Avis du comité social et économique : affaire Marie Claire
Avis du comité social et économique
En vertu de l’article L.1233-8 du code du travail, l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les entreprises d’au moins onze salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section.
Le comité social et économique rend son avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de la première réunion au cours de laquelle il est consulté, à un mois. En l’absence d’avis rendu dans ce délai, le comité social et économique est réputé avoir été consulté.
Il s’en déduit que le CSE est réuni sur le projet de licenciement collectif lors de la première réunion durant laquelle ses membres ont la possibilité de poser des questions et de faire des propositions et d’évaluer s’il dispose d’informations suffisantes tandis qu’il examine les réponses de l’employeur lors de la deuxième réunion et doit rendre un avis dans le délai maximal d’un mois à compter de la première réunion.
Pas de prorogation d’un commun accord
Il n’est pas envisagé par ce texte spécifique de prorogation d’un commun accord de délai en cas d’expertise à la différence des textes visés dans l’arrêt du 8 juillet 2020 cité par le CSE (articles L 2323-3 et R 2323-1 et suivants du code du travail dans leur version alors applicable ) ayant trait à une consultation annuelle du comité d’entreprise sur la situation économique et financière (art. L.2323-12 du code du travail) et la politique sociale (art. L.2323-10) lesquels visaient, sauf dispositions législatives spéciales, la possibilité d’un accord dérogeant aux délais de consultation et donc la possibilité pour la cour d’appel de retenir que les délais de consultation du comité d’entreprise et de l’expertise avaient été prolongés d’un commun accord jusqu’au 27 avril 2017 de sorte que le rapport d’expertise , remis avant cette date , n’avait pas été déposé hors délai.
Dans le même sens, et ainsi que l’a relevé le tribunal judiciaire, l’article L 2312-16 du code du travail ne vise la possibilité d’un accord de prorogation des délais que sous réserve de dispositions législatives spéciales lesquelles sont ici constituées par les dispositions de l’article L.1233-8 du code du travail .
Affaire Marie Claire
Or, il résulte en l’espèce des pièces produites que le CSE a été saisi du projet de licenciement collectif de moins de dix salariés le 29 octobre 2020, qu’il a alors posé des questions sur ce projet et désigné le cabinet Sextant Expertise pour l’assister lequel a rendu son rapport le 18 novembre 2020 après que la société avait par ailleurs transmis un document répondant aux questions et des pièces annexes le 13 novembre 2020,
Il s’en déduit que tandis que les délais de consultation n’étaient pas susceptibles de prorogation par accord, la saisine du tribunal judiciaire le 14 décembre 2020 a été tardive .
Le jugement du tribunal judiciaire sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action du CSE de l’UES Marie Claire.
COUR D’APPEL DE VERSAILLES 6e chambre ARRET DU 12 MAI 2022
N° RG 21/02359 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UU3L
AFFAIRE :
Le Comite Social et Economique de l’Unite Economique et Sociale Marie Claire
C/
S.A.S. REVUE DU VIN DE FRANCE
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° Section :
N° RG : 21/00836
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Franck LAFON
le : 13 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Le Comite Social et Economique de l’Unite Economique et Sociale Marie Claire
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par : Me Ilan MUNTLAK de la SELARL 41 Société d’Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 ; et Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643.
APPELANTE
S.A.S. REVUE DU VIN DE FRANCE
N° SIRET : 395 077 068
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Gwenaëlle ARTUR de la SCP CABINET ASTON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618.
S.A.S. MARIE CLAIRE ALBUM composant l’UES MARIE-CLAIRE et venant aux droits des Société INTER EDI , Avantages et Magic Maman
N° SIRET : 552 062 770
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Gwenaëlle ARTUR de la SCP CABINET ASTON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618.
S.A.R.L. Société d’Information et de Créations
N° SIRET : 302 114 509
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Gwenaëlle ARTUR de la SCP CABINET ASTON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618.
Société G.I.E. MC2M
N° SIRET : 499 806 701
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Gwenaëlle ARTUR de la SCP CABINET ASTON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618.
INTIMEES
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Mars 2022, devant la cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L’unité économique et sociale Marie Claire est un ensemble économique composé de 4 sociétés spécialisées dans le secteur d’activité de l’édition de magazines et de diversification et internet, dont :
— La SAS Revue Du Vin De France,
La SAS Marie Claire Album
La SARL Société d’Information et de Création
La société G.I.E M2CM
L’unité économique et sociale Marie Claire emploie plus de cinquante salariés.
Le 26 octobre 2020, les membres du comité social et économique de l’unité sociale et économique Marie Claire ont été convoqués à une réunion ordinaire pour le 29 octobre 2020 ayant pour objet leur consultation sur un projet de réorganisation de l’unité pouvant entrainer le licenciement collectif de moins de dix salariés. (7 salariés)
Par acte du 14 décembre 2020, le comité social et économique de l’UES Marie Claire a assigné selon la procédure accélérée au fond l’UES Marie-Claire devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de contraindre les sociétés composant l’unité économique et sociale Marie-Claire à communiquer divers documents et informations.
Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
— déclaré irrecevable l’action du Comité Social et Économique de l’UES Marie-Claire,
— débouté les parties du surplus de leurs demandes,
— dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais de procédure,
— condamné le Comité Social et Économique de l’UES Marie-Claire aux entiers dépens.
Le CSE de l’unité économique et sociale Marie Claire a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 juillet 2021.
Par conclusions adressées par voie électronique le 22 septembre 2021, le CSE de l’unité économique et sociale Marie Claire constituée des sociétés Marie Claire Album, de la société d’information et de créations (SIC), de la société la Revue du vin de France et de la société GIE MC2M demande à la cour de :
— recevoir le comité social et économique de l’unité économique et sociale de l’UES Marie Claire en son appel, demandes, fins et conclusions, et les en déclarer bien fondés,
— infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 29 juin 2021 (RG n°21/00836) en ce qu’il a :
* déclaré irrecevable l’action du comité social et économique de l’UES Marie Claire,
* débouté le comité social et économique de l’UES Marie Claire de l’ensemble de ses demandes,
En conséquence et statuant à nouveau :
— déclarer irrecevable la demande principale formulée par les sociétés composant l’unité économique Marie Claire tirée de l’absence d’objet de l’assignation,
— déclarer recevable l’action du comité social et économique de l’UES Marie Claire,
— juger injustifié le refus des sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire de communiquer les informations dues au comité social et économique afin qu’il rende un avis éclairé dans le cadre de sa consultation sur le « projet de réorganisation de l’UES Marie Claire pouvant entraîner le licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés »,
— ordonner aux sociétés composant l’unité économique et Sociale Marie Claire de communiquer au comité social et économique les informations suivantes :
‘ le document « projet de réorganisation de l’UES Marie Claire pouvant entraîner le licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés » précisant les informations confidentielles ou non,
‘ concernant la compréhension du motif économique :
‘ document de présentation du projet actualisé tenant compte des effets de la fusion/absorption en vigueur depuis le 1er novembre 2020 sur l’appréciation du motif économique et les conséquences organisationnelles,
‘ explication quant aux attentes chiffrées du présent projet de suppressions d’emplois pour sauvegarde la compétitivité des entreprises composant l’UES,
‘ concernant l’impact organisationnel du projet :
‘ la liste des postes vacants, ou dont la vacance future est connue incluant les postes non remplacés lors de départs naturels (retraite, démission, etc.), qui sont donc ouverts au reclassement au niveau du Groupe Marie Claire,
‘ la date à laquelle ces postes sont devenus vacants et les mesures prises pour procéder au remplacement,
‘ la détermination précise des postes dont la suppression est envisagée à Marie Claire Maison,
‘ l’évaluation de la charge de travail par salarié dont le poste est supprimé,
‘ l’incidence du projet sur la répartition des tâches des salariés dont le poste est supprimé,
‘ les conséquences en matière de conditions de travail et les mesures envisagées pour remédier aux risques psychosociaux éventuels qui pourraient survenir,
‘ concernant les catégories professionnelles et critères d’ordre :
‘ la ventilation des effectifs de l’UES par catégorie professionnelle,
‘ la pondération envisagée des critères d’ordre retenus,
‘ les fiches de poste des postes supprimés,
— ordonner la communication de ces informations sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard et par information manquante, constatée à compter de la mise à disposition de l’arrêt à intervenir,
— ordonner la prolongation du délai d’information/consultation du comité social et économique sur le « projet de réorganisation de l’UES Marie Claire pouvant entraîner le licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés » dans l’attente de la réception de l’ensemble des informations susmentionnées,
— interdire aux sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire de mettre en ‘uvre le « projet de réorganisation de l’UES Marie Claire pouvant entraîner le licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés » tant que le comité social et économique n’aura pas rendu son avis, sous astreinte de 5 000 euros par jour par infraction constatée,
— juger que la cour se réserve de la connaissance et de l’appréciation de toute difficulté éventuelle susceptible de surgir dans l’exécution de l’ordonnance sollicitée notamment en ce qui concerne la liquidation de l’astreinte conformément à l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991,
— juger que les sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire ont violé les prérogatives du comité social et économique en mettant en ‘uvre son projet alors que la consultation de l’instance était toujours en cours,
— condamner solidairement les sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire à payer au comité social et économique la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’entrave aux prérogatives de l’instance,
— condamner solidairement les sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire à payer au comité social et économique la somme de 5 000 euros hors taxes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner solidairement les sociétés composant l’unité économique et sociale Marie Claire aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel directement au profit de Me Philippe Chateauneuf, Avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 22 octobre 2021, l’Unité économique et sociale Marie Claire composée des sociétés Revue du Vin de France, Marie Claire Album, la société d’Information et de Création (SIC) et le G.I.E MC2M demandent à la cour de :
— confirmer le jugement rendu le 29 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a :
* déclaré irrecevable l’action du CSE de l’UES Marie-Claire,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes,
* dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais de procédure,
* condamné le CSE de l’UES Marie-Claire aux entiers dépens,
Par conséquent,
— débouter le CSE de l’UES Marie-Claire de l’ensemble de ses demandes,
— rejeter la demande du CSE de condamner l’UES Marie-Claire à payer au CSE 5 000 euros hors taxes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’entrave aux prérogatives de l’instance,
— condamner le CSE à 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner le CSE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 2 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 mars 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
— sur la fin de non recevoir
l’UES Marie Claire composée des sociétés Revue du Vin de France, Marie Claire Album, la société d’Information et de Création (SIC) et le G.I.E MC2M demande de voir dire irrecevable l’action du CES comme tardive au regard du délai d’un mois visé à l’article L 1233’8 du code du travail, la cour observant que l’appelante ne vise que cette fin de non recevoir dans ses conclusions sans mention de l’absence d’objet de l’assignation.
S’agissant de la fin de non recevoir ainsi opposée, le CSE retient au contraire que la prolongation des délais de consultation peut se réaliser par simple accord avec son secrétaire y compris de façon implicite et que dans le cas présent, un commun accord a été acté au cours de la réunion du 26 novembre 2020 aux termes de laquelle le président et les élus ont décidé de proroger la consultation jusqu’à la réunion du 14 décembre 2020 rendant recevable l’action introduite à cette date.
Sur ce,
En vertu de l’article L.1233-8 du code du travail, l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les entreprises d’au moins onze salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section.
Le comité social et économique rend son avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de la première réunion au cours de laquelle il est consulté, à un mois. En l’absence d’avis rendu dans ce délai, le comité social et économique est réputé avoir été consulté.
Il s’en déduit que le CSE est réuni sur le projet de licenciement collectif lors de la première réunion durant laquelle ses membres ont la possibilité de poser des questions et de faire des propositions et d’évaluer s’il dispose d’informations suffisantes tandis qu’il examine les réponses de l’employeur lors de la deuxième réunion et doit rendre un avis dans le délai maximal d’un mois à compter de la première réunion.
Il n’est pas envisagé par ce texte spécifique de prorogation d’un commun accord de délai en cas d’expertise à la différence des textes visés dans l’arrêt du 8 juillet 2020 cité par le CSE (articles L 2323-3 et R 2323-1 et suivants du code du travail dans leur version alors applicable ) ayant trait à une consultation annuelle du comité d’entreprise sur la situation économique et financière (art. L.2323-12 du code du travail) et la politique sociale (art. L.2323-10) lesquels visaient, sauf dispositions législatives spéciales, la possibilité d’un accord dérogeant aux délais de consultation et donc la possibilité pour la cour d’appel de retenir que les délais de consultation du comité d’entreprise et de l’expertise avaient été prolongés d’un commun accord jusqu’au 27 avril 2017 de sorte que le rapport d’expertise , remis avant cette date , n’avait pas été déposé hors délai.
Dans le même sens, et ainsi que l’a relevé le tribunal judiciaire, l’article L 2312-16 du code du travail ne vise la possibilité d’un accord de prorogation des délais que sous réserve de dispositions législatives spéciales lesquelles sont ici constituées par les dispositions de l’article L.1233-8 du code du travail .
Or, il résulte en l’espèce des pièces produites que le CSE a été saisi du projet de licenciement collectif de moins de dix salariés le 29 octobre 2020, qu’il a alors posé des questions sur ce projet et désigné le cabinet Sextant Expertise pour l’assister lequel a rendu son rapport le 18 novembre 2020 après que la société avait par ailleurs transmis un document répondant aux questions et des pièces annexes le 13 novembre 2020,
Il s’en déduit que tandis que les délais de consultation n’étaient pas susceptibles de prorogation par accord, la saisine du tribunal judiciaire le 14 décembre 2020 a été tardive .
Le jugement du tribunal judiciaire sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action du CSE de l’UES Marie Claire.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement entrepris ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Comité Social et économique de l’UES Marie Claire aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
→ Questions / Réponses juridiques
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?
L’article L. 4121-1 du code du travail stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures incluent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur doit également veiller à l’adéquation de ces mesures en tenant compte des changements de circonstances et en cherchant à améliorer les situations existantes.
Cela signifie que l’employeur a une responsabilité proactive pour créer un environnement de travail sûr et sain.
Comment la SAEMES a-t-elle manqué à son obligation de sécurité ?
La SAEMES a été jugée en défaut de ses obligations de sécurité, car elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de la salariée, Mme [V].
Le règlement intérieur de l’entreprise, daté de 2007, n’avait pas été mis à jour pour refléter les évolutions législatives concernant le harcèlement.
De plus, le document unique d’évaluation des risques professionnels, daté de décembre 2015, était postérieur à la majorité des faits en cause.
La direction a également tardé à répondre aux signalements de harcèlement, ce qui a contribué à un environnement de travail hostile pour Mme [V].
Quels types de harcèlement ont été signalés par la salariée ?
Mme [V] a signalé avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral et sexuel de la part de plusieurs collègues masculins.
Ces agissements comprenaient des propos dégradants sur son physique et ses mœurs, des allusions sexuelles explicites, ainsi que des comportements inappropriés tels que montrer son sexe dans les vestiaires.
Elle a également été confrontée à des propositions de DVD pornographiques et à des objets pornographiques placés dans son espace de travail.
Ces comportements ont créé un environnement de travail intimidant et hostile, en violation des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail.
Quelles mesures ont été prises par la direction suite aux signalements de harcèlement ?
Après que Mme [V] a signalé les faits, la directrice des ressources humaines a proposé un changement d’affectation.
Cependant, cette mesure n’a pas été accompagnée d’une enquête approfondie sur les allégations de harcèlement.
Le CHSCT a été saisi, et une enquête a été menée, mais elle a conclu à l’absence de harcèlement, malgré les témoignages et les preuves fournies par Mme [V].
De plus, la salariée a dû revenir à plusieurs reprises vers la direction pour obtenir des informations sur les suites de son signalement, ce qui montre un manque de suivi adéquat.
Quels ont été les impacts sur la santé de la salariée ?
Les agissements de harcèlement ont eu des conséquences graves sur la santé de Mme [V].
Elle a souffert de plusieurs arrêts de travail dus à des troubles anxieux et dépressifs, justifiant un suivi psychologique jusqu’en 2016.
Le médecin du travail a finalement déclaré Mme [V] inapte à son poste, ce qui a conduit à son licenciement pour inaptitude en novembre 2016.
Ces éléments montrent que le harcèlement a non seulement affecté son bien-être mental, mais a également eu des répercussions sur sa capacité à travailler.
Quelles compensations ont été accordées à Mme [V] par la cour ?
La cour a accordé plusieurs compensations à Mme [V] en raison du harcèlement et du licenciement nul.
Elle a été condamnée à recevoir 20 000 euros pour licenciement nul, ainsi que 3 000 euros pour harcèlement moral et 3 000 euros pour harcèlement sexuel.
De plus, 2 000 euros ont été alloués pour des agissements sexistes, et 3 000 euros pour le manquement à l’obligation de sécurité.
Ces compensations visent à réparer le préjudice subi par Mme [V] en raison des manquements de son employeur.
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