L’Essentiel : L’affaire concerne un prévenu reconnu coupable d’assassinat par la chambre de l’instruction de la cour d’appel. En raison d’un trouble psychique ayant aboli son discernement, le prévenu a été déclaré pénalement irresponsable. La juridiction a ordonné son admission en soins psychiatriques et imposé une interdiction de paraître sur l’ensemble des départements de la Corse pour vingt ans. Le prévenu a demandé la levée de cette interdiction, mais sa requête a été rejetée par le juge des libertés. En appel, la chambre de l’instruction a déclaré l’appel irrecevable, ce qui a conduit à une cassation de la décision.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne un individu, désigné ici comme un prévenu, qui a été reconnu coupable d’assassinat par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia. En raison d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement au moment des faits, le prévenu a été déclaré pénalement irresponsable. Mesures judiciaires prisesSuite à cette déclaration, la juridiction a ordonné l’admission du prévenu en soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète. De plus, une interdiction de paraître sur l’ensemble des deux départements de la Corse a été imposée pour une durée de vingt ans. Demande de levée de l’interdictionLe prévenu a ensuite sollicité la levée de cette interdiction. Cependant, par ordonnance du juge des libertés et de la détention, sa requête a été rejetée, ce qui a conduit le prévenu à interjeter appel de cette décision. Examen du moyen d’appelLe moyen d’appel critique la décision de la chambre de l’instruction qui a déclaré irrecevable l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés. Le prévenu soutient que, selon l’article 706-137 du code de procédure pénale, il a le droit de demander la modification ou la levée de sa mesure d’interdiction, et que l’absence de possibilité d’appel contre le rejet de sa requête constitue une violation de ses droits. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que les décisions du juge des libertés et de la détention, qui sont privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d’appel, sauf disposition législative contraire. En déclarant irrecevable l’appel du prévenu, la présidente de la chambre de l’instruction a méconnu ce principe, ce qui a conduit à une cassation de la décision. Conséquences de la cassationLa cassation a été prononcée sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, conformément à l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de l’appel contre une décision du juge des libertés et de la détention ?L’article 706-137 du code de procédure pénale stipule que : « Les décisions rendues par le juge des libertés et de la détention sur le fondement du texte susvisé, privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d’appel, en l’absence de disposition législative spéciale contraire. » Ainsi, toute décision prise par le juge des libertés et de la détention qui restreint la liberté d’un individu peut faire l’objet d’un appel, sauf si une loi précise en dispose autrement. Dans le cas présent, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête d’un individu visant à modifier son interdiction de paraître. L’ordonnance attaquée a déclaré cet appel irrecevable en se fondant sur l’article 186 du code de procédure pénale, qui ne concerne que les droits d’appel des personnes mises en examen ou des parties civiles. Cette interprétation a été jugée erronée, car l’article 706-137 permet explicitement d’interjeter appel contre les décisions du juge des libertés et de la détention. Comment les mesures édictées en vertu des articles 706-136 et 706-137 sont-elles considérées juridiquement ?Les articles 706-136 et 706-137 du code de procédure pénale traitent des mesures de soins psychiatriques et des restrictions de liberté qui en découlent. Il est soutenu que ces mesures doivent être assimilées à des peines, ce qui implique qu’elles sont susceptibles d’appel. En effet, les décisions concernant ces mesures, qui peuvent avoir un impact significatif sur la liberté d’un individu, doivent être examinées avec le même sérieux que les peines prononcées dans le cadre d’une condamnation pénale. La jurisprudence a établi que les décisions qui restreignent la liberté d’un individu, même si elles ne sont pas qualifiées de peines au sens strict, doivent être soumises à un contrôle judiciaire rigoureux. Ainsi, en déclarant irrecevable l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, la présidente de la chambre de l’instruction a méconnu les droits garantis par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’article 2 du protocole 7 de cette même Convention. Quelles sont les conséquences de la cassation dans cette affaire ?La Cour de cassation a décidé que la cassation aurait lieu sans renvoi, car elle est en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, conformément à l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire. Cela signifie que la Cour a reconnu que l’appel formé par l’individu contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention était recevable et que la décision de rejet devait être annulée. En conséquence, l’individu pourra faire valoir ses droits et obtenir un réexamen de sa demande de modification de l’interdiction de paraître sur les deux départements de Corse. Cette décision souligne l’importance du respect des droits procéduraux et de la possibilité d’appel dans les affaires touchant à la liberté individuelle, même dans le cadre de mesures de soins psychiatriques. |
N° 00140
GM
5 FÉVRIER 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 FÉVRIER 2025
M. [G] [T] a formé un pourvoi contre l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 7 septembre 2023, qui a déclaré irrecevable son appel de la décision du juge des libertés et de la détention ayant refusé la modification d’une mesure de sûreté prononcée à l’occasion d’une déclaration d’irresponsabilité pénale.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [G] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 22 juillet 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia a relevé qu’il existe des charges suffisantes contre M. [G] [T] d’avoir commis des faits d’assassinat, et l’a déclaré pénalement irresponsable en raison d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.
3. La juridiction a ordonné l’admission en soins psychiatriques de M. [T] sous la forme d’une hospitalisation complète et lui a fait interdiction, pour une durée de vingt ans, de paraître sur l’ensemble des deux départements de la Corse.
4. M. [T] a sollicité la levée de cette interdiction.
5. Par ordonnance du 21 avril 2023, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette requête.
6. M. [T] a relevé appel de cette décision.
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la requête de M. [T] en modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, alors :
« 1°/ qu’en vertu de l’article 706-137 du code de procédure pénale la personne faisant l’objet d’une mesure prononcée en application des articles 706-136 ou 706-136-1 peut demander au juge des libertés et de la détention du lieu de la situation de l’établissement hospitalier ou de son domicile d’ordonner la modification ou sa levée ; qu’aucun texte du code de procédure pénale ne prévoit l’impossibilité de saisir la chambre de l’instruction d’un appel contre une décision de rejet ; qu’en l’espèce, [G] [T] a été reconnu coupable des faits d’assassinat, déclaré irresponsable pénalement de ces faits, admis en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète et a eu interdiction pour une durée de 20 ans de paraitre sur l’ensemble des deux départements de la collectivité Corse ; qu’il a demandé par requête la modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, ce qui lui a été refusée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention ; qu’en déclarant irrecevable l’appel formé contre cette ordonnance, sur le seul fondement de l’article 186 du code de procédure pénale, bien que ce texte limite uniquement le droit d’appel de la personne mise en examen ou de la partie civile, le président de la chambre de l’instruction a violé les articles 186, 186-3, 706-136, 706-137, 591 à 593 du code de procédure pénale.
2°/ que les mesures édictées en vertu des articles 706-136 et 706-137 du code de procédure pénale doivent être assimilées à des peines ; que les décisions portant sur ces mesures sont donc susceptibles d’appel ; qu’en déclarant irrecevable l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a rejeté sa requête tendant à la modification de son interdiction de paraître sur les deux départements de Corse, le président de la chambre de l’instruction a violé les articles 6, 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 2 du protocole 7 de la même Convention, ensemble les articles 186, 186-3, 706-136, 706-137, 591 à 593 du code de procédure pénale. »
Vu l’article 706-137 du code de procédure pénale :
8. Les décisions rendues par le juge des libertés et de la détention sur le fondement du texte susvisé, privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d’appel, en l’absence de disposition législative spéciale contraire.
9. Pour déclarer irrecevable l’appel formé par M. [T] contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté sa requête en relèvement de l’interdiction de paraître, l’ordonnance attaquée retient que cette décision n’entre pas dans les prévisions de l’article 186 du code de procédure pénale.
10. En se déterminant ainsi, la présidente de la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
11. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.
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