Propriété intellectuelle : L’usage sérieux de marque

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Fonction essentielle de la marque

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

Les usages du secteur

La juridiction prend en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (CJUE,11 mars 2003, Ansul, C 40/01).

En outre, la CJUE (19 décembre 2012 C-149//11 [I] [C]) a dit pour droit que, pour apprécier l’exigence de l’usage sérieux dans la Communauté d’une marque au sens de cette disposition, il convient de faire abstraction des frontières des Etats membres.

L’étendue territoriale

Enfin, dans son arrêt du 7 novembre 2019 (T-380/18, Intas Pharmaceuticals Ltd), le TUE a rappelé [80] «premièrement, que l’étendue territoriale n’est qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne et, deuxièmement, qu’une règle de minimis pour établir si ce facteur est rempli ne peut pas être établie. En effet, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque de l’Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, [I] [C], C-149/11, EU:C:2012:816, point 55). D’ailleurs, afin de qualifier de sérieux l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union. En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés.»

Appréciation globale des signes en présence

Pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, il convient également de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

En effet, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent un usage effectif et suffisant de la marque sur le marché concerné.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS



Pôle 5 – Chambre 1



ARRET DU 04 OCTOBRE 2023



(n°123/2023, 11 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : 22/09827 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3GP



Décision déférée à la Cour : Décision du 22 Avril 2022 -[7] – n° OP21-2306





DÉCLARANTE AU RECOURS



S.A. LESAFFRE ET COMPAGNIE

immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 316 055 672,

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Camille PECNARD du cabinet LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, toque E1626

Assistée de Me Camille PECNARD et Me Jeanne BRETON du cabinet LAVOIX, avocats au barreau de PARIS, toque E1626







EN PRESENCE DE :



MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'[7]

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représenté par Mme [M] [X], chargée de mission, munie d’un pouvoir général







APPELÉE EN CAUSE



Société ARVESTA BELGIUM BV

Immatriculée sous le numéro d’entreprise 0734.562.390

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Aarschotsesteenweg 84

[Adresse 2])

BELGIQUE



Représentée et assistée de Me Annette SION de l’ASSOCIATION HOLLIER-LAROUSSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0362







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.



Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON





ARRÊT :




Contradictoire

Exposé du litige



par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***





Vu la décision du 22 avril 2022, par laquelle le directeur général de l'[7] (INPI) a reconnu justifiée l’opposition formée le 25 mai 2021 par la société de droit belge ARVESTA BELGIUM B.V. (ci-après la société ARVESTA) sur la base de sa marque complexe de l’Union Européenne HERMOO déposée le 19 janvier 2000 enregistrée et renouvelée sous le n° 001475102 à la demande d’enregistrement du signe verbal [O] n°4743031 de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE,



Vu le recours formé le 19 mai 2022 par la société LESAFFRE ET COMPAGNIE (ci-après société LESAFFRE) contre cette décision,



Vu la convocation à l’audience du 27 juin 2023 adressée à la société requérante, à la société ARVESTA et au directeur général de l’INPI par messages du 28 décembre 2022,

Moyens




Vu les conclusions contenant l’exposé des moyens du recours signifiées via le RPVA le 28 février 2023 par la requérante qui demande à la cour de:

– DECLARER la société LESAFFRE ET COMPAGNIE recevable et bien fondée en son recours;

– ANNULER la décision du 22 avril 2022 rendue par Monsieur le Directeur général de l'[7] sous la référence OP21-2306, en ce qu’elle a fait droit à l’opposition formée par la société ARVESTA BELGIUM B.V. à l’encontre de la marque verbale française « [O] » 4743031 déposée le 12 mars 2021 par la société LESAFFRE ET COMPAGNIE pour des produits de « biostimulants des plantes, anti-carentiels des plantes et engrais pour les terres ; préparation fertilisante pour les plantes, vinasse pour les plantes (engrais), engrais foliaire » en classe n°1, et de « produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides ; herbicides ; parasiticides ; produits phytosanitaires ; produits fortifiant ou renforçant les défenses naturelles des plantes contre leurs agresseurs » en classe n°5 ;

– CONDAMNER la société ARVESTA BELGIUM B.V. à verser à la société LESAFFRE ET COMPAGNIE la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société ARVESTA BELGIUM B.V. au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Camille PECNARD du Cabinet LAVOIX en application de l’article 699 du code de procédure civile.



Vu les conclusions de la société ARVESTA notifiées par RPVA en date du 26 octobre 2022 qui demande à la cour de:

– Rejeter le recours formé par la Société LESAFFRE ET COMPAGNIE.

– Ordonner la notification de l’arrêt à intervenir à Monsieur le Directeur Général de l’INPI.

– Condamner la Société LESAFFRE ET COMPAGNIE à verser à la Société ARVESTA BELGIUM B.V. la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la Société LESAFFRE ET COMPAGNIE en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Annette SION, Avocat aux offres de droit.



Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI,



La requérante, la société ARVESTA et la représentante de l’INPI entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures,

Motivation






SUR CE :





Il est expressément renvoyé pour le détail des argumentations à la décision précitée ainsi qu’aux écritures et observations susvisées.



La société LESAFFRE a déposé le 12 mars 2021 la demande d’enregistrement n°4743031 portant sur le signe verbal [O] enregistré pour les produits suivants :

– Classe 1 : «Biostimulants des plantes, anti-carentiels des plantes et engrais pour les terres ; préparation fertilisante pour les plantes ; engrais pour les plantes, vinasse pour les plantes (engrais), engrais foliaire ;»

– Classe 5 : «Produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides ; herbicides ; parasiticides ; produits phytosanitaires ; Produits fortifiant ou renforçant les défenses naturelles des plantes contre leurs agresseurs.»



Le 25 mai 2021, la société ARVESTA a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de sa marque complexe de l’Union Européenne HERMOO déposée le 19 janvier 2000 enregistrée le 14 mars 2001 et renouvelée sous le n° 001475102 pour désigner les produits suivants:

– Classe 1 : «Engrais pour les terres et produits chimiques pour l’amendement des sols ;»

– Classe 5 : «Produits phytopharmaceutiques ; produits pour la destruction des animaux nuisibles; fongicides, herbicides ;»

– Classe 6 : «Produits métalliques non compris dans d’autres classes ; poteaux et fils en métal et clôtures métalliques.»







Par décision du 22 avril 2022, le directeur de l’INPI a fait droit à l’opposition en rejetant la demande d’enregistrement de la société LESAFFRE.

La société LESAFFRE conteste l’analyse retenue par l’INPI soutenant l’absence de preuve d’usage sérieux de la marque opposée puis l’absence de risque de confusion entre les deux signes au regard notamment du caractère faiblement distinctif du terme « HERM », à la différence des séquences finales MIA et MOO.



Le directeur général de l’INPI maintient le bien fondé de sa décision.



La société ARVESTA conclut au rejet du recours prétendant apporter la preuve de l’usage sérieux à titre de marque du signe déposé pour les produits visés à l’enregistrement et arguant du risque de confusion entre sa marque et le signe déposé par la société LESAFFRE pour des produits identiques ou similaires.





Sur l’usage sérieux de la marque opposée



La société LESAFFRE soutient que le signe « HERMOO » n’est utilisé qu’à titre de dénomination sociale, la société ARVESTA portant anciennement le nom d’HERMOO BELGIUM B.V., ou de nom commercial et que les produits prétendument désignés par le signe le sont, en réalité, par leurs propres noms et leurs propres logos, le signe « HERMOO » ne se retrouvant notamment qu’en en-tête de factures ou du site internet. Elle ajoute que l’usage sérieux n’est pas démontré sur le territoire français, la zone couverte par les adresses indiquées dans les factures versées au débat par la société ARVESTA étant trop restreinte pour prouver un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits concernés. Enfin, elle souligne que le site internet hermoo.be exploité par la société ARVESTA est certes disponible en français, mais qu’il s’agit d’un site belge.



La société ARVESTA répond qu’elle fait usage du même signe à la fois à titre de marque et de nom commercial et d’enseigne, comme cela se pratique couramment. Elle prétend prouver son usage à titre de marque sur des étiquettes, son site internet ou lors de congrès professionnels. Elle ajoute qu’il importe de tenir compte de la fréquence, de la constance et du volume de l’usage, qui est, en l’espèce, important comme en témoignent les montants des chiffres d’affaires des différents exercices atteignant, en moyenne, 39 millions d’euros.



Conformément à l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs de non-usage.



L’article L.714-5 du même code précise qu »est assimilé à un usage [sérieux] (‘.) :

1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (‘)

3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;

4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.’



L’article L.716-3-1 du même code prévoit que la preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.







Enfin, l’article R.716-6 1° du même code précise : ‘(…) Pour les demandes en déchéance fondées sur l’article L.714-5, les pièces produites par le titulaire de la marque doivent établir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la demande en déchéance’.



Ainsi, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.



Il convient de prendre en considération, dans l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (CJUE,11 mars 2003, Ansul, C 40/01).



En outre, la CJUE (19 décembre 2012 C-149//11 [I] [C]) a dit pour droit que, pour apprécier l’exigence de l’usage sérieux dans la Communauté d’une marque au sens de cette disposition, il convient de faire abstraction des frontières des Etats membres.



Enfin, dans son arrêt du 7 novembre 2019 (T-380/18, Intas Pharmaceuticals Ltd), le TUE a rappelé [80] «premièrement, que l’étendue territoriale n’est qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne et, deuxièmement, qu’une règle de minimis pour établir si ce facteur est rempli ne peut pas être établie. En effet, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque de l’Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, [I] [C], C-149/11, EU:C:2012:816, point 55). D’ailleurs, afin de qualifier de sérieux l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union. En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés.»



Pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En effet, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent un usage effectif et suffisant de la marque sur le marché concerné.



Sur la période pertinente



Il n’est pas contesté que la période pertinente à prendre en compte est comprise entre le 12 mars 2016 et le 12 mars 2021, soit cinq ans avant la demande d’enregistrement de la marque contestée.



La société ARVESTA a fourni notamment les preuves d’usage suivantes:

– de nombreuses factures datées de 2016 à 2020,

– des étiquettes des produits HERMOO de 2017 à 2021,

– des extraits de son site internet,

– des photographies ou extraits vidéos pris lors de congrés en 2017-2018,

– des rapports annuels attestant de son chiffre d’affaires de 2016 à 2019, qui varie entre 36 et plus de 40 millions d’euros,

– un prospectus présentant ses produits.



A l’exception du prospectus non daté, l’ensemble des éléments de preuves versés concernent la période pertinente.



Sur le lieu de l’usage



Contrairement à ce que soutient la société LESAFFRE, la marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, il incombe à la société ARVESTA de démontrer un usage non pas limité à la France mais sur le territoire de l’Union.



C’est en conséquence à juste titre que l’INPI a considéré que les diverses pièces versées par la société ARVESTA établissaient un usage dans l’Union européenne, principalement en Belgique mais, également, en Allemagne, aux Pays-Bas et à Chypre, les étiquettes des produits s’adressant à un public francophone, néerlandophone et germanophone, étant écrites en ces trois langues.

Par ailleurs, si comme le reconnaît la société ARVESTA, l’exploitation principale et la fabrication de ses produits se situe en Belgique, la cour rappelle qu’il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque de l’Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant. Ainsi, comme le relève la société ARVESTA, le marché de l’agriculture et des produits phytosanitaires varie selon les caractéristiques des terrioires concernés, selon la qualité de la terre ou des types de parasites présents dans les cultures concernées, justifiant que ces produits puissent n’être commercialisés que sur les territoires présentant ces particularités. En outre, les nombreuses factures communiquées attestent d’un volume de ventes important et constant sur les années 2016 à 2020, soit une exploitation commerciale avérée afin de créer et conserver des parts de marché pour les produits pour lesquels la marque a été enregistrée.



La cour retient en conséquence que la société ARVESTA apporte la preuve d’un usage sérieux du signe dans l’Union européenne.



Sur la nature de l’usage



La cour constate que si le terme HERMOO constitue l’ancien nom commercial de la société ARVESTA, il n’en demeure pas moins, comme l’a justement relevé l’INPI, que la marque antérieure est par ailleurs utilisée, à titre de marque, pour identifier l’origine commerciale des produits commercialisés. A cet égard, sur les factures produites, le signe tel que déposé, figure distinctement en en-tête, à gauche, tandis que la société est par ailleurs identifiée par sa dénomination sociale HERMMO BELGIUM B.V., son siège social et les coordonnées pour la contacter, outre ses informations bancaires, en en-tête à droite.







Ainsi, comme l’a pertinemment analysé l’INPI, cette présentation, que l’on retouve sur les étiquettes des produits opère une distinction claire entre, d’une part, les indications servant à identifier la société, et, d’autre part, l’indication de la marque représentée par le signe figuratif, tel que déposé, servant à identifier l’origine commerciale des produits.



En outre, si comme le constate la société LESAFFRE, les produits commercialisés par la société ARVESTA sont également présentés au public sous des noms distincts, il n’en demeure pas moins que le terme HERMOO figure sur l’ensemble des étiquettes de produits, comme une marque ombrelle, servant à désigner l’ensemble des produits, les sous-marques servant ainsi à individualiser les différentes types de produits proposés à la vente.



Enfin, ainsi que l’a constaté l’INPI, le signe, tel qu’enregistré, est également exploité à titre de marque comme en-tête sur le site internet de la société ARVESTA ou encore sur des stands installés lors d’événements profesionnels.



Ainsi, les pièces communiquées, et notamment les factures, les étiquettes, les photos et extraits de site internet et les chiffres d’affaires réalisés, fournissent des indications suffisantes concernant la période et le territoire pertinents, la nature et l’importance de l’usage ainsi que sur les produits exploités.

C’est en conséquence, à juste titre, que l’INPI a retenu que l’usage sérieux de la marque était établi à l’égard des produits revendiqués dans l’opposition à savoir « les engrais pour les terres et produits chimiques pour l’amendement des sols. Produits phyto-pharnaceutiques; produits pour la destruction des animaux nuisibles; fongicides, herbicides ».





Sur la comparaison des produits et des signes



Sur la comparaison des produits



La société LESAFFRE ne conteste pas l’identité et la similarité des produits et services en cause.



Sur la comparaison des signes



La société LESAFFRE soutient que la séquence « HERM » est faiblement distinctive, du fait de sa signification botanique, relativement au public pertinent à prendre en compte, en l’espèce les agriculteurs ayant une pratique industrielle. Elle considère au contraire, que les syllabes « MIA » et « MOO » sont arbitraires, distinctives et dominantes, notamment du fait de la faible présence, en langue français, du double O. Elle en déduit que, si les signes comportent la même séquence « HERM », les différences visuelle, phonétique et conceptuelle restent prépondérantes du fait notamment des syllabes finales, distinctes graphiquement, ayant une pronciation différente, outre la présence d’un élément figuratif représentant un végétal dans la marque opposée.



La société ARVESTA soutient que sa marque comporte un signe distinctif important, notamment du fait du caractère arbitraire de la séquence « HERM » eu égard au consommateur moyen. Elle retient que la partie verbale du signe doit être considérée comme l’élément dominant, de sorte que la dénomination « HERMOO » constitue le seul élément distinctif au sein de l’ensemble ; que les signes en présence sont de longueur identique et coïncident dans leur séquence d’attaque « HERM », tant graphiquement que phonétiquement. Par ailleurs, elle constate que les deux dénominations constituent des néologismes, de telle sorte que la comparaison conceptuelle ne saurait être effectuée, d’autant plus que l’appréciation du risque de confusion doit se faire au regard du consommateur moyen.



Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.



La jurisprudence européenne a, par ailleurs, précisé que dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque verbale et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque verbale puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.



Ainsi, si deux marques ont en commun un composant, il faut rechercher si ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, ou s’il occupe une place distinctive autonome, sans pour autant être dominante.

Ce n’est donc que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant, la Cour de justice ajoutant, que « le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable ».



Il convient donc de comparer les signes en litige avant de procéder à l’appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.



Le signe contesté est composé d’une unique dénomination « [O] » tandis que la marque antérieure est composée d’un signe figuratif associant le terme HERMOO accompagné d’éléments graphiques et figuratifs en couleur.



Visuellement, les termes [O] et HERMOO sont de longueur identique et ont en commun quatre lettres sur six, placées dans le même ordre, formant la séquence d’attaque « HERM ». Ainsi, même si ces deux éléments verbaux sont courts et se distinguent par leur sonorité finale, avec une terminaison en « OO » plus inhabituelle en français, ces différences ne sont pas suffisantes pour peser significativement sur la perception des signes par le consommateur, davantage focalisée sur leur attaque commune. S’il existe des éléments graphiques et figuratifs dans la marque opposée, absents du signe contesté, il n’en demeure pas moins que la représentation du terme « HERMOO » demeure prépondérante dans le signe, s’agissant de son graphisme noir et épais très singulier.







Phonétiquement, les deux signes ont les mêmes longueur et rythme, leur terminaison différente, IA/OO, n’étant pas de nature à écarter la perception d’ensemble assez proche de ces termes dominés par la séquence commune HERM, située en position d’attaque et prononcée pareillement [èrm]. La présence d’éléments graphiques et figuratifs en couleurs au sein de la marque antérieure n’affecte pas cette similarité, dès lors que ces éléments, imperceptibles phonétiquement, n’altèrent nullement le caractère essentiel et immédiatement perceptible de la dénomination HERMOO, la société requérante ne pouvant être suivie quand elle plaide que, du fait de l’apposition de l’élément figuratif au milieu du terme « HERMOO », la lecture du signe se scinderait en deux.



Conceptuellement, les termes [O] et HERMOO sont perçus comme des dénominations arbitraires, de pure fantaisie, de sorte qu’aucune différence intellectuelle n’est susceptible de supplanter leurs ressemblances visuelles et phonétiques.

Comme le retient l’INPI, si la société LESAFFRE soutient que la séquence commune HERM renvoie au mot « herm » / « erm » signifiant « terre aride » en latin et « friche, lande, désert » en occitan et ancien français, ou au terme français « ermitage », ces ethymologies échappent au public pertinent, soit le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, désirant entretenir et protéger ses végétaux ainsi que le professionnel de l’agriculture ayant une pratique industrielle et à grande échelle de son métier, la cour rappelant que le risque de confusion doit s’appécier vis à vis du consommateur des produits tels que désignés dans l’enregistrement, sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques.

De même, il n’est nullement établi que le public visé soit tenté d’isoler les terminaisons MOO de la marque première et MIA du signe contesté et perçoive cette dernière comme un prénom scandinave, comme le suggère la société requérante, ce signe court, composé d’un seul élément, étant apprécié dans son ensemble, rien n’incitant le consommateur à procéder à cette division.



Il résulte de ces éléments pris dans leur ensemble que, malgré la différence de finale et la présence d’éléments grahiques et figuratifs dans la marque opposée, absents dans le signe conesté, les signes présentent des similitudes.



Cette analyse est encore renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause. Ainsi, les signes sont constitués de termes très proches, soit « [O] » seul élément du signe contesté et « HERMOO », élément distinct et dominant de la marque antérieure. En effet, comme l’a justement relevé l’INPI, outre que ce dernier terme apparaît parfaitement arbitraire au regard des produits en cause, il retient l’attention du consommateur, étant le seul élément de la marque antérieure destiné à être lu et prononcé, les éléments verbaux étant habituellement prédominants dans les marques complexes, par rapport aux éléments figuratifs, aux yeux du consommateur qui n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire.

En outre, la présentation et les couleurs adoptées contribuent encore davantage à mettre en évidence l’élément verbal HERMOO, se trouvant inséré entre deux lignes vertes desquelles il ressort nettement par sa police d’écriture en caractères noirs et très épais. De plus, comme l’a justement retenu l’INPI, l’élément figuratif, représentant une branche épineuse dessinée dans un disque vert, ne retiendra pas davantage l’attention du consommateur comme faisant directement référence au domaine végétal et, donc, à la destination des produits en cause.











Enfin, si l’INPI ou certaines juridictions, dans le cadre d’autres contentieux, ont pu retenir l’absence de similitudes entre certains signes reprenant des séquences verbales en partie commune, ces décisions ne sauraient être transposables, dès lors que chaque litige diffère au regard tant de la comparaison des signes que des produits et services visés, à la lumière de tous les facteurs pertinents et propres à chaque cas d’espèce.



Il résulte, en conséquence, de la comparaison globale des signes en présence, qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, au vu de l’ensemble des critères pertinents au cas d’espèce, tenant compte de l’impression d’ensemble produite par les signes, de leurs éléments distinctifs et dominants ainsi que de l’identité et la similarité des produits visés qu’il existe un risque de confusion entre le signe [O] et la marque antérieure HERMOO, risque renforcé par le degré élevé de distinctivité de la marque antérieure, s’agissant d’une dénomination arbitraire et de pure fantaisie, comme il a été vu.



Ainsi, le consommateur moyen, n’ayant pas les deux marques sous les yeux simultanément et se référant à l’image imparfaite qu’il en a gardée à l’esprit, effectuera un rapprochement entre elles, en risquant de les confondre, ou, à tout le moins, de leur attribuer une même origine commerciale, le signe contesté étant susceptible d’apparaître comme une déclinaison de la marque antérieure, faisant référence à une nouvelle gamme de produits.



Le recours contre la décision du directeur de l’INPI doit, en conséquence, être rejeté.





Sur les autres demandes



La procédure de recours contre une décision du directeur général de l’INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens.



La société LESAFFRE, qui succombe, verra rejeter sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée à payer à la société ARVESTA sur ce fondement la somme de 2 000 euros.




Dispositif

PAR CES MOTIFS, LA COUR :





Par arrêt contradictoire



Rejette le recours formé par la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à l’encontre de la décision OP21-2306 du directeur général de l'[7] du 22 avril 2022;



Déboute la société LESAFFRE ET COMPAGNIE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à payer à la société ARVESTA BELGIUM B. V. la somme de 2 000 euros ;







Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'[7], par lettre recommandée avec accusé de réception.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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