Pas de CDD d’usage verbal
Une chanteuse de bar-restaurant (de type cabaret) a obtenu la requalification de ses prestations en un Contrat de Travail à durée indéterminée (CDI). Le cabaret offrait à sa clientèle des animations sous forme d’attractions artistiques de variétés. La chanteuse avait été engagée depuis plusieurs années suivant des contrats de travail à durée déterminée dits d’usage (CDDU) par le cabaret restaurant.
En l’absence d’un contrat écrit, le contrat de travail à durée déterminée dit d’usage était irrégulier. La requalification des contrats s’imposait donc à la date du premier contrat irrégulier. L’exigence d’un écrit pour les contrats de travail à durée déterminée découle d’une règle d’ordre public et ne constitue pas une présomption simple susceptible d’être renversée par la preuve contraire.
Recours aux CDD s’usage
Selon les dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’article L. 1242-2 du même code dispose que sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère, par nature temporaire, de ces emplois.
L’article L. 1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. En l’absence de contrat écrit, l’employeur n’est pas recevable à rapporter la preuve des contrats de travail à durée déterminée d’usage par tout moyen.
Requalification en contrat de travail à temps plein
Selon l’article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel doit être écrit et mentionner :
1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois,
2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification,
3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié,
4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixé par le contrat.
En l’absence d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps plein. Concernant la requalification en temps plein / temps partiel, il s’agit là d’une présomption simple que l’employeur peut renverser à la condition qu’il réussisse à établir que la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle était convenue d’autre part, et que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
Dans cette affaire, outre que l’employeur n’apportait pas la preuve d’un temps partiel par les quelques contrats communiqués et par les feuillets Guso, la durée de travail semblait bien avoir été portée au niveau de la durée légale conventionnelle, le contrat de travail a donc été de plein droit, requalifié en contrat de travail à temps plein à compter de la première irrégularité.
Convention collective étendue des hôtels restaurants
L’article 35 de la convention collective étendue des hôtels restaurants (convention collective HCR) applicables énonce que les salaires doivent être établis sur la base 43 heures de travail effectif, l’article 35-2.1° n’excluant l’application de cette règle que lorsque les horaires sont fixés contractuellement sur une base inférieure à 39 heures. Des majorations sont applicables à compter de la 36ème heure. C’est en vain que l’employeur a soutenu que la convention collective HCR ne lui était pas applicable au titre de son activité principale de cabaret / bar.
L’avenant N° 2 du 5 février 2007 sur l’aménagement du temps de travail évoque des dispositions spécifiques pour le travail de nuit passant par la mise en place de repos compensateur, de la vérification que le salarié dispose d’un moyen de transport pour rejoindre son domicile, d’une surveillance médicale accrue, notamment. Or, il n’était pas établi que la réglementation a été effectivement respectée à cet égard. Le préjudice en résultant pour la salariée a fait l’objet d’une évaluation forfaitaire.
C’est à juste titre que les juges ont, après avoir relevé qu’aucun contrat de travail à durée indéterminée n’avait jamais été proposé à l’artiste salariée, accordé l’indemnité de précarité prévue à l’article L. 1243-8 du code du travail.
Selon l’article L. 3261-2 du code du travail, l’employeur prend en charge, dans une proportion des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence personnelle et leur lieu de travail accompli au moyen de transports publics de personnes de service public, de location de vélos.
Le salarié doit toutefois communiquer les éléments pour justifier de ses frais engagés. Par ailleurs, les dispositions de l’article 12 de la convention collective HCR pourront être prises en compte dans l’analyse du préjudice subi du fait du travail de nuit de l’artiste salarié.
Au titre de l’indemnité de repas, l’artiste salariée a obtenu la somme de 2000 euros. Par ailleurs, compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté (13 ans et 5 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la salarié a également obtenu plus de 22000 euros, en application de l’article L.1235-3 du Code du travail.
Droit à l’image de l’artiste de cabaret
S’appuyant sur les dispositions de l’article 7123-2 du code du travail selon lesquelles est considérée comme exerçant une activité de mannequin même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel toute personne qui est chargée soit de présenter au public directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel un produit, un service, un message publicitaire, la salariée a fait valoir avec succès que l’employeur avait par reproduction de son image sur des flyers, présenté au public un message publicitaire. Or, ces prestations étaient distinctes de celles de son emploi et elle n’avait pour autant pas été rémunérée pour cette activité salariée distincte (danseuse).
Les contrats de cession de son droit à l’image ont été déclarés nuls dès lors qu’ils ne comportaient aucune limitation temporelle, géographique et aucune exclusion et surtout dépourvus de cause aucune contrepartie n’ayant été définie entre les parties. C’est en vain que l’employeur a soutenu que sur le volet du droit à l’image, la juridiction prud’homale n’avait pas compétence pour connaître de cette demande dès lors que ces contrats de cession étaient en réalité adossés au contrat de travail de l’artiste salariée. L’artiste salariée a obtenu 5000 euros de dommages et intérêts pour utilisation illicite de son image à des fins publicitaires.
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