Rupture abusive de pourparlers

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Rupture fautive de négociations avancées

Une rupture abusive de pourparlers peut aussi intervenir dans le cadre de la renégociation d‘un contrat de distribution commerciale et non uniquement dans un contexte de conclusion d’un nouveau contrat. La loi française est applicable (même si la partie lésée à son siège social hors de l’UE) dès lors que les réunions de négociation se sont tenues en France.

Distribution commerciale de produits cosmétiques

Un distributeur algérien de produits cosmétiques a obtenu la condamnation du groupe Clarins (par ricochet, alors qu’il poursuivait la société française Clarins), pour rupture abusive de pourparlers. La société Clarins Groupe, de droit luxembourgeois, filiale de la société Clarins, est spécialisée dans le commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté : elle vend à l’international les mêmes produits que la société Clarins. Elle possède un établissement secondaire en Suisse. Dans le cadre du litige en cause, la société Clarins Groupe avait annoncé à ses distributeurs une réorganisation générale de son département export. Le distributeur lésé avait alors fait adresser à la société Clarins Groupe une mise en demeure avec injonction soit de poursuivre les relations commerciales pendant une durée de deux ans aux conditions existantes, soit d’indemniser le préjudice subi du fait d’une rupture brutale des relations commerciales établies.

Rupture brutale de relations commerciales

Les juridictions françaises se sont déclarées compétentes pour trancher le litige sur le volet de la rupture brutale des relations commerciales (rupture brutale non retenue). L’action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale alléguée des liens commerciaux se rattachait à la matière contractuelle, les relations étant établies de longue date entre les parties sur une base contractuelle tacite. Même si la règle de conflit de loi de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite Rome I),  aboutissait, dans ce litige, à la désignation d’une loi étrangère, à partir du moment où l’action était portée devant une juridiction française, les lois de police françaises s’appliquaient. En effet, selon l’article 7.2, de la Convention : « Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ».

Or, il est constant que les dispositions de l’article L.442-6, I, 5 du code de commerce relèvent d’une loi de police au sens du texte précité, en ce qu’il s’agit de dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d’une certaine égalité des armes et de loyauté entre partenaires économiques et qui sont considérées comme indispensable pour l’organisation économique et sociale.

Droit français applicable

Les demandes de dommages et intérêts formées au titre de la rupture de pourparlers relève de la responsabilité extracontractuelle. A ce titre, le Règlement UE n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles pose que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.  Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s’applique. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays peut donc se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question.

Critères de la rupture des pourparlers

La liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d’un contrat, sans toutefois que les partenaires pressentis ne soient dispensés de participer loyalement aux négociations et de coopérer de bonne foi à l’élaboration d’un projet, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute pouvant donner lieu à réparation.

Pour apprécier le caractère fautif de la rupture de pourparlers contractuels, il convient de prendre en considération notamment la durée et l’état d’avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l’existence ou non d’un motif légitime de rupture, le fait pour l’auteur de la rupture d’avoir suscité chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé ou encore le niveau d’expérience professionnelle des participants.

En l’occurrence, les négociations ont duré plus de 3 années. De nombreux projets ont été échangés entre les parties pour finaliser l’accord. Or, les sociétés Clarins et Clarins Groupe ont régulièrement proposé des projets de contrats mais ont systématiquement modifié certains points substantiels notamment les conditions relatives à la fourniture de produits gratuits au distributeur. Enfin, la dernière version du contrat modifiait de manière très importante des points fondamentaux du contrat, sur lesquels les parties étaient d’accord auparavant après ces années de négociations, modifiant l’équilibre du contrat, notamment sa durée, trois années au lieu de cinq, les conditions de distribution, ou encore les modalités de fourniture de produits gratuits. Dès lors, cette modification substantielle par les sociétés Clarins et Clarins Groupe de points ayant fait l’objet d’un accord entre les parties après plus de trois années de pourparlers était fautive.

Préjudice de la rupture des pourparlers

La faute commise dans le droit de rupture unilatérale des pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains espérés de la conclusion du contrat. Le préjudice subi du fait de la rupture de pourparlers n’inclut que les frais de négociation et d’étude préalables. Le distributeur a obtenu la somme de 20.000 euros ainsi que près de 50 000 euros au titre des factures d’honoraires de son conseil.

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