Cour de cassation, 5 février 2025, Pourvoi n° 24-90.016
Cour de cassation, 5 février 2025, Pourvoi n° 24-90.016

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Constitutionnalité et intention criminelle : une évaluation des normes pénales.

Résumé

Contexte de la Question Prioritaire de Constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée concerne l’interprétation de l’article 221-5 du code pénal, qui stipule qu’un dol spécial, c’est-à-dire une intention de nuire à la vie d’autrui, est nécessaire pour qualifier un acte d’empoisonnement. Cette QPC interroge la conformité de cette interprétation avec plusieurs articles de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, ainsi que des principes constitutionnels.

Applicabilité de la Disposition Législative Contestée

La disposition législative en question est applicable à la procédure en cours et n’a pas été précédemment déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Cela signifie que la question soulevée est pertinente et mérite d’être examinée dans le cadre de la législation actuelle.

Caractère Non Nouveau de la Question

Il est précisé que la question posée ne concerne pas l’interprétation d’une disposition constitutionnelle que le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion d’appliquer. Par conséquent, la question n’est pas considérée comme nouvelle, ce qui pourrait influencer son traitement.

Absence de Caractère Sérieux de la Question

La Cour a jugé que la question ne présente pas un caractère sérieux. En effet, le législateur a le pouvoir d’apprécier et de classer le crime d’empoisonnement parmi les atteintes volontaires à la vie, ce qui est conforme à la jurisprudence existante. Cette classification ne porte pas atteinte aux droits et libertés invoqués par les parties.

Garantie des Droits et Libertés

La garantie des droits et libertés est assurée par d’autres dispositions légales, notamment l’incrimination d’administration de substances nuisibles sans intention homicide, qui peut également être considérée comme criminelle. Cette disposition permet d’indemniser les préjudices causés, tout en maintenant la distinction avec le crime d’empoisonnement.

Conclusion de la Cour

En conséquence, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Cette décision a été prononcée en audience publique, affirmant ainsi la position de la Cour sur la question soulevée.

N° Q 24-90.016 F-D

N° 00299

5 FÉVRIER 2025

LR

QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 FÉVRIER 2025

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 4e section, par arrêt en date du 13 novembre 2024, reçu le 22 novembre 2024 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre personne non dénommée du chef, notamment, d’administration de substance nuisible.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de MM. [J] [U] [L], [K] [W], [V] [D], [A] [Y], Mmes [S] [I] [X] et [E] [F], épouse [T], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, l’avocat ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« La portée effective donnée par la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation à l’article 221-5 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, qui rend nécessaire la caractérisation d’un dol spécial, résidant dans une intention de son auteur d’attenter à la vie d’autrui, pour constituer le crime d’empoisonnement, méconnaît-elle les articles 4, 8 et 16 de la Déclaration du 26 août 1789 des droits de l’Homme et du citoyen, les articles 1, 2, 3, 4 et 5 de la Charte de l’environnement, l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946 et les articles 2, 34 et 72-3 de la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu’elle porte une atteinte excessive au principe de légalité des délits et des peines, au principe de clarté et de précision de la loi pénale, au principe de séparation des pouvoirs, au principe de fraternité, au principe de responsabilité civile, au droit à un recours effectif, au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, au droit à la protection de la santé, et au principe de nécessité des délits et des peines ? ».

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.

5. En effet, le législateur a pu décider, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de placer le crime d’empoisonnement dans la catégorie des atteintes volontaires à la vie ayant pour élément moral commun l’intention de donner la mort, ce que se borne à appliquer la jurisprudence critiquée, sans porter atteinte aux droits et libertés invoqués. Leur garantie est par ailleurs assurée par l’incrimination d’administration, en connaissance de cause, sans intention homicide, de toute substance nuisible ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui, qui est susceptible de présenter un caractère criminel et ouvre droit, au même titre que l’empoisonnement, à l’indemnisation des préjudices en ayant résulté.

6. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

 


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