Cour de cassation, 29 janvier 2025, Pourvoi n° 23-19.972
Cour de cassation, 29 janvier 2025, Pourvoi n° 23-19.972

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Rupture commerciale et indemnisation : enjeux de la réparation intégrale du préjudice

Résumé

Contexte de la relation commerciale

La société Wipelec a entretenu une relation commerciale avec la société Exxelia pendant de nombreuses années, fournissant des pièces de haute technologie. Cependant, en 2018, Wipelec a constaté une baisse significative des commandes de la part d’Exxelia, ce qui a conduit à une assignation en justice pour obtenir réparation du préjudice causé par cette rupture brutale de la relation commerciale.

Demande de dommages et intérêts

Wipelec a demandé des dommages et intérêts à Exxelia, arguant que la rupture de la relation commerciale avait été brutale et sans préavis. La cour d’appel a condamné Exxelia à verser 52 464,25 euros à Wipelec, tout en rejetant d’autres demandes de cette dernière. Wipelec a contesté cette décision, soutenant que l’indemnisation ne tenait pas compte de la perte de marge brute escomptée durant la période d’insuffisance de préavis.

Arguments de la cour d’appel

La cour d’appel a déterminé que la perte de marge due à la rupture non respectée s’élevait à 91 566,25 euros. Cependant, elle a déduit de ce montant les marges réalisées par Wipelec sur des commandes passées après la date de rupture, ce qui a conduit à la somme finale de 52 464,25 euros. Wipelec a contesté cette déduction, affirmant qu’elle violait le principe de réparation intégrale du préjudice.

Recevabilité du moyen

Exxelia a contesté la recevabilité du moyen soulevé par Wipelec, arguant qu’il était nouveau et mélangé de fait et de droit. Toutefois, la cour a jugé que le moyen était recevable, car il découlait directement de la décision attaquée.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a statué sur le bien-fondé du moyen en se référant à l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Elle a confirmé que la responsabilité de rompre brutalement une relation commerciale sans préavis engageait l’obligation de réparer le préjudice causé. La cour a également souligné que, dans le cas d’une rupture partielle, le préjudice devait être évalué uniquement sur la base de la marge brute escomptée pendant la durée du préavis.

Calcul de l’indemnisation

La Cour a recalculé le montant des dommages-intérêts dus à Wipelec. En tenant compte d’une marge moyenne mensuelle de 15 261 euros sur six mois, la perte de marge totale s’élevait à 91 566,25 euros. Après avoir déduit la marge réalisée au cours du second semestre 2018, la somme à verser à Wipelec a été fixée à 79 770,71 euros.

COMM.

HM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2025

Cassation partielle sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 48 F-D

Pourvoi n° J 23-19.972

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025

La société Wipelec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-19.972 contre l’arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société Exxelia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Wipelec, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Exxelia, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2023), depuis de nombreuses années la société Wipelec vend à la société Exxelia des pièces de haute technologie.

2. Soutenant avoir subi une baisse considérable des commandes de la part de la société Exxelia au cours de l’année 2018, la société Wipelec l’a assignée en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Exxelia conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.

6. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

7. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

8. Pour condamner la société Exxelia à verser à la société Wipelec la somme de 52 464,25 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir brutalement rompu leur relation commerciale établie en réduisant de manière drastique ses commandes à partir du 1er juillet 2018, sans respecter le préavis de six mois qu’elle devait à sa partenaire, l’arrêt retient que la perte de marge correspondant à la durée du préavis non respecté s’élève à la somme de 91 566,25 euros, mais que la rupture ayant été partielle, il convient de déduire de ce montant, la somme de 39 102 euros, correspondant aux marges réalisées sur les commandes passées par la société Exxelia au second semestre 2018, en 2019 et en 2020.

9. En statuant ainsi, alors qu’en cas de rupture partielle d’une relation commerciale établie, le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture s’évalue en considération de la diminution de la marge brute escomptée pendant la seule durée du préavis, la cour d‘appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Ainsi que l’a retenu la cour d’appel, par des motifs non critiqués, le taux de marge sur coûts variables réalisé par la société Wipelec est de 85 %, la marge moyenne mensuelle s’élève à 15 261 euros et, en conséquence, la perte de marge sur la durée du préavis non respecté est de 91 566,25 euros (15 261 euros x 6 mois).

13. Toutefois, la rupture ayant été partielle, il convient de déduire de cette somme les marges réalisées au second semestre 2018, correspondant au préavis non respecté de six mois. Le chiffre d’affaires réalisé par la société Wipelec avec la société Exxelia au cours de cette période est de 13 877,11 euros. La marge réalisée au cours du second semestre 2018 est donc de 11 795,54 euros (13 877 euros x 85 %).

14. Il y a dès lors lieu de condamner la société Exxelia a payer à la société Wipelec la somme de 79 770,71 euros (91 566,26 – 11 795,54 euros).

 


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