur dans les quinze jours suivant la réception de la lettre que l’autre partie lui aura notifiée, la procédure de conciliation sera caduque.
/

Les tribunaux compétents pourront être dès lors saisis par l’une ou l’autre des parties, soit à l’expiration du délai prévu à l’alinéa 2, soit immédiatement en cas d’application de l’alinéa 3, le juge des référés pouvant quant à lui être saisi en tout état de cause, y compris pendant la tentative de conciliation. »

L’article 37 des statuts de la société dispose quant à lui que « sauf en cas d’urgence, tout différend qui surviendrait entre un ou plusieurs associés et/ou la société, découlant des statuts ou en relation avec ceux-ci, ayant trait notamment à leur formation, leur existence, leur validité, leurs effets, leur interprétation, leur exécution ou leur violation, leur résolution ou leur résiliation, doit faire l’objet, avant tout recours contentieux, d’une tentative de conciliation, si besoin confiée au conseil de l’ordre du siège social de la société.
Chaque partie ayant un intérêt opposé doit nommer un conciliateur librement choisi par elle dans les quinze jours francs de la lettre recommandée papier ou électronique avec avis de réception qui l’y invite, passé ce terme la partie concernée est réputée avoir renoncé à la procédure de tentative de conciliation.
Les conciliateurs disposent d’un délai de deux mois à compter de la désignation du dernier d’entre eux pour remplir leur mission. A défaut de conciliation à l’issue de ce délai, la partie la plus diligente pourra saisir le Tribunal compétent, le juge des référés pouvant l’être à tout moment, même pendant la procédure de tentative de conciliation ».

À ce titre, il est important d’indiquer que l’article 122 du code de procédure civile n’énonce qu’une liste indicative de fins de non-recevoir, et que peut être ainsi être qualifiée de fin de non-recevoir une clause contractuelle par laquelle les parties conviennent d’instaurer un préalable à la saisine du juge, en particulier lorsqu’il s’agit d’instituer une tentative de règlement amiable d’un litige qui les opposerait.

Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] arguent en premier lieu du fait que les clauses litigieuses ne sont pas suffisamment assorties de conditions particulières de mise en œuvre leur conférant un caractère obligatoire.

Toutefois, force est de constater que l’article 37 des statuts de la société impose (« doit ») avant toute saisine juridictionnelle une tentative de conciliation, ce qui permet de caractériser le caractère obligatoire de cette phase pré-contentieuse instaurée contractuellement entre les parties.

Dans le même sens, ce même article ainsi que l’article 08 de la convention d’apport en industrie précisent, dans ce même cadre, la nécessité de désigner, pour chacune des parties, un conciliateur. La saisine d’une juridiction n’est par ailleurs ouverte (hormis pour le cas d’une procédure en référé) qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la désignation d’un conciliateur (période correspondant à une phase de discussion amiable) ou après un délai de quinze jours suivant la réception de la lettre que l’autre partie lui aura notifiée, faute par l’une des parties de désigner un conciliateur.

Il ressort ainsi de ces clauses contractuelles applicables entre les parties que ces dernières ont consenti à limiter, en le conditionnant, leur droit d’agir, c’est-à-dire, leur droit de soumettre une prétention au juge pour qu’il la dise bien ou mal fondée, notamment en déterminant une manière de régler le litige les opposant, par l’instauration d’une tentative de conciliation préalable à toute action contentieuse dans les conditions particulières sus-rappelées.

Au surplus, il est désormais constant que le non-respect des clauses contractuelles relatives aux modes de règlement alternatif des litiges constitue une fin de non-recevoir dès lors que le contrat édicte de manière expresse et non équivoque le recours à la conciliation comme un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction, et ce même en l’absence de précisions sur la façon dont le principe d’une tentative de règlement amiable a vocation à être mis en œuvre.

En second lieu, Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] font valoir qu’il justifient de la réalisation d’une tentative préalable de conciliation, et ont tout mis en œuvre pour que puisse se tenir une tentative de conciliation, et ont ainsi rempli leurs obligations contractuelles stipulées aux article 08 des conventions d’apport en industrie et 37 des statuts de la société.

Or, s’il s’évince du courrier électronique du 21 septembre 2023 de Monsieur [H] [S], conciliateur de justice attaché à la ville de [Localité 7], que le conseil des demandeurs a effectivement pris contact auprès de ce dernier en vue de sa désignation, il n’en reste pas moins que celui-ci a indiqué ne pas « donner suite à votre requête ».

Par courriers électroniques des 26 septembre et 06 octobre 2023, le professeur [X] [M] a décliné sa compétence au titre du conseil de l’Ordre et a renvoyé les parties « entre les mains des conciliateurs de justice ».

Il n’est d’ailleurs pas contesté qu’aucune autre démarche aux fins de mise en œuvre des clauses litigieuses instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge n’a été effectuée par les parties avant l’assignation du 11 décembre 2023.

Dans ces conditions, il est patent que les demandeurs ont méconnu cet aménagement conventionnel du droit d’agir en saisissant le juge au mépris de la clause de conciliation préalable de telle sorte que la qualification de fin de non-recevoir doit être retenue en ce qu’elle s’impose non seulement entre les parties mais également au juge.

En tout état de cause, si les demandeurs font état des réunions qui se sont déroulées les 25 janvier 2024, 1er février 2024, 05 septembre 2024, 19 septembre 2024, 24 septembre 2024 et 03 octobre 2024 au conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de l’Essonne, c’est-à-dire postérieurement à la délivrance de l’assignation devant la présente juridiction, il doit être rappelé que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance ; étant également précisé que la tenue d’une conciliation devant un conseil de l’Ordre départemental d’une profession réglementée dans le cadre d’une plainte disciplinaire n’est pas de nature à se substituer à une clause contractuelle de conciliation.

Aussi, faute pour Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] de justifier avoir mis en œuvre la tentative de conciliation préalable à la saisine de la présente juridiction, conformément aux dispositions contractuelles prévues aux articles 08 de la convention d’apport en industrie et 37 des statuts de la société, ces derniers doivent être déclarés irrecevables en leurs demandes.

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y], succombant, les dépens seront mis à leur charge.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, compte tenu de la nature du litige, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. Monsieur [N] [G] et la société [9], seront par conséquent déboutés de leurs demandes formées à ce titre.

* * *

PAR CES MOTIFS

Nous, Clément MAZOYER, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,

DISONS que le défaut de mise en œuvre de la clause de tentative de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge stipulée aux articles 08 de la convention d’apport en industrie et 37 des statuts de la société constitue une fin de non-recevoir,
En conséquence, DÉCLARONS Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] irrecevables en leurs demandes,
CONDAMNONS Monsieur [C] [F], Madame [I] [T], Madame [A] [W] [D] et Madame [J] [Y] aux dépens,
DÉBOUTONS Monsieur [N] [G] et la société [9] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et rendu par mise à disposition au greffe le 04 février 2025.

LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT


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