Prolongation de la rétention administrative : enjeux de preuve et de diligence administrative.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de preuve et de diligence administrative.

L’Essentiel : X, de nationalité algérienne, est assisté par Me Léa Cohen dans une affaire de prolongation de rétention. Le 3 décembre 2024, le tribunal de Toulouse a ordonné une prolongation de 26 jours, confirmée par la cour d’appel. X a interjeté appel le 29 décembre, demandant sa remise en liberté. La préfecture a soutenu la prolongation, tandis que le ministère public n’a pas formulé d’observations. Malgré les contestations de X sur l’efficacité des démarches de la préfecture, le juge a conclu qu’il n’y avait pas de preuve d’impossibilité d’éloignement, confirmant ainsi l’ordonnance de prolongation.

Contexte de l’affaire

X, se présentant comme [Y] [G], est assisté par Me Léa Cohen, avocate au barreau de Toulouse. L’affaire se déroule en l’absence du représentant du Ministère public, tandis que M. [I] représente la préfecture du Tarn. Une ordonnance a été rendue concernant la prolongation de la rétention de X, qui se réclame de nationalité algérienne.

Ordonnances de rétention

Le 3 décembre 2024, le vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de X pour 26 jours, décision confirmée par la cour d’appel le 4 décembre 2024. Une nouvelle ordonnance du 28 décembre 2024 a prolongé cette rétention à la demande de la préfecture du Tarn.

Appel de X

X a interjeté appel de l’ordonnance de prolongation par l’intermédiaire de son conseil, avec un courrier reçu le 29 décembre 2024. Il demande la réformation de l’ordonnance et sa remise en liberté immédiate, soutenant ses arguments lors de l’audience du 30 décembre 2024.

Arguments de la préfecture

Le préfet, présent à l’audience, a demandé la confirmation de la décision de prolongation de la rétention. Le ministère public, bien que régulièrement avisé, n’a pas formulé d’observations.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les formes et délais légaux. La requête de la préfecture a été examinée, notamment en ce qui concerne les pièces justificatives nécessaires.

Analyse des précédents placements

X a fait valoir qu’il avait été placé à plusieurs reprises en centre de rétention administrative (CRA) sans identification, et que les éléments de ces placements n’étaient pas inclus dans la demande de prolongation. Cependant, ces pièces n’ont pas été considérées comme pertinentes pour la décision actuelle.

Conditions de prolongation de la rétention

Le juge a rappelé que la prolongation de la rétention est possible dans des cas spécifiques, tels que l’urgence ou des obstacles à l’éloignement. Il a également souligné que l’administration doit démontrer des diligences pour l’éloignement de l’étranger.

Diligences de la préfecture

X a contesté l’efficacité des démarches de la préfecture pour obtenir un laissez-passer consulaire, arguant d’un manque de preuves. Toutefois, la préfecture a fourni des éléments montrant qu’elle avait bien contacté les autorités consulaires algériennes et effectué des relances.

Confirmation de l’ordonnance

Le juge a conclu qu’il n’y avait pas de preuve que l’éloignement ne pourrait pas être exécuté avant la fin de la période maximale de rétention. Par conséquent, l’ordonnance de prolongation a été confirmée, et la décision a été notifiée aux parties concernées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public,

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement,

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement,

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?

L’article L741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ».

L’administration est donc tenue d’exercer toutes diligences à cet effet dès le placement en rétention.

Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement, au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement.

Ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours.

La démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’est exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention.

Quels sont les éléments à fournir pour justifier une demande de prolongation de rétention ?

Selon l’article R. 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la requête formée par l’autorité administrative doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu par l’article L. 744-2.

Il est donc essentiel que ces pièces soient distinguées de l’entier dossier.

Dans le cas présent, X se disant [Y] [G] a fait valoir qu’il avait fait l’objet de plusieurs placements en CRA sans jamais avoir été identifié, et que les éléments concernant ces placements ne figuraient pas parmi les pièces jointes à la requête en demande de prolongation.

Cependant, les pièces relatives à un précédent placement en rétention administrative ne constituent pas des pièces justificatives utiles dès lors qu’elles ne servent pas de fondement à la décision de prolongation de la mesure de rétention critiquée.

Comment le juge évalue-t-il la nécessité de la rétention administrative ?

Le juge doit apprécier si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement.

Cette évaluation se fait en tenant compte des éléments présentés par l’administration, notamment les diligences effectuées pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement.

Dans le cas présent, la préfecture a justifié avoir saisi les autorités consulaires algériennes d’une demande de laissez-passer consulaire et a produit une copie de cette demande.

Elle a également effectué une relance 26 jours plus tard.

Ainsi, le juge a considéré que l’administration avait effectué des diligences effectives, utiles et régulières, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1396

N° RG 24/01390 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QWZX

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 30 décembre 2024 à 14 h 00

Nous V. BAFFET-LOZANO, conseillère, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 12 décembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 28 décembre 2024 à 14H59 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

X se disant [Y] [G]

né le 07 Septembre 2004 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 29 décembre 2024 à 15 h 44 par courriel, par Me Léa COHEN, avocate au barreau de TOULOUSE,

A l’audience publique du 30 décembre 2024 à 11 h 00, assistée de M. POZZOBON, greffière avons entendu :

X se disant [Y] [G]

assisté de Me Léa COHEN, avocate au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

En l’absence du représentant du Ministère public régulièrement avisé ;

En présence de M. [I] représentant la PREFECTURE DU TARN ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Vu l’ordonnance du vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de Toulouse du 3 décembre 2024, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 4 décembre 2024, qui a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 26 jours de X se disant [Y] [G], se réclamant de nationalité algérienne’;

Vu l’ordonnance du 28 décembre 2024 du même juge qui a ordonné la prolongation de la rétention de l’étranger sur requête de la préfecture du Tarn du 27 décembre 2024 ;

Vu l’appel interjeté par X se disant [Y] [G] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 29 décembre 2024 à 15h44, soutenu oralement à l’audience, auquel il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite la réformation de l’ordonnance et sa remise immédiate en liberté.

Entendu les explications fournies par l’appelant et de son conseil, à l’audience du 30 décembre 2024′;

Entendu les conclusions orales du préfet, représenté à l’audience, qui sollicite la confirmation de la décision entreprise ;

Vu l’absence du ministère public, avisé de la date d’audience, qui n’a pas formulé d’observation.

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MOTIVATION

L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.

Sur l’irrecevabilité de la requête :

Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la requête formée par l’autorité administrative doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu par l’article L. 744-2. Il apparaît donc que ces pièces doivent être distinguées de l’entier dossier.

X se disant [Y] [G] fait valoir qu’il a fait l’objet de cinq précédents placements en CRA sans jamais avoir été identifié et que sa dernière libération du CRA date du 13 novembre 2024 et que les éléments concernant ces placements ne figurent pas parmi les pièces jointes à la requête en demande de prolongation et notamment les diligences effectuées par la préfecture qui auraient pu permettre un éloignement plus rapide.

Or, les pièces relatives à un précédent placement en rétention administrative ne constituent pas des pièces justificatives utiles dès lors qu’elles ne servent pas de fondement à la décision de prolongation de la mesure de rétention aujourd’hui critiquée.

La fin de non recevoir soulevée sera en conséquence rejetée.

Sur le fond :

Selon l’article L742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le juge des libertés et de la détention peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public,

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement,

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement,

b) de l’absence de moyens de transport,

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2,

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration étant tenue d’exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention.

Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention.

X se disant [Y] [G] soutient que la préfecture ne rapporte pas la preuve de l’envoi de la demande de délivrance d’un laissez-passer consulaire le 29 novembre 2024 et que la préfecture n’a effectué une relance que le 24 décembre 2024 soit 26 jours plus tard et qu’elle ne rapporte donc pas la preuve qu’elle a effectué des diligences effectives, utiles et régulières.

Comme valablement relevé par le premier juge, la préfecture a saisi les autorités consulaires algériennes le 29 novembre 2024 d’une demande de laissez-passer consulaire par mail dont elle produit la copie et les a relancées le 24 décembre 2024.

L’administration, qui n’a pas de pouvoir de contraintes sur ces autorités, justifie ainsi des diligences effectuées.

Par ailleurs, rien n’établit à ce stade de la procédure, que la mesure d’éloignement ne pourra pas être exécutée avant l’expiration de la durée maximale de rétention administrative de 90 jours.

Le moyen sera donc rejeté et l’ordonnance entreprise, confirmée.

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PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Confirmons l’ordonnance rendue par le vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de Toulouse le 28 décembre 2024,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture du Tarn, service des étrangers, à X se disant [Y] [G], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

M. POZZOBON V. BAFFET-LOZANO, Conseillère.


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