Affaire PSA
Tout système ou méthode d’évaluation des salariés n’est légal qu’à la condition qu’il repose sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie. La Cour d’appel de Versailles vient de juger qu’en adoptant un système d’évaluation contraire aux droits de toute une catégorie de salariés de l’entreprise, la société PSA a porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession. A ce titre soit le syndicat CGT de Renault et la Fédération des travailleurs de la Métallurgie ont obtenu la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts.
Légalité des procédures d’évaluation des salariés
Les procédures d’évaluation des salariés doivent respecter les prescriptions énoncées en matière de recrutement par les articles L. 1121-6 à L. 1121-9 du code du travail selon lesquelles elles doivent obéir à des critères présentant un lien direct et nécessaire avec l’évaluation des aptitudes professionnelles, sans apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Ceci implique que les critères notamment comportementaux soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l’intégrer dans une activité concrète et à l’évaluateur de l’apprécier avec objectivité sans connotation morale rejaillissant sur la sphère personnelle.
Le dispositif de PSA a été mis en place par un accord d’entreprise du 16 janvier 2009 « sur le développement et l’évolution professionnels des ETAM ».
Validité du guide d’appréciation de la performance
En premier lieu, les juges ont validé le « Guide d’appréciation de la performance » qui définissait les aptitudes d’animation et de management à savoir l’engagement personnel et la coopération, le leadership, l’ouverture au changement et le développement des collaborateurs de la société. L’engagement personnel était défini de manière précise et concrète selon cinq niveaux, en se situant toujours dans le contexte du travail d’équipe et du lien hiérarchique. Le leadership répondait lui, aux mêmes exigences légales, en définissant la notion de dirigeant d’une équipe. L’ouverture au changement traduisait le besoin de l’entreprise de s’entourer d’Etam suffisamment adaptables et ouverts pour répondre aux nécessités de changement dans les méthodes de travail apparaissant inadaptée. Le développement des collaborateurs notait la capacité de l’Etam à promouvoir par son souci de ces derniers, leur progression.
Les appréciations pouvant dériver d’appréciations subjectives ou étrangères à l’exécution légitime du contrat de travail n’entraient pas dans ces définitions de sorte que ce mode d’évaluation n’était pas juridiquement critiquable.
Notion de valeur et d’éthique protéiformes
En revanche, un document interne de l’entreprise annexé à l’accord du 16 janvier 2009 sur le développement et l’évolution professionnels intitulé « les 12 comportements clés porteurs des 4 valeurs de la vision » a été sanctionné en ce qu’il ne définissait pas de façon suffisante le critère du « comportement éthique » du salarié. Cette notion était ainsi évoquée : « Cette compétence décrit à quel point une personne est sensible à la notion de valeur et les applique de manière constante, de sorte qu’il n’y ait pas de contradiction entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait ».
Or, la notion de « valeur » n’est pas définie et reste multiforme, de sorte que le recours à ce mot au sein de l’entreprise risque de prêter à des abus, soit qu’elle ne concerne pas les fonctions exercées par les salariés ou soit étrangère aux strictes obligations nées du contrat de travail, soit qu’elle soit subjective comme préconçue en fonction de standards idéologiques dont le contrat de travail ne justifie pas qu’ils soient imposés au salarié. Le rejet de la contradiction entre ce qu’une personne dit et ce qu’elle fait, est aussi germe d’arbitraire, dans la mesure où tout ce qu’on dit est sujet à interprétation et/ou ce qu’on dit durant le travail ne concerne pas nécessairement le travail et peut relever de sa sphère privée. Il s’ensuit que la référence à ce comportement « éthique » est illicite comme contraire aux exigences découlant des articles L. 1121-6 à L. 1121-9 du code du travail. L’évaluation consacrée à la maîtrise comportementale de la fonction a été déclarée illicite.
Entrave au comité d’établissement constituée
La société PSA a également été condamnée pour entrave. Ce n’est seulement qu’à la veille de la réunion du comité d’établissement, au cours duquel cette institution devait donner son avis sur le nouveau système d’évaluation, qu’ont été communiquées aux personnes présentes un exemplaire vierge du formulaire d’entretien individuel et le référentiel des compétences comportementales. Il s’ensuit que la consultation n’a pas été faite dans les conditions de l’article L. 2323-4 du code du travail faute d’informations précises et écrites transmises par l’employeur avec un délai d’examen suffisant de nature à permettre au comité de faire des observations en temps utile pour obtenir des réponses motivées de l’employeur. L’entrave était donc constituée (5 000 euros de dommages-intérêts en réparation).
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