Compétence territoriale et lien contractuel : enjeux d’un marché de construction entre sociétés commerciales

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Compétence territoriale et lien contractuel : enjeux d’un marché de construction entre sociétés commerciales

L’Essentiel : La société demandeuse a engagé une procédure judiciaire contre la société défenderesse, réclamant le paiement de sommes dues, incluant des intérêts et des frais de justice. L’assignation a été effectuée le 21 juin 2024, et la société défenderesse n’a pas constitué d’avocat pour se défendre. Le tribunal a soulevé d’office la question de sa compétence, étant donné que le litige concerne deux sociétés commerciales. La demande en paiement a été jugée non fondée, car aucun lien contractuel direct n’a été établi entre la société demandeuse et la société défenderesse. En conséquence, la société demandeuse a été condamnée aux dépens.

Contexte de l’Affaire

La société Dufay Mandre a engagé une procédure judiciaire contre la société Valoptim et Associés, demandant le paiement de sommes dues, incluant des intérêts et des frais de justice. L’assignation a été effectuée le 21 juin 2024, et la société Valoptim n’a pas constitué d’avocat pour se défendre. L’affaire a été mise en délibéré après une audience le 3 décembre 2024.

Questions de Compétence Juridique

Le tribunal a soulevé d’office la question de sa compétence, étant donné que le litige concerne deux sociétés commerciales. Selon le code de commerce, seul le tribunal de commerce est compétent pour ce type de litige. Cependant, un cahier des clauses administratives stipule que les parties avaient convenu de soumettre leurs différends au tribunal judiciaire de Bobigny, ce qui a été pris en compte par le tribunal.

Analyse de la Demande en Paiement

La société Dufay Mandre a présenté des documents contractuels liés à des marchés de construction, mais aucun lien contractuel direct n’a été établi entre elle et la société Valoptim et Associés. Les documents fournis mentionnent principalement une autre société, la SAS Vincennes, ce qui remet en question la légitimité de la demande de paiement. En conséquence, le tribunal a jugé que la demande en paiement n’était pas fondée.

Décisions sur les Demandes Accessoires

Concernant les demandes accessoires, le tribunal a décidé que la société Dufay Mandre, en tant que partie perdante, serait condamnée aux dépens. De plus, sa demande de remboursement des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile a également été rejetée.

Conclusion du Jugement

Le tribunal a rendu un jugement en première instance, déboutant la société Dufay Mandre de sa demande contre la société Valoptim et Associés, et l’a condamnée aux dépens. Le jugement est exécutoire à titre provisoire, sans nécessité d’ordonnance supplémentaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire de Bobigny dans ce litige ?

La compétence du tribunal judiciaire de Bobigny est remise en question en raison de la nature commerciale du litige.

Selon l’article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement, ainsi que des actes de commerce entre toutes personnes.

En l’espèce, le litige oppose deux sociétés commerciales, ce qui implique que le tribunal de commerce devrait être le juge compétent.

Cependant, l’article 48 du code de procédure civile stipule que toute clause dérogeant aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite, sauf si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et spécifiée de manière très apparente.

Dans ce cas, les parties ont convenu d’attribuer compétence au tribunal judiciaire de Bobigny pour les contestations liées au marché de construction, ce qui justifie la compétence de ce tribunal.

Quelles sont les conséquences de l’absence de lien contractuel entre les parties ?

L’absence de lien contractuel entre la société Dufay Mandre et la société Valoptim et Associés a des conséquences directes sur la demande en paiement.

L’article 1103 du code civil précise que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Dans cette affaire, la société Dufay Mandre n’a pas produit de documents contractuels établissant un lien avec la société Valoptim et Associés.

Tous les documents, tels que les devis et les factures, sont soit au nom de la société SAS Vincennes, soit au nom de la société Valoptim, sans mention explicite de la société Valoptim et Associés.

En conséquence, faute d’établir un lien contractuel, la demande en paiement de la société Dufay Mandre est jugée non fondée et sera rejetée.

Quelles sont les implications des demandes accessoires au titre de l’article 700 du code de procédure civile ?

Les demandes accessoires, notamment celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sont également impactées par la décision du tribunal.

L’article 696 du code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

De plus, l’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés, non compris dans les dépens.

Dans cette affaire, la société Dufay Mandre, ayant été déboutée de sa demande principale, se voit également déboutée de ses demandes accessoires, y compris celles au titre de l’article 700.

Les dépens seront donc à sa charge, ce qui souligne les conséquences financières de sa défaite dans ce litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 04 FEVRIER 2025

Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 24/06646 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZOJS
N° de MINUTE : 25/00058

Société DUFAY MANDRE
[Adresse 7]
[Adresse 4]
“[Adresse 5]”
[Localité 2]

représentée par Me Aurélie PAUCK, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

DEMANDEUR

C/

Société VALOPTIM ET ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 3]

défaillante

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 03 Décembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, Juge, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit du 21 juin 2024, la société Dufay Mandre a assigné la société Valoptim et Associés
devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de paiement des sommes suivantes :
– 63.358,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2024 et avec capitalisation ;
– 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Outre les dépens et l’exécution provisoire.

La société Valoptim et Associés, régulièrement assignée conformément à l’article 658 du code de procédure civile n’a pas constitué avocat.

Il est renvoyé à l’assignation précitée qui vaut conclusions pour un exposé des prétentions et des moyens de la demanderesse conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 28 novembre 2024 par ordonnance du même jour.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 3 décembre 2024 et mise en délibéré au 04 février 2025.

Par message du 6 janvier 2025, le tribunal a invité la demanderesse à lui faire part de ses observations sur la question de l’incompétence du tribunal judiciaire de Bobigny soulevée d’office s’agissant d’un litige entre deux sociétés commerciales au visa de l’article L. 721-3 du code de commerce.

Aux termes de ses observations reçues le même jour, la société Dufay Mandre indique que par dérogation à la loi, aux termes du cahier des clauses administratives, les parties ont entendu soumettre au tribunal de grande instance de Bobigny, devenu le tribunal judiciaire de Bobigny les contestations se rapportant au marché de construction de [Adresse 6].

MOTIFS

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la compétence du tribunal judiciaire de Bobigny

L’article L 721- 3 du code de commerce dispose que les tribunaux de commerce connaissent :
– des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit entre société de financements ou entre eux
– de celles relatives aux sociétés commerciales
– de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes

Selon l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l’espèce, le litige soumis au tribunal judiciaire de Bobigny oppose deux sociétés commerciales de sorte que seul le tribunal de commerce est le juge naturellement compétent pour trancher les litiges les opposant.

Toutefois, aux termes de l’article 11 du Cahier des Clauses Administratives Particulières, les parties ont attribué compétence au tribunal judiciaire de Bobigny pour trancher les contestations se rapportant au marché de construction [Adresse 6].

Les actes d’engagement signés par la société Dufay Mandre renvoient expressément au CCAP et les parties s’y engagent à le respecter. Par suite, le tribunal judiciaire de Bobigny est compétent.

Sur la demande en paiement

L’article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, la société Dufay Mandre produit les actes d’engagements passés avec la société SAS Vincennes aux termes desquels lui ont été confiés le marché n°16 – réseaux divers extérieurs, le marché n°17 – voirie extérieure, le marché n°18 – Espace Vert / végétalisation Terrasses, le devis du 23 septembre 2021 pour un montant de 12.930,06 euros validé par la société Vincennes, un avenant n°1 conclu entre la société Dufay Mandre et la société Valoptim pour les marchés n° 16, 17 et 18 pour un montant total augmenté de 80.587 euros supplémentaire soit un total de 398.703 euros.

La demanderesse produit également :
– un procès-verbal de réserves dressé le 6 avril 2022 en présence du maître d’ouvrage la société Valoptim et selon lequel une unique réserve était émise à savoir l’absence de haie ou de barrière en bois séparative sur la terrasse.
– un procès-verbal de réception des travaux du 14 avril 2022 selon lequel la société Dufay Mandre devait modifier une borne.
– un email de M. [E] [N], conducteur de travaux pour la société Dufay Mandre du 10 janvier 2024 aux termes duquel il expose avoir procédé aux modifications demandées et tout est fonctionnel.

En l’état toutefois, la société Dufay Mandre ne produit aucun document contractuel la liant à la société Valoptim et Associés qu’elle a assignée. L’ensemble des documents contractuels sont établis soit au nom de la société SAS Vincennes immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 451888051, soit au nom de la société Valoptim.

Les devis sont émis au nom de la société Vincennes chez Valoptim. Les factures de la société Dufay Mandre sont libellées au nom de « Valoptim SASU vincennes ». L’avenant n°1 présente le maître d’ouvrage comme étant la société Valoptim sans précision.

L’extrait K Bis de la société Valoptim et Associés produit par la demanderesse précise le numéro de RCS 890157183 et l’objet social suivant « Prise de participation dans toutes entreprises commerciales ou autres, gestion, acquisition, cession et transfert de ces participations par tous moyens » ce qui ne paraît pas cohérent avec l’activité de promotion immobilière attribuée à la défenderesse.

Par conséquent, faute d’établir un lien contractuel entre la demanderesse et la défenderesse, la demande en paiement des factures de la société Dufay Mandre contre la société Valoptim et Associés n’est pas fondée.

La demande en paiement sera rejetée.

Sur les demandes accessoires au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens

Il résulte de l’ article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens sauf pour le juge à en mettre à la charge d’une autre partie la totalité ou une fraction par décision motivée.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient alors compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d’office pour les mêmes considérations dire n’y avoir lieu à cette condamnation.

En l’espèce, les dépens seront à la charge de la société Dufay Mandre et elle sera déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire sans qu’il soit nécessaire pour le tribunal de l’ordonner ou de le rappeler et sans qu’il soit nécessaire pour le tribunal de dire n’y avoir lieu à l’écarter faute de demande en ce sens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Déboute la société Dufay Mandre de sa demande de condamnation de la société Valoptim et associés ;

Condamne la société Dufay Mandre aux dépens ;

Déboute la société Dufay Mandre de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier

Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Mechtilde CARLIER


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