L’Essentiel : La SAS Bouygues Immobilier a lancé le projet « Efferve’Sens », impliquant la construction de 13 bâtiments résidentiels. Cependant, des infiltrations et des problèmes d’humidité ont été signalés par le syndicat des copropriétaires, entraînant une assignation en justice contre Bouygues Immobilier et son assureur Allianz IARD. En réponse, Bouygues a appelé d’autres parties à l’affaire pour une expertise commune. La cour a infirmé certaines décisions du juge des référés, notamment concernant l’expertise, tout en déboutant les demandes des parties intimées. Bouygues Immobilier a été condamnée aux dépens d’appel, soulignant les enjeux de responsabilité dans ce litige.
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Contexte de l’AffaireLa SAS Bouygues Immobilier a entrepris un projet immobilier nommé « Efferve’Sens », consistant en la construction de 13 bâtiments résidentiels sur un terrain spécifique. Pour ce projet, elle a souscrit une police d’assurance dommages-ouvrage auprès de la société Allianz IARD et a engagé divers professionnels pour la maîtrise d’œuvre, le contrôle technique et les travaux de couverture et de charpente. Problèmes SignalésLe syndicat des copropriétaires de la résidence a signalé des infiltrations et des signes d’humidité dans plusieurs appartements, notamment au dernier étage et sur les balcons. En réponse à ces problèmes, ils ont assigné plusieurs parties, y compris Bouygues Immobilier et Allianz IARD, devant le tribunal judiciaire de Reims pour demander une expertise et la communication de documents d’assurance. Interventions et Décisions JudiciairesBouygues Immobilier a ensuite appelé d’autres parties à l’affaire, y compris les entreprises responsables des travaux et leurs assureurs, afin que l’expertise soit commune. Le juge des référés a rendu une ordonnance qui a constaté le désistement de certaines parties, a ordonné une expertise, et a imposé des obligations de communication de documents à Bouygues Immobilier. Appel de Bouygues ImmobilierBouygues Immobilier a interjeté appel de l’ordonnance, demandant l’infirmation de certaines décisions, notamment celles qui l’ont déboutée de ses demandes contre les architectes et les entreprises impliquées. Elle a également demandé que les opérations d’expertise soient déclarées communes à toutes les parties. Arguments des PartiesM et Mme [J] ainsi que leurs assureurs ont soutenu que les demandes de Bouygues Immobilier étaient vouées à l’échec en raison de l’expiration du délai de garantie décennale et de l’absence de preuve d’une faute dolosive. De leur côté, les autres entreprises ont également demandé le rejet des demandes de Bouygues Immobilier, arguant que la responsabilité de cette dernière n’était pas établie. Décisions de la CourLa cour a infirmé certaines décisions du juge des référés, notamment en ce qui concerne la déclaration des opérations d’expertise comme communes. Elle a également débouté les demandes des parties intimées au titre des frais irrépétibles et a confirmé d’autres dispositions de l’ordonnance initiale. Bouygues Immobilier a été condamnée aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre de cette affaire ?L’article 145 du code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Dans le contexte de l’affaire, cet article a été invoqué par le syndicat des copropriétaires pour demander une expertise afin de constater les désordres liés aux infiltrations et signes d’humidité dans les appartements. L’ordonnance du juge des référés a ordonné une expertise, ce qui est conforme à l’article 145, car il y avait un motif légitime de préserver la preuve des faits avant le procès. Cela permet de garantir que les éléments de preuve soient recueillis de manière appropriée, ce qui est essentiel pour la résolution du litige. En conséquence, la SAS Bouygues Immobilier a également demandé que les opérations d’expertise soient déclarées communes, ce qui a été accepté par la cour, renforçant ainsi l’importance de l’article 145 dans la préservation des droits des parties. Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile dispose que : « La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans cette affaire, la SAS Bouygues Immobilier a été condamnée à verser des sommes à M et Mme [J], ainsi qu’à la société Le Bâtiment Associé et à la SMABTP, sur le fondement de cet article. La cour a considéré que, bien que la SAS Bouygues Immobilier ait demandé des frais irrépétibles, l’équité ne commandait pas de faire droit à ces demandes, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de référé sur ce point. Il est important de noter que l’article 700 vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits dans le cadre d’un litige, et la décision de la cour de débouter la SAS Bouygues Immobilier de ses demandes en frais irrépétibles souligne l’importance de la responsabilité dans le cadre des procédures judiciaires. Quelles sont les conséquences de la prescription de la garantie décennale dans cette affaire ?La garantie décennale est régie par l’article 1792 du code civil, qui stipule que : « Les constructeurs d’un ouvrage sont responsables de plein droit envers le maître de l’ouvrage des désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination, et ce, pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux. » Dans cette affaire, il a été soutenu que l’action de la SAS Bouygues Immobilier au titre de la garantie décennale serait forclose, car plus de dix ans s’étaient écoulés depuis la réception des ouvrages. Cependant, la SAS Bouygues Immobilier a fait valoir qu’il pourrait exister une faute dolosive de la part des constructeurs, ce qui pourrait prolonger le délai de prescription. L’article 2224 du code civil précise que le délai de prescription pour une action en responsabilité est de cinq ans à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer son droit. Ainsi, si la SAS Bouygues Immobilier parvient à prouver l’existence d’une faute dolosive, cela pourrait lui permettre d’agir en justice au-delà du délai de la garantie décennale, ce qui souligne l’importance de la distinction entre les différents types de responsabilité dans le droit de la construction. Quels sont les enjeux liés à la responsabilité des différents acteurs dans cette affaire ?La responsabilité des différents acteurs est régie par plusieurs articles du code civil, notamment l’article 1792 et l’article 1792-1, qui établissent la responsabilité des constructeurs et des maîtres d’œuvre. L’article 1792-1 précise que : « Le maître d’ouvrage est responsable des désordres qui affectent l’ouvrage, sauf à prouver qu’ils résultent d’une cause étrangère. » Dans cette affaire, la SAS Bouygues Immobilier, en tant que maître d’ouvrage, a été assignée en responsabilité pour les désordres constatés. Elle a tenté de se décharger de cette responsabilité en invoquant le fait qu’elle avait confié la maîtrise d’œuvre à des professionnels, tels que M et Mme [J] et la société Socotec. Cependant, la cour a noté que la SAS Bouygues Immobilier ne pouvait pas écarter sa responsabilité sans prouver l’absence de faute de la part des autres intervenants. Cela soulève des questions sur la répartition des responsabilités entre le maître d’ouvrage et les différents sous-traitants, ainsi que sur la nécessité pour chaque partie de démontrer sa bonne foi et l’absence de faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles. En conclusion, cette affaire met en lumière les complexités de la responsabilité dans le domaine de la construction et l’importance de la preuve dans le cadre des litiges. |
du 26 novembre 2024
N° RG 24/00693 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPPF
S.A.S. BOUYGUES IMMOBILIER
c/
[J]
[J]
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
S.A.S. LE BATIMENT ASSOCIE
S.A.M.C.V. SMABTP)
S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION
S.A. AXA FRANCE IARD
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS
la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES
la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS ROGER
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024
APPELANTE :
d’une ordonnance de référé rendue le 25 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de REIMS
La société BOUYGUES IMMOBILIER, société à actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 562.091.546, dont le siège social est situé [Adresse 2] [Localité 13], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Martin BOELLE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Noémie RELIER de l’A.A.R.P.I. LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur [P] [J]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Antoine MOREL de la SELARL MOREL-THIBAUT, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
* * * *
Madame [D] [J]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Antoine MOREL de la SELARL MOREL-THIBAUT, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
* * * *
La société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro C 477 672 646 dont le siège est située [Adresse 1] [Localité 9], agissant poursuites et diligences de ses
représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en qualité d’assureur de M. [P] [J] et de Mme [D] [J],
Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Antoine MOREL de la SELARL MOREL-THIBAUT, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant
* * * *
La société LE BATIMENT ASSOCIE, société par actions simplifiée au capital de 300.960€, dont le siège est situé [Adresse 16] [Localité 6], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de REIMS sous le numéro B 316 464 171, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Colette HYONNE de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS ROGER, avocat au barreau de REIMS
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La société SMABTP, société mutuelle d’assurances immatriculée au registre de commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 775 684 764 dont le siège est situé [Adresse 12] [Localité 10], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Colette HYONNE de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS ROGER, avocat au barreau de REIMS
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La société Socotec Construction, société par actions simplifiée dont le siège est situé [Adresse 4] [Localité 11], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 834 157 513, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Non comparante ni représentée, bien que régulièrement assignée
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La société Axa France IARD, société anonyme, au capital de 214 799 030,00 euros immatriculée au registre de commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 722 057 460 dont le siège est situé [Adresse 3] [Localité 14], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en qualité d’assureur de la SAS SOCOTEC CONSTRUCTION,
Non comparante ni représentée, bien que régulièrement assignée
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COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition
DEBATS :
A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024,
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La SAS Bouygues Immobilier a réalisé, en qualité de maître d’ouvrage, une opération immobilière dénommée » Efferve’Sens » sur un terrain situé [Adresse 5] à [Localité 15], consistant en la construction de 13 bâtiments à usage d’habitation, réalisée en deux tranches.
Pour ce faire, elle a souscrit une police dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la société Allianz IARD.
Et elle a confié :
– La maîtrise d »uvre à M [P] [J] et Mme [D] [J], assurés auprès de la Mutuelle des Architectes Français (la MAF),
– La mission de contrôle technique à la société Socotec, assurée auprès de la SA Axa France IARD,
– Le lot couverture à l’EURL Paillas Laurent, assurée auprès de la société Areas Dommages,
– Le lot charpente bois à la société Le Bâtiment Associé, assurée auprès de la SMABTP.
Les divers lots composant l’ensemble immobilier, placé sous le statut de la copropriété, ont été vendus en l’état futur d’achèvement.
Invoquant des infiltrations et signes d’humidité dans plusieurs appartements en dernier étage et au niveau des balcons et loggias, le syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » a, par actes des 27, 28 et 29 juillet 2023, fait assigner la société Bouygues Immobilier, la société Allianz IARD en qualité d’assureur dommages-ouvrage de Bouygues Immobilier, l’EURL Paillas Laurent, la société Areas Dommages en qualité d’assureur responsabilité décennale de cette dernière, la société Semper Fidelis et la société SOCAF en qualité de caution et d’assureur RCP de la société Semper Fidelis devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims afin de voir ordonner une expertise sur le fondement de l’article 145 code de procédure civile et de voir enjoindre aux sociétés Semper Fidelis et Allianz IARD de communiquer la totalité des éléments des dossiers d’assurance DO et à la société Bouygues Immobilier, de communiquer le CCTP.
Par acte des 14, 15, 19 et 20 septembre 2023, la SAS Bouygues Immobilier a fait appeler en la cause la société Le Bâtiment Associé et son assureur, la SMABTP, l’EURL Paillas et son assureur Areas Dommages, M et Mme [J] et leur assureur, la MAF, la société Socotec Construction et son assureur, la société Axa France IARD afin que les opérations d’expertise leur soit déclarée commune.
Par ordonnance du 25 avril 2024, le juge des référés a :
– Constaté le désistement du syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » à l’encontre de la SOCAF,
– Déclaré recevable les interventions forcées effectuées à l’initiative de la SAS Bouygues Immobilier,
– Débouté la SAS Bouygues Immobilier et le syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » de leurs demandes à l’encontre de M et Mme [J] et leur assureur la MAF, la société SOCOTEC et son assureur Axa France IARD, la société Le Bâtiment Associé et son assureur la SMABTP,
– Ordonné une expertise et désigné pour ce faire M [H] [C],
– Dit que le syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » devra consigner par un chèque établi à l’ordre du régisseur d’avances et de recettes du tribunal une provision de 3 000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert,
– Dit que la société Bouygues Immobilier devra communiquer le cahier des charges générales, particulières et techniques pour ce qui concerne les éléments de couverture et zinguerie,
– Débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » de sa demande de production de pièces sous astreinte à l’encontre de Semper Fidelis,
– Condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence » Efferve’Sens » à payer une somme de 2 000 euros à la SOCAF au titre de ses frais irrépétibles,
– Condamné la société Bouygues Immobilier à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
o La somme de 1 500 euros à M et Mme [J],
o 1 000 euros à Le Bâtiment Associé,
o 1 000 euros à la SMABTP,
– Rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles formées par la société Bouygues Immobilier, la société Allianz IARD, Paillas Laurent EURL, Areas Dommages et Semper Fidelis,
– Condamné la SAS Bouygues Immobilier aux dépens de l’instance.
La SAS Bouygues Immobilier a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 29 avril 2024, en intimant M et Mme [J], la MAF, la SAS Socotec Construction, la SA Axa France IARD, la SAS Le Bâtiment Associé et la SMABTP.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2024, la SAS Bouygues Immobilier demande à la cour :
– L’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle l’a déboutée, avec le syndicat des copropriétaires, de sa demande à l’encontre de M et Mme [J] et leur assureur la MAF, la société Socotec et son assureur la société Axa France IARD, la société Le Bâtiment Associé et son assureur la SMABTP, en ce qu’elle la condamne sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejette ses demandes au titre des frais irrépétibles et la condamner aux dépens de l’instance,
– De déclarer communes l’ordonnance de référé du 25 avril 2024 et les opérations d’expertise à :
o la société Le Bâtiment Associé et son assureur la SMABTP,
o M et Mme [J] et leur assureur la MAF,
o la société Socotec et son assureur la société Axa France IARD,
– De condamner in solidum la société Le Bâtiment Associé et son assureur la SMABTP, M et Mme [J] et leur assureur, la MAF, la société Socotec Construction et son assureur la société Axa France IARD à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
La société Bouygues Immobilier soutient que le juge des référés ne peut préjuger de l’absence de faute dolosive et de responsabilité des parties qu’il a mis hors de cause, en lien avec les désordres dénoncés par le syndicat des copropriétaires.
Elle prétend que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas une faute délibérée et consciente de sa part et entend rappeler qu’elle est intervenue en qualité de maître d’ouvrage et vendeur en l’état futur d’achèvement, sans assumer un quelconque rôle technique, ayant confié une telle mission à des locateurs d’ouvrage. Elle en conclut qu’elle ne saurait assumer une quelconque responsabilité d’ordre technique dans la survenance des désordres litigieux.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2024, M et Mme [J] et la MAF sollicitent :
– la confirmation de l’ordonnance en toutes ses dispositions,
– le rejet de toutes les demandes, fins et prétentions de la SAS Bouygues Immobilier,
– la condamnation de la SAS Bouygues Immobilier à leur payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de la SAS Bouygues immobilier aux dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Hermine Avocats Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Ils affirment que toute action au fond de la SAS Bouygues Immobilier à l’encontre de M et Mme [J] serait manifestement vouée à l’échec en ce que, d’une part, le délai de la garantie décennale est expiré compte tenu de la date de réception des ouvrages, d’autre part, il lui faudrait démontrer que les désordres résultent du comportement de M et Mme [J] qui auraient, de propos délibéré, même sans intention de nuire, violé par dissimulation ou par fraude leurs obligations contractuelles.
Or, ils estiment que la société Bouygues Immobilier n’indique, à hauteur d’appel, aucun élément permettant d’établir la réalité d’une faute dolosive commise par les architectes à l’origine des désordres dénoncés par le syndicat des copropriétaires.
Par conclusions notifiées le 17 juillet 2024, la SAS Le Bâtiment Associé et la SMABTP demandent à la cour de :
– débouter la société Bouygues Immobilier de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
– condamner la société Bouygues Immobilier à leur verser à chacune une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour ne ferait pas droit à leur argumentation,
– leur donner acte de leurs protestations et réserves d’usage quant à la demande d’extension de la mesure d’expertise,
– débouter la société Bouygues Immobilier de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
– condamner la société Bouygues Immobilier aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Badré Hyonne Sens Salis Roger, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Ces sociétés estiment que l’action au fond est manifestement vouée à l’échec en ce que le délai d’épreuve de 10 ans depuis la réception, est expiré et en ce que le que la société Bouygues Immobilier reste taisante sur l’existence d’un dol, c’est-à-dire d’une faute intentionnelle de son auteur, puisqu’elle n’évoque aucun élément qui pourrait se rattacher de près ou de loin à un dol dont elle aurait elle-même été victime.
Elle ajoute que les éléments invoqués par le syndicat des copropriétaires reposant sur le dol susceptible d’être reproché à la société Bouygues Immobilier et à l’entreprise Paillas Laurent sont totalement étrangers à la société Le Bâtiment Associé.
La SAS Socotec Construction et la SA Axa France IARD n’ont pas constitué avocat.
La déclaration d’appel leur a été signifiée à personne le 21 juin 2024.
Sur l’expertise
Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L’ensemble des intimés fait valoir que l’action éventuelle de la société Bouygues Immobilier au titre de la garantie décennale serait forclose dès lors qu’il s’est écoulé plus de dix ans depuis la réception de l’ouvrage.
Cependant, la société Bouygues Immobilier soutient qu’il n’est pas possible d’exclure la possibilité d’une faute dolosive de ceux-ci. Or, l’action fondée sur l’existence d’une faute dolosive est soumise au délai de prescription de droit commun prévu par l’article 2224 du code civil, dont aucune partie ne soutient qu’elle serait acquise.
La responsabilité des constructeurs à raison d’une telle faute peut être invoquée contre les constructeurs par le maître de l’ouvrage qu’est la SAS Bouygues Immobilier, dont la propre responsabilité est recherchée par le syndicat des copropriétaires qui ont acquis l’ouvrage après achèvement.
L’existence d’une faute dolosive suppose que le constructeur, de propos délibéré, même sans intention de nuire, a violé par dissimulation ou fraude ses obligations contractuelles (3e Civ., 27 juin 2001, pourvoi n° 99-21.017).
Se référant à cette définition de la faute dolosive, M et Mme [J] et leur assureur estiment qu’il serait nécessaire que la SAS Bouygues Immobilier démontre que les désordres en cause résultent de leur comportement et qu’ils auraient de propos délibéré, même sans intention de nuire, violé par dissimulation ou par fraude leurs obligations contractuelles. Ils font reproche à l’appelante de n’indiquer à hauteur d’appel aucun élément permettant d’établir la réalité d’une faute dolosive commise par les architectes.
Mais le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque, puisque cette mesure est justement destinée à les établir. Et la SAS Bouygues Immobilier fait valoir que M et Mme [J] étaient investis d’une mission d’architecte, mais aussi de maîtrise d »uvre d’exécution et considère dès lors qu’il leur appartenait nécessairement de relever des désordres ou non-conformités constitutives d’une faute dolosive des constructeurs et de les dénoncer en cours de travaux lors des réunions de chantier.
A cet égard, il convient de relever que l’expert judiciaire a d’ores et déjà noté » de nombreuses malfaçons, non façons et non conformités au DTU 40.41 » (compte-rendu de la réunion d’ouverture des travaux d’expertise du 27 juin 2024).
La société Bouygues Immobilier s’interroge sur la raison pour laquelle et M et Mme [J] n’ont formulé aucune réserve, ni aucune observation en cours de travaux si ces non-conformités étaient si nombreuses et si flagrantes, de sorte que son action contre la maîtrise d »uvre n’apparaît pas manifestement vouée à l’échec au regard des premières constatations de l’expert et qu’il est de l’intérêt même de M et Mme [J] de pouvoir prendre part aux opérations de l’expertise en cours.
Il en va de même à l’égard de la SOCOTEC et de son assureur dès lors que l’expert indique dans un courrier aux avocats des parties du 19 juillet 2024 qu’il s’interroge sur le fait que les deux rapports finaux de contrôle technique ne mentionnent aucun avis défavorable sur le type de couverture, qui n’est pas celui qui est prescrit, et sur les très nombreuses malfaçons réalisées.
Quant à la société Le Bâtiment Associé, la SAS Bouygues Immobilier est légitime à soutenir qu’il n’est pas possible, à ce stade des opérations d’expertise, d’exclure définitivement sa responsabilité dès lors qu’elle était chargée du lot charpente bois et que ses ouvrages étaient étroitement imbriqués avec ceux de couverture et qu’ils pourraient être en partie à l’origine des désordres litigieux.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la SAS Bouygues Immobilier tendant à rendre les opérations d’expertise communes aux intimés, l’ordonnance du juge des référés étant infirmée de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Compte tenu de ce qui précède, l’équité ne commande pas de faire droit aux demandes des intimés fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et l’appel ; l’ordonnance de référé sera donc infirmée de ce chef.
La SAS Bouygues Immobilier, qui sollicite la mesure d’expertise, supportera la charge des dépens des deux instances et ses demandes en paiement au titre de ses frais irrépétibles seront rejetées, l’ordonnance de référé étant confirmée de ces chefs.
La SCP Hermine Avocats Associés et la SCP Badré Hyonne Sens Salis Roger seront autorisées à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance rendue le 25 avril 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Reims en ce qu’elle :
– déboute la SAS Bouygues Immobilier de sa demande à l’encontre de M [P] [J] et Mme [D] [J] et leur assureur la MAF, la société SOCOTEC et son assureur Axa France IARD, la société Le Bâtiment Associé et son assureur, la SMABTP,
– condamne la société Bouygues Immobilier à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
o la somme de 1 500 euros à M et Mme [J],
o 1 000 euros à la société Le Bâtiment Associé,
o 1 000 euros à la SMABTP,
Statuant de nouveau de ces chefs,
Déclare les opérations d’expertise ordonnées par la décision du juge des référés du tribunal judiciaire de Reims du 25 avril 2024 et confiées à M [H] [C], communes et opposable à M [P] [J] et Mme [D] [J] et leur assureur la MAF, la société SOCOTEC et son assureur Axa France IARD, la société Le Bâtiment Associé et son assureur, la SMABTP,
Déboute M [P] [J] et Mme [D] [J], la société Le Bâtiment Associé et la SMABTP de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Confirme l’ordonnance pour le surplus de ses dispositions déférées à la cour,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes en paiement au titre de leurs frais irrépétibles d’appel,
Condamne la SAS Bouygues Immobilier aux dépens d’appel,
Autorise la SCP Hermine Avocats Associés et la SCP Badré Hyonne Sens Salis Roger à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente
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