Invoquant la découverte de la commercialisation par la société Marks & Spencer dans ses magasins de produits alimentaires de sa gamme « discount » sous le signe « Simply », les sociétés ISMS et ATAC, ont poursuivi l’enseigne anglaise pour contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme.
Nullité de la marque Simply
En application du droit communautaire, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu’à condition qu’ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ainsi que l’a rappelé la CJUE alors CJCE dans un arrêt du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd. Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l’origine commerciale du produit.
Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d’identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l’originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu’elle désigne indépendamment de ses conditions d’exploitation et soient d’emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique.
La marque « SIMPLY » a été déposée pour désigner notamment en classe 35 des « services de vente au détail de produits alimentaires ». Elle est une marque verbale composée de l’unique adverbe anglais simply qui peut se traduire par simplement, justement ou totalement.
Au sens de l’article 7§2 du Règlement, la distinctivité et le caractère descriptif de la marque verbale doivent être appréciés sur la partie du territoire de l’Union européenne sur lequel la langue du signe est la langue maternelle de la population à qui s’adresse la marque ou sur lequel la connaissance suffisante de cette langue par le public ciblé est un fait notoire. A cet égard, le TUE a jugé dans une décision Liz Earle Co. Ltd c. OHMI du 9 décembre 2010 qu’une compréhension de base de la langue anglaise par le grand public est un fait notoire dans les pays scandinaves, les Pays-Bas et la Finlande auxquels peuvent s’ajouter les pays dans lesquels l’anglais est une langue officielle tels l’Irlande et Malte.
En France, le consommateur moyen qui constitue le public pertinent a une connaissance de l’anglais de niveau baccalauréat. Dès lors, l’adverbe simply étant particulièrement usuel, ses sens seront aisément et directement compréhensibles par le public anglophone et par le public français. Bien qu’il s’agisse d’un adverbe, il peut, selon le contexte de son utilisation, avoir une fonction laudative.
Dans son arrêt du 21 janvier 2010 Audi AG c. OHMI rendu sur l’application de l’article 7§1 du Règlement (CE) n° 40/94, la CJUE a rappelé que les marques composées de signes ou d’indications utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques peuvent être enregistrées malgré cette utilisation et sans que l’appréciation de leur caractère distinctif implique des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes. Elle ajoutait que, en dépit de l’unité des critères d’appréciation du caractère distinctif, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et en déduisait que la distinctivité des marques verbales constituées de slogans publicitaires, du fait de leur nature même, était plus difficile à établir. Elle précisait enfin que le simple fait qu’une marque soit perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises, n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif, la connotation élogieuse d’une marque verbale n’excluant d’ailleurs pas qu’elle soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne.
Ainsi, une marque constituée d’un terme laudatif, même banal (CJCE, 16 septembre 2004, Sat.1 c. OHMI), peut être distinctive à la condition qu’elle soit apte à jouer sa fonction de garantie d’origine commerciale ce qui est exclu si elle est uniquement et d’emblée perçue par le public pertinent comme un message publicitaire ou promotionnel ordinaire.
Or, confronté à l’adverbe Simply seul pour désigner des services de vente au détail de produits alimentaires, le public pertinent de langue anglaise et plus généralement entendant ses termes usuels, qui comprendra immédiatement qu’il pourra bénéficier de services simplement offerts et exécutés et qui n’est pas attaché aux règles de grammaire qu’il sait usuellement ignorées dans les messages de nature publicitaire ou promotionnelle, percevra exclusivement une appréciation qualitative tendant à vanter les mérites des services rendus et non une garantie d’origine commerciale.
Immédiatement et exclusivement appréhendé par le public pertinent comme un message de nature promotionnelle, le signe déposé n’est pas apte à remplir sa fonction de garantie d’origine et n’est pas intrinsèquement distinctif.
En conséquence, l’enregistrement de la marque verbale communautaire « SIMPLY » a été annulé pour les « services de vente au détail de produits alimentaires » en classe 35. Privée de droit sur sa marque, les sociétés ISMS et ATAC n’avaient donc plus ni qualité ni intérêt à agir en contrefaçon.
Nullité de la marque Simply Market
De même, la marque Simply Market n’est pas descriptive des produits visés faute de participer de l’identification de leurs caractéristiques intrinsèques mais est destinée à vanter leurs mérites sur un plan commercial. Et, composée de termes banals induisant clairement une opposition aux structures habituelles des supermarchés et hypermarchés, « Simply Market » sera immédiatement et exclusivement perçue par le public pertinent comme ayant cette unique fonction promotionnelle et non comme pouvant garantir l’origine commerciale des produits visés au dépôt. Exclusivement appréhendé par le public pertinent comme un message de nature promotionnelle, le signe déposé n’est pas apte à remplir sa fonction de garantie d’origine et n’est pas intrinsèquement distinctif.
Par ailleurs, la CJUE alors CJCE a jugé dans son arrêt Imagination Technologies c. OHMI du 1 1 juin 2009 que l’interprétation littérale tant de l’article 7§3 du Règlement que de l’article 3§3 de la directive 89/104 implique que le caractère distinctif d’une marque doit avoir été acquis par un usage de la marque antérieur à la date de la demande d’enregistrement (ce qui n’était pas le cas en l’espèce).
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