Choix des sanctions
La Cour d’appel de Paris serait-elle entrée en résistance ? Suite à 1ère cassation annulant le licenciement de deux salariées pour injure raciste contre des laveurs de vitres, la Cour d’appel a maintenu sa position. L’injure raciste est sans conteste une faute mais tout le débat, si l’affaire est à nouveau portée en cassation, se cristallisera autour de la sévérité des sanctions : licenciement ou avertissement ?
Cet acte de résistance juridique fait suite à la décision de la Cour de cassation (Ch. Soc., 3/12/2014) qui avait cassé et annulé un arrêt de la cour d’appel de Paris confirmant le licenciement pour faute grave d’une salariée responsable des ventes. Cette dernière avait proféré des insultes à caractère racial à l’encontre de laveurs de vitres (« Tu as vu, tu as un singe derrière toi » ; « Oui, j’en ai un derrière moi et c’est pas Brad Pitt ».). Les juges suprêmes avaient retenu que la sanction du licenciement, s’agissant d’un fait isolé, décidé à l’encontre de salariées présentant une grande ancienneté apparaissait disproportionnée.
Volet pénal de l’injure
L’employeur, alerté par d’autres salariés choqués par les propos tenus par leurs collègues, a pris l’initiative de licencier les auteurs.
En matière d’injure, sur le terrain du droit pénal, les prestataires victimes avaient la possibilité de porter plainte soit contre l’employeur (responsabilité des préposés) soit directement contre les salariées.
En effet, aux termes de l’article R624-4 du Code pénal (CP), l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe (750 euros au plus). Suivant l’article R624-6 du CP, les personnes morales déclarées responsables pénalement, encourent également une amende.
Liberté d’expression, injure et faute grave
En l’espèce, le débat sur la liberté d’expression du salarié n’avait pas lieu d’être car une insulte raciale est hors du périmètre légal de ce qui est admis en matière de liberté d’expression.
Concernant la proportionnalité de la sanction, le Code du travail pose que tout licenciement pour motif personnel doit avoir une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du code du travail).
La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il invoque. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. La faute grave ne suppose pas nécessairement la répétition.
En cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. La motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Les juges d’appel ont retenu que les salariées ont bien échangé entre elles à haute voix des propos à caractère raciste au sujet de deux laveurs de vitres d’origine africaine présents sur le site. Une faute grave étant caractérisée, le licenciement prononcé à leur encontre n’était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.
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