Commande d’une œuvre à Anita Molinero
Dans le cadre de l’organisation d’un événement culturel consistant en une exposition d’oeuvres d’art dans d’anciennes caves souterraines et dans son domaine, la société Pommery a commandé une oeuvre à Anita Molinero. L’oeuvre composée d’objets à vocation industrielle et intitulée Salto Yano, a fait l’objet d’observations du service d’incendie et de secours de la ville qui estimait que l’oeuvre présentait des risques d’inflammation. Les Parties ont engagé des pourparlers en vue d’une éventuelle modification de l’oeuvre dans la perspective d’une mise en place dans le domaine Pommery mais aucune solution n’a pu être trouvée. Lorsque l’artiste a souhaité récupéré son œuvre, elle a appris que celle-ci avait été détruite.
Obligation de restitution du dépositaire
La société Pommery, en sa qualité de dépositaire de l’oeuvre puis des éléments la composant, se devait de la restituer à l’artiste. Le contrat de production de l’œuvre stipulait expressément que « l’Oeuvre spécifique restera la propriété matérielle de l’Artiste pendant, au moins, toute la durée de l’exposition ou de sa prolongation ». En défense, la société Pommery a fait valoir que la destruction de l’œuvre était le fruit d’une erreur de ses services de nettoyage, sa responsabilité contractuelle était donc engagée.
Préjudice de l’artiste
La disparition de l’oeuvre est une atteinte au droit de propriété de l’artiste sur son oeuvre, qui se mesure par référence à la valeur de celle-ci et non à celle de la perte d’une chance pour l’artiste de vendre sa création. En effet, le préjudice de l’artiste n’est pas réductible à la seule possibilité de vendre son œuvre pour en obtenir une contrepartie financière.
Le contrat de production d’oeuvre d’art prévoyait qu’à l’issue de l’exposition ou de sa prolongation, la société Pommery ou toute société du groupe Vranken qui s’y substituerait bénéficierait pendant douze mois à compter du début de l’exposition, sauf plus long délai négocié avec l’artiste, d’un droit d’achat prioritaire dont les modalités étaient définies par le contrat qui, notamment, fixait le prix d’achat à 130 000 euros dont devraient être déduits les frais de réalisation estimés à 13 500 euros.
Ces stipulations contractuelles portant estimation par commun accord des parties du prix de l’oeuvre considérée était un élément déterminant pour l’appréciation du préjudice résultant de la destruction de l’oeuvre puisque, même si le prix était fixé dans la perspective d’un droit prioritaire d’achat restant une simple faculté laissée à la société Pommery, celle-ci avait pris l’engagement, si elle achetait l’oeuvre, de payer ce prix qu’elle estimait correspondre à la valeur de l’oeuvre. Le préjudice de l‘artiste a été évalué à la somme de 111 500 euros.
Atteinte au droit moral de l’artiste
La méconnaissance du droit moral d’un artiste, en son versant tenant au respect de l’oeuvre, entraîne un préjudice qui ne se confond pas avec le préjudice moral subi en raison de la disparition de l’oeuvre. L’atteinte au droit moral tient à l’exercice par un tiers du droit dont est investi le seul artiste de décider si l’intégrité de l’oeuvre peut être totalement ou partiellement remise en cause, indépendamment du sentiment ressenti par l’artiste à la suite de l’intervention sur son oeuvre. L’atteinte au droit moral de l’artiste a donc également été indemnisée (7 000 euros)
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