Saveur d’un produit : droits d’auteur exclus

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Position solennelle de la CJUE

Réunie en grande chambre, la CJUE a dit non : une saveur de produit alimentaire ne peut pas être qualifiée d’œuvre au titre du droit d’auteur. La notion d’« œuvre » implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente. En effet, d’une part, les autorités doivent pouvoir connaître avec clarté et précision les objets ainsi protégés. Il en va de même des particuliers, notamment des opérateurs économiques, qui doivent pouvoir identifier avec clarté et précision les objets protégés au profit de tiers, notamment de concurrents.

D’autre part, la nécessité d’écarter tout élément de subjectivité, nuisible à la sécurité juridique, dans le processus d’identification de l’objet protégé implique que ce dernier puisse faire l’objet d’une expression précise et objective. L’identification de la saveur d’un produit alimentaire repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables puisqu’elles dépendent, notamment, de facteurs liés à la personne qui goûte le produit concerné, tels que son âge, ses préférences alimentaires et ses habitudes de consommation, ainsi que de l’environnement ou du contexte dans lequel ce produit est goûté. En outre, une identification précise et objective de la saveur d’un produit alimentaire, qui permette de la distinguer de la saveur d’autres produits de même nature, n’est pas possible par des moyens techniques en l’état actuel du développement scientifique.

Conditions de la protection d’une œuvre

De nombreux motifs s’opposaient à cette protection. L’instabilité d’un produit alimentaire et le caractère subjectif de la perception gustative font obstacle à la qualification d’une saveur d’un produit alimentaire comme œuvre protégée au titre du droit d’auteur. De surcroît, les droits exclusifs de l’auteur d’une œuvre de propriété intellectuelle et les limitations auxquelles ces droits sont soumis seraient, en pratique, inapplicables aux saveurs.

Pour qu’un objet puisse revêtir la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 il importe que soient réunies deux conditions cumulatives : i) D’une part, il faut que l’objet concerné soit original, en ce sens qu’il constitue une création intellectuelle propre à son auteur (arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08) ; ii) D’autre part, la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C‑5/08, EU:C:2009:465, point 39, ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 159).

L’Union, bien que n’étant pas partie contractante à la convention de Berne, est néanmoins obligée, en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, auquel elle est partie et que la directive 2001/29 vise à mettre en œuvre, de se conformer aux articles 1er à 21 de la convention de Berne (arrêts du 9 février 2012, Luksan, C‑277/10, C‑510/10).  Or, aux termes de l’article 2 de la convention de Berne, les œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression. Par ailleurs, au sens de l’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et d l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ce sont les expressions et non les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels, qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur (CJUE, 2 mai 2012, SAS Institute, C‑406/10).

Le « Heksenkaas »

La solution de la CJUE a été rendue à propos du «  Heksenkaas », fromage à tartiner à la crème fraîche et aux fines herbes, créé par un marchand de légumes et de produits frais néerlandais. Par un contrat conclu au cours de l’année 2011 et en contrepartie d’une rémunération liée au chiffre d’affaires à réaliser sur sa vente, son créateur a cédé à Levola ses droits de propriété intellectuelle sur ce produit. A noter qu’un brevet pour la méthode de production du Heksenkaas a été demandé et octroyé.

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