Propriété intellectuelle : Le Roman Soumission de Michel Houellebecq : une contrefaçon ?

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En droit d’auteur, si la titularité des droits sur l’oeuvre revendiquée est du domaine de la fin de non-recevoir celui du caractère original de ladite oeuvre relève du bien ou du mal fondé de l’action et non de sa recevabilité.


Affaire Michel Houellebecq

L’auteur d’un manuscrit adressé à Flammarion / Gallimard (mais refusé à publication) sous le titre « Un musulman à l’Elysée » (roman relatant l’arrivée au pouvoir en France d’un président musulman vers 2050) avait été jugé irrecevable à agir en contrefaçon du roman « Soumission » de Michel Houellebecq.

Irrecevabilité censurée

Cette irrecevabilité a été censurée. La question de fond analysée par les premiers juges consistant à rechercher si certains passages de l’oeuvre revendiquée par l’auteur du roman « Un musulman à l’Élysée » étaient originaux et sujets à protection n’était pas une question de fond préalable nécessaire, au sens de l’article 789-6° du code de procédure civile, à l’appréciation de la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs qui ne pouvait concerner que la titularité des droits.

Analyse de l’originalité prématurée

Le tribunal, saisi d’une fin de non recevoir ne pouvait se livrer à une analyse de l’originalité de certains passages de l’oeuvre revendiquée.

Dès lors, la fin de non-recevoir telle que soulevée devant le juge de la mise en état devait être purement et simplement rejetée et il appartiendra à la collégialité saisie au fond après la procédure de mise en état de trancher du bien fondé de l’action relativement notamment à la preuve de l’antériorité de l’oeuvre revendiquée, à son originalité et à la matérialité de la contrefaçon alléguée.

 


 

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 12 MAI 2023

(n°77, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/10509 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CF5BD

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 mai 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°20/02610

APPELANT

M. [N] [C]

Né le 27 octobre 1969 à [Localité 7] (Sénégal)

De nationalité sénégalaise

Exerçant la profession d’agent de sécurité

Demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018

Assisté de Me Jean-Baptiste NGANDOMANE plaidant pour la SELARL JEAN-BAPTISTE NGANDOMANE, avocat au barreau de PARIS, toque G 143

INTIMES

M. [Z] [E] [T] dit [Z] [O]

Né le 26 février 1956 à [Localité 8] (La Réunion)

De nationalité française

Exerçant la profession d’écrivain

Demeurant [Adresse 2]

S.A. EDITIONS FLAMMARION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 6]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 321 921 546

S.A. EDITIONS GALLIMARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 572 206 753

Représentés par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistés de Me Yvan DIRINGER plaidant pour l’AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS, toque P 327

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 12 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, statuant sur un incident d’irrecevabilité initialement soumis au juge de la mise en état,

Vu l’appel interjeté le 31 mai 2022 par M. [N] [C],

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022 par M. [N] [C], appelant et incidemment appelé,

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 août 2022 par M. [Z] [E] [T], dit [Z] [O], la société Editions Gallimard et la société Editions Flammarion, intimés et appelants incidents,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 13 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

M. [C] se présente comme un journaliste et écrivain, auteur de plusieurs romans.

Il indique avoir adressé, en janvier 2013, un manuscrit d’un ouvrage intitulé La chute des barbelés aux Editions Gallimard qui l’a refusé par courrier du 26 mars 2013.

Il précise avoir à nouveau adressé ce manuscrit, cette fois sous le titre Un musulman à l’Elysée, aux Editions Flammarion en 2014, lesquelles ont également refusé de l’éditer par courriel du 6 août 2014.

Il ajoute qu’il ignorait alors que les Editions Flammarion avaient été rachetées en septembre 2012 par les Editions Gallimard.

Il expose avoir finalement pu publier son roman en septembre 2015 aux éditions Edilivre sous le titre Un musulman à l’Elysée, roman relatant l’arrivée au pouvoir en France d’un président musulman vers 2050.

M. [Z] [T], dit [Z] [O], se présente comme un romancier, essayiste et poète. En janvier 2015, il a publié aux Editions Flammarion un roman intitulé Soumission.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 avril 2015 l’avocat de M. [C] a indiqué à la société Editions Flammarion qu’il considérait que l »uvre Soumission portait atteinte aux droits moraux et patrimoniaux d’auteur de son client sur le manuscrit Un musulman à l’Elysée qu’il lui avait été adressé au printemps 2014 et demandait ses observations sur ce point.

La société Editions Flammarion répondait que les accusations portées contre M. [O] étaient infondées, mettait en garde M. [C] de poursuites pour diffamation et précisait, par un second courrier, que le manuscrit Soumission lui avait été remis à une date excluant toute possibilité de contrefaçon du manuscrit Un musulman à l’Elysée.

Par actes d’huissier de justice du 6 janvier 2020 puis des 5 et 6 mars 2020, M. [C] a fait assigner la société Editions Gallimard, la société Editions Flammarion et M. [O] devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de ses droits d’auteur sur son manuscrit La chute des barbelés et/ou Un musulman à l’Elysée.

La société Editions Gallimard, la société Editions Flammarion et M. [O] ont saisi le juge de la mise en état du tribunal d’un incident d’irrecevabilité des demandes de M.[C] faute pour celui-ci de démontrer sa qualité d’auteur.

M. [C] a répliqué en arguant de l’irrecevabilité et du mal fondé de la fin de non-recevoir, en précisant qu’il souhaitait faire trancher par la collégialité toutes les demandes qui pourraient amener le juge de la mise en état à trancher le fond du dossier et a formulé devant ce magistrat des demandes tendant à voir prononcer des injonctions de communications de certaines pièces, subsidiairement de désignation d’un expert judiciaire et également des demandes de provisions tant sur les frais du procès que sur les dommages et intérêts.

Faisant application de l’article 789-6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état a, selon les termes du jugement entrepris, « prononcé la clôture le 18 janvier 2022 et renvoyé l’affaire devant le tribunal afin qu’il soit statué sur la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs, ainsi que sur la question de fond qui lui est préalable, précisément, la question de l’existence ou non dans l »uvre litigieuse de reproductions d’extraits d’écrits ou d’ouvrages attribuées à d’autres auteurs ».

Le jugement déféré, statuant sur l’incident dans ce cadre procédural a :

Sur la question de fond :

– constaté que M. [C] n’est pas l’auteur des passages suivants du manuscrit Un musulman à l’Elysée :

– de la page 18, ligne 23, à la page 22, ligne 14,

– de la page 23, ligne 24, à la page 25, ligne 4,

– de la page 25, ligne 5, à la page 26, ligne 2,

– de la page 26, ligne 3, à la page 27, ligne 26,

– de la page 27, ligne 27, à la page 28, ligne 2,

– de la page 28, ligne 3, à la page 30, ligne 15,

– de la page 33, ligne 14, à la page 36, ligne 15,

– de la page 3 7, ligne 4, à la page 47, ligne 23,

– de la page 49, ligne 1, à la page 51, ligne 10,

– en page 67, lignes 12 à 27,

– en page 75, de la ligne 10 à la dernière ligne,

– de la page 76, ligne 1, à la page 77, ligne 16,

– de la page 79, ligne 1, à la page 91, dernière ligne (soit l’entier chapitre 4),

– de la page 99, ligne 22, à la page 101, ligne 19,

– de la page 104, ligne 20, à la page 107, ligne 4,

– de la page 113, ligne 2, à la page 118, ligne 24,

– de la page 121, ligne 1, à la page 139, ligne 5,

– en page 140, lignes 18 à 26,

– de la page 141, ligne 30, à la page 142, ligne 14,

– de la page 143, ligne 9, à la page 144, ligne 29,

– en page 145, lignes 6 à 16,

– de la page 145, ligne 17, à la page 146, ligne 25,

– en page 147, de la ligne 6 à la ligne 26,

– en page 148 de la ligne 1 à la ligne 11,

– de la page 148, ligne 12, à la page 149, ligne 13,

– de la page 150, ligne 11 à la page 151, ligne 13,

– en page 152, de la ligne 18 à la dernière ligne,

– de la page 153, ligne 4, à la page 157, ligne 13,

– de la page 158, ligne 3, à la page 159, dernière ligne,

– de la page 163, ligne 1, la page 166, ligne 5,

– de la page 166, ligne 6, à la page 170, ligne 17,

– de la page 170, ligne 18, à la ·page 173, ligne 17,

– de la page 173, ligne 23, à la page 179, ligne 6,

– de la page 179, ligne 14, à la page 181, dernière ligne,

– de la page 184, ligne 24, à la page 188, ligne 24,

– de la page 191, ligne 1, à la page 195, dernière ligne,

– de la page 197, ligne 14, à la page 216, ligne 8,

– de la page 216, ligne 12, à la page 243, ligne 15,

Sur la fin de non-recevoir :

– déclaré M. [C] irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur les passages précités de son manuscrit Un musulman à l’Elysée,

Sur les autres demandes :

– déclaré le tribunal incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles formées par M. [C],

– condamné M. [C] à payer à M. [O], à la société Flammarion et à la société Gallimard la somme de 5 000 euros chacun, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [C] aux dépens de l’incident, dont distraction au profit de l’AARPI Artlaw, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 28 juin 2022 à 10h pour les conclusions au fond de M. [O], de la société Flammarion et de la société Gallimard et demandé à M. [C] d’indiquer s’il souhaite maintenir ses demandes de communication de pièces, d’expertise judiciaire et de provision.

Le 29 mai 2022, M. [C] a déposé une requête en omission de statuer faisant grief aux premiers juges de n’avoir, dans leur jugement du 12 mai 2022, tiré « aucune conséquence » de leur « assertion » constatant qu’il serait « bien l’auteur des autres parties de cet ouvrage et dès lors recevable à agir en contrefaçon ».

Informé de l’appel formé le 31 mai 2022 à l’encontre dudit jugement, le juge de la mise en état a avisé les parties que le tribunal n’était plus compétent pour statuer sur la demande en réparation de l’omission de statuer alléguée, la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, devant dorénavant statuer sur cette demande.

Par ses dernières conclusions, M. [C] demande à la cour d’annuler ou infirmer le jugement entrepris et de,

A titre principal :

– déclarer irrecevable la fin de non-recevoir invoquée par M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion contre l’action en contrefaçon de droits d’auteur de M. [C],

– déclarer recevable et bien fondée l’action en contrefaçon de droits d’auteur et toutes les demandes de M. [C],

– condamner solidairement M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion à lui verser, à titre de provision pour le procès, la somme de 15 000 euros,

– condamner solidairement M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion à lui verser, comme de provision de créance au titre de la contrefaçon de son ‘uvre, la somme de 1 200 000 euros,

– ordonner à M. [O], à la société Gallimard et à la société Flammarion la production et/ou la communication de plusieurs pièces au juge et à M. [C] :

* la preuve du dépôt du manuscrit de Soumission aux éditions Flammarion avec une date certaine,

* le contrat d’édition de M. [O] avec les éditions Flammarion pour le roman Soumission,

* les états détaillés annuels des ventes du roman Soumission depuis 2014 à ce jour, y compris ceux des 42 traductions du roman dans le monde entier,

* tous les contrats ou le répertoire de ventes de droits étrangers de Soumission par Flammarion et/ou Gallimard (y compris par toutes sociétés de la holding Madrigall) et/ou M. [O] (cotitulaire des copyrights sur le roman litigieux),

* les états détaillés annuels des ventes communiquées par les maisons d’éditions étrangères depuis 2015 à ce jour aux éditions Flammarion ou à toutes sociétés de la holding Madrigall pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par M. [O] pour le roman Soumission,

* les justificatifs des avances de droits perçues par les éditions Flammarion ou toutes sociétés de la holding Madrigall des maisons d’éditions étrangères pour le roman Soumission,

* les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de la société Flammarion et/ou Gallimard ou toutes sociétés de la holding Madrigall depuis 2013 à ce jour pour M. [O], pour Mme [V] [M] (« l’éditrice » de M. [O]) ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (l’agent de M. [O]) pour le roman Soumission,

* les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de M. [O] depuis 2013 à ce jour, pour Mme [V] [M] (son « éditrice ») ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (son agent) pour le roman Soumission.

– ordonner à l’administration fiscale de produire et communiquer au juge de la mise en état qui se chargera de les transmettre aux parties plusieurs pièces :

* les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de la société Flammarion et/ou Gallimard ou toutes sociétés de la holding Madrigall depuis 2013 à ce jour pour M. [O], pour Mme [V] [M] (« l’éditrice » de M. [O]) ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (l’agent de M. [O]) pour le roman Soumission,

* les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de M. [O] depuis 2013 à ce jour, pour Mme [V] [M] (son « éditrice ») ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (son agent) pour le roman Soumission,

– donner acte à M. [C] qu’il entend faire juger la présente affaire par une collégialité de trois juges,

A titre subsidiaire,

– déclarer infondée et rejeter la fin de non-recevoir invoquée par M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion,

– désigner un expert (sachant) pour évaluer les retombées financières tirées de la publication en France et à l’étranger sur tous les supports, la cession de droits sur le roman Soumission, y compris de ses différentes traductions. Cet expert aura pour mission de :

* vérifier et évaluer les retombées financières du roman Soumission en France et à l’étranger sur tous types de supports,

* se faire communiquer tous les documents et pièces comptables, tous les documents qu’il estimera utiles à sa mission par les parties et par l’administration, notamment l’administration fiscale,

* établir un constat détaillé de la situation existante,

* dire que, dans ce cas, libre accès devra être donné, après avis de l’expert, aux documents des maisons d’édition sans qu’il puisse se faire opposer le secret professionnel ou tout autre secret,

– autoriser l’expert à recueillir des déclarations de toutes personnes informées et se faire assister de toutes personnes de son choix en cas de nécessité,

* dire qu’en cas de nécessité, l’expert déposera des pré-rapports avant le dépôt de son rapport définitif,

* dresser l’état des comptes de l’exploitation du roman Soumission,

* dire que l’expert désigné devra se faire remettre par les parties, l’administration dont l’administration fiscale notamment :

– la preuve du dépôt du manuscrit de Soumission aux éditions Flammarion,

– le contrat d’édition de M. [O] ou tout ayant droit avec les éditions Flammarion pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par M. [O] ou tout ayant droit pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par les éditions Flammarion ou toutes sociétés de la holding Madrigall des maisons d’éditions étrangères pour le roman Soumission,

– l’état détaillé des ventes du roman Soumission de chaque année depuis 2014 à ce jour, y compris des 42 traductions du roman dans le monde entier,

– tous les contrats ou le répertoire de ventes de droits étrangers de Soumission par Flammarion et/ou Gallimard (y compris par toutes sociétés de la holding Madrigall) et/ou M. [O] (cotitulaire des copyrights sur le roman litigieux),

– les états détaillés des ventes communiqués par les maisons d’éditions étrangères depuis 2015 à ce jour aux éditions Flammarion ou à toutes sociétés de la holding Madrigall pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par M. [O] pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par les éditions Flammarion ou toutes sociétés de la holding Madrigall des maisons d’éditions étrangères pour le roman Soumission,

– les justificatifs des avances de droits perçues par les éditions Flammarion ou toutes sociétés de la holding Madrigall des maisons d’éditions étrangères pour le roman Soumission,

– les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de la société Flammarion et/ou Gallimard ou toutes sociétés de la holding Madrigall depuis 2013 à ce jour pour M. [O], pour Mme [V] [M] (« l’éditrice » de M. [O]) ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (l’agent de M. [O]) pour le roman Soumission,

– les liasses fiscales y compris les déclarations DAS 2 (déclarations fiscales pour le paiement des commissions ou honoraires) de M. [O] depuis 2013 à ce jour, pour Mme [V] [M] (son « éditrice ») ou toutes structures la représentant et pour M. [E] [U] et/ou la société Intertalent (son agent) pour le roman Soumission.

Puis en tout état de cause,

– rejeter les demandes adverses et toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Enfin,

– condamner solidairement M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion à payer pour la 1ère instance et l’appel la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M. [C],

– condamner solidairement M. [O], la société Gallimard et la société Flammarion aux entiers dépens, y compris, tous frais d’huissiers, de sociétés de compilations des ventes de livres et d’expertise pour la procédure de première instance et la présente procédure recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés Editions Gallimard et Editions Flammarion et M. [L] demandent à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il constate que M. [C] n’est pas l’auteur de 38 passages visés du manuscrit Un musulman à l’Elysée,

– infirmer le jugement entrepris en ce que, ayant constaté que M. [C] n’est pas l’auteur de 38 passages visés du manuscrit Un musulman à l’Elysée, il a implicitement reconnu que celui-ci est l’auteur des autres passages,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il déclare M. [C] irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteurs sur les seuls passages visés de son manuscrit Un musulman à l’Elysée,

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que M. [C] n’apporte pas la preuve de sa qualité d’auteur,

– déclarer M. [C] irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il constate que M. [C] n’est pas l’auteur de 38 passages visés du manuscrit Un musulman à l’Elysée,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il déclare M. [C] irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur les passages précités de son manuscrit Un musulman à l’Elysée,

En tout état de cause et y ajoutant,

– confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions,

– débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [C] à verser à M. [O], à la société Editions Flammarion et à la société Gallimard, chacun, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [C] aux entiers dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés directement par les avocats des appelants conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Sur la fin de non recevoir et les questions de fond

L’article 789-6° du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente procédure, dispose que le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir et précise que :
«Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. ».

L’article 122 du code de procédure civile énonce que :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

Le juge de la mise en état, saisi par les défendeurs à l’instance d’une fin de non-recevoir liée à la qualité d’auteur de M. [C] sur l »uvre qu’il revendique, a renvoyé la procédure à la formation collégiale pour connaître du bien fondé de l’irrecevabilité soulevée.

En droit d’auteur, si la titularité des droits sur l »uvre revendiquée est du domaine de la fin de non-recevoir celui du caractère original de ladite ‘uvre relève du bien ou du mal fondé de l’action et non de sa recevabilité.

Or, le jugement dont appel a déclaré partiellement irrecevable l’action de M. [C] en considérant que certains passages, énoncés au dispositif du jugement, de son manuscrit constituaient des reproductions serviles ou quasi-serviles d’autres écrits émanant de divers auteurs et ne pouvaient servir de fondement à une action en contrefaçon engagée par M. [C].

En l’état, il n’est pas contesté que M. [C] a adressé deux manuscrits, l’un intitulé La chute des barbelés à la société des Editions Gallimard qui l’a refusé le 26 mars 2013 et l’autre intitulé Un musulman à l’Elysée à la société des Editions Flammarion en 2014 qui l’a refusé le 6 août 2014.

La titularité des droits de M. [C] sur ces manuscrits, dont la quasi-identité est avérée, n’est pas contestée par les intimés sauf à dire que certains passages sont issus d’autres ‘uvres et ne sont pas susceptibles de protection ou encore à reprocher le manque de preuve du contenu exact des manuscrits respectivement adressés à chacune des sociétés Editions Gallimard et Editions Flammarion.

Le fait que M. [C] a repris de manière servile ou quasi-servile certains passages d »uvres préexistantes pour les intégrer dans son manuscrit, ne remet pas en cause sa qualité de titulaire des droits sur ledit manuscrit dans son ensemble, la conséquence de ces diverses reprises sur l’originalité de l »uvre opposée au titre de la contrefaçon de droit d’auteur relevant du bien fondé de l’action.

La question de fond analysée par les premiers juges consistant à rechercher si certains passages de l »uvre revendiquée par M. [C] étaient originaux et sujets à protection n’était pas une question de fond préalable nécessaire, au sens de l’article 789-6° du code de procédure civile, à l’appréciation de la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs qui ne pouvait concerner que la titularité des droits. Le tribunal, saisi d’une fin de non recevoir ne pouvait se livrer à une analyse de l’originalité de certains passages de l »uvre revendiquée.

Dès lors, la fin de non-recevoir telle que soulevée devant le juge de la mise en état devait être purement et simplement rejetée et il appartiendra à la collégialité saisie au fond après la procédure de mise en état de trancher du bien fondé de l’action relativement notamment à la preuve de l’antériorité de l »uvre revendiquée, à son originalité et à la matérialité de la contrefaçon alléguée.

Ainsi, le jugement qui a tranché une question de fond qui ne pouvait lui être soumise sera infirmé de ce chef et également en ce qu’il a jugé partiellement irrecevable M. [C] à agir en contrefaçon.

La fin de non recevoir soulevée par les intimées relative au défaut de qualité d’auteur sera déclarée recevable mais mal fondée.

En revanche le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré le tribunal incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles formées par M. [C] de communication de pièces, d’expertise et de provision et renvoyé ces demandes devant le juge de la mise en état pour éventuellement en connaître.

La demande formée au dispositif des dernières conclusions de M. [C] de «déclarer bien fondée l’action en contrefaçon de droits d’auteur et toutes les demandes de M. [C] » ne peut qu’être en l’état rejetée par la cour.

Sur les frais et dépens

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement quant aux condamnations prononcées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les dépens de première instance et d’appel du présent incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application en l’état de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles formées par M. [C] de communication de pièces, d’expertise et de provision et renvoyé pour éventuellement en connaître au juge de la mise en état,

Déclare recevable mais mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Editions Gallimard, la société Editions Flammarion et M. [Z] [E] [T] dit [Z] [O],

Déboute les parties de toutes leurs demandes contraires ou plus amples et de celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d’appel de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

La Greffière La Présidente

 

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