Cette décision illustre à nouveau la nécessité de respect un préavis (même en l’absence de contrat) en cas de rupture du mandat d’intérêt commun en matière artistique.
Nature du mandat de gestion artistique
Aux termes de l’article L. 134 – 4 alinéa 1 du code de commerce « Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. » En l’espèce, les relations professionnelles entre l’artiste et une société ont fait l’objet d’échanges oraux et aucun document écrit n’a fixé les obligations et devoirs des parties.
Le Kbis fourni par la société précisait : « agence et représentation de toutes personnes physiques ou morales dans le domaine de la communication écrite, audiovisuelle, multi media ou tous autres moyens existant ou à créer, édition, production audiovisuelle. » La société exerçait donc des fonctions d’agent commercial et en cette qualité servait d’intermédiaire à différents artistes dans les domaines très vastes. L’artiste était proposé par la société sur des travaux et commandes et effectuait des prestations de création artistique en fonction des souhaits définis par les clients. Ces prestations étaient facturées et la société qui percevait alors sa commission.
L’intérêt commun des parties dans les relations même verbales, résidait donc dans l’intérêt personnel que le mandataire comme le mandant ont à mener à bonne fin les missions qu’ils se sont fixées l’un et l’autre, la société étant l’agent commercial de l’artiste qui était ainsi mis à disposition des clients présentés par la société.
Rupture brutale du mandant d’agent artistique
En l’espèce, tant la durée des relations (6 ans) que leurs rapports financiers consistant dans le commissionnement, démontraient que les parties avaient un intérêt commun tant à la recherche de clients et de contacts pour la société qu’à l’exécution des missions de création confiées à l’illustrateur graphiste. La réalisation de l’objet du mandat présentait un intérêt commun pour chacune des deux parties, d’où il résulte que la relation existant entre les parties était un mandat d’intérêt commun.
Aux termes de l’article 2003 du code civil « Le mandat finit : par la révocation du mandataire, par la renonciation de celui-ci au mandat…… ». Et de l’ article 2004 du code civil: « le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble… ». Il est constant toutefois que ces dispositions relatives au mandat ne s’appliquent pas au mandat d’intérêt commun.
Le mandat ayant été convenu dans l’intérêt commun du mandant et du mandataire, il ne peut être révoqué de façon unilatérale par l’une des parties. Il ne peut l’être que par consentement des deux parties, ou pour une cause légitime reconnue en justice ou encore selon les clauses du contrat.
L’illustrateur graphiste à supposer qu’il justifiait bien alors d’une cause légitime de rupture du mandat avec la société, devait cependant respecter en cas de révocation unilatérale d’un mandat d’intérêt commun verbal à durée indéterminée, d’un préavis raisonnable sauf à être condamné à des dommages et intérêts. En l’absence de dispositions contractuelles écrites entre les parties, il y a lieu pour apprécier le caractère raisonnable du préavis à respecter, de prendre en compte les usages de la profession et de se référer au « mandat d’artiste à agent artistique » établi par le syndicat français des agents artistiques qui prévoit un préavis de six mois en cas de rupture des relations contractuelles.
En conséquence, le tribunal a considéré comme fondé l’octroi d’une indemnité compensatrice pour non-respect du préavis par l’illustrateur graphiste. Cette indemnité a été fixée à 6 mois, calculée sur la moyenne annuelle de rémunération de l’illustrateur (soit environ 10 000 euros) à titre de dommages intérêts pour rupture brutale du mandat d’intérêt commun.
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