Distribution sélective : le risque de cloisonnement du marché

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Auchan c/ Converse

Dans l’affaire Converse c/ Auchan, les juges ont retenu l’existence d’un risque de cloisonnement du marché pour autoriser la société Auchan à revendre, hors circuit de distribution exclusive, des modèles de Converse (All Star Chuck) à un prix « ravageur » de 39.90 euros. La société Converse n’a pas rapporté la preuve de la liberté de ses distributeurs de réaliser des ventes en dehors du secteur géographique qui lui est attribué et à un prix qu’il fixerait librement. Rien n’a permis non plus d’établir, de façon certaine, que les modèles en cause étaient des contrefaçons, de surcroît avec le déploiement par Converse, d’un système d’identification de ses modèles, réputé très fiable.

Renversement de la charge de la preuve

Le renversement de la charge de la preuve est essentiel dans ce type de contentieux : dès lors qu’il existe un risque sérieux de cloisonnement, il appartient au chef du réseau de distribution sélective de rapporter la preuve que le revendeur non autorisé a vendu des produits non authentiques ou qui n’auraient pas été mis sur le marché de l’union Européenne avec son  consentement.

Indices de cloisonnement du marché européen

Selon la jurisprudence européenne Van Doren (CJUE, Affaire C-244/00,  8 avril 2003),  les  réseaux de distribution exclusifs sont un exemple type des systèmes de distribution présentant un risque de cloisonnement. Ce risque est avéré dès lors qu’il existe des prix variables au sein du réseau entre des distributeurs exclusifs sur un territoire géographique déterminé. La segmentation territoriale avec un seul distributeur par pays, si elle ne caractérise pas en soi un risque certain de cloisonnement du marché, peut en constituer un facteur dès lors que les prix consentis aux distributeurs ne sont pas uniformes.

Converse pratique des prix différents selon les distributeurs et donc selon le secteur géographique concerné (le pouvoir d’achat des consommateurs étant variable selon les pays) ; Converse ajuste donc le prix consenti aux distributeurs de ces secteurs, à la baisse ; ce facteur de prix moindres sur certains secteurs constitue une incitation pour des détaillants à chercher à s’approvisionner dans des conditions plus favorables que celles pratiquées par le distributeur de leur secteur, pratique qui était celle invoquée par la société Auchan. Par ailleurs, sauf interdiction de Converse, les distributeurs bénéficiant de meilleurs tarifs, ne peuvent qu’être enclins à répondre positivement à de telles demandes d’approvisionnements.

En revanche, les distributeurs auxquels Converse vend à des tarifs plus élevés, qui se voient ainsi privés sur leur secteur d’une partie du chiffre d’affaires escompté, chercheront à faire pression sur Converse pour compenser cette perte ;  Converse a ainsi, d’une part, intérêt à gagner des marchés en pratiquant sur certains secteurs des prix moindres dès lors qu’elles conservent une marge, d’autre part à maintenir des prix plus élevés dans des pays à pouvoir d’achat élevé comme la France. En conséquence, Converse et certains distributeurs ainsi pénalisés chercheront à identifier le distributeur pratiquant des ventes en dehors de son territoire afin de l’en dissuader de sorte que ce dernier sera amené à dissimuler ces ventes ; la question du prix final pratiqué auprès des consommateurs est donc un élément essentiel et explique l’intérêt du cloisonnement du marché européen. Pour arriver à cette conclusion, les juges se sont appuyés sur le faisceau de quatre indices suivants :

  • Converse a toujours refusé de produire les contrats de distribution ainsi que les conditions et tarifs quand bien même elle y avait été contrainte sous astreinte, préférant renoncer à son action ce qui démontre, à tout le moins, une constance dans les conditions de fonctionnement du réseau.

  • Une société, distributeur exclusif pour l’Autriche, n’a pas eu son contrat renouvelé en 1992 après avoir vendu des produits Converse en dehors de son territoire (en l’espèce en Allemagne) ; ce précédent, si ancien soit-il, a constitué un avertissement pour l’ensemble des distributeurs des marques Converse et est de nature à expliquer les réponses négatives des distributeurs plusieurs années après et le recours à des sociétés écran ;

  • Converse a refusé la proposition de la société Auchan d’interroger directement son fournisseur  pour vérifier sur la base d’un échantillonnage que les produits qui lui étaient proposés étaient présents dans la base de données tenue par celle-ci ;

  • Un rapport du gouvernement Fédéral Allemand atteste que les distributeurs exclusifs Converse considèrent avoir intérêt à ce que les prix au détail pratiqués sur leur territoire soient maintenus à un niveau plus élevé que celui qui pourrait résulter de la concurrence.

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