Contrat de pigiste : pas de documents fiscaux, pas de requalification
Le pigiste qui ne justifie pas détenir une carte de presse et qui refuse de déférer à la sommation de l’intimée de produire ses documents fiscaux de nature à établir qu’il tirait le principal de ses ressources d’une ou plusieurs entreprises de presse, ne peut être que débouté de sa demande de requalification en CDI.
Statut de salariée écarté
Le statut de salariée ne peut donc lui être reconnu et la rupture des relations ne peut s’analyser en un licenciement.
La qualité de journaliste professionnel
Pour rappel, l’article L.7111-3 du code du travail rappelle qu’a la qualité de journaliste professionnel « toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de la profession dans une ou plusieurs entreprises de presse’ qui en tire le principal de ses ressources.
Statut du correspondant de presse
Le correspondant de presse, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues à l’article L.7111-3 du code du travail.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 4 ARRET DU 02 MARS 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/01610 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B46IK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F14/14053
APPELANTE
Madame D X Y alias B C
[…]
[…]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
INTIMEE
SELAFA MJA prise en la personne de Me Z A- Mandataire judiciaire de SARL PRESENT
102 rue du Faubourg Saint-Denis
[…]
Représenté par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356
SELARL ASCAGNE AJ prise en la personne de Me Julie LAVOIR – Comissaire à l’exécution du plan de SARL PRESENT
[…]
[…]
Représenté par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356
SARL PRESENT
[…]
[…]
Représentée par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356 COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme X Y, dont le nom de plume est « B C » a effectué des piges pour le compte de la SARL Présent.
La relation de travail a cessé dans des circonstances sur lesquelles les parties ne s’accordent pas.
Revendiquant la qualité de journaliste professionnelle et de pigiste salariée, Mme X-Y a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de diverses demandes au titre de la rupture de la relation de travail.
Par jugement du 28/09/2017, elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Elle a interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 8 août 2018 prononcé par le tribunal de commerce de Paris, la SARL PRESENT a bénéficié d’une procédure de sauvegarde, et s’est vu désigner la SELARL ASCAGNE AJ, prise en la personne de Me Julie LAVOIR en qualité d’administrateur et la SELAFA MJA, en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 5 février 2019, la période d’observation a été prolongée jusqu’au 8 août suivant.
Par jugement du 5/02/2019, le tribunal de commerce de Paris a renouvelé pour 6 mois la période d’observation et maintenu tant la SELARL ASCAGNE AJ que la SELAFA MJA en qualité d’administrateur pour la première, et de mandataire judiciaire pour la seconde.
Par jugement du 30/08/2019, le Tribunal de Commerce de Paris a prolongé de 6 mois soit jusqu’au 8/02/2020, la période d’observation. Par jugement du10/03/2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– Mis fin à la période d’observation et arrêté le plan de sauvegarde de la SARL PRESENT ;
– Fixé la durée du plan à 10 ans et dit que la première échéance interviendra le 31/01/2021 ;
– Mis fin à la mission d’administrateur judiciaire de la SELARL ASCAGNE AJ, prise en
la personne de Me Julie LAVOIR, et la désigne en, qualité de commissaire à l’exécution
du plan ;
– Maintenu la SELAFA MJA prise en la personne de Me Z A en qualité de mandataire judiciaire pendant le temps nécessaire à la vérification des créances et à l’établissement définitif de celles-ci ;
– Dit que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire en application de l’article R.661-1 du Code de Commerce ;
Par jugement du 9/03/2021, le tribunal de commerce, sur requête de Me LAVOIR es qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde, a accepté de modifier ledit plan en le prolongeant d’une année et en fixant la date de règlement de la première échéance au 1/02/2022 au lieu du 31/01/2021.
Par conclusions remises via le RPVA le 7 mai 2020, Madame D X-Y M. B C, qui indique avoir assigné en intervention forcée l’administrateur et le mandataire judiciaire de la SARL PRESENT, demande à la cour de :
– Juger qu’elle a la qualité de journaliste salarié de la SARL PRESENT depuis le 18 octobre ;
– Juger fautive, abusive et vexatoire la rupture unilatérale par la SARL PRESENT du contrat de travail de M. B C pseudonyme de Madame D X-Y ;
– Condamner par voie de conséquence la SARL PRESENT à lui payer les sommes suivantes :
* 6.278,85 € au titre de l’indemnité légale calculée sur la base de la convention collective des journalistes prévoyant 1 mois par année d’ancienneté en cas de mise en jeu de la clause de conscience (746€ x 8) + (5/12 x 746€) = 6.278,85€, sinon subsidiairement 1.255,75 € si l’indemnité légale était calculée suivant les règles ordinaires des 1/5 du salaire mensuel par année d’ancienneté,
* 1.641,20 € au titre du préavis et de ses congés payés,
* 4.103,00 € au titre des 13 ème mois dus sur 5 ans et congés payés y afférents,
* 3.730,00 € au titre des congés payés dus sur 5 ans,
* 2.909,40 € au titre des primes d’ancienneté dues sur 5 ans,
* 8.952 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et non respect de la procédure de licenciement (12 x 746€),
* 10.000 € pour rupture abusive, brutale et vexatoire,
* 5.000 € pour non remise des documents sociaux, ni fiches de paye ; – ordonner en outre, à la SARL PRESENT de lui remettre l’intégralité de ses fiches de paye, ses certificats de travail et attestation ASSEDIC Pole Emploi conformes à ses droits (dates, salaire de référence, temps de travail ‘) dans les 8 jours qui suivront la notification du jugement, sous astreinte de 250 € par document et jours de retard, le Cour se réservant la liquidation de cette astreinte ;
– Condamner la SARL PRESENT à lui verser la somme de 61.707,80 € au titre du rappel de salaires dus arrêtés au 15 Juin 2020, sauf à parfaire d’un montant brut mensuel de 746 €, outre les congés payés de 10 % ;
– Condamner la SARL PRESENT à lui verser la somme de 7.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile en remboursement des frais irrépétibles indûment exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– Débouter la SARL PRESENT, sinon tous contestants de tous moyens ou prétentions plus amples ou contraires au présent dispositif.
Par conclusions remises le 17 novembre 2021, la SARL PRESENT demande à la cour de :
Vu les jugements du tribunal de commerce des 8/08/2018, et 5/02/2019 ;
Vu les pièces produites par l’appelante ;
– Constater qu’en dépit de la sommation qui lui en a été faite en première instance par la
SARL PRESENT, Mme X Y n’a pas produit ses déclarations de revenus et avis d’imposition des années 2005 à 2014 et ne justifie donc pas de sa qualité de journaliste professionnelle au sens de l’article L. 71111-3 du code du travail et ne saurait se prévaloir de la présomption de l’article L. 7112-1 du même code ;
En conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X Y de toutes ses demandes ;
– La condamner au paiement de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Après rabat, l’ordonnance de clôture a été finalement rendue le 14 décembre 2021.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence aux conclusions sus visées.
Les parties, présentes à l’audience, ont été informées que l’affaire était mise en délibéré et que l’arrêt serait rendu le 02 mars 2022 par mise à disposition au greffe de la cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article L.7111-3 du code du travail rappelle qu’a qualité de journaliste professionnel « ’toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de la profession dans une ou plusieurs entreprises de presse’qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.
».
Cependant, l’appelante , qui ne justifie pas détenir une carte de presse a refusé de déférer à la sommation de l’intimée de produire ses documents fiscaux de nature à établir qu’elle tirait le principal de ses ressources d’une ou plusieurs entreprises de presse.
Par ailleurs, l’appelante n’établit aucune des circonstances dans lesquelles elle était amenée à collaborer avec le journal Présent.
Le statut de salariée ne peut donc lui être reconnu et la rupture des relations ne peut s’analyser en un licenciement.
Le jugement sera confirmé.
Il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame D X Y aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le rôle de l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ?
L’employeur a l’obligation d’énoncer le motif économique du licenciement dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Cela doit être fait soit dans le document écrit d’information remis au salarié, soit dans la lettre de licenciement.
Cette exigence est stipulée par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, qui précisent que l’employeur doit informer le salarié des raisons économiques justifiant le licenciement.
Il est déterminant que cette information soit fournie avant l’acceptation du CSP par le salarié, car cela conditionne la validité de la rupture du contrat de travail.
Quelles sont les conséquences de l’adhésion du salarié au CSP ?
L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle entraîne la rupture du contrat de travail. Cette disposition est clairement énoncée dans l’article L 1233-67 du code du travail.
Cela signifie que lorsque le salarié accepte le CSP, il renonce à son contrat de travail, ce qui a des implications sur ses droits et sur les obligations de l’employeur.
Il est donc essentiel que le salarié soit pleinement informé des motifs de son licenciement avant de prendre une telle décision, afin d’éviter des ruptures jugées sans cause réelle et sérieuse.
Quelles sont les obligations de l’employeur concernant le motif économique du licenciement ?
L’employeur doit énoncer le motif économique du licenciement dans un écrit, qui peut être le document d’information sur le CSP ou la lettre de licenciement.
Il doit le faire au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié. Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, la rupture du contrat peut être considérée comme dépourvue de cause réelle et sérieuse.
Cela souligne l’importance de la transparence et de la communication dans le processus de licenciement, afin de protéger les droits des salariés.
Quelles sont les implications si le CSP est proposé par un administrateur judiciaire ?
Lorsque le CSP est proposé par un administrateur judiciaire, le document de CSP ne peut être remis au salarié qu’après l’ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements économiques.
Ce document doit également comporter le visa de cette ordonnance. Si ces conditions ne sont pas respectées, la rupture du contrat de travail peut être déclarée sans cause réelle et sérieuse.
Cela met en lumière l’importance des procédures judiciaires dans le cadre des licenciements économiques et la nécessité de respecter les formalités légales.
Comment la connaissance du motif de licenciement affecte-t-elle le salarié ?
Dans le cas de Madame X, elle a accepté le CSP sans avoir connaissance de l’ordonnance du juge-commissaire, ce qui a conduit à la déclaration de son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Cela démontre que le salarié doit être correctement informé des motifs de son licenciement avant d’accepter un CSP.
L’absence d’information adéquate peut entraîner des conséquences juridiques pour l’employeur, notamment des dommages et intérêts pour le salarié.
Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
Un licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse peut entraîner des indemnités pour le salarié. Dans le cas de Madame X, la cour a décidé de lui allouer 20.000 Euros en réparation du préjudice causé par la rupture.
Cela souligne l’importance pour les employeurs de respecter les procédures légales et de fournir des informations claires et précises aux salariés.
Les conséquences financières d’un licenciement mal géré peuvent être significatives, tant pour l’employeur que pour le salarié.
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