M. [T] [B] et Mme [S] [B] ont signé un bon de commande le 22 janvier 2020 avec la SARL BCEN pour l’achat d’une pompe à chaleur, financé par la SA Domofinance. Le montant total était de 18 000 euros, remboursable sur 60 mois. Après la réalisation des travaux, les époux ont reçu des factures de 6 000 euros et 12 000 euros de la société BCEN. Ils ont assigné cette société en justice le 8 février 2021, affirmant que des aides d’État promises n’avaient pas été versées. M. [T] [B] a également déposé une plainte pour escroquerie, alléguant qu’il n’avait pas eu connaissance de la demande de financement. En janvier 2022, les époux ont assigné Domofinance et BCEN pour dol, demandant la nullité des contrats. Le tribunal a ouvert une liquidation judiciaire contre BCEN en mars 2022. Le jugement du 23 janvier 2023 a reconnu le dol, annulé les contrats et ordonné des remboursements à M. et Mme [B]. Domofinance a fait appel partiel, demandant la restitution du capital prêté. Les époux ont confirmé leur position devant la cour. La cour a finalement confirmé le jugement initial et condamné Domofinance à verser une indemnité supplémentaire aux époux.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/01244
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 15 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/01244 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PXY3
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 23 JANVIER 2023
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022 000900
APPELANTE :
S.A. DOMOFINANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [T] [B]
né le 07 Mars 1949 à [Localité 9] (49)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Yoann BORREDA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Philippe DELSOL de la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [S] [B] épouse [M]
née le 12 Novembre 1950 à [Localité 6] (59)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Yoann BORREDA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Philippe DELSOL de la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 20 Août 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
M. [T] [B] et Mme [S] [B] (ci-après les époux [B]) sont des particuliers, domiciliés [Adresse 2] sur la commune de [Localité 7].
La SA Domofinance, située [Adresse 1], à [Localité 8], est un organisme de financement.
La SARL BCEN, sise [Adresse 3] à [Localité 5], a exercé des activités de vente d’appareils de chauffage et de tous matériels en lien avec les énergies renouvelables.
Le 22 janvier 2020, à la suite d’un démarchage à domicile de la société BCEN, les époux [B] ont signé un bon de commande portant sur la vente, la pose, la maintenance avec une extension de dix ans, d’une pompe à chaleur de 14 kw monobloc avec production d’eau chaude pour un montant de 18 000 euros.
Le bon de commande précisait que le financement serait assuré par la société Domofinance suivant 60 échéances mensuelles de 329,15 euros.
Le 22 janvier 2020, les époux [B] ont signé une offre de contrat de crédit établi par la société Domofinance portant sur un crédit de 18 000 euros remboursable sur 60 mois. En outre, M. [T] [B] a souscrit une assurance-décès moyennant un montant mensuel de la prime de 26,95 euros.
Le 3 février 2020, les travaux ayant été réalisés, M. [T] [B] a signé un procès-verbal de réception sans réserve avec effet à la date du 3 février 2020.
Le 5 février 2020, la société BCEN a adressé à la société Domofinance une demande de financement de 18 000 euros. Cette demande de financement a été lue, approuvée et signée par M. [T] [B].
Le 1er septembre 2020, la société BCEN a établi deux factures à l’ordre de M. [T] [B], respectivement, d’un montant de 6 000 euros et 12 000 euros.
Le 8 octobre 2020, la société Domofinance a édité à l’attention de M. [T] [B] un échéancier de remboursement du prêt moyennant un remboursement mensuel de 361,16 euros sur 60 mois.
Par exploit du 8 février 2021, les époux [B] ont assigné la société BCEN estimant que les aides d’état promise par cette dernière lors du démarchage n’avaient jamais été versées.
Le 23 octobre 2021, M. [T] [B] a déposé une plainte pour escroquerie auprès de la gendarmerie nationale de [Localité 7], soutenant que le document de demande de financement avait été daté et signé alors qu’il n’en avait pas eu connaissance.
Par exploits séparés des 3 et 6 janvier 2022, les époux [B] ont assigné la société Domofinance et la société BCEN aux fins de voir constater le dol dont ils ont fait l’objet et en conséquence, obtenir le prononcé de la nullité du contrat signé le 22 janvier 2020.
Le 4 février 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a ordonné la jonction de ces deux affaires.
Par jugement du 16 mars 2022, le tribunal de commerce de [Localité 5] a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société BCEN et a désigné la SELARL JSA en qualité de liquidateur judiciaire.
Par exploit du 10 mai 2022, les époux [B] ont assigné la société JSA, ès qualités, aux fins de régularisation de la procédure.
Par jugement contradictoire du 23 janvier 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a’:
– dit que la société BCEN a commis un dol’;
– prononcé la nullité du contrat du 22 janvier 2020 entre la société BCEN et les époux [B]’;
– prononcé la nullité du contrat entre les époux [B] et la société Domofinance’;
– rejeté la demande de remboursement par la société Domofinance du montant du prêt’;
– condamné la société Domofinance à rembourser aux époux [B] les échéances de crédit déjà prélevées’;
– condamné la société Domofinance à payer aux époux [B] la somme de 1617 euros au titre de la police d’assurance’;
– débouté les époux [B] de leur demande de 237,60 euros au titre de la facture d’un expert et de 3’000 euros au titre d’un préjudice moral’;
– fixé au passif de la société BCEN la créance de la société Domofinance à la somme de 18’000 euros au titre du prêt précité, et à la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– ordonné l’exécution provisoire’;
– et condamné solidairement les sociétés BCEN et Domofinance à payer aux époux [B] la somme de 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance dont frais de greffe liquides et taxes à la somme de 131,10 euros.
Par déclaration du 3 mars 2023, la société Domofinance a relevé appel partiel de ce jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de remboursement du montant du prêt, l’a condamnée à payer aux époux [B] la somme de 1 617 euros au titre de la police d’assurance et aux entiers dépens.
Par conclusions du 18 septembre 2023, elle demande à la cour, au visa de l’article 9 du code de procédure civile, des articles 1182 et 1315 du code civil et de l’article L. 312-56 du code de la consommation, de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de restitution du capital mis à disposition et condamné le prêteur à restituer la somme de 1’617 euros outre les échéances déjà réglées’;
Statuant à nouveau,
– débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes’;
– condamner solidairement les époux [B] à lui restituer la somme de 18 000 euros avec déduction des échéances déjà réglées, au titre du capital mis à disposition, cette restitution impliquant celle des primes d’assurance dont le montant est intégré à l’échéance mensuelle réglée par les emprunteurs’;
– condamner les époux [B] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions du 19 juin 2023, M. [T] [B] et Mme [S] [B] demandent à la cour, au visa des articles 1112-1, 1130 et 1240 du code civil, des articles L. 111-1 et suivants, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1, L. 312-32 et suivants et L. 312-44 à L. 312-56 du code de la consommation, de’:
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté la demande de remboursement par la société Domofinance du montant du prêt, condamné la société Domofinance à leur payer la somme de 1 617 euros au titre de la police d’assurance ainsi qu’a supporté les entiers dépens’;
– débouter la société Domofinance de l’ensemble de demandes’;
– condamner la société Domofinance à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L’instruction de l’affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 20 août 2024 en vue d’être plaidée à l’audience du 10 septembre suivant, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.
1. De manière préalable, il y a lieu de rappeler que dès lors que l’appelante ne conteste pas l’application des règles du démarchage à domicile au contrat de vente d’une pompe à chaleur lié à un financement, ce point de droit étant désormais définitif faute pour le prêteur d’avoir interjeté appel de la nullité du contrat principal et du prêt affecté, il n’y a pas lieu de distinguer, comme elle le suggère, entre la vente d’une pompe à chaleur et celle d’une centrale photovoltaïque (respectivement prestation à exécution instantanée et opération complexe).
2. En application des dispositions des articles 1231-1 du code civil et L. 312-55 du code de la consommation, il est constant que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution à condition, toutefois, que l’emprunteur justifie d’un préjudice en lien avec cette faute.
3. La SA Domofinance fait valoir que le premier juge n’a jamais démontré le préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec sa faute, justifiant qu’elle soit totalement privée de son droit à restitution.
4. Le prêteur rappelle que’:
– les fonds ont été débloqués sur ordre des époux [B], après exécution des prestations,
– les défauts d’exécution, s’ils existent, ne lui sont certainement pas imputables,
– les époux [B] conservent le bénéfice des prestations accomplies comme l’a constaté le tribunal et l’expert dans son rapport d’intervention qui conclut en indiquant que la pompe à chaleur fonctionne et que rien n’est à signaler en ce qui concerne le ballon thermodynamique.
5. L’appelante indique que le préjudice réparable, dans le cas d’espèce, consisterait dans le fait, pour les époux [B], de devoir payer le prix d’une installation qui n’assume pas sa fonction, ceci, sans perspective pour eux de pouvoir se retourner contre le fournisseur en procédure collective et soutient que ces conditions font défaut.
6. Les époux [B] répliquent que l’installation ne fonctionne pas correctement et reprennent l’ensemble des défauts relevés par l’expert et versent en outre au débat une attestation de l’installateur mandaté par la société BCEN corroborant l’expertise.
7. Ils indiquent enfin qu’ils n’ont plus aucune perspective de se retourner contre la société BCEN en liquidation judiciaire contre laquelle ils ne peuvent plus agir.
Sur ce,
8. Il ressort des éléments produits au débat que les époux [B] justifient d’un préjudice actuel et certain dans la mesure où les intimés apportent la preuve d’une installation qui ne répondrait pas à leur besoin et présenterait des risques pour leur sécurité ainsi que plusieurs dysfonctionnements consécutifs aux travaux réalisés pour ne pas avoir été exécutés selon les règles de l’art (pompe à chaleur incompatible avec les radiateurs en fonte présent dans la maison, absence de mitigeur thermostatique sur le départ eau chaude pouvant engendrer un risque de brûlure).
9. L’ensemble de ces constatations établit une exécution défectueuse par la société BCEN de ses prestations, de sorte que les époux [B] démontre qu’à la suite de la faute de la banque ayant financé un contrat présentant une cause de nullité apparente, et de ce fait, rendu possible l’exécution d’un contrat qui n’aurait pas dû intervenir, il ont été privé de tout recours pour la réalisation d’une installation complète et conforme avant le placement en liquidation judiciaire de l’entreprise, comme de la restitution effective du prix de vente.
10. Au regard de la nature et de l’importance du préjudice, la banque sera totalement privée de son droit à restitution ainsi que les premiers juges l’ont décidé.
11. La décision sera confirmée.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la SA Domofinance à Madame [S] [B] et Monsieur [T] [B] une indemnité de 2’000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SA Domofinance aux dépens d’appel.
le greffier, la présidente,
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