Le 13 avril 2022, M. [I] a déposé une demande de traitement de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers, qui a été acceptée le 2 mai 2022. Le 27 juin 2022, la commission a décidé d’imposer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Suite à un recours de la SCP [13], le juge des contentieux de la protection a, le 13 juin 2023, déclaré M. [I] irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement. M. [I] a interjeté appel de ce jugement le 5 juillet 2023, et son conseil a réitéré l’appel le 16 octobre 2023. Lors de l’audience du 14 juin 2024, M. [I] a demandé à la cour de le déclarer recevable à la procédure de surendettement et de prononcer une mesure de rétablissement personnel. Son conseil a soutenu que M. [I] avait des charges familiales importantes et que sa situation financière s’était améliorée. La SA d’HLM [21] a demandé la confirmation du jugement, soulignant l’augmentation de la dette locative de M. [I]. La SCP [13] a également demandé la confirmation du jugement, arguant que M. [I] avait contracté des dettes pour des honoraires non réglés. La cour a finalement confirmé le jugement du 13 juin 2023 et a condamné M. [I] aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/05880
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
Chambre civile 1-8
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 06 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/05880 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WBH7
AFFAIRE :
[R] [B] [I]
C/
S.C.P.A. SCP [13]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section : SUREND
N° RG : 11-22-0911
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [B] [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
assisté de Me Niels ROLF-PEDERSEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/4531 du 14/09/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 25])
APPELANT – comparant
****************
S.C.P.A. SCP [13]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par son gérant, Monsieur [J] [L]
S.A. D'[21]
Agence de [Localité 22]
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me Clotilde BIGNON, plaidant/postulant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Paul-Gabriel CHAUMANET de l’ASSOCIATION CHAUMANET, CALANDRE – EHANNO, CAYLA – DESTREM, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R101
Société [24]
Chez [20] – [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Société [17]
Chez [23]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.A. [19]
[11]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
Société [15]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[12]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Société [18]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Société [16]
Chez [18]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
INTIMEES – non comparantes, non représentées
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2024, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l’instruction de l’affaire et du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle CHESNOT, présidente,
Madame Lorraine DIGOT, conseillère,
Madame Anne THIVELLIER, conseillère,
Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,
Le 13 avril 2022, M. [I] a saisi la commission de surendettement des particuliers des [Localité 26], ci-après la commission, d’une demande de traitement de sa situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 2 mai 2022.
La commission lui a notifié, ainsi qu’à ses créanciers, sa décision du 27 juin 2022 d’imposer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Statuant sur le recours de la SCP [13], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles, par jugement rendu le 13 juin 2023, a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– déclaré le recours recevable,
– déclaré M. [I] irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement.
Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception postées le 5 juillet 2023, M. [I] a interjeté appel de ce jugement (enregistrés sous les n° RG 23/5880 et 23/5895), notifié par lettre recommandée dont l’avis de réception a été signé le 26 juin 2023.
Par déclaration enregistrée sur le RPVA le 16 octobre 2023, son conseil a réitéré l’appel (enregistré sous le n° RG 23/7052).
Après un renvoi pour joindre les dossiers, toutes les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 14 juin 2024, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception postées le 3 juin 2024.
* * *
A l’audience devant la cour,
M. [I] est assisté de son conseil, qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l’audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant de nouveau, de dire M. [I] recevable au bénéfice de la procédure de surendettement.
Sur question de la cour quant à l’éventuelle évocation au fond de la contestation, il demande de voir prononcer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil de l’appelant expose et fait valoir que M. [I] est père de cinq enfants, que l’aînée vit au Burkina Fasso où elle poursuit des études, qu’il lui verse 70 euros par mois, qu’elle est issue d’une première union et ne figure donc pas, pour ce motif, sur le livret de famille avec ses quatre autres enfants nés entre 2006 et 2017 d’une seconde union, que le divorce a été prononcé, que les enfants sont en garde alternée, que M. [I] parcourt chaque jour en voiture 100 km environ pour se rendre sur le lieu de son activité professionnelle, que les circonstances de l’espèce ne permettent pas de caractériser sa mauvaise foi, que s’agissant de la dette locative dont le premier juge dit qu’elle aurait substantiellement augmenté, elle a nettement régressé à ce jour, que s’agissant des sommes dues à la SCP [13], ces honoraires ont été facturés dans le cadre de la procédure en divorce, que le premier juge ne précise pas dans quelles conditions ces honoraires n’ont pas été réglés, que le seul défaut de paiement ne permet pas de retenir la mauvaise foi, que M. [I] en a réglé les deux tiers, qu’il pensait réellement percevoir des revenus complémentaires qui lui auraient permis de s’en acquitter, que s’agissant du bulletin de salaire de son fils [W], alors âgé de 15 ans, il n’est nullement établi qu’il s’agirait d’un faux, que celui-ci est dans un parcours de formation professionnelle, que les salaires ont été perçus sur le compte de M. [I] parce que son fils était mineur, qu’enfin, M. [I] a effectivement commencé une nouvelle activité professionnelle le 2 mai 2023 comme en attestent les bulletins de paie produits aux débats.
La SA d’HLM [21] est représentée par son conseil qui demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de constater l’absence de caractère irrémédiablement compromis de la situation du débiteur.
Il expose et fait valoir que lorsque la commission a été saisie par M. [I], sa créance était de 735,70 euros, que ce dernier a ensuite cessé de régler son loyer de sorte que le montant de sa créance a atteint 12 863,15 euros en août 2023, que par deux versements de 4 000 euros et 9000 euros en date des 18 et 21 septembre 2023, M. [I] a soldé sa dette, qu’il y a lieu de s’interroger sur le provenance de ces fonds, qu’en tout état de cause, la dette s’est reconstituée faute de paiements réguliers par le locataire, qu’elle est de 1 851,86 euros suivant décompte arrêté au 6 mai 2024, qu’il n’y a eu aucun paiement depuis le mois de mars 2024 alors que M. [I] a retrouvé une activité salariée stable depuis un an.
Sur question de la cour, M. [I] indique qu’il a emprunté à ses frères au Burkina Fasso la somme de 12 000 euros versée à son bailleur.
La SCP [13] qui comparaît en personne par l’intermédiaire de son représentant légal, Me [J] [L], demande la confirmation du jugement dont appel.
Elle expose et fait valoir qu’elle a accompli un travail considérable pour M. [I] notamment dans le cadre d’une procédure en divorce longue et complexe, que des conventions d’honoraires ont été signées avec le client, qu’elle a alerté ce dernier sur l’importance des honoraires qui seraient facturés et qui n’ont au demeurant jamais été contestés, que M. [I] avait prétendu être apporteur d’affaires au Burkina Fasso et attendre des rentrées d’argent substantielles pour différer le paiement tout en incitant le cabinet à continuer à travailler, qu’il a attendu le dépôt des dernières conclusions pour changer d’avocat et déposer ensuite un dossier auprès de la commission.
Aucun des autres intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n’est représenté.
Les procédures inscrites au répertoire général sous les n° RG 23/5880, 23/5895 et 23/7052 concernent la même décision de première instance. Pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre ces affaires et de dire que la procédure en instance d’appel se poursuivra sous le seul n° RG 23/5880.
Compte tenu des limites de l’appel, il n’y a pas lieu de statuer sur les dispositions du jugement relatives à la recevabilité du recours qui conservent leur plein effet.
L’article L. 711-1, alinéa 1er, du code de la consommation fait de la bonne foi du débiteur une condition de recevabilité au bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement.
La bonne foi est présumée et le créancier qui entend la contester doit donc prouver la mauvaise foi du débiteur. Le juge doit apprécier la bonne foi au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue
Le constat de la mauvaise foi est subordonné à l’imputation au débiteur d’un élément intentionnel, qui résulte de la connaissance qu’il ne pouvait manquer d’avoir du processus de formation de la situation de surendettement et de la volonté, non de l’arrêter mais de l’aggraver, sachant pertinemment qu’il ne pourrait faire face à ses engagements. La mauvaise foi peut aussi être retenue lorsque la preuve est rapportée d’une inconséquence assimilable à une faute. En revanche, l’imprévoyance ou la négligence du débiteur sont des comportements insuffisants pour retenir la mauvaise foi.
Si, à la différence des causes de déchéance, la question de la bonne foi du débiteur est en principe appréciée à la date du dépôt du dossier auprès de la commission, sauf à tenir compte d’éléments antérieurs ou concomitants à ce dépôt mais révélés postérieurement, il en va autrement en cas d’aggravation de la situation de surendettement par le non paiement de charges courantes. En effet, le juge peut et même doit actualiser l’état des créances tout au long de la procédure de sorte que, le cas échéant, il doit également pouvoir apprécier le comportement du débiteur dans la poursuite du processus d’endettement lequel ne relève pas des causes limitatives de déchéance telles qu’énumérées à l’article L. 761-1 du code de la consommation.
En tout état de cause, la faute même intentionnelle sans rapport avec la situation de surendettement est impropre à caractériser la mauvaise foi.
Au cas d’espèce, le premier juge a retenu par de justes motifs que la cour fait siens que M. [I] avait mis en confiance la SCP [13] par des promesses de règlement de ses honoraires alors qu’il savait pertinemment qu’il ne serait pas en mesure de les régler, qu’il résulte en effet des pièces produites aux débats que M. [I] a évoqué sa qualité d’apporteur d’affaires au Burkina Fasso et la perception prochaine de rentrées d’argent et ce, à plusieurs reprises pour rassurer son interlocuteur alors qu’il a reconnu à l’audience devant le premier juge qu’il n’avait pas d’activité génératrice de revenus en lien avec le Burkina Fasso.
A hauteur d’appel, il sera ajouté que M. [I] ne pouvait ignorer d’une part, l’importance des honoraires passés et à venir compte tenu des conventions d’honoraires signées et des factures régulièrement éditées, d’autre part son incapacité compte tenu de ses revenus et charges mais aussi de l’existence d’autres dettes de pouvoir les payer, enfin, de l’effet de ses promesses sur la poursuite de son mandat par son conseil, étant observé que les dernières conclusions de quarante pages ont été signifiées via le RPVA le 11 mars 2022 alors que M. [I] a déposé son dossier auprès de la commission le 13 avril 2022 en déclarant à l’égard de la SCP [13] une dette de 13 676,58 euros.
Cette créance était au deuxième rang d’importance quant à son montant et représentait près de 27% du passif déclaré, soit plus d’un quart dudit passif, lors du dépôt du dossier auprès de la commission.
Par ailleurs, le premier juge a également souligné que la dette locative avait fortement augmenté depuis la décision de recevabilité de la commission, en l’absence de tout paiement de son loyer par M. [I] depuis le mois de mai 2022.
A hauteur d’appel, la SA d’HLM [21] indique avoir reçu deux paiements d’un montant respectif de 9 000 euros et 4 000 euros ayant soldé la dette en septembre 2023.
M. [I] produit une reconnaissance de dette dont il résulte que le 5 septembre 2023, M. [K] [V], qui a signé également ce document, lui a prêté la somme de 9 000 euros.
Ce document ne permet donc pas d’établir l’origine du paiement de 4 000 euros en date du 18 septembre 2023.
Par ailleurs, selon courriel reçu à la cour le 12 janvier 2024, l'[12] indique qu’elle n’a plus de créance à l’encontre de M. [I] grâce notamment à deux paiements substantiels de 1 000 euros le 12 juillet 2023 et de 1 150 euros le 5 août 2023.
Ainsi, sur une période de deux mois, M. [I] a mobilisé une somme de 6 150 euros pour régler des créances liées à son logement et à la poursuite de la scolarité de ses enfants, sans s’expliquer sur l’origine de ces fonds et alors qu’il prétend par ailleurs, être dans l’incapacité de régler ses créanciers, ne verse pas régulièrement son loyer courant et demande une mesure d’effacement.
En conséquence, et sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les autres arguments développés par le premier juge, ces éléments caractérisent suffisamment la mauvaise foi de M. [I] au sens des dispositions précitées.
M. [I] étant irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement, il n’y a pas lieu d’examiner la question de la pertinence ou non des mesures imposées par la commission.
Au vu de l’issue du litige, M. [I] sera condamné aux dépens de la procédure.
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les n° RG 23/5880, 23/5895 et 23/7052 sous le numéro unique RG 23/5880,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles ;
Condamne M. [R] [B] [I] aux dépens,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers des [Localité 26].
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, faisant fonction, La présidente,
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