Application du droit d’auteur
Le flacon « Le Mâle » (Jean Paul Gaultier) bénéficie bien de la protection juridique du droit d’auteur. En faisant le choix d’associer, pour donner forme à un flacon de parfum et sans que rien n’impose une telle combinaison, la forme d’un buste masculin, une musculature accentuée, la couleur bleutée, un bouchon cylindrique tenant lieu de tête, et d’ôter de ce buste toute amorce de bras ou de jambes, l’auteur de cette oeuvre procédant d’un parti-pris esthétique, l’a marquée de son empreinte personnelle. Cette protection est doublée par celle du droit des marques.
Protection par le droit des marques
Le flacon incriminé commercialisé par un concurrent ne constituant pas la reproduction à l’identique du flacon « Le Mâle », les juges ont recherché s’il n’existait pas, entre eux, un risque de confusion (lequel comprend le risque d’association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.
Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle du signe et de la forme du flacon en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; à cet égard, le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque revendiquée possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause ; un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre le signe et la forme en cause et inversement.
S’agissant des produits de parfumerie en cause, leur similitude était certaine. L’argumentation du concurrent tiré de la différence de conditionnement des produits et de leurs conditions de vente à la clientèle est inopérante dès lors que l’étendue de la protection conférée par la marque est déterminée par son seul enregistrement et qu’il s’agit là d’éléments extérieurs aux produits de parfumerie visés à l’enregistrement de la marque.
Impression visuelle similaire
S’agissant de la comparaison visuelle, si le flacon du concurrent présentait certes, des différences tenant à la présence, dans cette marque, de bandes blanches, d’un bassin et d’un fessier non repris dans le flacon « Le Mâle », ces différences doivent cependant être considérées comme mineures dès lors qu’elles ne sont pas aptes à modifier l’impression visuelle produite par les formes en conflit sur le consommateur, qui n’aura pas simultanément sous les yeux le signe et le flacon, et qui, sans s’attacher aux éléments de détail invoqués, retiendra qu’il se trouve en présence de la représentation de troncs masculins dont la musculature est mise en valeur, d’une même couleur bleutée dont le mode d’obtention est indifférent, à la physionomie similaire du fait de leur commune absence de bras et d’un identique resserrement en partie basse du buste ainsi que de la semblable présence, aux lieu et place de la tête, d’un bouchon cylindrique de même aspect, peu important qu’occasionnellement, soit adjoint au bouchon du flacon incriminé un élément décoratif évoquant un éperon.
L’impression d’ensemble qui se dégage de la comparaison globale ainsi menée du signe figuratif revendiqué et du flacon incriminé est propre à générer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de leur proximité visuelle et des facteurs d’association relevés, ceci combiné à l’identité ou à la similarité des produits en cause, à confondre ou, à tout le moins, à associer la marque enregistrée et le flacon incriminé et à leur attribuer une origine commune en forme de déclinaison.