Converse : un risque de cloisonnement du marché ?

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Dans le cadre d’une opération spéciale, la société AUCHAN a proposé à la vente, dans la plupart de ses magasins, des chaussures revêtues des marques CONVERSE hautes ou basses, au prix unique de 39,90 euros. A la suite d’une retenue douanière, la société CONVERSE a obtenu l’autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège social de la société AUCHAN France. La question était de déterminer si la société AUCHAN était en droit de vendre les marchandises en cause (épuisement des droits de la société CONVERSE) et si elle pouvait invoquer un  risque de cloisonnement des marchés. Ce risque dispense la société AUCHAN de rapporter la preuve de la première commercialisation sur le territoire européen et partant, de révéler sa source d’approvisionnement, en transférant au titulaire de la marque la charge d’établir la mise sur le marché en dehors de l’espace européen.

Libre circulation des marchandises de marque

Selon les articles L.713-4 du même code et 13 du règlement, le droit conféré par la marque ne permet cependant pas à son titulaire d’en interdire l’usage pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l’espace économique européen, sous cette marque, par lui-même ou avec son consentement. Autrement dit le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à la libre circulation des produits marqués à l’intérieur de l’espace économique européen après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace par lui-même ou avec son consentement.

L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque française ainsi que l’usage d’une marque française reproduite, sans l’autorisation de son propriétaire. De même en application de l’article 9 du règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée dispose d’un droit exclusif et est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux visés à son enregistrement.

En revanche, l’importation de produits marqués dans l’espace économique européen, sans l’autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu’à l’acquéreur final. Il incombe à celui qui invoque l’épuisement du droit de le prouver pour chacun des exemplaires du produit concerné par le litige, c’est à dire d’établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par le titulaire de la marque ou avec son consentement, même implicite.

Dans l’hypothèse d’un risque réel de cloisonnement du marché, il s’opère un renversement de la charge de la preuve en ce que le défendeur à l’action en contrefaçon est autorisé à ne pas révéler sa source d’approvisionnement -un membre du réseau de distribution exclusive- et il appartient alors au titulaire de la marque de démontrer que les produits en cause ont été initialement mis dans le commerce, par lui-même ou avec son consentement, en dehors du territoire de l’espace économique européen.

La CJUE a en effet dit pour droit que « une règle de preuve en vertu de laquelle l’épuisement du droit de marque constitue un moyen de défense pour le tiers poursuivi par le titulaire de la marque, de sorte que les conditions de cet épuisement doivent, en principe, être prouvées par le tiers qui 1 ‘invoque, est compatible avec le droit communautaire et, notamment, avec les articles 5 et 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, telle que modifiée par 1’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

Cependant, les exigences découlant de la protection de la libre circulation des marchandises, consacrée, notamment, aux articles 28 CE et 30 CE, peuvent nécessiter que cette règle de preuve subisse des aménagements. Ainsi, dans l’hypothèse où le tiers parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans 1 ‘Espace économique européen au moyen d’un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’Espace économique européen.

Si cette preuve est apportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’Espace économique européen (C-244/00 VAN DOREN + Q. GmbH / LIFESTYLE SPORTS + SPORTWEAR HANDELGESELLSCHAFT mbH -8 avril 2003).

Appréciation du risque de cloisonnement du marché

L’opérateur économique est libre d’organiser comme il l’entend les modalités de distribution des marchandises qu’il commercialise, sous réserve que cette organisation n’ait pas pour objet ou pour effet de porter atteinte aux principes de la concurrence et de la libre circulation des produits. Les accords entre partenaires sont licites, sauf s’il s’agit d’ententes qui ont pour conséquence de limiter les possibilités de l’acheteur de choisir sa source d’approvisionnement ou le marché sur lequel il écoulera un produit déterminé.

Ce « risque réel de cloisonnement » du marché n’est pas celui du cloisonnement absolu résultant d’un réseau de distribution étanche, totalement illicite mais est celui d’un réseau de distribution qui, au vu de différents éléments de la cause, laisse supposer avec une certaine probabilité qu’il est de nature à nuire à l’intégration des différents marchés nationaux, au sein du marché unique.

Contrefaçon retenue

En l’espèce, le refus opposé par la société CONVERSE de produire ses contrats de distribution ne permet pas d’en vérifier le contenu, ce qui ne permet pas en soi de déduire qu’il révélerait l’existence d’un risque réel de cloisonnement des marchés dont le constat suppose un examen global des éléments versés aux débats dont notamment les exemples de ventes passives, dites « pan-européennes » ou « intersecteurs ». La société AUCHAN n’a donc pu bénéficier du renversement de la charge de la preuve et a dû établir, pour chacun des produits en cause, le consentement du titulaire de la marque à leur commercialisation dans l’espace économique européen.  Il n’était pas démontré que les marchandises ont été acquises auprès d’un revendeur agréé situé dans l’espace économique européen et en conséquence, que la société CONVERSE a donné son consentement même implicite à la première commercialisation des produits.  L’usage illicite des marques était donc caractérisé (contrefaçon de marques retenue, 150.000 euros à titre de dommages et intérêts).

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