Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2024, RG n° 23/13459
Cour d’appel de Paris, 9 septembre 2024, RG n° 23/13459

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Résumé

La société Ruze, spécialisée dans le commerce de céréales, a établi des relations d’affaires avec le Petit Pressoir. En 2021, des contrats d’achat ont été signés, mais des difficultés financières ont conduit à une suspension des poursuites. En décembre 2021, Ruze a cédé ses titres à la coopérative Ynovae. Des désaccords sur les livraisons de 2022 ont suivi, entraînant une assignation en justice. En juin 2023, le tribunal arbitral a condamné le Petit Pressoir à payer des sommes dues. Ce dernier a formé un recours en annulation, mais la cour d’appel a confirmé la sentence, condamnant le Petit Pressoir à verser des indemnités.

La société Ruze, spécialisée dans le commerce de céréales, et la société du Petit Pressoir, engagée dans la culture de céréales, ont entretenu des relations d’affaires, concluant en 2021 plusieurs contrats d’achat de céréales. En raison de difficultés financières, la société du Petit Pressoir a bénéficié d’une suspension provisoire des poursuites en février 2021. En décembre 2021, Ruze a annoncé la cession de ses titres à la coopérative Ynovae. En juin 2022, des désaccords ont émergé concernant des engagements de livraison pour la récolte 2022, Ruze affirmant que le Petit Pressoir n’avait pas respecté ses obligations. Après plusieurs mises en demeure et une sommation, Ruze a assigné le Petit Pressoir devant le tribunal de commerce, puis a saisi la chambre arbitrale en février 2023, invoquant une clause compromissoire. Le tribunal arbitral a rendu une sentence en juin 2023, condamnant le Petit Pressoir à payer des sommes dues à Ruze. Ce dernier a formé un recours en annulation contre cette sentence, arguant de la dissolution de Ruze et de manquements d’impartialité des arbitres. La société Eragrain, venant aux droits de Ruze, a demandé le rejet de ce recours et la confirmation de la sentence arbitrale. La cour a finalement rejeté les moyens d’annulation et a confirmé la sentence, condamnant le Petit Pressoir à verser des indemnités à Eragrain.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/13459
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

POLE 5 CHAMBRE 16

ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2024

(n° 69 /2024 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/13459 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CICXG

Décision déférée à la Cour : sentence rendue à Paris le 12 juin 2023 par la Chambre Arbitrale Internationale de Paris (tribunal arbitral composé des co-arbitres, MM. [V] [D] et [M] [J] et de l’arbitre président, M. [B] [G], statuant, en amiable composition). AFF N° 3351

DEMANDERESSE AU RECOURS :

SCEA DU PETIT PRESSOIR

société civile d’exploitation acricole, inscrite au RCS de SENS sous le n° 480 371 731,

ayant son siège social : [Adresse 1]

prise en la personne de son gérant,

Ayant pour avocat postulant : Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant : Me Damien FOSSEPREZ, de la SELARL LYAND & FOSSEPREZ, avocat au barreau d’AUXERRE

DEFENDERESSE AU RECOURS :

Société ERAGRAIN,

anciennement dénommée SENAGRAIN,

société par actions simplifiée, inscrite au RCS de SENS sous le n° 706 480 209,

ayant son siège social : [Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux,

venant aux droits de la société RUZE à la suite d’une fusion-absorption en date du 1er juin 2023

Ayant pour avocat postulant : Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant : Me Vincent BENEZECH, du cabinet HFW, avocat au barreau de PARIS, toque : J040

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL,présidente de chambre et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, Présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère

Mme Marie LAMBLING, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sonia JHALLI

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie LAMBLING, conseillère ayant participé au délibéré conformément aux dispositions de l’article 452 du code de procédure civile, et par Mme Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

FAITS ET PROCEDURE

La société Ruze est une société spécialisée dans le commerce de grosses céréales, de semences et d’aliments pour le bétail.

La société du Petit Pressoir est une société agricole exerçant une activité de culture de céréales.

La société Ruze et la société du Petit Pressoir entretiennent des relations d’affaires croisées.

En 2021, la société du Petit Pressoir et la société Ruze auraient conclu 11 contrats (ci-après « les contrats ») aux termes desquels la société Ruze aurait acheté des céréales à la société du Petit Pressoir, les parties ne s’accordant pas sur ce point.

Par ordonnance du 23 février 2021, la société du Petit Pressoir a fait l’objet d’une suspension provisoire des poursuites à son égard pour un délai de deux mois et un conciliateur a été nommé, publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (ci-après « BODACC ») le 24 mars 2021.

Le 13 décembre 2021, la société Ruze a informé la société du Petit Pressoir que ses titres seraient cédés à la coopérative agricole Ynovae ce qui a été effectué le 31 mars 2022.

Le 22 juin 2022, la société du Petit Pressoir a adressé un courriel à la société Ruze concernant la cession de celle-ci aux termes duquel elle indique qu’elle « n’a pas eu le choix que de terminer la saison d’intrant puisque les règles du jeu ont changé au mois de mars » et elle « rencontrerait M. [L] si besoin au moment de régler mes encours courant août, comme à mon habitude depuis 2001. »

Le 23 juin 2022, la société Ruze a, à son tour, indiqué à la société du Petit Pressoir que celle-ci avait, « pour la récolte 2022, souscrit des engagements de livraisons à hauteur de 1 860 tonnes pour une valorisation de 464 120.50 € » et qu’« à ce jour, aucune livraison n’a été effectuée ».

Le 27 juillet 2022, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société du Petit Pressoir a demandé à la société Ruze de lui communiquer « les bons de commandes, les conditions générales de vente et les bons de livraison afin d’examiner le principe de l’obligation et le montant de la dette. » et a indiqué qu’elle n’avait pas « souscrit d’engagement dans de telles conditions. »

Le 12 août 2022, la société Ruze a adressé à la société du Petit Pressoir, par voie d’huissier, une sommation d’avoir à effectuer les livraisons correspondant aux contrats d’achat portant les numéros Ct08082 ; Ct08115 ; Ct08114 ; Ct08254 ; Ct08255 ; Ct08256 ; Ct08360 ; Ct08362 ; Ct08361, dans les délais prévus par lesdits contrats, soit les 15 et 16 août 2022.

Le 19 août 2022, par lettre recommandée avec avis de réception et courriel, la société Ruze a mis en demeure la société du Petit Pressoir de régler la somme de 227.406,39 euros, correspondant à la totalité des impayés, sous 8 jours.

Le 3 octobre 2022, la société Ruze a adressé à la société du Petit Pressoir une lettre recommandée constatant un défaut de livraison sur les contrats Ct08115, Ct08254, Ct08360, Ct08114, Ct08255, Ct08362, Ct08082, Ct08256 et Ct08361. Puis le 17 octobre 2022, pour les contrats Ct08257 et Ct08363.

Le 2 novembre 2022, la société Ruze a mis en demeure la société du Petit Pressoir d’avoir à lui payer la somme de 239.587,50 euros à titre d’indemnité pour la non-exécution des contrats (calculée en application de la formule Incrograin n°19).

Le 20 décembre 2022, la société Ruze a assigné la société du Petit Pressoir à comparaitre devant le tribunal de commerce de Sens en vue de la faire condamner à lui payer la somme de 227.406,39 euros outre les sommes de 10.000 euros pour résistance abusive et 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 3 février 2023, la société Ruze a saisi la chambre arbitrale sur le fondement de la clause compromissoire prévue dans la demande d’ouverture de compte signée par la société du Petit Pressoir selon laquelle : « Toute contestation survenant sur les contrats d’achat de céréales et oléo-protéagineux entre l’acheteur et le vendeur, même celle concernant son existence et la validité sera jugée en dernier ressort par la Chambre Arbitrale de Paris ([Adresse 3]) conformément au règlement de celle-ci que les parties déclarent connaitre et accepter. » La société Ruze ajoute que chacune des confirmations écrites des contrats présente une clause compromissoire dont les termes sont les suivants : « Toute contestation survenant entre l’acheteur ayant conclu le présent contrat, même celle concernant son existence et la validité sera jugée en dernier ressort par la Chambre Arbitrale de Paris ([Adresse 3]), conformément au règlement de celle-ci que les parties déclarent connaître et accepter (www.arbitrage.org). Le tribunal arbitral statuera comme amiable compositeur. » et que tant la demande d’ouverture de compte que les contrats se réfèrent aux formules Incograin n°19 et 20.

Le 9 mai 2023, s’est tenue l’audience du tribunal en amiable composition.

Par sentence du 12 juin 2023, le tribunal arbitral, composé des co-arbitres, MM. [V] [D] et [M] [J] et de l’arbitre président, M. [B] [G], statuant, en amiable composition, a :

– Condamné la société du Petit Pressoir à payer la somme de 239.587,50 euros à la société Ruze, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande d’arbitrage formée par cette dernière et jusqu’à complet paiement de cette somme ;

– Condamné la société du Petit Pressoir à payer à la société Ruze les frais d’arbitrage que celle-ci a versés par provision, ainsi que les frais éventuels d’exécution de la sentence ;

– Condamné la société du Petit Pressoir à payer à la société Ruze la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté les Parties de leurs autres demandes contraires ou plus amples.

La société du Petit Pressoir a formé un recours en annulation contre cette sentence devant la cour d’appel de Paris le 11 juillet 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2023, la société du Petit Pressoir demande à la cour de bien vouloir :

– Annuler la sentence arbitrale rendue le 12 juin 2023 par la Chambre Arbitrale Internationale de Paris au profit de la société Ruze, laquelle était dissoute et absorbée par la société Eragrain depuis le 19 avril 2023,

À défaut,

– Annuler la sentence arbitrale rendue le 12 juin 2023 par la Chambre Arbitrale Internationale de Paris au profit de la société Ruze en raison du non-respect des obligations d’impartialité et d’indépendance que devaient garantir les arbitres,

Sur l’évocation au fond, et statuant à nouveau,

À titre principal :

– Constater que la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze ne fournit aucune preuve d’une obligation juridique de livraison de céréales et d’oléagineux de la société du Petit Pressoir concernant les produits récoltés lors de la moisson 2022,

– Constater que la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze ne fournit aucune preuve d’un engagement oral,

– Débouter la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze de l’ensemble des demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire :

– Constater que le marché des céréales, tout comme celui-ci des engrais et produits phytosanitaires a été impacté par l’inflation des prix générés par la guerre en Ukraine en 2022, et que cette circonstance engendre une obligation de renégociation des contrats pour l’imprévision,

– Constater que la demande financière de la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze consistant en une perte de chiffre d’affaires n’est pas justifiée,

– Constater que la demande fondée sur une perte de chiffre d’affaires est disproportionnée

– Ordonner à la société du Petit Pressoir de livrer les quantités prévues aux contrats 2022, et selon les prix des contrats 2022, au moyen de la récolte 2023,

– Rejeter les demandes de la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze pour le surplus.

En tout état de cause :

– Condamner la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze à payer la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à la société du Petit Pressoir.

– Condamner la société Eragrain venant aux droits de la société Ruze aux entiers dépens d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, la SAS Eragrain anciennement dénommée Senograin venant aux droits de la société Ruze (ci-après dénommée la société Eragrain) demande à la cour de :

A titre principal,

– Débouter la société du Petit Pressoir de l’intégralité de ses prétentions,

– Rejeter le recours en annulation formé par la société du Petit Pressoir à l’encontre de la sentence arbitrale en date du 12 juin 2023,

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse extraordinaire où la sentence arbitrale serait annulée, et statuant à nouveau au fond dans le cadre de son pouvoir d’évocation,

– Condamner la société du Petit Pressoir à payer à la SAS Eragrain la somme en principal de 239.587,50 euros, assortie des intérêts de retard à compter du jour du défaut et jusqu’au complet paiement,

– Condamner la société du Petit Pressoir à payer à la SAS Eragrain la somme de 2.176,05 euros en remboursement des frais d’huissier et de courtier assermenté.

– Débouter la société du Petit Pressoir de l’intégralité de ses prétentions,

En tout état de cause,

– Condamner la société du Petit Pressoir à payer à Eragrain une indemnité de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société du Petit Pressoir aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le moyen tiré du défaut de droit d’action de la société Ruze, dissoute

‘ Moyens des parties

La société du Petit Pressoir fait valoir qu’en raison de la fusion intervenue entre la société Ruze et la société Senograin, devenue Eragrain, celle-ci n’existe plus depuis le 12 avril 2023 dans la mesure où elle n’a ni patrimoine, ni représentant légal. Elle soutient ainsi que la société Ruze ne pouvait pas intervenir devant la chambre arbitrale dans la mesure où elle n’avait aucun droit d’action et donc, in fine, pas de capacité à agir.

La société Eragrain, venant aux droits de la société Ruze par fusion-absorption réplique qu’un éventuel défaut du droit d’agir n’entre pas dans les dispositions de l’article 1492 du code de procédure civile et ne saurait justifier une annulation de la sentence. Sur le fond, elle allègue que la sentence n’est affectée d’aucune irrégularité puisqu’elle a valablement succédé aux droits de la société Ruze par la fusion-absorption intervenue le 19 avril 2023, et ce nonobstant son absence à l’instance (Cass. Civ. 3ème, 4 mars 2021, n° 20-14.234).

‘ Réponse de la cour

L’article 1492 du code de procédure civile prévoit que le recours en annulation n’est ouvert que si :

1° Le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ou

2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ou

3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ou

4° Le principe de la contradiction n’a pas été respecté ou

5° La sentence est contraire à l’ordre public ou

6° La sentence n’est pas motivée ou n’indique pas la date à laquelle elle a été rendue ou le nom du ou des arbitres qui l’ont rendue ou ne comporte pas la ou les signatures requises ou n’a pas été rendue à la majorité des voix.

Il en résulte que l’énumération des cas de recevabilité du recours en annulation est limitative.

Dès lors la société du Petit Pressoir ne peut solliciter l’annulation de la sentence au motif que la société Ruze, ayant été absorbée par fusion le 19 avril 2023, n’avait plus d’existence juridique et était dépourvue du droit d’action. Il lui appartenait de soulever l’irrecevabilité de la demande de la société Ruze pour défaut du droit d’agir devant le tribunal arbitral. Le moyen est rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut d’impartialité et d’indépendance de tribunal arbitral

‘ Moyens des parties

La société du Petit Pressoir fait valoir qu’elle n’a pas été destinataire de la liste des arbitres avant l’audience et que ce n’est qu’à réception de la sentence qu’elle a découvert des liens financiers entre la société Ruze, absorbée par Eragrain, et les arbitres. Elle considère ainsi que le tribunal arbitral n’était pas impartial ni indépendant. Elle allègue que M. [M] [J], co-arbitre, a des liens avec la société Eragrain au motif qu’il siège au conseil d’administration de la société Fidicoop aux côtés de la coopération 110 Bourgogne, membre de l’union des coopératives Seineyonne, dont la coopérative Ynovae, associée unique de la société Ruze est également membre.

Elle ajoute que M. [V] [D] a également des liens avec la société Eragrain au motif qu’il a été directeur général de [Adresse 4], en partie détenue par l’Union In Vivo, coopérative qui regroupe 185 coopératives agricoles et dont fait également partie110 Bourgogne, elle-même liée à Ynovae.

En premier lieu, la société Eragrain réplique que le moyen soulevé par la société du Petit Pressoir est irrecevable dès lors que cette dernière n’a émis aucune contestation sur la constitution du tribunal au cours de la procédure d’arbitrage. Elle rappelle qu’en l’absence de désignation par la société du Petit Pressoir d’un arbitre dans les délais prescrits par le Règlement d’arbitrage, le Président de la chambre arbitrale a désigné M. [M] [J] comme co-arbitre et M. [B] [G] comme président du tribunal arbitral, que les trois arbitres ont régularisé des déclarations d’indépendance et d’impartialité sans réserve, qui ont été communiquées aux deux parties et qu’il appartenait en conséquence à la société du Petit Pressoir d’exercer son droit de récusation.

En second lieu, la société Eragrain fait valoir que les liens invoqués sont purement formels et manifestement trop lointains pour avoir une incidence sur l’impartialité et l’indépendance des arbitres. Elle estime qu’il s’agit d’une contestation artificielle uniquement destinée à retarder l’exécution de la sentence.

‘ Réponse de la cour

L’article 1456 alinéa 2 du code de procédure civile dispose qu’il appartient à l’arbitre, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité et qu’il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l’acceptation de sa mission.

L’article 1466 du même code ajoute que la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir.

Si la société Eragrain indique n’avoir pris connaissance de la composition du tribunal qu’à réception de la sentence, elle ne produit aucune pièce étayant cette allégation. Au contraire, il résulte tant de la décision elle-même que du règlement d’arbitrage qu’elle a été dûment informée préalablement à la notification de la sentence de la composition du tribunal. En effet, en premier lieu, la sentence relate précisément la procédure d’arbitrage et mentionne (§26) que « le 6 mars 2023 par lettre recommandée avec avis de réception et courrier électronique, la CAIP a adressé aux parties une lettre par laquelle leur a été communiqué ce qui suit :

– [‘] et la lettre du 16 février 2023 avec la déclaration d’acceptation, de disponibilité, d’indépendance et d’impartialité de M. [V] [D] ;

– La désignation par le président de la CAIP, en application de l’article 11.1-a) du Règlement d’arbitrage de M. [M] [J] en qualité d’arbitre et de M. [B] [G] en qualité de président du tribunal arbitral ;

– Les Déclaration d’acceptation, de disponibilité, d’indépendance et d’impartialité de M. [M] [J] et [B] [G] ;

– La constitution du tribunal arbitral conformément à l’article 11.1-a) du Règlement d’arbitrage. »

En second lieu, le Règlement d’arbitrage confirme, à son article 12, que la déclaration d’acceptation, de disponibilité d’impartialité et d’indépendance qui est adressée à la CAIP est transmise aux parties (12.2).

Ainsi, la société du Petit Pressoir qui était représentée à la procédure, a adressé des conclusions au tribunal arbitral et a été entendue par l’intermédiaire de son conseil lors de l’audience, avait toute possibilité pour solliciter la récusation des arbitres.

En outre, contrairement à ce qu’elle soutient, l’absorption de la société Ruze par la société Eragrain, en cours de la procédure d’arbitrage, est sans effet sur l’impartialité et l’indépendance des arbitres. En effet, la société Ynovae dont elle évoque les liens avec les co-arbitres et qui est devenue l’actionnaire unique de la société Eragrain était déjà l’actionnaire unique de la société Ruze.

En conséquence, dès lors qu’en toute connaissance des circonstances susceptibles d’affecter le jugement des arbitres, la société du Petit Pressoir s’est abstenue d’engager une procédure de récusation à leur encontre, elle n’est plus recevable à invoquer ce grief devant le juge de l’annulation.

Le recours en annulation est rejeté.

En application de l’alinéa 2 de l’article 1498 du code de procédure civile, le rejet du recours en annulation confère l’exequatur à la sentence arbitrale.

La société du Petit Pressoir, succombant à l’instance, est condamnée aux dépens et à verser à la société Eragrain la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette le moyen d’annulation tiré du défaut de droit d’action de la société Ruze,

Déclare irrecevable le moyen tiré du défaut d’impartialité et d’indépendance de tribunal arbitral,

Confère l’exequatur à la sentence arbitrale rendue le 12 juin 2023 par la Chambre Arbitrale Internationale de Paris,

Condamne la société du Petit Pressoir à verser à la société Eragrain la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société du Petit Pressoir aux dépens.

LA GREFFIERE, LA MAGISTRATE,


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