L’Essentiel : La société à responsabilité limitée exerçant dans le domaine de l’architecture, dénommée « Land scale architecture », a engagé une assistante de direction en mars 2018. En avril 2023, cette dernière a été convoquée à un entretien préalable et licenciée pour faute grave en raison de détournements de fonds s’élevant à 41 216,16 euros. Le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société. Le liquidateur a interjeté appel, et la cour a constaté que l’assistante de direction devait 37 968,16 euros, condamnant cette dernière à verser cette somme au liquidateur.
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Contexte de l’affaireLa société à responsabilité limitée exerçant dans le domaine de l’architecture, dénommée « Land scale architecture », a été fondée avec un effectif de plus de 10 salariés. Elle appliquait la convention collective des entreprises d’architecture. Une assistante de direction a été engagée par cette société en mars 2018, avec un salaire mensuel brut de 3 300 euros. Licenciement pour faute graveEn avril 2023, la société a convoqué l’assistante de direction à un entretien préalable, au cours duquel elle a été informée de sa mise à pied à titre conservatoire. Par la suite, la société a notifié son licenciement pour faute grave, en raison de détournements de fonds s’élevant à 41 216,16 euros, dont 37 968,16 euros restaient dus au moment du licenciement. Ces détournements ont été réalisés par l’assistante de direction à l’aide des autorisations de virements dont elle disposait. Procédure judiciaireLe tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société en octobre 2023. La société a ensuite saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir la restitution des sommes indûment perçues. L’assistante de direction n’était pas présente à l’audience, et le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître du litige. Appel et évocation du fond du litigeLe liquidateur de la société a interjeté appel de l’ordonnance de référé et a demandé à la cour d’évoquer le fond du litige. La cour a constaté que l’assistante de direction était redevable de la somme de 37 968,16 euros, résultant des détournements, et a décidé d’accorder une provision au liquidateur. Décision finaleLa cour a infirmé l’ordonnance de référé, a reconnu la compétence du conseil de prud’hommes pour statuer sur le litige, et a condamné l’assistante de direction à verser la somme de 37 968,16 euros au liquidateur. Elle a également condamné l’assistante de direction aux dépens d’appel et à verser 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du conseil de prud’hommes dans le litige opposant la société Land scale architecture à l’assistante de direction ?Le liquidateur de la société Land scale architecture soutient que le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître de la demande de remboursement des sommes détournées par l’assistante de direction, car ces sommes ont été perçues dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. L’article L. 1411-1 du code du travail précise que : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. » Pour que la compétence de la juridiction prud’homale soit admise, le litige doit se rattacher au contrat de travail. En l’espèce, le conseil de prud’hommes a déclaré d’office son incompétence, arguant que le litige ne concernait pas des salaires mais des virements effectués des comptes de la société vers l’assistante de direction. Cependant, les virements en question étaient enregistrés comme des avances sur salaire, ce qui justifie la compétence du conseil de prud’hommes. Quelles sont les conséquences de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes sur la demande de remboursement des sommes indûment perçues ?L’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes a été infirmée par la cour d’appel, qui a jugé que le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer sur la demande de remboursement des sommes indûment perçues par l’assistante de direction. L’article 88 du code de procédure civile stipule que : « Lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice, de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction. » En l’espèce, la cour a décidé d’évoquer le fond du litige, car l’assistante de direction était défaillante et la société Land scale architecture avait été placée en liquidation judiciaire. La cour a constaté que l’assistante de direction était redevable de la somme de 37 968,16 euros, résultant des détournements qu’elle avait opérés, et a ordonné son paiement au liquidateur de la société. Quels sont les fondements juridiques de la demande de remboursement des sommes indûment perçues ?La demande de remboursement des sommes indûment perçues par l’assistante de direction repose sur le fait que ces sommes ont été détournées au préjudice de la société Land scale architecture. L’article R. 1455-7 du code du travail dispose que : « Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » Il a été établi que l’assistante de direction avait détourné des sommes, et malgré les mises en demeure, elle n’a pas restitué la somme due. La cour a donc jugé que l’obligation de remboursement n’était pas sérieusement contestable et a ordonné le paiement de la somme de 37 968,16 euros à titre provisionnel. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice, lorsque la décision de justice lui est favorable. Cet article stipule que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, l’assistante de direction a été condamnée à verser une somme de 1 200 euros au liquidateur de la société Land scale architecture sur le fondement de l’article 700, en raison de l’intégralité de la procédure. La cour a confirmé que l’assistante de direction supportera les dépens d’appel, ce qui souligne les conséquences financières de sa défaillance dans la procédure. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80H
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 06 FÉVRIER 2025
N° RG 24/00865
N° Portalis DBV3-V-B7I-WNEU
AFFAIRE :
Me [N] [O] [U] en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. LAND SCALE ARCHITECTURE
C/
[M] [F]
Décision déférée à la cour : appel sur une ordonnance de référé rendue le 09 février 2024 par le Conseil de Prud’hommesde NANTERRE
Formation: Référé
N° RG : 23/00295
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Georges FERREIRA
le :
Copies certifiée conforme délivrée à :
Me [N] [O] [U]
Mme [M] [F]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
Me [N] [O] [U] de la SELARL [U] en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. LAND SCALE ARCHITECTURE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Georges FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 484
Substitué par Me Alexandra FERREIRA de la SELARL DS L’ORANGERIE, avocat au barreau de VERSAILLES
****************
INTIMEE
Madame [M] [F]
née le 20 août 1987 [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Défaillante, déclaration d’appel signifiée par commissaire de justice à étude le 3 octobre 2024.
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Greffière en préaffectation lors des débats : Madame Victoria LE FLEM,
La société à responsabilité limitée Land scale architecture, dont le siège social était situé [Adresse 1] à [Localité 7], dans le département des Hauts-de-Seine, avait pour activité l’exercice de la profession d’architecte et d’urbaniste en particulier de la fonction de maître d »uvre. Elle employait plus de 10 salariés et appliquait la convention collective des entreprises d’architecture du 27 février 2003.
Mme [M] [F], née le 20 août 1987, a été engagée par la société Land scale architecture selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 mars 2018, à effet au 9 avril 2018, en qualité d’assistante de direction, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 300 euros.
Par courrier en date du 26 avril 2023, la société Land scale architecture a convoqué Mme [F] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 9 mai 2023 et l’a informée de sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 16 mai 2023, la société Land scale architecture a notifié à Mme [F] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
‘Madame,
Par lettre remise en main propre contre décharge le 26 avril 2023, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, entretien qui s’est tenu le 9 mai 2023.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits qui nous amenaient à envisager votre licenciement et avons recueilli vos observations, lesquelles ne nous ont cependant pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Dans ces conditions, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave au motif ci-après exposé.
Vous avez été engagée par notre société à compter du 9 avril 2018, par contrat à durée indéterminée et exercez les fonctions d’assistante de direction au sein de notre société avec le statut cadre.
A ce titre, vous êtes en charge de responsabilités clés au sein de notre agence puisque vous avez progressivement pris en charge des tâches et des missions de gestion administrative et financière vous permettant d’être en relation avec le cabinet comptable, accéder à la comptabilité et aux comptes bancaires de la société.
Au regard de votre haut niveau de responsabilités, il est attendu de vous une rigueur, une probité et une loyauté sans faille justifiant la confiance qui vous a été accordée.
Or, comme nous vous l’avons exposé au cours de l’entretien préalable, le 26 avril 2023, à l’occasion de la clôture de l’exercice, notre cabinet comptable a attiré notre attention sur une anomalie importante au titre des sommes que vous avez perçues et qui ne correspondaient pas des éléments comptables justifiées et cohérents (sic).
Les investigations rapidement menées par notre expert-comptable ont permis d’établir avec certitude que vous aviez détourné, au préjudice de notre société, une somme totale de 41 216,16 euros, dont une somme de 4 876,36 euros qui correspondrait au montant d’un avis à tiers détenteur dont nous n’avons pas été informés et que nous ne pouvions pas autoriser sur les deniers de la société.
A ce titre, vous avez vraisemblablement tenté de dissimuler ce dernier détournement en opérant des prélèvements mensuels sur votre salaire, ce qui caractérise la tentative de régularisation d’une avance non autorisée et non justifiée.
Ces détournements ont été opérés par les autorisations de virements que vous déteniez dans le cadre de l’exercice de vos fonctions que vous avez manifestement outrepassées.
Nous avons pris acte de ce que vous aviez pleinement reconnu ces faits, en la forme, notamment, de l’aveu fait lors de l’entretien préalable, mais en faisant mine d’ignorer la gravité de vos manquements.
Les sommes détournées au préjudice de notre agence et dont vous êtes toujours redevable s’élèvent à 37 968,16 euros.
C’est donc à nos yeux après avoir pris la mesure de l’impossibilité technique dans laquelle vous alliez vous trouver de nous dissimuler votre forfait plus avant, que vous vous êtes résolue aux aveux précités.
Il n’en reste pas moins que le procédé auquel vous avez eu recours pendant toute la période considérée est significative d’une grande déloyauté que vous avez manifestée à l’égard de notre société.
Les faits dont vous vous êtes rendue auteur sont d’autant plus inadmissibles que vous en mesuriez parfaitement les conséquences dommageables à l’égard d’une agence telle que la nôtre.
Ces faits ruinent la confiance que nous étions supposés placer en vous, particulièrement au regard de vos responsabilités et de ce que nous étions en droit d’attendre d’une collaboratrice en charge de vos fonctions, et mettent radicalement obstacle à la poursuite de notre collaboration.
Croyez bien que nous sommes les premiers à le déplorer.
Votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis.
Nous vous rappelons qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des garanties de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise.
Votre certificat de travail, et tout document nécessaire à votre inscription en tant que demandeur d’emploi, sera tenu à votre disposition. Dans ce cadre, nous vous demandons de remettre votre matériel professionnel et les courriers (notamment les courriers des trésors publics adressés à l’entreprise Landscale Architecture) que vous ne nous auriez pas restitués.’
Par jugement du 4 octobre 2023 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Land scale architecture et désigné la Selarl V&V prise en la personne de Me [Z] [W] en qualité d’administrateur avec une mission d’assistance et la Selarl de Keating prise en la personne de Me [N] [O] [U] en qualité de mandataire judiciaire.
Par requête reçue au greffe le 26 octobre 2023, la société Land scale architecture a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre des demandes suivantes :
– juger qu’il y a lieu à référé,
– répétition des sommes indûment perçues : 37 968,16 euros,
– article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros.
Mme [F], dûment convoquée, n’était ni présente ni représentée à l’audience du conseil de prud’hommes de Nanterre du 16 janvier 2024.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 9 février 2024, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre :
– s’est déclarée incompétente à connaître du litige de la société Land scale architecture et de Mme [F],
– a laissé à la charge de Mme [F] les dépens.
Par jugement du 3 juillet 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Land scale architecture et a désigné en qualité de liquidateur la Selarl de Keating prise en la personne de Me [N] [O] [U].
Me [O] [U] ès qualités a interjeté appel de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes par déclaration du 16 février 2024 enregistrée le 1er mars 2024 sous la référence RG 24/00674.
Il a également interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 mars 2024 enregistrée le 20 mars 2024 sous la référence RG 24/00865.
Par ordonnance rendue le 22 mai 2024, la présidente de la chambre sociale 4-2 a autorisé la société Land scale architecture à assigner Mme [F] à jour fixe à l’audience du 8 novembre 2024.
L’assignation a été signifiée à Mme [F] par acte de commissaire de justice en date du 5 juin 2024 remis à étude.
Par ordonnance du 3 juillet 2024, la présidente de la chambre sociale 4-2 a prononcé la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 24/00674 et RG 24/00865, l’affaire se poursuivant sous le numéro RG 24/00865.
Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er octobre 2024, signifiées à Mme [F] par acte de commissaire de justice délivré le 3 octobre 2024 à étude, Me [O] [U], en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, demande à la cour de :
– juger recevable l’appel interjeté par la société Land scale architecture,
– infirmer l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre du 9 février 2024,
– juger que le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer sur la demande de la société Land scale architecture,
– évoquer le fond du litige et condamner Mme [F] à verser la somme de 37 968,16 euros à la Selarl de Keating, ès qualités (sic) de liquidateur judiciaire de la société Land scale architecture, en répétition des salaires indûment perçus,
– condamner Mme [F] à verser la somme de 2 000 euros à la Selarl de Keating, ès qualités (sic) de liquidateur judiciaire de la société Land scale architecture, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [F] n’a pas constitué avocat ni conclu. Conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile, l’arrêt sera rendu par défaut.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l’appelante pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs ».
Par ailleurs, en application de l’article 472 du code de procédure civile, le juge d’appel ne fait droit à l’appel que si celui-ci lui paraît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.
Sur la compétence de la juridiction prud’homale
Le liquidateur de la société Land scale architecture expose que Mme [F], de façon totalement déloyale grâce aux autorisations de virements qu’elle détenait dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, s’est versé, au préjudice de la société Land scale architecture, une somme totale de 41 216,16 euros à titre d’avances sur salaire, comprenant notamment 4 876,36 euros correspondant au montant d’un avis à tiers détenteur dont la société n’a jamais été informée ; qu’au jour de la notification du licenciement, Mme [F] demeurait redevable de la somme de 37 968,16 euros et elle n’a pas restitué cette somme malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées.
Il soutient que la juridiction prud’homale est compétente pour connaître de la demande dès lors que le versement des sommes est intervenu dans le cadre d’un contrat de travail à l’occasion de l’exercice des fonctions de la salariée et que les sommes détournées constituaient des avances sur salaire.
Il souligne que le conseil de prud’hommes s’est déclaré d’office incompétent, sans réouvrir les débats afin de respecter le principe du contradictoire et sans renvoyer l’affaire devant la juridiction qu’il estimait compétente.
L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que ‘Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.’
Pour que la compétence de la juridiction prud’homale soit admise, le litige doit se rattacher au contrat de travail.
Le conseil de prud’hommes est notamment compétent pour examiner la demande formée par l’employeur en restitution du montant de dépenses personnelles réglées sur le compte de la société pendant l’exécution du contrat de travail.
En l’espèce, pour se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de l’employeur de remboursement des sommes détournées, dont il a néanmoins reconnu que la salariée était redevable, le conseil de prud’hommes a dit qu’il ne s’agit pas de rembourser des sommes indûment perçues au titre de salaires mais de rembourser des virements effectués des comptes de la société sur celui de Mme [F].
Mme [F] exerçait au sein de la société Land scale architecture des fonctions d’assistante de direction au titre desquelles elle exécutait des tâches administratives et de communication (contrat – pièce 1 de la société).
Il ressort du livre comptable de la société que Mme [F] a opéré des virements à son profit depuis le compte bancaire de la société Land scale architecture, enregistrés dans le compte de classe 4 ‘425 – Personnel avances et acomptes’, qui étaient intitulés ‘avance’, ‘avance sur salaire’, ‘avance paie’ ou encore ‘avance prime’. En outre, Mme [F] a enregistré dans le compte ‘427 – Personnel oppositions’ un virement d’un montant de 4 876,36 euros au titre d’un avis à tiers détenteur, dont elle a débuté le remboursement par plusieurs prélèvements de 406 euros par mois sur son salaire (pièce 9).
Mme [F] a ainsi opéré, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et de l’exécution de son contrat de travail, des virements depuis le compte de la société à son profit de sommes ayant une nature salariale.
Le conseil de prud’hommes est donc matériellement compétent pour connaître de la demande de l’employeur.
La décision de première instance sera infirmée en ce que le juge des référés s’est déclaré incompétent pour connaître du litige.
Sur la demande d’évocation
Le liquidateur de la société Land scale architecture demande à la cour d’évoquer le fond du litige en se fondant sur l’article 88 du code de procédure civile.
L’article 88 du code de procédure civile dispose que ‘lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice, de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.’
L’article 568 du code de procédure civile, texte général applicable en cas d’appel de toutes les décisions, y compris de référé, dispose quant à lui que ‘Lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.
L’évocation ne fait pas obstacle à l’application des articles 554, 555 et 563 à 567.’
Lorsqu’il est formé appel d’une ordonnance de référé qui a statué sur une exception d’incompétence et mis fin à l’instance, une cour d’appel peut évoquer les points non jugés en application de l’article 568 du code de procédure civile.
La société Land scale architecture ayant été placée en liquidation judiciaire et Mme [F] étant défaillante à la procédure, la cour évoquera les points non jugés par la formation des référés du conseil de prud’hommes.
Le liquidateur de la société Land scale architecture demande le paiement de la somme de 37 968,16 euros qui reste due par Mme [F] sur les détournements d’un montant total de 41 216,16 euros qu’elle a effectués au préjudice de la société.
En application des dispositions de l’article R. 1455-7 du code du travail, ‘dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Il ressort du livre comptable et de l’attestation de l’expert-comptable de la société que Mme [F] était redevable au 26 avril 2023 de la somme de 37 968,16 euros résultant des détournements opérés par elle.
Par lettre recommandée du 25 mai 2023, la société a demandé à Mme [F] de lui rembourser cette somme avant le 30 juin 2023, en justifiant avant cette date des démarches qu’elle a entreprises pour assurer ce remboursement, faute de quoi elle portera plainte au pénal (pièce 5).
Par courriel du 22 juin 2023, le conseil de Mme [F] a indiqué que cette dernière souhaite rembourser la somme litigieuse, qu’elle effectue des démarches pour un prêt à la consommation, et a demandé un rallongement du délai de remboursement (pièce 6).
Par courrier du 30 juin 2023, la société a accepté de repousser l’échéance de remboursement au 30 septembre 2023 et a de nouveau demandé à Mme [F] de justifier des démarches entreprises à cet effet (pièce 7).
S’en sont suivis de nouveaux échanges de courriels entre la société et le conseil de Mme [F], aux termes desquels ce dernier indiquait que Mme [F] justifierait elle-même des démarches entreprises.
Une mise en demeure de payer adressée par la société à Mme [F] par lettre recommandée du 21 septembre 2023 est restée sans effet (pièce 8).
Dès lors qu’il apparaît avec l’évidence requise en référé que Mme [F] est redevable de la somme réclamée par la société Land scape architecture et qu’elle ne l’a pas remboursée malgré son engagement et les délais qui lui ont été accordés, elle sera condamnée à verser au liquidateur de la société la somme de 37 968,16 euros, à titre provisionnel.
Sur les demandes accessoires
La décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a laissé la charge des dépens à Mme [F].
Le juge des référés n’a pas statué sur la demande formée par la société Land scape architecture sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [F] supportera les dépens d’appel et sera condamnée à verser au liquidateur de la société Land scale architecture une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure.
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance rendue le 9 février 2024 par la formation des référés du conseil de prud’hommes de Nanterre excepté en ce qu’elle a laissé à Mme [F] la charge des dépens,
Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,
Dit que le conseil de prud’hommes de Nanterre est compétent pour connaître du litige opposant la société Land scale architecture à Mme [M] [F],
Condamne Mme [M] [F] à payer à la Sarl de Keating, en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, la somme provisionnelle de 37 968,16 euros à valoir sur la répétition des sommes indûment perçues,
Condamne Mme [M] [F] aux dépens d’appel,
Condamne Mme [M] [F] à payer à la Sarl [U], en sa qualité de liquidateur de la société Land scale architecture, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure,
Dit que le greffier notifiera la présente décision aux parties conformément aux dispositions de l’article 87 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,
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