Conflit autour de l’interprétation d’une franchise de loyer dans un contrat commercial.

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Conflit autour de l’interprétation d’une franchise de loyer dans un contrat commercial.

L’Essentiel : Par un acte sous signature privée daté du 10 avril 2017, une société gestionnaire d’immeubles a consenti un bail commercial à une société de conseil, portant sur des locaux à usage de bureaux. En janvier 2021, la société gestionnaire a signifié une sommation de paiement à la société de conseil, réclamant un montant de 365 519,82 euros, arguant d’une erreur dans la facturation des loyers. Le tribunal a statué en faveur de la société gestionnaire, condamnant la société de conseil à payer 301 004,23 euros pour l’arriéré locatif, tout en rejetant les demandes de réduction des loyers et de délais de paiement.

Contexte de l’Affaire

Par un acte sous signature privée daté du 10 avril 2017, une société gestionnaire d’immeubles a consenti un bail commercial à une société de conseil, portant sur des locaux à usage de bureaux. Ce bail, d’une durée de neuf ans, stipule un loyer annuel de 115 150 euros, avec une franchise de huit mois sur les loyers. La période de franchise devait s’étendre jusqu’au 31 juillet 2018.

Litige sur les Loyers

En janvier 2021, la société gestionnaire a signifié une sommation de paiement à la société de conseil, réclamant un montant de 365 519,82 euros, arguant d’une erreur dans la facturation des loyers. En réponse, la société de conseil a été assignée devant le tribunal judiciaire de Paris pour le paiement de diverses sommes dues au titre du bail.

Demandes de la Société Gestionnaire

Dans ses dernières conclusions, la société gestionnaire a demandé au tribunal de condamner la société de conseil à payer un montant total de 647 189,38 euros, incluant des intérêts, des frais irrépétibles et une clause pénale de 67 718 euros. Elle a justifié ses demandes en se basant sur des articles du code civil relatifs aux obligations contractuelles.

Réponses de la Société de Conseil

De son côté, la société de conseil a contesté les demandes de la société gestionnaire, demandant le rejet des paiements réclamés et sollicitant des délais de paiement. Elle a également mis en avant des troubles de jouissance subis depuis son entrée dans les locaux, justifiant ainsi une réduction des loyers.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué en faveur de la société gestionnaire, condamnant la société de conseil à payer 301 004,23 euros pour l’arriéré locatif, assorti d’intérêts. Les demandes de la société de conseil concernant la réduction des loyers et les délais de paiement ont été rejetées. Le tribunal a également décidé que les dépens seraient partagés entre les deux parties.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a confirmé la validité des obligations contractuelles entre les parties, rejetant les allégations de troubles de jouissance et les demandes de délais de paiement, tout en ordonnant le paiement d’un arriéré locatif significatif par la société de conseil.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations contractuelles des parties en vertu des articles 1103 et 1728 du Code civil ?

Les articles 1103 et 1728 du Code civil stipulent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Ainsi, les parties doivent exécuter leurs obligations contractuelles de bonne foi. L’article 1103 précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, tandis que l’article 1728 énonce que le bailleur est tenu de délivrer le bien loué en bon état et d’assurer la jouissance paisible du preneur.

Dans le cas présent, la S.A. Société concessionnaire des immeubles de la pépinière (S.C.I.P.) a consenti un bail commercial à la S.A.S. OL & DI Consulting, stipulant des obligations réciproques, notamment le paiement du loyer par le preneur et la jouissance paisible des locaux par ce dernier.

Il est donc essentiel que chaque partie respecte les termes du contrat, sous peine de voir ses droits contestés ou ses obligations mises en cause.

Comment la S.C.I.P. justifie-t-elle sa demande de paiement des loyers ?

La S.C.I.P. se prévaut des articles 1103 et 1728 du Code civil pour justifier sa demande de paiement des loyers.

Elle soutient que la stipulation contractuelle relative à la franchise de loyer devait cesser à compter du 1er août 2018 et que les sommes dues n’ont pas été facturées en raison d’une erreur.

L’article 1353 du Code civil précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. En l’espèce, la S.C.I.P. a produit des factures et des relevés de compte qui montrent que seuls les charges, taxes et accessoires ont été facturés à la S.A.S. OL & DI Consulting entre le troisième trimestre 2018 et le quatrième trimestre 2020.

Cependant, la S.A.S. OL & DI Consulting conteste cette demande, arguant que la S.C.I.P. a expressément accordé une franchise de loyers sur la période du 1er août 2018 à décembre 2020, ce qui remet en question la validité de la demande de paiement.

Quelles sont les conséquences de la clause pénale selon l’article 1103 du Code civil ?

L’article 1103 du Code civil stipule que les dispositions contractuelles ont valeur de loi entre les parties.

Dans le cadre du bail commercial, la clause pénale prévoit que le bailleur percevra une pénalité forfaitaire de 10 % du montant des loyers restant dus, après l’envoi d’une lettre recommandée restée sans réponse.

Cependant, la S.C.I.P. n’a justifié que l’envoi d’une lettre recommandée le 7 décembre 2020, dans laquelle elle a demandé le paiement d’une somme qu’elle a elle-même reconnue comme indue.

Par conséquent, les conditions d’application de la clause pénale ne sont pas remplies, et la demande de la S.C.I.P. à ce titre sera rejetée.

Il est également important de noter que les intérêts de retard qui s’appliquent à la condamnation au titre de l’arriéré locatif constituent déjà une forme de pénalité de retard.

Quels sont les droits du preneur en cas de troubles de jouissance selon l’article 1719 du Code civil ?

L’article 1719 du Code civil impose au bailleur l’obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

En cas de troubles de jouissance, le preneur peut demander réparation, notamment par une réduction de loyer.

Dans cette affaire, la S.A.S. OL & DI Consulting allègue avoir subi divers troubles de jouissance depuis son entrée dans les lieux, tels que des problèmes d’entretien et des incidents divers.

Cependant, elle n’a jamais mis la S.C.I.P. en demeure de remédier à ces troubles, ce qui affaiblit sa position.

De plus, les preuves fournies par la S.A.S. OL & DI Consulting, principalement des courriels, ne démontrent pas l’ampleur ni la durée des troubles allégués.

Ainsi, la S.A.S. OL & DI Consulting ne parvient pas à prouver que la S.C.I.P. a manqué à son obligation de jouissance paisible, ce qui conduit à un rejet de sa demande de réduction de loyer.

Quelles sont les conditions pour obtenir des délais de paiement selon l’article 1343-5 du Code civil ?

L’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier.

Le juge peut accorder des délais de paiement dans la limite de deux ans, et sa décision suspend les procédures d’exécution engagées par le créancier.

Dans cette affaire, la S.A.S. OL & DI Consulting demande 24 mois de délais de paiement pour apurer sa dette locative.

Cependant, elle ne produit aucun élément comptable permettant d’évaluer sa situation économique et financière, ce qui est essentiel pour justifier une telle demande.

De plus, la S.A.S. OL & DI Consulting n’a pas démontré d’efforts significatifs pour commencer à apurer sa dette, ce qui justifie le rejet de sa demande de délais de paiement.

Ainsi, le tribunal conclut que la S.A.S. OL & DI Consulting ne remplit pas les conditions nécessaires pour bénéficier de délais de paiement.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me POMMIER (J114
Me BARBUDAUX-LEFEUVRE (R0057)

18° chambre
3ème section

N° RG 21/03141

N° Portalis 352J-W-B7F-CT4WW

N° MINUTE : 1

Assignation du :
17 Février 2021

JUGEMENT
rendu le 04 Février 2025
DEMANDERESSE

S.A. SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DES IMMEUBLES DE LA PÉPINIÈRE “SCIP” (RCS de Nanterre 582 106 613)
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Fabrice POMMIER de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J114

DÉFENDERESSE

S.A.S. OL & DI CONSULTING (RCS de PARIS 799 889 951)
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Fabien BARBUDAUX-LEFEUVRE de la S.E.L.A.R.L. BBO SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0057

Décision du 04 Février 2025
18° chambre 3ème section
N° RG 21/03141 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT4WW

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sandra PERALTA, Vice-Présidente,
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge,
Cassandre AHSSAINI, Juge,

assistés de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Cassandre AHSSAINI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

__________________

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous signature privée du 10 avril 2017, la S.A. Société concessionnaire des immeubles de la pépinière (ci-après : la S.C.I.P.) a donné à bail commercial à la S.A.S. OL & DI Consulting des locaux à usage exclusif de bureaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans à effet du 1er juin 2017 au 31 mai 2026 ou 31 décembre 2024 sous réserve de certaines dispositions du bail.

Le bail a été consenti moyennant un loyer principal annuel de 115 150 euros, payable en quatre termes égaux et d’avance. Une franchise de huit mois de loyer hors charges hors taxes a été stipulée au bail, à valoir sur les loyers répartis entre le 1er juin 2017 et le 31 juillet 2018.

Se prévalant de ce que par erreur seuls les charges, taxes et accessoires, à l’exclusion des loyers, avaient été facturés à la S.A.S. OL & DI Consulting à l’expiration de la période de franchise contractuelle, la S.C.I.P. lui a fait signifier une sommation de payer les loyers le 8 janvier 2021, portant sur la somme en principal de 365 519,82 euros.

Par acte d’huissier du 17 février 2021, la S.C.I.P. a assigné la S.A.S. OL & DI Consulting devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation à lui payer diverses sommes au titre du bail.

À l’issue de la mise en état, la clôture a été prononcée le 12 décembre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie en juge rapporteur du 20 novembre 2024 et mise en délibéré au 4 février 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2023, la S.C.I.P. demande au tribunal :
– de condamner la S.A.S. OL & DI Consulting à lui payer la somme de 647 189,38 euros arrêtée au 1er octobre 2023, 4ème trimestre 2023 inclus, outre intérêts au taux conventionnel à compter de la délivrance de l’assignation jusqu’à complet règlement,
– de condamner la S.A.S. OL & DI Consulting à lui payer la somme de 67 718 euros au titre de la clause pénale,
– d’ordonner la capitalisation des intérêts,
– de condamner la S.A.S. OL & DI Consulting à lui payer 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– de condamner la S.A.S. OL & DI Consulting aux dépens, comprenant le coût de la sommation de payer.

La S.C.I.P. fait valoir principalement, au soutien de ses demandes et au visa des articles 1103 et 1728 du code civil :
– que la stipulation contractuelle relative à la franchise de loyer énonce clairement qu’elle devait cesser à compter du 1er août 2018,
– qu’elle n’a pas renoncé à demander le paiement des sommes dues,
– que les sommes litigieuses correspondant au loyer en principal n’ont pas été facturées du fait d’une erreur,
– que la S.A.S. OL & DI Consulting ne démontre pas les troubles de jouissance qu’elle allègue, qu’elle a répondu avec diligence à toutes les plaintes de la locataire,
– que la S.A.S. OL & DI Consulting n’est pas fondée, en vertu du bail comme de la jurisprudence, à solliciter une réduction du loyer du deuxième trimestre 2020,
– que la demande de délais de paiement est injustifiée car la S.A.S. OL & DI Consulting a bénéficié de larges délais de fait, que son arriéré locatif ne cesse d’augmenter et qu’elle ne justifie pas de ses difficultés financières,
– que le montant de la clause pénale, librement accepté par la S.A.S. OL & DI Consulting, n’est pas excessif, qu’il est usuel, que cette clause a au demeurant valablement été mise en œuvre,
– que l’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et justifiée au regard de l’arriéré locatif en constante augmentation.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2023, la S.A.S. OL & DI Consulting demande au tribunal :

À titre principal :
– de rejeter la demande en paiement de la somme de 647 189,39 euros,
– de lui accorder 24 mois de délais de paiement pour apurer sa dette locative, en 24 échéances à compter du 1er mois civil suivant la signification du jugement à intervenir,
– de fixer sa créance à l’égard de la S.C.I.P. à la somme de 183 352,02 euros TTC,
– de rejeter la demande en paiement de la somme de 67 718 euros,

À titre subsidiaire :
– de fixer sa créance à l’égard de la S.C.I.P. à la somme de 301 004,23 euros TTC,
– de rejeter la demande en paiement de la somme de 67 718 euros,
– de limiter la somme due au titre de la clause pénale à la somme de 3 659,10 euros,

À titre très subsidiaire :
– de fixer sa créance à l’égard de la S.C.I.P. à la somme de 460 307,15 euros TTC,

En tout état de cause :
– de débouter la S.C.I.P. de l’ensemble de ses demandes,
Décision du 04 Février 2025
18° chambre 3ème section
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– de lui accorder 24 mois de délais de paiement pour apurer toute condamnation prononcée à son encontre, en 24 échéances à compter du 1er mois civil suivant la signification du jugement à intervenir,
– de condamner la S.C.I.P. à lui payer 9 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– de condamner la S.C.I.P. aux dépens,
– d’écarter l’exécution provisoire en cas de condamnation prononcée à son encontre.

La lecture du corps des conclusions de la S.A.S. OL & DI Consulting établit que le dispositif est erroné relativement aux demandes visant à « fixer la créance de la S.A.S. OL & DI Consulting à la somme de 183 352,02 euros TTC, 301 004,23 euros TTC et 460 307,15 euros TTC ». Le terme de « créance » devra dans l’analyse des prétentions être remplacé par celui de « dette ».

La S.A.S. OL & DI Consulting expose principalement, au soutien de ses prétentions :
– que la S.C.I.P. se prévaut indûment d’une erreur alors qu’elle lui a expressément accordé une franchise de loyers sur la période du 1er août 2018 à décembre 2020 inclus, suivant les indications de la bailleresse durant l’intégralité de cette période,
– que la S.C.I.P. ne justifie ni de l’erreur alléguée, alors que la gestion du bien est assurée par une société professionnelle de l’immobilier, ni du quantum des sommes dont elle demande désormais le paiement,
– au visa des articles 1719 et 1720 du code civil, que depuis son entrée dans les lieux et jusqu’au mois d’août 2023, elle a subi divers troubles de jouissance auxquels la bailleresse n’a pas répondu avec diligence, que ces troubles justifient une réparation,
– qu’elle demande à titre principal que soit déduites de la créance de la S.C.I.P. la somme de 346 185,16 euros au titre de la franchise de loyers accordée, outre celle de 117 645,21 euros au titre de la réparation de son trouble de jouissance,
– qu’elle demande subsidiairement que soit déduite de la créance de la S.C.I.P. la somme de 346 185,16 euros au titre de la franchise de loyers accordée,
– qu’elle demande très subsidiairement que soit déduite de la créance de la S.C.I.P. la somme de 186 882,24 euros en réparation de son trouble de jouissance,
– sur la clause pénale, qu’aucun manquement ne peut lui être imputé et justifier l’application de cette clause, qu’en outre la S.C.I.P. ne lui a pas laissé un délai raisonnable pour payer les sommes appelées après la mise en demeure, que le formalisme prévu par le contrat n’a en tout état de cause pas été respecté, subsidiairement qu’il est justifié au vu des circonstances de modérer le montant accordé,
– au visa de l’article 1343-5 du code civil, que sa demande de délais de paiement est justifiée par le contexte du litige, alors qu’elle a eu la croyance légitime de régler les sommes dues, qu’elle a été assignée peu de temps après avoir été informée d’une prétendue erreur, qu’elle est une société de petite taille qui n’est pas en mesure de régler les sommes dues en une seule occurrence, qu’elle a effectué des paiements en cours de procédure.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties s’agissant de l’exposé exhaustif de leurs moyens.

MOTIVATION

À titre liminaire, il convient de relever que les demandes tendant à voir « juger que » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 768 du code de procédure civile mais des moyens, de sorte qu’il ne sera pas statué sur ces chefs dans le dispositif de la présente décision.

Sur la détermination des sommes dues au titre des loyers, charges et accessoires

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l’article 1113 du même code, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

Par ailleurs, il résulte de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, l’article 23.4 du bail commercial conclu le 10 avril 2017 stipule que le loyer annuel est fixé à la somme de 115 150 euros en principal. En outre, les parties sont convenues dans la même clause que : « le bailleur accorde à titre exceptionnel et temporaire au preneur une franchise de 8 mois de loyer hors taxes hors charges à valoir sur les loyers dus répartis comme suit :
– 6 mois de franchise au cours de la première année, pour la période allant du 1er juin 2017 au 30 novembre 2017, soit une franchise s’élevant à la somme de 57 575 euros HT.
– 2 mois de franchise au cours de la deuxième année, pour la période allant du 1er juin 2018 au 31 juillet 2018, soit une franchise s’élevant à la somme de 19 191,67 euros HT. (…)
La franchise ci-dessus ne porte que sur les seuls loyers. Le montant des charges, impôts, taxes et accessoires reste dû à compter de la date d’effet du bail. »

Contrairement aux stipulations susvisées, il résulte des factures émises par la S.A. Aviva Investors Real Estate, mandataire de la S.C.I.P.(ci-après la société Aviva), que seuls les charges, taxes et accessoires ont été facturés à la S.A.S. OL & DI Consulting entre le troisième trimestre 2018 et le quatrième trimestre 2020 inclus.

Ces factures, précises, font apparaître le détail des sommes appelées. Ainsi, le montant du « loyer bureaux en TVA » y est porté au débit puis au crédit de la locataire sous le libellé : « franchise loyer bureaux TVA », de sorte qu’aucune somme n’est facturée au titre du loyer en principal sur cette période.

Les relevés de compte produits par la S.C.I.P. portent également la mention des « franchises loyer bureaux » s’agissant des échéances trimestrielles jusqu’au quatrième trimestre 2020 inclus.

Il résulte de ce qui précède que bien que la période d’exécution de la franchise de loyer stipulée au contrat ait expiré le 31 juillet 2018, la S.C.I.P. a exprimé, postérieurement à cette date et jusqu’au 7 décembre 2020, sa volonté non équivoque de poursuivre ces modalités de paiement du prix du bail. Ces conditions ont été acceptées par la S.A.S. OL & DI Consulting puisqu’elle a réglé les factures ainsi émises.

Contrairement à ce que soutient la S.C.I.P., le libellé dénué d’ambiguïté porté sur les factures adressées à la locataire outre sur les relevés de compte de la bailleresse s’oppose à la caractérisation d’une erreur. Ladite erreur alléguée, au demeurant, ne peut être imputée qu’à la société Aviva et non à la S.A.S. OL & DI Consulting.

Les franchises ont en outre été accordées pendant plus de deux ans après l’expiration du terme initial. Si la volonté de la S.C.I.P. n’avait pas été celle-ci, il lui revenait, avec diligence, de mettre un terme à cette facturation.

Ce n’est que par lettre recommandée du 7 décembre 2020 que la société Aviva a indiqué à la S.A.S. OL & DI Consulting que c’est « à tort » que les loyers HT/HC ne lui avaient pas été facturés jusqu’alors, lui demandant en conséquence de payer la somme de 365 519,82 euros TTC, avant qu’une sommation lui soit délivrée en ce sens par acte d’huissier du 8 janvier 2021, soit un mois plus tard.

Enfin, comme le souligne valablement la S.A.S. OL & DI Consulting, la mandataire de la S.C.I.P. est une société gestionnaire, professionnelle de l’immobilier, ce qui implique que le terme de « franchise de loyer » n’a pas été employé sur les nombreuses factures produites de manière inconsciente ni erronée. La mandataire, au surplus, a demandé à plusieurs reprises à la S.A.S. OL & DI Consulting d’attendre l’émission des factures pour régler les sommes dues au titre du bail, en application stricte de celles-ci (« Merci de bien vouloir attendre de recevoir [la prochaine facture] pour régler [le solde en bas à droite du décompte] », courrier du 6 juillet 2020). La S.A.S. OL & DI Consulting a donc pu, de bonne foi, payer les sommes appelées dans les conditions ainsi rappelées.

Au regard de ces éléments, la S.C.I.P. ne rapporte pas la preuve de la créance dont elle se prévaut, ayant exprimé de manière expresse et claire sa volonté, acceptée par sa cocontractante, de prolonger la franchise de loyer jusqu’au dernier trimestre 2020 inclus.

Le relevé de compte produit par la S.C.I.P. et arrêté au 31 décembre 2023 fait apparaître un solde débiteur de 647 189,39 euros.

La somme de 346 185,16 euros en sera déduite, qui correspond à « l’appel correction loyer bureaux » porté le 4 décembre 2020 sur le relevé du compte locatif.

L’arriéré locatif de la S.A.S. OL & DI Consulting s’élève donc à la somme de 301 004,23 euros arrêtée au 31 décembre 2023, somme que la locataire sera condamnée à payer.

S’agissant des intérêts assortissant cette condamnation, l’article 19.2 du bail commercial stipule qu’en « cas de non-paiement à échéance du loyer ou des indemnités d’occupation dues par le preneur, ou de toute autre somme due en vertu du présent bail, le bailleur percevra de plein droit, un intérêt de retard calculé au prorata temporis au taux légal majoré de cinq points avec un taux minimum de 8 % à compter de la date d’échéance des sommes dues ».

Ces intérêts conventionnels s’ajouteront à la condamnation en cause, conformément à la demande de la S.C.I.P. et en l’absence de moyens contraires développés par la S.A.S. OL & DI Consulting, ce à compter de la date de l’assignation.

Quant à la capitalisation des intérêts prévue à l’article 1343-2 du code civil, de droit, elle sera ordonnée conformément à la demande de la bailleresse.

Sur l’application de la clause pénale

En application de l’article 1103 du code civil dont les termes ont précédemment été rappelés, les dispositions contractuelles ont valeur de loi entre les parties.

En l’espèce, la clause 19.2 du bail prévoit que le bailleur « percevra également, huit jours après une lettre recommandée avec demande d’avis de réception demeurée infructueuse, une pénalité forfaitaire de 10 % du montant de l’appel de loyers/indemnités d’occupation et/ou accessoires restant dus ».

Force est de constater que la S.C.I.P. justifie uniquement de l’envoi, par lettre recommandée avec avis de réception, du courrier déjà évoqué du 7 décembre 2020 invoquant « l’erreur de facturation » relative au loyer en principal et demandant le paiement de la somme totale de 365 519,82 euros.

Le formalisme requis par le contrat n’a pas été réitéré par la preneuse relativement à d’autres sommes. Or, il vient d’être précédemment jugé que les loyers exigés dans le courrier du 7 décembre 2020 n’étaient pas dus.

Par conséquent, les conditions d’application de la clause pénale du bail ne sont pas remplies ; la demande de condamnation en paiement formée à ce titre sera par suite rejetée.

En tout état de cause, les intérêts au taux conventionnel assortissant la condamnation au titre de l’arriéré locatif constituent d’ores et déjà une pénalité de retard.

Sur la caractérisation de troubles de jouissance

L’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est notamment obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

Par ailleurs, aux termes de l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

L’article 1231 précise qu’à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.

En l’espèce, la S.A.S. OL & DI Consulting soutient avoir subi depuis son entrée dans les locaux en juin 2017 des troubles de jouissances justifiant réparation via des déductions de loyers.

A titre liminaire, il sera souligné que la S.A.S. OL & DI Consulting n’a jamais mis la S.C.I.P. en demeure de mettre un terme à des désordres identifiés comme des troubles de jouissance.

Sur le fond ensuite, la S.A.S. OL & DI Consulting verse aux débats, à titre de preuve, une série de courriels dont la majorité émanent de ses propres collaborateurs et sont adressés au gestionnaire locatif de l’immeuble. Il en résulte que la S.A.S. OL & DI Consulting a signalé les désordres suivants :
– le 22 octobre 2017 : un incident caractérisé par de l’eau dans le couloir du 1er étage outre de la fumée s’échappant d’un local, les pompiers ayant dû intervenir – ce courriel est accompagné de photographies ;
– le 18 septembre 2017 : le vol d’un ordinateur dans ses locaux et l’absence d’images de vidéo-surveillance – l’auteur a néanmoins été identifié ;
– le 1er mars 2018 : le constat de l’absence de sécurisation de l’accès au tableau électrique, mis en lien par la preneuse avec le fait que l’alimentation du secteur avait été coupée à deux reprises ;
– le 8 juin 2018 : un défaut d’entretien dénoncé comme persistant des parties communes du 1er étage, ayant entraîné la présence d’au moins un cafard (photographié) ;
– entre les mois d’octobre et de novembre 2018 : le dysfonctionnement du système de ventilation et donc de chauffage ;
– le 18 mai 2018, le 31 juillet 2019, le 18 août 2022 : la présence de mauvaises odeurs ;
– le 8 janvier 2021 : le signalement de ce que le chauffage n’avait pas fonctionné pendant plusieurs semaines ;
– le 24 août 2022 : une fuite au niveau du plafond dans l’une des pièces des locaux ;
– le 2 janvier 2023 : un dégât des eaux dans la cuisine des locaux.

Il convient d’une part de souligner que si la simple survenance de ces différents événements peut être présumée à partir de courriels envoyés par la S.A.S. OL & DI Consulting, le caractère unilatéral de ce mode de preuve, qui émane de la partie même qui invoque une inexécution contractuelle, ne permet pas de démontrer leur ampleur ni leur durée.

La S.A.S. OL & DI Consulting n’a ainsi jamais jugé utile de faire réaliser un procès-verbal de constat, par exemple relativement à l’absence d’entretien alléguée des parties communes, de la présence d’odeurs nauséabondes ou encore de dysfonctionnements marqués du système de chauffage.

Face aux allégations de la S.A.S. OL & DI Consulting telles qu’elles ressortent des mails susvisés, il apparaît d’autre part que la S.C.I.P. a répondu aux différents signalements et mis en place les interventions nécessaires. Les pièces produites démontrent que la bailleresse s’est montrée raisonnablement diligente.

Enfin, force est de constater que les troubles de jouissance dont se prévaut la S.A.S. OL & DI Consulting sont constitués d’événements ponctuels et isolés. La S.A.S. OL & DI Consulting ne rapporte pas la preuve de leur gravité.

Il résulte de ce qui précède que la S.A.S. OL & DI Consulting ne démontre pas que la S.C.I.P. se serait montrée défaillante dans son obligation de lui assurer une jouissance paisible des locaux loués.

En conséquence, les demandes de la S.A.S. OL & DI Consulting visant à obtenir une réduction des loyers dus en réparation de ses troubles de jouissance seront rejetées.

Sur les délais de paiement

Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l’espèce, la S.A.S. OL & DI Consulting est condamnée à payer à la S.C.I.P. la somme de 301 004,23 euros outre intérêts au taux conventionnel.

Il revient à la S.A.S. OL & DI Consulting, qui sollicite 24 mois de délais de paiement, de produire les éléments permettant au tribunal d’évaluer sa situation économique et financière. Or, la S.A.S. OL & DI Consulting ne produit aucun élément comptable qui viendrait démontrer sa capacité à régler, en sus des loyers, charges et taxes courants, la somme mensuelle de 12 540 euros.

Les relevés de compte versés par la S.C.I.P. permettent en outre de constater que la S.A.S. OL & DI Consulting n’effectue que des paiements irréguliers et incomplets qui ne couvrent pas même les loyers TTC échus en cours de procédure.

Depuis le 1er janvier 2022, la S.A.S. OL & DI Consulting s’est ainsi contentée de payer les sommes suivantes :
– 5 247,25 euros le 16 février 2022,
– 45 003,21 euros le 18 juillet 2022,
– 51 166,88 euros le 3 août 2023.

Alors que la S.A.S. OL & DI Consulting ne justifie pas de sa situation et n’a pas fait montre, dans les quatre ans de la présente instance, d’efforts particuliers pour commencer à apurer la partie non contestée de sa dette, la S.C.I.P. est justifiée à s’opposer à l’octroi de délais de paiement.

La demande de la S.A.S. OL & DI Consulting en ce sens sera par suite rejetée.

Décision du 04 Février 2025
18° chambre 3ème section
N° RG 21/03141 – N° Portalis 352J-W-B7F-CT4WW

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

En application de l’article 696 du code de procédure civile, chaque partie voyant une part de ses demandes rejetées, les dépens seront partagés par moitié et supportés à hauteur de 50 % par la S.C.I.P. et à hauteur de 50 % par la S.A.S. OL & DI Consulting. La sommation de payer du 8 janvier 2021 restera à la seule charge de la S.C.I.P. au regard du caractère indu de la somme en cause.

En conséquence, aucune des parties ne pouvant être considérée comme perdante et compte tenu de l’équité, les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Quant à l’exécution provisoire, de droit selon l’article 514 du même code, elle n’apparaît pas incompatible avec la nature pécuniaire de l’affaire. La S.A.S. OL & DI Consulting a reconnu être débitrice d’au moins 183 352,02 euros à l’égard de la S.C.I.P. et il lui revenait le cas échéant, si elle s’estimait incapable de régler les sommes auxquelles elle allait être condamnée, de justifier sa demande de délais de paiement. Sa demande visant à voir l’exécution provisoire écartée sera rejetée comme étant injustifiée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONDAMNE la S.A.S. OL & DI CONSULTING à payer à la S.A. SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DES IMMEUBLES DE LA PÉPINIÈRE la somme de 301 004,23 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2023, quatrième trimestre 2023 inclus,

DIT que cette condamnation est assortie d’un intérêt de retard contractuel calculé au prorata temporis au taux légal majoré de cinq points avec un taux minimum de 8 % à compter de la date d’échéance des sommes dues, ce à compter du 17 février 2021,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt,

DÉBOUTE la S.A. SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DES IMMEUBLES DE LA PÉPINIÈRE de sa demande en paiement au titre de la clause pénale,

DÉBOUTE la S.A.S. OL & DI CONSULTING de ses demandes de déduction de loyers en réparation d’un préjudice de jouissance,

DÉBOUTE la S.A.S. OL & DI CONSULTING de sa demande de délais de paiement,

ORDONNE que les dépens soient partagés par moitié et supportés à hauteur de 50 % par la S.A. SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DES IMMEUBLES DE LA PÉPINIÈRE et à hauteur de 50 % par la S.A.S. OL & DI CONSULTING, à l’exclusion du coût de la sommation de payer du 8 janvier 2021 qui sera laissé à la charge exclusive de la S.A. SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DES IMMEUBLES DE LA PÉPINIÈRE,

REJETTE les demandes de condamnation au titre des frais irrépétibles,

DÉBOUTE la S.A.S. OL & DI CONSULTING de sa demande visant à écarter l’exécution provisoire,

REJETTE toute autre demande.

Fait et jugé à Paris le 04 Février 2025

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Sandra PERALTA


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