La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) n° 2016-925 du 7 juillet 2016 est entrée en vigueur. Son champ d’application est particulièrement vaste, de la production audiovisuelle et musicale, aux monuments historiques, en passant par l’archéologie préventive, l’architecture et les droits d’auteur, voici une présentation des mesures les plus significatives de la loi (en attendant les nombreux décrets d’application et négociations collectives en souffrance).
Cession écrite des droits d’auteur
L’article L. 131-2 du CPI pose désormais que tous les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit (et non plus comme auparavant les seuls contrats de représentation, d’édition, de production audiovisuelle et les autorisations gratuites d’exécution).
Transparence des comptes de production
Obligations du producteur délégué : le compte de production
Au titre des articles L. 213-24 et s. du Code du cinéma, tout producteur délégué d’une œuvre cinématographique de longue durée, d’une oeuvre appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant (admise au bénéfice des aides financières à la production du CNC) doit établir et transmettre le compte de production de l’œuvre aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il a conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation ainsi qu’aux coauteurs et, le cas échéant, aux éditeurs cessionnaires des droits d’adaptation audiovisuelle. Attention : cette reddition des comptes de production n’est applicable qu’en cas d’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre. Le compte de production comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la postproduction de l’œuvre, en arrête le coût définitif et indique les moyens de son financement. Les modalités du compte de production (définition des différentes catégories de dépenses …) seront déterminées par un accord professionnel.
Toute contrat de coproduction ou contrat de financement ainsi que les contrats conclus avec les auteurs et avec toute autre personne physique ou morale bénéficiant d’un intéressement aux recettes d’exploitation de l’œuvre, conditionné à l’amortissement du coût de production ou déterminé en fonction de l’amortissement de certains éléments de ce coût, comportent une clause rappelant l’obligations de reddition des comptes de production.
Audit des comptes de production
Le CNC a la faculté de procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte de production (pour toutes les œuvres cinématographiques mais aussi celles appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création ou de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant). Lorsque le rapport d’audit révèle l’existence d’une fausse déclaration pour le bénéfice des aides financières à la production du CNC, celui-ci peut procéder au retrait de l’aide attribuée.
Obligations des distributeurs : transmission des comptes d’exploitation
Tout distributeur qui, en sa qualité de cessionnaire ou de mandataire, dispose de droits d’exploitation pour la commercialisation d’une œuvre cinématographique de longue durée admise au bénéfice des aides financières à la production du CNC doit, dans les six mois suivant la sortie en salles, puis au moins une fois par an pendant la durée d’exécution du contrat conclu avec le producteur délégué, établir et transmettre à ce dernier le compte d’exploitation de cette œuvre.
Les éléments du compte d’exploitation sont fournis pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre en France ainsi que pour chaque territoire d’exploitation de l’œuvre à l’étranger, sauf pour ceux de ces éléments qui ne sont pas individualisables. Les coûts d’exploitation et leur état d’amortissement ne sont indiqués que lorsqu’ils sont pris en compte pour le calcul du montant des recettes nettes revenant au producteur. Les aides financières perçues par le distributeur et les frais généraux d’exploitation ne sont indiqués qu’en tant qu’ils se rapportent à l’œuvre concernée. L’état d’amortissement des minima garantis est indiqué dans tous les cas.
Le contrat de cession de droits d’exploitation ou le contrat de mandat de commercialisation de l’œuvre doit comporter une clause rappelant les obligations de transmission des comptes. Là aussi, le CNC peut faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d’exploitation.
Contrat de production : renforcement de l’information des coauteurs
Aux termes du nouvel article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle, le producteur audiovisuel doit fournir, au moins une fois par an, à l’auteur et aux coauteurs un état des recettes provenant de l’exploitation de l’oeuvre selon chaque mode d’exploitation. A leur demande, il leur fournit aussi toute justification propre à établir l’exactitude des comptes, notamment la copie des contrats par lesquels il cède à des tiers tout ou partie des droits dont il dispose.
A ce titre, toute cession du bénéfice d’un contrat de production audiovisuelle à un tiers ne peut intervenir qu’après une information préalable des coauteurs par le cédant dans un délai minimal d’un mois avant la date effective de la cession. Tout contrat de production audiovisuelle doit faire mention de l’obligation d’information préalable.
Nouveau cas de remboursement de la copie privée
Un nouveau cas de remboursement est introduit au CPI : la rémunération pour copie privée n’est pas due non plus par les personnes qui procèdent à l’exportation ou à la livraison intracommunautaire de supports d’enregistrement mis en circulation en France.
Handicap et accès à la culture
La loi élargit le bénéfice de l’exception d’accès aux oeuvres à l’ensemble des personnes empêchées, du fait de leur handicap, de lire ou de comprendre une œuvre compte tenu de la forme sous laquelle elle est mise à la disposition du public. Est également élargie l’offre disponible pour les personnes handicapées en mettant à leur disposition la totalité des catalogues des publications adaptées. Elle pose, à cet effet, l’obligation pour les associations et organismes agréés de déposer auprès de la Bibliothèque nationale de France les fichiers des documents adaptés afin de constituer un point unique de disponibilité de ces documents, garantissant ainsi la mutualisation des efforts et le partage des bénéfices. Il autorise également les organismes agréés à échanger entre eux les fichiers des ouvrages adaptés.
Nouveau statut de l’artiste amateur
La peur de la requalification de la participation d’un artiste en contrat de travail a motivé le législateur à mettre en place un statut de l’artiste amateur. L’idée étant d’éviter que le recours à des artistes amateurs soit considéré comme devant entraîner la conclusion d’un contrat de travail en raison de la présomption de salariat des artistes posée à l’article L. 7121-3 du code du travail. La présomption de lucrativité mentionnée à l’article L. 8221-4 du code du travail fait peser la menace de l’infraction de travail dissimulé sur les groupements amateurs qui se produisent avec une certaine fréquence en utilisant du matériel professionnel et en recourant à de la publicité. La loi a donc donné définition de l’artiste amateur ; précisé les conditions dans lesquelles un artiste amateur (ou un groupement d’artistes amateurs) peut se produire dans un but non lucratif en aménageant les règles du code du travail relatives à la présomption de lucrativité (article L. 8221-4) ; et a encadré les situations dans lesquelles un entrepreneur de spectacle professionnel agissant dans un cadre lucratif peut faire appel à des artistes amateurs sans être tenu de les rémunérer, nonobstant la présomption de salariat posée aux articles L. 7121-3 et 4 du code du travail.
A noter que la présomption de salariat dont bénéficient aujourd’hui les artistes du spectacle constitue une conquête sociale qui résulte de la mobilisation, à la fin du XIXe siècle, des artistes de cabaret pour ne plus être payés « au chapeau ». Consacrée par la loi n° 69-1186 du 26 décembre 1969 relative à la situation juridique des artistes du spectacle et des mannequins, cette présomption de contrat de travail, aujourd’hui codifiée à l’article L. 7121-3 du code du travail, a mis fin au désordre créé par une jurisprudence qui peinait à concilier la liberté de création artistique d’une part et le lien de subordination, qui est au cœur de la définition du contrat de travail, d’autre part.
Alors que la qualité d’artiste du spectacle ouvre un certain nombre de droits, l’article L. 7121-2 du code du travail ne donne pas de définition précise de ces artistes mais en dresse une liste non exhaustive, en précisant que les artistes concernés sont « notamment » ceux qui exercent les métiers cités. Cette énumération, même si elle demeure indicative, ignore toutefois l’artiste de cirque et le marionnettiste.
Or, l’appréciation de la qualité artistique des professions ne figurant pas explicitement à l’article L. 7121-2 précité peut donner lieu à des interprétations restrictives ou subjectives, sources d’insécurité juridique pour les artistes concernés.
Est ainsi artiste amateur dans le domaine de la création artistique toute personne qui pratique seule ou en groupe une activité artistique à titre non professionnel et qui n’en tire aucune rémunération. L’artiste amateur peut obtenir le remboursement des frais occasionnés par son activité sur présentation de justificatifs.
La représentation en public d’une œuvre de l’esprit effectuée par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs et organisée dans un cadre non lucratif, y compris dans le cadre de festivals de pratique en amateur, ne relève pas des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail.
Par dérogation à l’article L. 8221-4 du même code, la représentation en public d’une œuvre de l’esprit par un artiste amateur ou par un groupement d’artistes amateurs relève d’un cadre non lucratif, y compris lorsque sa réalisation a lieu avec recours à la publicité et à l’utilisation de matériel professionnel.
Le cadre non lucratif n’interdit pas la mise en place d’une billetterie payante. La recette attribuée à l’artiste amateur ou au groupement d’artistes amateurs sert à financer leurs activités, y compris de nature caritative, et, le cas échéant, les frais engagés pour les représentations concernées.
Toute personne qui participe à un spectacle organisé dans un cadre lucratif relève des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail et reçoit une rémunération au moins égale au minimum conventionnel du champ concerné. Toutefois, par dérogation, les structures de création, de production, de diffusion et d’exploitation de lieux de spectacles dont les missions prévoient l’accompagnement de la pratique amateur et la valorisation des groupements d’artistes amateurs peuvent faire participer un ou plusieurs artistes amateurs et des groupements d’artistes amateurs, constitués sous forme associative, à des représentations en public d’une œuvre de l’esprit sans être tenues de les rémunérer, dans le cadre d’un accompagnement de la pratique amateur ou d’actions pédagogiques et culturelles.
Obligations du producteur musical
La loi met à la charge des producteurs musicaux de nouvelles obligations dans leurs relations avec les artistes interprètes. Outre le rappel que le contrat d’enregistrement n’emporte pas dérogation à la jouissance des droits reconnus à l’artiste-interprète, la cession des droits de l’artiste-interprète est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans le contrat conclu avec le producteur de phonogrammes et que le domaine d’exploitation de ces droits soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature soit être expresse et stipuler, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes.
Lorsque l’artiste-interprète cède à un producteur de phonogrammes une créance sur les rémunérations provenant d’exploitations à venir de sa prestation en contrepartie d’une avance consentie par ce dernier, cette cession ne peut porter sur les rémunérations tirées de la communication du phonogramme au public (radiodiffusion / lieu public).
Le nouvel article L. 212-12 du CPI, dans une forme quelque peu déclarative précise « qu’en cas d’abus notoire dans le non-usage par un producteur de phonogrammes des droits d’exploitation qui lui ont été cédés, la juridiction civile compétente peut ordonner toute mesure appropriée ».
Minimum garanti à l’artiste
Assurer une juste rémunération des artistes-interprètes était une préoccupation du Gouvernement, qui avait conduit à confier à Marc Schwartz, conseiller-maître à la Cour des comptes, une mission de médiation sur le partage de la valeur. Après un peu plus de trois mois et demi de négociations, cette mission a abouti à la signature d’un protocole d’accord « Pour un développement équitable de la musique en ligne » le 2 octobre 2015. Dix-huit organisations professionnelles, dont six syndicats défendant les intérêts des artistes-interprètes – et représentant plus de 75 % des salariés de la filière, au regard des règles de représentativité définies par le droit du travail – l’ont signé. Convaincu qu’il revenait en premier lieu aux professionnels du secteur de se mettre d’accord sur les modalités de définition d’une juste répartition de la valeur, le Gouvernement a privilégié la voie de la poursuite des négociations.
Au titre de la loi, l’artiste interprète dispose désormais d’une rémunération minimale garantie, dont le montant devra être fixé par un accord collectif de travail (à finaliser d’ici à un an) : « le contrat conclu entre l’artiste-interprète et le producteur de phonogrammes fixe une rémunération minimale garantie en contrepartie de l’autorisation de fixation, rémunérée sous forme de salaire, de la prestation de l’artiste-interprète » (Art. L. 212-13). Chaque mode d’exploitation du phonogramme incorporant la prestation de l’artiste-interprète prévu au contrat devra faire l’objet d’une rémunération distincte. Sont regardées comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et sa mise à disposition par voie électronique. La mise à disposition d’un phonogramme de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, dans le cadre des diffusions en flux, fera aussi l’objet d’une garantie de rémunération minimale.
Lorsque le contrat conclu entre l’artiste et le producteur prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation, le producteur devra rendre compte semestriellement à l’artiste du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente. A la demande de l’artiste, le producteur devra fournir à un expert-comptable mandaté par l’artiste toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.
Exception aux droits de l’artiste-interprète
Le nouvel article L212-3-5 restreint les droits des artistes interprètes qui ne peuvent interdire la reproduction et la communication publique de leur prestation si elle est accessoire à un événement constituant le sujet principal d’une séquence d’une oeuvre ou d’un document audiovisuel.
Relations du producteur avec les plateformes de musique en ligne
Selon le nouvel article L. 213-2 du CPI, le contrat conclu par le producteur avec un éditeur de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales doit fixer les conditions de l’exploitation des phonogrammes de manière objective et équitable. Ces conditions ne peuvent comporter de clauses discriminatoires non justifiées par des contreparties réelles.
Gestion numérique des images d’œuvres d’art
A peine visés, Google Images et les services automatisés de référencement d’images se trouvent régis par une nouvelle disposition légale. On entend par service automatisé de référencement d’images « tout service de communication au public en ligne dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d’indexation et de référencement, des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne. »
Selon le nouvel article L. 136-2 du CPI, la publication d’une œuvre d’art plastique, graphique ou photographique à partir d’un service de communication au public en ligne emporte la mise en gestion, au profit d’une ou plusieurs sociétés de gestion collective et agréées à cet effet par le ministre de la culture, du droit de reproduire et de représenter cette œuvre dans le cadre de services automatisés de référencement d’images. A défaut de désignation par l’auteur ou par son ayant droit à la date de publication de l’œuvre, une des sociétés agréées est réputée gestionnaire de ce droit.
Les sociétés agréées seront les seules habilitées à conclure toute convention avec les exploitants de services automatisés de référencement d’images aux fins d’autoriser la reproduction et la représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques dans le cadre de ces services et de percevoir les rémunérations correspondantes.
Les conventions conclues avec les services de référencement devront prévoir les modalités de communication des relevés des exploitations des œuvres et toutes informations nécessaires à la répartition des sommes perçues aux auteurs ou à leurs ayants droit.
Une société souhaitant gérer les droits en cause devra bénéficier d’un agrément délivré en considération i) de la diversité des associés ; ii) de la qualification professionnelle des dirigeants ; iii) des moyens humains et matériels mis en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques.
La rémunération due au titre de la reproduction et de la représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques par les services automatisés de référencement d’images sera assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement (barème fixés par les sociétés de gestion collective).
Réforme du droit de suite
Selon le nouvel article L. 123-7 du CPI, après le décès de l’auteur, le droit de suite subsiste au profit de ses héritiers et, pour l’usufruit, de son conjoint, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes. L’auteur pourra transmettre le droit de suite par legs. En l’absence d’héritier et de legs du droit de suite, celui-ci reviendra au légataire universel ou, à défaut, au détenteur du droit moral. En l’absence d’ayant droit connu, ou en cas de vacance ou de déshérence, le tribunal de grande instance peut confier le bénéfice du droit de suite à une société de gestion collective agréée par le ministre de la culture.
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